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Décisions

CA Rennes, 1re ch., 1 avril 2025, n° 22/00119

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 22/00119

1 avril 2025

1ère chambre B

ARRÊT N°

N° RG 22/00119

N° Portalis DBVL-V-B7G-SLVT

(Réf 1ère instance : 20/01516)

M. [R] [H]

C/

M. [T] [H]

SA [12]

SCI [16]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 1er AVRIL 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Président : Madame Véronique VEILLARD, présidente de chambre

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, président de chambre

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, conseillère

GREFFIER

Madame Morgane LIZEE lors des débats et Madame Elise BEZIER lors du prononcé

DÉBATS

A l'audience publique du 1er octobre 2024

ARRÊT

Rendue par défaut, prononcé publiquement le 1er avril 2025 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré initialement prévu le 3 décembre 2024

****

APPELANT

Monsieur [R] [H]

né le [Date naissance 5] 1952 à [Localité 13]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Thibault DOUBLET de la SELARL THIBAULT DOUBLET, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER et par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉES

SA [12], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTES sous le numéro 855.801.072, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 8]

Représentée par Me Pierre SIROT de la SELARL RACINE, avocat au barreau de NANTES

Monsieur [T] [H]

né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 17]

[Adresse 6]

[Localité 4]

non comparant, non représenté

SCI [16] Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

non comparante, non représentée

EXPOSÉ DU LITIGE

1. Suivant acte du 1er décembre 2006, la banque [12] a consenti à la société [14] une ouverture de crédit à hauteur de la somme de 130.000 ' destinée à financer l'achat d'un bâtiment.

2. Suivant avenant du 5 juin 2008, la banque [12] a consenti à augmenter l'ouverture de crédit allouée à la somme de 280.000 '.

3. Par acte du 1er décembre 2006, renouvelé le 22 septembre 2011, M. [R] [H] s'est engagé, en qualité de caution solidaire, à régler les sommes dues par la société [14] dans la limite de la somme de 84.000 '.

4. La société [14] n'ayant pas réglé les sommes dues au terme fixé au 31 décembre 2013 et ayant fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ouverte par décision du tribunal de commerce de Quimper le 4 avril 2014, la banque [12] a mis en demeure la caution de régler les sommes dues par la société [14] dans la limite de 84.000 '.

5. Or, suivant acte du 31 juillet 2012, M. [R] [H] avait fait donation à son fils M. [T] [H] de la nue propriété des 15050 parts sociales qu'il détenait dans le capital de la SCI [16], après avoir, cinq jours plus tôt, de concert avec Mme [V], décidé d'augmenter le capital social de cette SCI pour le porter de 2.000 à 302.000 '.

6. Considérant que cet acte de donation a été conclu en fraude de ses droits, la banque [12] a fait assigner M. [R] [H] et M. [T] [H] devant le tribunal de grande instance de Quimper ainsi que la SCI [16], suivant acte d'huissier du 26 juillet 2017, aux fins de lui voir déclarer inopposable la donation intervenue le 31 juillet 2012.

7. Suivant jugement du 6 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Quimper a sursis à statuer sur cette demande dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes saisie du recours formé contre le jugement du tribunal de commerce de Quimper du 9 décembre 2016.

8. La cour d'appel de Rennes ayant, par arrêt du 14 janvier 2020, infirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Quimper et condamné M. [R] [H] à verser à la banque la somme de 84.000 ' avec intérêts au taux légal à compter de la décision en exécution de son engagement de cautionnement solidaire souscrit le 22 septembre 2011, la banque [12] a sollicité la remise au rôle de l'affaire.

