CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 27 mars 2025, n° 21/04632
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
God Save The Slim (SARL)
Défendeur :
God Save The Slim (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Recoules
Conseillers :
Mme Dupont, Mme Girousse
Avocats :
Me Fiehl, Me Pennaneac'h, Me Lagrange
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous-seing privé du 16 avril 2015, Mme [P] [O] veuve [V], M. [A] [V], M. [W] [V], M. [T] [V], Mme [M] [V] épouse [C], Mme [H] [V] épouse [D] (ci-après les consorts [V]) ont donné à bail à la société God Save The Slim, des locaux commerciaux à usage de « centre d'amincissement, commercialisation sous toutes formes de produits de beauté, de soins d'amincissement et leur mise en 'uvre, le modelage, les soins du corps du visage, du cuir chevelu, toutes opérations d'import et exports de produits correspondant à l'activité », situés [Adresse 5] à [Localité 20], pour une durée de neuf ans à compter du 16 avril 2015, moyennant un loyer annuel en principal de 36.970 euros.
Par actes extrajudiciaires des 23 et 24 décembre 2019, Mme [P] [V], usufruitière des locaux donnés à bail, a fait délivrer au preneur un commandement visant la clause résolutoire, d'avoir à payer la somme de 18.593,55 euros au titre des loyers et charges impayés selon décompte arrêté au 17 décembre 2019, la somme de 1.859,36 euros au titre de la clause pénale, outre le coût de cet acte.
Par acte extrajudiciaire du 12 mars 2020, les consorts [V] ont fait assigner la société God Save The Slim devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins essentielles de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail, ordonner l'expulsion de cette société et la voir condamner au paiement de la somme provisionnelle de 20.922, 26 euros au titre des loyers et des charges allant du 3ème trimestre 2019 au 1er trimestre 2020 inclus.
Par ordonnance du 25 juin 2020, signifiée le 1er septembre 2020 à la société locataire, le juge des référés a constaté l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 24 janvier 2020, ordonné l'expulsion de la société God Save The Slim et condamné cette société à titre provisionnel au paiement de la somme de 31.234, 97 euros au titre de l'arriéré de loyers et d'indemnités d'occupation.
Par actes d'huissier en date des 6, 7, 12 et 20 octobre 2020, après y avoir été autorisée par ordonnance du 23 septembre 2020, la société God Save The Slim a fait assigner les consorts [V] devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins :
- à titre principal, de faire déclarer irrecevables les demandes formulées par les consorts [V] dans leur assignation en référé du 12 mars 2020,
- à titre subsidiaire, de voir prononcer la nullité des commandements de payer signifiés les 23 et 24 décembre 2019,
- à titre infiniment subsisiaire, notamment de voir ordonner la suspension des effets de la clause résolutoire et de se voir accorder des délais de paiement de 18 mois pour acquitter sa dette locative.
Par jugement du 11 février 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
- donné acte à la société God Slave The Slim de l'abandon de ses demandes tendant à voir déclarer irrecevables les demandes formulées par Mme [P] [O] veuve [V], M. [A] [V], M. [W] [V], M. [T] [V], Mme [M] [V] épouse [C], Mme [H] [V] épouse [D], tirée de leur défaut d'intérêt à agir, à voir condamner les bailleurs au remboursement de la somme de 6.479,20 euros au titre des deux mois de loyers exigibles et facturés durant la période de fermeture de l'établissement commercial et au paiement de la somme de 13.200 euros au titre du remboursement des provisions de charges versées depuis la prise d'effet du bail et à la remise sous astreinte de la régularisation annuelle des charges depuis la prise d'effets du bail, et dit qu'en conséquence la recevabilité des demandes formées par Mme [P] [O] veuve [V], M. [A] [V], M. [W] [V], M. [T] [V], Mme [M] [V] épouse [C], Mme [H] [V] épouse [D], dans la présente procédure n'était plus contestée ;
