CA Lyon, 1re ch. civ. B, 1 avril 2025, n° 23/04270
LYON
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gonzalez
Conseillers :
Mme Lemoîne, Mme Lecharny
Avocats :
Me Fournel-Palle, Me Pibarot
EXPOSE DU LITIGE
Par acte notarié du 21 novembre 2018, M. [K] et Mme [N] (les acquéreurs) ont acquis une maison d'habitation à M. [S] (le vendeur).
Estimant que le poêle à granules installé dans la maison ne remplissait pas les normes de sécurité exigées, ils ont fait citer le vendeur devant le tribunal judiciaire de Roanne par acte introductif d'instance du 1er octobre 2020 aux fins de condamnation, principalement au titre de la garantie des vices cachés et, subsidiairement, sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, à leur payer la somme de 3.828 euros TTC représentant le coût de la remise en état du conduit du poêle à granules, celle de 2.000 euros au titre de leur préjudice moral et de jouissance, outre 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.
Par jugement avant-dire droit du 10 janvier 2022, le tribunal judiciaire a ordonné une expertise avec pour mission d'examiner l'installation du poêle à granules, de déterminer les conditions de son fonctionnement et de dire si elles sont conformes aux règles de l'art et aux normes de sécurité en vigueur, de dire si cette installation présente un danger quelconque à son utilisation et si les éventuels défauts rendent l'utilisation du poêle impropre à son usage et indiquer les travaux propres à y remédier en évaluant le coût.
L'expert a déposé son rapport le 14 juin 2022.
Par jugement contradictoire du 24 avril 2023, le tribunal judiciaire de Roanne a :
- débouté les acquéreurs de toutes leurs demandes,
- débouté le vendeur de sa demande au titre de la procédure abusive,
- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les acquéreurs aux dépens.
Par déclaration du 24 mai 2023, les acquéreurs ont interjeté appel.
Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées le 25 septembre 2023, les acquéreurs demandent à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise,
En conséquence
- homologuer en toutes ses dispositions le rapport d'expertise,
- dire et juger que leur action à l'encontre du vendeur, sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, est recevable, eu égard au silence dolosif annihilant la clause de non-garantie dont il se prévaut,
- dire et juger que le vendeur ne pouvait ignorer le vice caché dont est atteint le conduit d'évacuation des fumées du poêle,
- condamner le vendeur au paiement de la somme de 3.828 euros TTC, représentant le coût de remise aux normes du conduit du poêle à granulés de bois,
- condamner le vendeur au paiement d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, et du trouble de jouissance causés,
A titre infiniment subsidiaire,
- condamner le vendeur au paiement de la somme de 3.828 euros TTC, à titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation pré-contractuelle de renseignement,
- condamner le vendeur au paiement d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et du trouble de jouissance,
En tout état de cause,
- condamner le vendeur au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 code de procédure, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
***
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 25 juillet 2023, le vendeur demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau dire mal appelé bien jugé, confirmant,
- débouter les acquéreurs déclarer leur appel et les demandes recevables,
- les dire mal fondées,
- condamner les acquéreurs à la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les acquéreurs aux dépens de la procédure d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 mars 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, ajoutant au jugement, il convient de débouter les acquéreurs de leur demande d'homologation du rapport d'expertise judiciaire, cette pièce n'étant que l'un des éléments de preuve soumis à la discussion des parties et à l'appréciation de la cour pour trancher les demandes des parties.
1. Sur la garantie des vices cachés
Mme [N] et M. [K] font notamment valoir que:
- l'expert qui a examiné l'installation du poêle indique n'avoir pu vérifier l'existence d'un conduit à double paroi du fait de l'absence de trappe de visite ou de trappe de ramonage, alors que ces installations sont obligatoires,
- le coût de la mise en conformité s'élève à 3 828 euros,
- le conduit de l'évacuation étant situé dans les combles, il n'ont pu se rendre compte de l'absence de trappe de visite,
- le vendeur ne les a pas informés qu'il avait installé le poêle lui-même, sans se soucier de la conformité de son évacuation, de la nature simple ou double de la paroi du conduit et sans installer de trappe de visite pour le ramonage,
- le ramoneur les a informés le 30 octobre 2019 que le système d'évacuation n'était pas conforme et a refusé de procéder au ramonage,
- en cas de défaut de ramonage, ils s'exposent à un risque d'incendie, de sorte que l'utilisation du poêle, qui est le seul moyen de chauffage des pièces à l'étage, est impossible,
- le vendeur, qui n'a jamais fait ramoner l'installation, ne les a pas informés de sa non-conformité,
- il se borne à affirmer que le conduit d'évacuation est à double paroi, de sorte qu'il connaît sa composition et donc la non-conformité du conduit des combles dépourvu de trappe de visite,
- il ne peut donc se prévaloir de la clause exonératoire de la garantie des vices cachés,
- l'absence de trappe de visite est également un vice caché,
- ils subissent un préjudice de jouissance qui doit être réparé.
M. [S] fait notamment valoir que:
- l'acte de vente stipule que le vendeur n'est pas tenu à la garantie des vices cachés,
- le non-respect des normes lors de l'installation du poêle, ainsi que du conduit d'évacuation n'est pas établi,
- il n'est pas démontré qu'il est de mauvaise foi puisqu'il a seulement remplacé l'ancien poêle à bois par un nouveau, sans modifier le conduit existant,
- l'expert n'a relevé aucune anomalie dans la pose du conduit,
- le diagnostic établi lors de la vente n'a pas permis de déceler une anomalie,
- le poêle n'a jamais posé de problème lors de son fonctionnement,
- en tout état de cause, le défaut du conduit de cheminée ne diminue pas l'usage de la maison et il n'est pas démontré que le conduit était encrassé,
- seul le ramoneur, dans un but commercial, a considéré que le ramonage n'était pas possible,
- le poêle à granulés est un poêle d'agrément, la maison disposant d'un autre système de chauffage,
- le conduit du poêle est visible dans les combles et l'absence de trappe est apparente, de sorte qu'elle ne saurait être considérée comme un vice caché,
- l'absence de doublage du conduit n'est pas démontrée, l'expert n'ayant pu le mettre en évidence.