9. Par jugement du 16 novembre 2021, le tribunal a :

- déclaré inopposable à la banque [12] l'acte authentique dressé le 31 juillet 2012 par Me [G] [Z], notaire associé de l'office notarial Rive Droite - Iroise sis [Adresse 2] à [Localité 11], portant donation de la nue-propriété des 15050 parts détenues par M. [R] [H] au capital de la SCI [16], société civile immobilière au capital de 302 000 ', immatriculée au RCS de Quimper sous le numéro [N° SIREN/SIRET 9], dont le siège social est situé [Adresse 3] et ce, au profit de son fils M. [T] [H],

- condamné M. [R] [H] à verser à la banque [12] la somme de 3.000 ' sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la décision,

- rejeté toute autre demande,

- condamné M. [R] [H] aux dépens et accordé le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du code de procédure civile à la SELARL [18] représentée par Me Pierre Sirot qui en a fait la demande,

- rejeté la demande présentée par la banque [12] tendant à voir mettre à la charge de M. [R] [H] les frais d'exécution forcée de la décision.

10. Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que la créance de la banque [12] était certaine en son principe au moment où elle a introduit son action, que la contestation formée est indépendante de tout partage successoral, que ce qui doit être qualifié d'acte de donation (en l'absence de contrepartie avérée) constitue incontestablement un appauvrissement et que l'usufruit conservé par M. [R] [H] n'a aucune valeur puisque toute cession de cet usufruit est vouée à l'échec, la nue-propriété des parts sociales étant évaluée à 150.500 ' et M. [T] [H] étant interdit de céder la nue-propriété de ces parts du vivant de M. [R] [H], dont l'insolvabilité est établie en raison de son impossibilité de satisfaire à l'engagement souscrit auprès de la banque [12] qui a subi une fraude à ses droits.

11. Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Rennes du 10 janvier 2022, M. [R] [H] a interjeté appel de cette décision.

* * * * *

12. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 28 août 2024, M. [R] [H] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau,

- débouter la banque [12] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la banque [12] à lui verser la somme de 3.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la banque [12] aux entiers dépens.

* * * * *

13. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 3 septembre 2024, la banque [12] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- juger mal fondé M. [R] [H] en ses demandes, fins et prétentions,

- l'en débouter,

- condamner M. [R] [H] à lui verser la somme de 6.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [R] [H] aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SELARL Racine, avocat aux offres de droit conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

* * * * *

14. Ni M. [T] [H], à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 11 avril 2022 par remise de l'acte en étude d'huissier, ni la SCI [16], à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 7 avril 2022 par remise de l'acte en étude d'huissier, n'ont constitué avocat.

15. L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2024.

16. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'action paulienne

17. Pour solliciter l'infirmation du jugement, M. [R] [H] fait valoir que la valeur de l'usufruit conservé (150.500 ') permet de couvrir l'engagement souscrit (84.000 '), de sorte qu'il ne peut pas être considéré comme insolvable. Il estime que la donation de la nue-propriété, faite en avancement de part successorale, avait pour lui un intérêt fiscal lié à l'exonération de l'abattement en matière de cession de parts sociales. Il affirme enfin que la société [14] ne connaissait aucune difficulté au moment de la donation, la fraude devant être appréciée au jour de la conclusion de l'acte litigieux, de sorte que la créance de la banque [12] n'était pas certaine à ce moment-là.

18. La banque [12] réplique que la donation de la nue-propriété de ses parts détenues dans le capital de la SCI [16] par M. [R] [H] au profit de son fils, intervenue quelques mois seulement après son engagement de caution et après avoir souscrit à une augmentation du capital de la SCI à hauteur de 300.000 ', constitue un acte d'appauvrissement commis en fraude de ses droits, a fortiori en présence d'un démembrement du droit de propriété. Pour elle, il suffisait que sa créance fût certaine, c'est-à-dire fondée en son principe, au moment de la donation frauduleuse, ce qui est le cas puisque celle-ci est intervenue postérieurement à l'engagement de caution de M. [R] [H], sa créance étant devenue depuis liquide et exigible depuis un arrêt de la cour d'appel de Rennes du 14 janvier 2020, la créance pouvant être liquide et exigible seulement au jour où le juge statue sur son action paulienne et non à la date à laquelle l'acte d'appauvrissement litigieux a été commis à son préjudice par son débiteur. Elle affirme qu'il ne lui appartient pas de démontrer l'insolvabilité avérée de M. [R] [H] au jour de la réalisation par ce dernier de l'acte de donation litigieux et que les parts sociales démembrées, seul actif dont disposait M. [R] [H], ne constituent pas un élément d'actif qui peut être saisi, surtout en présence d'une clause d'inaliénabilité, l'usufruit ayant ici été en outre surévalué.