- déclaré sans objet la demande de Mme [P] [O] veuve [V], M. [A] [V], M. [W] [V], M. [T] [V], Mme [M] [V] épouse [C], Mme [H] [V] épouse [D], tendant à voir déclarer recevables leurs demandes formées dans leur assignation en référé du 12 mars 2020 ;
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant les parties à la date du 24 janvier 2020 à minuit et portant sur les lieux sis [Adresse 5] à [Localité 20] ;
- accordé rétroactivement à la société God Save The Slim un délai pour apurer sa dette locative de 10.593,55 euros jusqu'au 15 mai 2020 inclus ;
- suspendu les effets de la clause résolutoire ;
- constaté que la société God Save The Slim avait apuré les causes du commandement de payer dans le délai ainsi accordé ;
- dit que la clause résolutoire était réputée ne pas avoir joué ;
- débouté Mme [P] [O] veuve [V], M. [A] [V], M. [W] [V], M. [T] [V], Mme [M] [V] épouse [C], Mme [H] [V] épouse [D] de leur demande d'acquisition de la clause résolutoire et des demandes subséquentes en expulsion, fixation d'une indemnité d'occupation et conservation du dépôt de garantie ;
- débouté Mme [P] [O] veuve [V], M. [A] [V], M. [W] [V], M. [T] [V], Mme [M] [V] épouse [C], Mme [H] [V] épouse [D] de leur demande de résiliation du bail ;
- condamné la société God Save The Slim à payer à Mme [P] [O] veuve [V], M. [A] [V], M. [W] [V], M. [T] [V], Mme [M] [V] épouse [C], Mme [H] [V] épouse [D], la somme de 17.230,25 euros au titre des loyers et charges impayés échus au 4ème trimestre 2020 inclus, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2020, ainsi que la somme de 1000 euros au titre de la clause pénale ;
- autorisé la société God Save The Slim à se libérer des sommes dues au titre de l'arriéré locatif et de la clause pénale, en 18 mensualités égales et successives payables pour le 30 du mois au plus tard, et pour la première fois, le 30 du mois suivant la signification de la présente décision ;
- dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance, la somme restant due deviendra de nouveau immédiatement exigible et recouvrable par les voies d'exécution légales ;
- débouté Mme [P] [O] veuve [V], M. [A] [V], M. [W] [V], M. [T] [V], Mme [M] [V] épouse [C], Mme [H] [V] épouse [D] de leur demande de reconstitution de la caution bancaire ;
- débouté la société God Save The Slim et Mme [P] [O] veuve [V], M. [A] [V], M. [W] [V], M. [T] [V], Mme [M] [V] épouse [C], Mme [H] [V] épouse [D] de leurs demandes respectivement formées en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société God Save The Slim aux dépens, comprenant le coût du commandement de payer du 24 décembre 2019, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;
- rejette toute demande plus ample ou contraire.
Madame [P] [Z] [V], Madame [H] [J] [L] [V], Madame [M] [V], Monsieur [A] [F] [E] [V], Monsieur [W] [N] [G] [V] et Monsieur [T] [R] [I] [V] ont interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- accordé rétroactivement à la Société God Save The Slim un délai pour apurer sa dette locative de 10.593,55' jusqu'au 15 mai 2020,
- suspendu les effets de la clause résolutoire,
- constaté que la société God Save The Slim avait apuré les causes du commandement de payer dans le délai ainsi accordé, et a dit que la clause résolutoire était réputée ne pas avoir joué,
- débouté les consorts [V] de leur demande d'acquisition de la clause résolutoire et des demandes subséquentes en expulsion, fixation d'une indemnité d'occupation et conservation du dépôt de garantie,
- autorisé la Société God Save The Slim à se libérer des sommes dues au titre de l'arriéré locatif et de la clause pénale en 18 mensualités égales et successives payables pour le 30 du mois au plus tard, et pour la première fois le 30 du mois suivant la signification du jugement,
- débouté les consorts [V] de leur demande de reconstitution de la caution bancaire,
- débouté les consorts [V] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [P] [O] veuve [V] est décédée le 8 juin 2022.
Par actes signifiés aux bailleurs les 11,15,19 et 22 mars 2024, la société God Save The Slim a demandé le renouvellement du bail à effet du 16 avril 2024.