Réponse de la cour
Il résulte des dispositions de l'article 1643 du code civil que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
En présence d'une telle clause, lorsque le vendeur n'est pas un professionnel de l'immobilier, il appartient à l'acquéreur qui se prévaut de la garantie des vices cachés, d'établir que le vendeur avait connaissance du vice.
En l'espèce, l'acte de vente du 21 septembre 2018 contient une clause exonérant le vendeur des vices cachés, de sorte qu'il appartient aux acquéreurs de rapporter la preuve qu'il avait connaissance des vices allégués, consistant en la non-conformité du conduit d'évacuation du poêle à granules qui n'aurait pas une double paroi ni de trappe de visite pour le ramonage.
Le vendeur indique qu'il s'est borné à remplacer l'ancien poële à granules par un nouveau, sans toucher au conduit existant, auquel il s'est simplement raccordé et qu'il n'a jamais noté de dysfonctionnement. Il ajoute qu'il n'a jamais fait ramoner le conduit, ayant acquis la maison seulement deux ans avant de la revendre.
L'expert judiciaire conclut que l'installation du poêle à granules est conforme aux règles de l'art, mais qu'il n'a pu vérifier l'existence d'un conduit double paroi, en l'absence de trappe de visite permettant de le visualiser.
Les acquéreurs ne produisent aucun élément de nature à établir que le vendeur avait connaissance du caractère obligatoire d'une trappe de visite et que le conduit en question n'en disposait pas.
La circonstance que le vendeur ait déclaré à l'expert que le conduit avait une double paroi ne permet pas plus d'établir qu'il avait connaissance du vice allégué, étant précisé qu'il appartient aux acquéreurs d'établir que le conduit ne dispose pas de double paroi, ce qui n'a pu être vérifié lors des opérations d'expertise.
Or, à défaut pour les acquéreurs de prouver que le vendeur avait connaissance des vices dont ils se prévalent, la clause d'exonération de garantie doit s'appliquer.
Au regard de ces éléments, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les acquéreurs de leurs demandes en paiement fondées sur la garantie des vices cachés.
2. Sur la réticence dolosive et le manquement à l'obligation d'information
Mme [N] et M. [K] font notamment valoir que:
- il ressort des déclarations du vendeur à l'expert qu'il avait connaissance de l'état du conduit et de sa non-conformité,
- le silence du vendeur est dolosif,
- l'acte de vente oblige le vendeur à leur donner connaissance de « l'ensemble des informations ayant un lien direct et nécessaire avec le contenu de présent contrat dont l'importance pourrait être déterminante pour son [leur] consentement »,
- le vendeur ne les a pas informés qu'il avait lui-même procédé à l'installation du poêle à granules par simple raccordement et non pas par un professionnel et que le conduit d'évacuation n'avait pas été vérifié,
- cette information était déterminante de leur consentement.
Réponse de la cour
Il a été précédemment vu que les acquéreurs ne rapportent pas la preuve que le vendeur avait connaissance des vices allégués.
A fortiori, il ne peut être fait grief au vendeur d'avoir sciemment caché aux acquéreurs les non-conformités affectant le conduit d'évacuation en ayant gardé le silence à ce propos.
Par ailleurs, les acquéreurs se prévalent de la stipulation insérée dans l'acte de vente, selon laquelle le vendeur s'oblige à les avertir de « l'ensemble des informations ayant un lien direct et nécessaire avec le contenu de présent contrat dont l'importance pourrait être déterminante pour son [leur] consentement », pour lui faire grief de ne pas leur avoir révélé qu'il avait procédé lui-même à l'installation du poêle à granules par un simple raccordement, sans vérifier la conformité du conduit.
Il appartient aux acquéreurs de rapporter la preuve que cette information avait un caractère déterminant de leur consentement.
Or, ils ne produisent aucun élément à cet égard, se bornant à affirmer, sans offre de preuve, que le poêle est l'unique moyen de chauffer l'étage, ce qui est contesté par le vendeur qui soutient qu'il s'agit d'un chauffage d'agrément.
Par ailleurs, le simple fait qu'il n'existe pas de trappe dans le conduit de fumée, qui est la seule non-conformité établie, est insuffisant pour rendre la maison impropre à l'habitation, d'autant que l'expert a indiqué que l'installation du poêle avait été correctement réalisée.
Dès lors, les acquéreurs ne rapportent pas la preuve que la circonstance que le vendeur n'ait pas précisé qu'il avait procédé lui-même à l'installation du poêle était déterminante de leur consentement pour acquérir ce bien immobilier.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les acquéreurs de leurs demandes en paiement, qu'elles soient fondées sur la réticence dolosive ou sur le défaut d'information.
3. Sur les autres demandes
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit du vendeur, en appel. Les acquéreurs sont condamnés in solidum à lui payer à ce titre la somme de 2.500 '.
Les dépens d'appel sont à la charge des acquéreurs qui succombent en leur tentative de remise en cause du jugement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Mme [F] [N] et M [J] [K] de leur demande d'homologation du rapport d'expertise,
Condamne in solidum Mme [F] [N] et M [J] [K] à payer à M. [R] [S], la somme de 2.500 ' au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Condamne in solidum Mme [F] [N] et M [J] [K] aux dépens de la procédure d'appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.