Par ailleurs, elle prétend que l'insolvabilité apparente de M. [R] [H], dont le compte d'associé était dépourvu de toute valeur au 31 décembre 2013, doit s'apprécier au jour de la conclusion de l'acte de donation litigieux le 31 juillet 2012, et non postérieurement. Enfin, elle estime que M. [R] [H] ne rapporte pas la preuve d'une amélioration de sa situation au jour où l'action paulienne a été engagée.

Réponse de la cour

19. L'article 1167 du code civil, dans sa version applicable au litige, dispose que les créanciers 'peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits'.

20. À la faveur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ce principe a été ainsi réécrit à l'article 1341-2 : 'Le créancier peut aussi agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d'établir, s'il s'agit d'un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude'.

21. La fraude paulienne n'implique pas nécessairement l'intention de nuire mais elle résulte de la seule connaissance que le débiteur a du préjudice causé au créancier par l'acte litigieux. Toutefois, l'action paulienne, lorsqu'elle tend à la révocation d'un acte consenti par le débiteur à titre gratuit, n'est pas subordonnée à la preuve de la complicité du tiers dans la fraude commise par le débiteur.

22. Les contrats conclus à titre gratuit constituent en eux-mêmes des actes d'appauvrissement puisqu'aucune contrepartie n'est reçue par le débiteur. La donation peut donc être évidemment critiquée au titre de l'action paulienne, dès lors qu'elle appauvrit nécessairement le débiteur donateur.

23. C'est à la date de l'acte par lequel le débiteur se dépouille que les juges doivent se placer pour déterminer s'il y a eu fraude ou non.

24. Si les créanciers peuvent faire révoquer les actes faits par le débiteur en fraude de leurs droits, cette révocation ne peut être prononcée que si, à la date d'introduction de la demande, les biens appartenant encore au débiteur ne sont pas de valeur suffisante pour permettre au créancier d'obtenir son paiement.

25. Si le créancier établit l'insolvabilité au moins apparente du débiteur au jour de l'acte litigieux, c'est au débiteur de prouver qu'il dispose de biens de valeur suffisante pour répondre de son engagement.

26. Il suffit, pour l'exercice de l'action paulienne, que le créancier justifie d'une créance certaine en son principe au moment de l'acte argué de fraude, même si elle n'est pas encore liquide et exigible. L'exigence de certitude est renforcée au moment de l'exercice de l'action : il faut alors que la créance soit née, donc que son existence soit certaine, et qu'elle ne soit pas éteinte.

27. En l'espèce, suivant acte du 1er décembre 2006, la banque [12] a consenti à la société [14], représentée par son gérant M. [R] [H], une ouverture de crédit à hauteur de la somme de 130.000 ' destinée à financer l'achat d'un bâtiment.

28. Par acte du 1er décembre 2006 qui sera renouvelé le 22 septembre 2011, M. [R] [H] s'est engagé, en qualité de caution solidaire, à régler les sommes dues par la société [14] dans la limite de 84.000 '.

29. Suivant avenant du 5 juin 2008, la banque [12] a consenti à augmenter l'ouverture de crédit allouée à la somme de 280.000 '.

30. Par l'acte querellé du 31 juillet 2012, M. [R] [H] a donné à son fils M. [T] [H] la nue propriété des 15050 parts sociales qu'il détenait dans la SCI [16], évaluées en pleine propriété à la somme de 301.000 ', soit, pour la nue propriété donnée, 150.500 ', après avoir, cinq jours plus tôt, de concert avec Mme [V], décidé d'augmenter le capital social de cette SCI pour le porter de 2.000 à 302.000 '. Dans cet acte, M. [R] [H] a par ailleurs fait interdiction au donataire de céder la nue propriété des parts sociales, sa vie durant. Enfin, aux termes de l'acte de donation, la valeur de l'usufruit conservé par M. [R] [H] peut être évalué à 150.500 '.