Par lettre du 3 mai 2024 de leur mandataire, les bailleurs ont fait savoir à la société God Save The Slim qu'ils n'entendaient pas initier une procédure en refus de renouvellement du bail sans pour autant renoncer à leur demande de résiliation du bail pendante devant la cour d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 septembre 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans leurs conclusions déposées et notifiées le 9 septembre 2024, Madame [H] [J] [L] [V] épouse [D], Madame [M] [V] épouse [C], Monsieur [A] [F] [E] [V], Monsieur [W] [N] [G] [V] et Monsieur [T] [R] [I] [V], appelants, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
donné acte à la société God Save The Slim de l'abandon de ses demandes tendant à voir déclarer irrecevables les demandes des consorts [V] tirée de leur défaut d'intérêt à agir, à voir condamner les bailleurs au remboursement de loyers facturés durant la période de fermeture des établissements commerciaux du 15 mars 2020 au 11 mai 2020, au paiement de la somme de 13.200 ' au titre du remboursement des provisions de charges, à la remise sous astreinte de la régularisation annuelle des charges,
constaté l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 24 janvier 2020,
condamné la société God Save The Slim au paiement de la somme de 17.230,25' au titre des loyers et charges impayés échus au 4ème trimestre 2020 inclus, assortis des intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2020, et au paiement de la somme de 1.000' au titre de la clause pénale,
autorisé la société God Save The Slim à se libérer des sommes dues en 18 mensualités égales et successives payables pour le 30 du mois au plus tard, et pour la première fois le 30 du mois suivant la signification du jugement,
dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance, la somme restant due deviendra immédiatement exigible et recouvrable par les voies d'exécution légale,
condamné la société God Save The Slim aux dépens, comprenant le coût du commandement de payer du 24 décembre 2019 ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
accordé rétroactivement à la Société God Save The Slim un délai pour apurer la dette visée au commandement jusqu'au 15 mai 2020,
suspendu les effets de la clause résolutoire,
constaté que la société God Save The Slim avait apuré les causes du commandement dans le délai et dit que la clause résolutoire était réputée ne pas avoir jouer,
débouté les consorts [V] de leur demande d'acquisition de la clause résolutoire, de leur demande de résiliation du bail et de leurs demandes subséquentes en expulsion, fixation d'une indemnité d'occupation, et conservation du dépôt de garantie,
débouté les consorts [V] de leur demande de reconstitution de la caution bancaire,
débouté les consorts [V] de leur demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau,
- suspendre les effets de la clause résolutoire durant les 18 mois de délais de paiement accordés pour régler la dette de 17.230,25' arrêtée au 4ème trimestre 2020, délai ayant démarré le 30 mars 2021,
- subordonner cette suspension au respect de l'échéancier et au paiement des loyers courants aux dates contractuelles,
Suite au défaut de paiement du loyer courant durant le cours des délais ainsi accordés :
- constater que la clause résolutoire a repris son plein effet,
- ordonner l'expulsion de la société God Save The Slim et de tous occupants de son chef des lieux loués [Adresse 5] [Localité 12], rez de-chaussée et sous-sol, dès signification de l'arrêt à intervenir, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin est,
- statuer ce que de droit concernant le sort des meubles en application des articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- condamner la Société God Save The Slim au paiement d'une indemnité d'occupation égale au double du loyer, charges et taxes en sus, à compter de l'acquisition de la clause résolutoire le 1er avril 2021 et jusqu'à la libération des lieux loués,
- déclarer le dépôt de garantie acquis aux bailleurs en application de l'article V du bail;
- débouter la société God Save The Slim de toutes ses demandes ;
A titre subsidiaire,
Si jamais la cour n'infirmait pas le jugement concernant le délai accordé jusqu'au 15 mai 2020, la suspension de la clause résolutoire jusqu'à cette date, et la constatation de ce que la clause résolutoire était réputée ne pas avoir joué compte tenu du respect de ce délai,
- prononcer alors la résiliation du bail aux torts de la Société God Save The Slim pour retards répétés dans le règlement du loyer,
- ordonner l'expulsion de la société God Save The Slim et de tous occupants de son chef des lieux loués [Adresse 5] [Localité 12], dès signification de l'arrêt à intervenir, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin est,
- statuer ce que de droit concernant le sort des meubles en application des articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- condamner la société God Save The Slim au paiement d'une indemnité d'occupation égale au double du loyer, charges et taxes en sus, à compter de l'arrêt à intervenir et jusqu'à la libération des lieux loués,
- dire le dépôt de garantie acquis aux bailleurs,
- débouter la société God Save The Slim de toutes ses demandes ;
A titre très subsidiaire,
Si la cour ne constatait pas l'acquisition de la clause résolutoire ou ne prononçait pas la résiliation du bail,
- condamner la société God Save The Slim à fournir aux bailleurs un nouvel acte de caution bancaire dans les conditions prévues au contrat de bail, dans les trois mois de la signification de l'arrêt à intervenir, et juger qu'à défaut elle n'aura pas respecté un des engagements prévus au bail et les bailleurs seront en droit de mettre en jeu pour ce motif la clause résolutoire,
- débouter la société God Save The Slim de toutes ses demandes,
- condamner la société God Save The Slim au paiement de la somme de 6.000' au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la société God Save The Slim aux dépens en ce inclus l'assignation en référé du 12 mars 2020 et aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Valérie Fiehl, avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Les consorts [V] font valoir :
Sur la dette locative,
- que la clause XX du bail prévoit une majoration de plein droit de 10 % des loyers et accessoires dus à défaut de paiement d'un terme à l'échéance ; qu'ils ont accepté le montant de 1.000 ' arrêté par le tribunal, au titre de la clause pénale ;
- que si la société God Save The Slim a bien réglé les condamnations prononcées par le tribunal pour 18.230,25 ' dans les délais impartis par le jugement, elle n'a pas réglé le loyer courant dans son intégralité à chaque échéance depuis le jugement ;
- qu'au 15 avril 2022, la dette de la société God Save The Slim s'élevait à 29.196,50 euros au titre des loyers et charges allant du 4ème trimestre 2021 au 2ème trimestre 2022 ;
- qu'au 23 juillet 2024 et, pour la première fois depuis le jugement entrepris, la société God Save The Slim n'a plus de dette locative ;
A titre principal, sur l'acquisition de la clause résolutoire,
- que du fait de la régularisation des charges pour les années 2015 à 2018, la société God Save The Slim devait, à la date de délivrance du commandement de payer des 23 et 24 décembre 2019, la somme de 16.245,15 ' (18.593,55 ' - 2.348,40 ') ;
- que c'est à bon droit que le tribunal a:
- rappelé qu'un commandement de payer délivré pour une somme supérieure au montant réel de la dette restait valable à hauteur de la somme effectivement due,
- jugé que le décompte annexé au commandement de payer était précis et permettait à la locataire de vérifier le bien fondé de la somme demandée,
- retenu la bonne foi des bailleurs dès lors que l'absence de régularisation annuelle des charges et le refus des bailleurs d'accorder des délais de paiement à la locataire lors de l'instance en référé ne caractérisaient pas leur mauvaise foi et que les loyers ont été réglés avec retard dès le 4ème trimestre 2015, bien avant la pandémie et ses conséquences économiques,
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire ;
- qu'en revanche c'est à tort que le tribunal a accordé à la société God Save The Slim un délai pour payer les causes du commandement jusqu'au 15 mai 2020 et constaté qu'à cette date les causes du commandement étaient réglées alors que la société God Save The Slim sollicitait des délais de paiement de 18 mois pour payer sa dette actualisée d'un montant de 17.230, 25 ' ;
- qu'en outre, il est d'usage de subordonner la suspension des effets de la clause résolutoire au paiement des futures échéances de loyer aux dates contractuellement prévues ;
- qu'en procédant comme il l'a fait, le tribunal a privé le défaut de réglement des loyers courants de toute sanction sauf à obliger les bailleurs à reprendre toutes leurs diligences (délivrance d'un nouveau commandement de payer, nouvelle saisine du juge des référés...) ;
A titre subsidiaire, sur la résiliation du bail,
- qu'il est constant que le paiement des loyers aux termes convenus constitue l'obligation principale du locataire et que le défaut de paiement régulier des loyers qui perdure dans le temps constitue une infraction d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du bail ;