1 - la recevabilité de l'action paulienne :

31. Pour contester l'action paulienne, M. [R] [H], qui ne soutient plus l'application de l'article 882 ancien du code civil que le tribunal avait justement écartée au motif que la contestation était portée indépendamment de tout partage successoral, invoque un arrêt de la Cour de cassation (Civ. 1ère, 16 mai 2013, n° 12-13.367) qui considère que la créance du trésor public n'était pas certaine au moment où le juge saisi de l'action paulienne statuait, dès lors que les débiteurs avaient saisi les juridictions administratives aux fins de contestation de leur dette fiscale. La Cour de cassation se place ici sur le terrain de l'intérêt à agir, quand bien même M. [R] [H] se contenterait de solliciter le débouté de la banque [12]. Or, l'intérêt au succès ou au rejet d'une prétention s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice.

32. Au moment de l'acte frauduleux (31 juillet 2012), la banque [12] disposait d'une créance certaine à l'encontre de M. [R] [H] en vertu de l'acte de cautionnement au profit de la SCI [16] (1er décembre 2006).

33. Au moment de l'action paulienne (26 juillet 2017), le tribunal de commerce de Quimper avait certes, par jugement du 9 décembre 1016, débouté la banque [12] de ses demandes de condamnation formées à l'encontre de M. [R] [H], motif pris de l'irrégularité de son engagement de caution, mais la banque ne se trouvait pas pour autant dépourvue d'un principe de créance. En effet, elle avait fait appel le 23 décembre 2016 du jugement du 9 décembre 2016, si bien que, par l'effet suspensif de l'appel, le principe de la créance résultait toujours de l'engagement souscrit le 22 septembre 2011, ce qui conférait à la banque [12] un intérêt suffisant à agir.

34. Cette situation a logiquement conduit le tribunal de grande instance de Quimper à ordonner un sursis à statuer par jugement du 6 novembre 2018. Par arrêt du 14 janvier 2020, la cour d'appel de Rennes a infirmé le jugement du 9 décembre 2016 et condamné M. [R] [H] à payer à la banque [12] la somme de 84.000 ' au titre de l'engagement souscrit le 22 septembre 2011, la créance de la banque devenant certaine, liquide et exigible. Ce faisant, l'arrêt du 14 janvier 2020 n'a fait que conforter l'intérêt à agir de la banque [12].

35. En tant que de besoin, la banque [12] sera déclarée recevable en son action paulienne, le tribunal s'étant uniquement prononcé sur le fond.

2 - le bien-fondé de l'action paulienne :

36. M. [R] [H] affirme que l'acte de donation contesté, inspiré par de simples préoccupations fiscales, n'a pas abouti à un appauvrissement puisque la valeur de sa réserve d'usufruit (105.000 ') permet de faire face à son engagement de caution (84.000 ') et qu'aucune fraude n'existe au regard de la situation saine de la société [14] à l'époque, alors qu'il disposait à ce moment-là d'un compte courant d'associé créditeur à hauteur de 319.447 ' sur l'exercice arrêté au 31 décembre 2013 au sein de la SCI [15].

37. La cour observe que l'acte de donation du 31 juillet 2012 est intervenu seulement dix mois après le renouvellement de l'engagement de caution du 22 septembre 2011. La société [14] était nécessairement en grande difficulté dès cette époque puisqu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte le 20 septembre 2013, situation qui va conduire la banque [12] à produire le 3 décembre 2013 une créance de 631.858,98 ' (dont 601.941,05 ' de dette échue ou exigible), avant que la société ne soit liquidée le 4 avril 2014. M. [R] [H] ne pouvait ignorer ces difficultés en sa qualité de gérant de la société [14] qui a bénéficié de divers avenants, en dernier lieu le 14 février 2012, pour reporter le terme fixé pour le remboursement du prêt.