- que depuis le début de la location en 2015, le loyer n'a quasiment jamais été réglé à bonne date ; que la société God Save The Slim est à jour en 2024 de ses loyers uniquement en raison de la procédure engagée ;
- que la société God Save The Slim a argué des difficultés rencontrées avec le cambriolage survenu les 12/13 octobre 2022 et la privation d'une porte pour clore son local jusqu'en février 2023 mais ne produit pas de pièces sérieuses pour démontrer une baisse de son chiffre d'affaires à cette période ; que les autres difficultés invoquées par la société God Save The Slim sont anciennes ; que la société God Save The Slim ne produit aucune élément sur sa situation financière pour justifier ses retards récurrents de paiement et une perspective d'évolution favorable de ses paiements ;
- que les bailleurs sont des particuliers en indivision qui n'ont pas à justifier de leur situation pour obtenir de leur locataire le respect de son obligation de paiement des loyers au terme convenu ;
- que si le bail a été renouvelé à la suite de la demande de renouvellement de la société God Save The Slim, le gérant des biens des indivisaires a bien précisé que les consorts [V] ne renonçaient pas à la procédure en cours et que le bail ne se poursuivrait que si la cour d'appel les déboutait de leurs demandes ;
A titre très subsidiaire, sur la caution bancaire,
- que la caution bancaire a été mise en jeu en juillet 2017 sans être reconstituée ;
- qu'en application de l'article XX du bail, à partir du moment où la caution bancaire donnée lors de la conclusion du bail a été mise en jeu du fait d'un premier défaut de paiement de la société God Save The Slim, les consorts [V] sont en droit d'exiger de la locataire qu'elle leur fournisse un nouvel acte de caution bancaire dans les conditions prévues au bail ;
Sur la demande reconventionnelle de la société God Save The Slim,
- que les consorts [V] n'ont appris que la société God Save The Slim avait eu à déplorer deux tentatives de cambriolage, l'un entre le 26 avril 2022 et le 6 mai 2022, l'autre dans la nuit du 26 au 27 janvier 2023, qu'à l'occasion des conclusions n° 2 de la société God Save The Slim ;
- que les bailleurs et leur gérant de bien avaient seulement été informés, le 17 novembre 2022, du cambriolage survenu dans la nuit du 12 au 13 octobre 2022 ;
- que les bailleurs ne sont pas responsables des délais de réglement des indemnités d'assurance à la société God Save The Slim ;
- qu'il semble que ce soit le mécanisme d'ouverture automatique de la porte qui ait été endommagé par le cambriolage mais que le local fermait bien par une porte ; que les travaux relatifs au mécanisme d'ouverture automatique de la porte ne relèvent de l'article 606 du code civil ;
- que les pièces versées aux débats ne permettent pas de connaître les conséquences de chaque tentative de cambriolage sur le rideau métallique ; que la société God Save The Slim n'a pas informé les bailleurs et leur gérant de bien de la dégradation du rideau métallique en raison d'un cambriolage ou d'une tentative de cambriolage ; elle n'a pas non plus demandé la prise en charge de la réparation de cette dégradation par l'assureur des bailleurs ;
- qu'il n'est produit aucun justificatif sérieux de la perte de chiffre d'affaires de la société God Save The Slim entre octobre 2022 et février 2023 ;
- qu'en vertu de l'article X du bail, la société God Save The Slim a renoncé à tout recours en responsabilité contre son bailleur en cas de vol, cambriolage ou tout acte criminel ou délictuel dont elle pourrait être victime dans les lieux loués ;
- que l'article IX du bail stipule que le preneur a l'obligation de souscrire toutes les assurances et exercer tout recours direct à raison de vol ou détériorations dont lui même pourrait être victime, le bailleur déclarant conformément à l'article 1725 du code civil qu'il ne le garantit pas du trouble qui pourrait être apporté par des tiers à sa jouissance et décline toute responsabilité, le preneur devant assurer sa privation de jouissance et perte d'exploitation.
Dans ses conclusions déposées et notifiées le 30 juillet 2024, la société God Save The Slim, intimée, demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- débouter les consorts [V] de l'intégralité de leurs demandes ;
à titre reconventionnel,
- condamner les consorts [V] à payer à la société God Save The Slim la somme de 21.498,89 ' à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de leur comportement fautif ;
- condamner les consorts [V] au paiement de la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les consorts [V] aux entiers dépens.
La société God Save The Slim fait valoir :
Sur la confirmation du jugement,
- que c'est souverainement que le tribunal a décidé, en application de l'article L. 145-41 du code de commerce, d'accorder des délais de paiement rétroactifs et de constater que ces délais avaient été respectés ;
- que la position des bailleurs, qui souhaitent son expulsion, est sévère au regard de sa situation financière, des difficultés auxquelles elle a été confrontée et de la situation personnelle de sa gérante ;
- qu'elle n'a commencé à rencontrer des difficultés de paiement qu'au moment des travaux de ravalement de la façade de l'immeuble, de fin août 2016 à décembre 2016 ; que les désordres sonores, olfactifs et visuels consécutifs à ces travaux ont nui à son activité et entraîné une baisse de chiffre d'affaires ;
- que d'autres événements défavorables ont impacté son activité (crise des gilets jaunes, crise du Covid-19) ;
- qu'elle a rencontré des difficultés avec la copropriété (refus de l'installation de la climatisation, fuites) ;
- qu'elle a consenti d'importants efforts pour honorer ses obligations contractuelles en versant 29.700 euros à ses bailleurs entre mai et octobre 2020 ;
- qu'elle a respecté l'échéancier de paiement de sa dette locative prévu dans le jugement frappé d'appel ;
- qu'elle est à jour du paiement de ses loyers et charges au 23 juillet 2024, qu'elle l'était déjà en janvier 2024 ;
- que ses retards de paiement passés ne justifient pas de résilier le bail ;
- que le refus par les bailleurs de tout délai de paiement dans le cadre de la procédure de référé, malgré les circonstances exceptionnelles et les efforts consentis par la société God Save The Slim, caractérise une attitude déloyale sur le plan contractuel ;
- que l'ordonnance de référé s'appuyait sur une lettre exposant que Mme [P] [V] tirait les trois quarts de ses revenus de la location du local en cause mais qu'aucune pièce n'a été produite pour justifier de la situation financière de Mme [V] ;
- que la situation personnelle de la gérante de la société God Save The Slim est critique (maladie incurable de son fils, investissement financier de la gérante dans la société par la conclusions de deux prêts hypothécaires sur le logement familial pour faire face aux loyers en 2017 et 2019) ;
- que la société God Save The Slim a demandé le renouvellement du bail commercial par actes signifiés entre le 11 et le 22 mars 2024 ; que faute pour les bailleurs d'avoir fait connaître leur refus dans les délais et formes prévus par l'article L. 145-10 du code de commerce, le bail commercial a été renouvelé ;
A titre reconventionnel, sur la demande de réparation du préjudice économique subi par la société God Save The Slim du fait du comportement fautif adopté par les bailleurs, sur le fondement des articles 1719, 1720, 606, 1104 et 1231-2 du code civil,
- qu'elle a été victime de 3 cambriolages ou tentatives :
- entre le 26 avril 2022 et le 6 mai 2022 : dégradation du rideau métallique de la boutique,
- dans la nuit du 12 au 13 octobre 2022 : rideau métallique forcé et abîmé, porte d'entrée forcée et mécanisme cassé, espace d'accueil saccagé, produits et matériels volés,
- dans la nuit du 26 au 27 janvier 2023 : tentative d'intrusion dans les locaux en passant sous le rideau métallique puis sur les moteurs de la climatisation pour scier un trou dans le plafond ;
- que le 17 novembre 2022, son assureur lui a notifé qu'il ne prendrait pas en charge les dommages immobiliers et l'a renvoyée vers l'assurance des propriétaires ;
- que les locaux loués par la société God Save The Slim sont restés sans porte pendant plusieurs semaines ;
- que son assureur à refusé de l'indemniser pour la perte de chiffre d'affaires consécutive à cette situation car la police souscrite ne le prévoyait pas ;
- que les bailleurs ont commis une faute en ne fournissant pas avec diligence l'attestation aux termes de laquelle ils donnaient leur accord pour le versement des indémnités d'assurance propres à remplacer la porte d'entrée des locaux ;
- que son préjudice consécutif au défaut de diligence des bailleurs s'élève à 21.498,89 euros, qui correspond à sa perte de chiffre d'affaires.
Il convient, en application de l'article 455 du code de procédure civile, de se référer aux conclusions des parties, pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens.
SUR CE
Sur l'acquisition de la clause résolutoire
Le tribunal judiciaire de Paris a constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant les parties à la date du 24 janvier 2020 à minuit et portant sur les locaux situés [Adresse 5] à Paris 8ème.
La cour d'appel n'est pas saisie de l'infirmation de ce chef du jugement.
Sur l'octroi rétroactif de délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire
L'article L. 145-41 du code de commerce dispose :
'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil (anciennement les articles 1244-1 à 1244-3 du code civil ) peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge'.