38. Aux termes de ce dernier avenant, la société [14] restait devoir à la banque [12] les sommes de :

- 280.000 ' au titre du compte foncier

- 591.380 ' au titre du compte travaux.

39. Par ailleurs, la seule production des bilans comptables de l'exercice 2012 de la SCI [15] faisant apparaître un compte courant d'associé créditeur à hauteur de 319.447 ' n'est pas suffisante à démontrer la solvabilité de M. [R] [H] à l'époque de la donation litigieuse, alors que la cour ignore tout de cette SCI et qu'il plaidait devant la 3ème chambre de la cour d'appel de Rennes
1: Il s'agit de l'instance ayant abouti à l'arrêt du 14 janvier 2020 condamnant M. [R] [H]

le caractère disproportionné de son cautionnement au regard de sa situation d'impécuniosité en ces termes : 'En l'occurrence, M. [H] ne pouvait manifestement, lors de l'engagement de caution, faire face au remboursement d'une somme de 84.000 ' au regard de ses revenus. Et pas plus aujourd'hui son patrimoine actuel ne lui permet de régler une telle somme' (conclusions du 17 mai 2017, pièce n° 13 de l'intimée).

40. Le capital social de la SCI [16] était initialement de 2.000 '. Sa répartition se faisait à égalité entre M. [R] [H] et Mme [V] (50 parts chacun). Il a été porté à 302.000 ' par assemblée générale du 27 juillet 2012
2: Le procès-verbal de cette assemblée générale n'est pas produit mais il ressort des statuts de la SCI [16] mis à jour le 31 juillet 2012 que cette augmentation du capital a été effectuée par 'apport de M. [R] [H] de la somme de 300.000 ' par compensation partielle de son compte courant d'associé'

, soit 4 jours avant la donation contestée, M. [R] [H] étant dorénavant titulaire de 15050 parts et Mme [V] de 50 parts.

41. Certes, M. [R] [H], qui justifie d'un intérêt fiscal à l'opération, avait 60 ans au moment de la donation de la nue propriété de ses 15050 parts à son fils M. [T] [H]. La valeur de son usufruit (50 %) a par ailleurs été correctement évaluée.

42. Mais, en démembrant ainsi son droit de propriété, qui plus est avec une clause d'inaliénabilité imposée au donataire de la nue propriété, M. [R] [H] ne pouvait ignorer qu'il privait ainsi la banque [12] de toute possibilité de voie d'exécution sur un usufruit rendu invendable par l'effet de la donation et, partant, dépourvu de toute valeur.

43. S'agissant d'une donation, c'est-à-dire sans contrepartie, cet acte constitue incontestablement un appauvrissement du débiteur, commis en fraude des droits de la banque [12] qui est bien fondée à la contester.

44. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré inopposable à la banque [12] l'acte authentique dressé le 31 juillet 2012 par Me [G] [Z], notaire associé de l'office notarial Rive Droite - Iroise sis [Adresse 2] à [Localité 11], portant donation de la nue-propriété des 15050 parts détenues par M. [R] [H] au capital de la SCI [16], société civile immobilière au capital de 302 000 ', immatriculée au RCS de Quimper sous le numéro [N° SIREN/SIRET 9], dont le siège social est situé [Adresse 3] et ce, au profit de son fils M. [T] [H].

Sur les dépens

45. Le chef du jugement relatif aux dépens de première instance sera confirmé. M. [R] [H], partie perdante, sera condamné aux dépens d'appel. La cour autorisera les avocats qui en ont fait la demande à recouvrer directement les dépens dont ils auraient fait l'avance.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

46. Le chef du jugement relatif aux frais irrépétibles de première instance sera confirmé. L'équité commande de faire bénéficier la banque [12] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3.000 '.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt de défaut mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

Déclare la banque [12] recevable en son action paulienne,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Quimper du 16 novembre 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [R] [H] aux dépens d'appel,

Autorise les avocats qui en ont fait la demande à recouvrer directement les dépens dont ils auraient fait l'avance,

Condamne M. [R] [H] à payer à la banque [12] la somme de 3.000 ' en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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