Il est constant que, sur le fondement de ces dispositions, le juge peut rétroactivement accorder des délais de paiement au débiteur de bonne foi qui s'est acquitté de l'intégralité de sa dette au jour où il statue.
Par ailleurs, saisi d'une demande de délai de paiement, le juge en apprécie souverainement les modalités dans la limite ce que les dispositions des anciens articles 1244-1 à 1244- 3 du code civil, reprises à l'article 1343-5 du code civil, permettent sans être lié par le détail des demandes des parties.
En l'espèce, il résulte du jugement et des pièces produites aux débats, notamment du décompte des sommes dues par la locataire, que le tribunal était saisi d'une demande de délais de paiement et que les causes du commandement de payer étaient apurées au 15 mai 2020.
C'est par une exacte appréciation des faits au regard de la bonne foi de la locataire et des efforts consentis par celle-ci pour apurer sa dette alors qu'elle avait été confrontée à de nombreuses difficultés pour développer son activité (ravalement de la façade de l'immeuble fin 2016 ayant entraîné des nuisances, nombreuses manifestations dans Paris en 2019 et 2020, début de la Pandémie à partir de mars 2020), que le tribunal a accordé à la société God Save The Slim des délais de paiement jusqu'au 15 mai 2020 inclus.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant les parties à la date du 24 janvier 2020 à minuit et portant sur les lieux sis [Adresse 5] à [Localité 20],
- accordé rétroactivement à la société God Save The Slim un délai pour apurer sa dette locative de 10.593,55 euros jusqu'au 15 mai 2020 inclus,
- suspendu les effets de la clause résolutoire,
- constaté que la société God Save The Slim avait apuré les causes du commandement de payer dans le délai ainsi accordé,
- dit que la clause résolutoire était réputée ne pas avoir joué,
- débouté les bailleurs de leur demande d'acquisition de la clause résolutoire et des demandes subséquentes en expulsion, fixation d'une indemnité d'occupation et conservation du dépôt de garantie.
Sur la résiliation judiciaire du bail
Il est admis, en application de l'article L. 145-10 du code de commerce, que le bailleur, qui est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail pour ne pas avoir répondu à la demande de renouvellement du locataire, ne peut ensuite réclamer la résiliation du bail pour des manquements du locataire antérieurs au renouvellement. En effet, le bailleur est réputé avoir renoncé à solliciter la résiliation du bail en acceptant son renouvellement.
Ce principe n'est néanmoins pas applicable en l'espèce dès lors que les bailleurs ont expressément fait savoir à la société God Save The Slim qu'ils n'entendaient pas renoncer à la procédure en cours tendant à la résiliation du bail.
L'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 applicable en l'espèce s'agissant d'un contrat de bail du 16 avril 2015, dispose que la condition résolutoire est toujours sous-endendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Il appartient au juge d'apprécier si les manquements contractuels invoqués à l'appui de la demande de résiliation du bail sont suffisamment graves pour entraîner la résiliation sollicitée.
C'est par des motifs qui n'ont pas perdu leur pertinence à hauteur d'appel, que la cour d'adopte et auxquels elle renvoie, que le tribunal judiciaire de Paris a rejeté la demande des bailleurs de résiliation du bail.
Il convient d'y ajouter que la société God Save The Slim est désormais à jour de ses loyers et charges depuis le mois de janvier 2024, qu'elle a toujours effectué des paiements réguliers et d'importance au titre des loyers et des charges caractérisant ainsi sa volonté de respecter ses obligations contractuelles et qu'elle a été confrontée à de nouvelles difficultés en 2022 et 2023, ayant eu un impact négatif sur son chiffre d'affaires, à la suite de trois cambriolages ou tentatives (absence de porte d'entrée et rideau métallique bloqué en position basse sur une partie de la vitrine pendant plusieurs mois).
En conséquence, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a débouté les bailleurs de leur demande de résiliation du bail.
Sur la demande de reconstitution de la caution bancaire
Le bail comporte une clause intitulée caution bancaire qui stipule :
' A l'appui du présente bail, le preneur a fourni au bailleur une caution bancaire d'une montant correspondant à six mois de loyer, et ce, en garantie de la parfaite exécution des clauses et conditions du bail.
Cette caution sera conservée par le bailleur pendant toute la durée du bail jusqu'au règlement définitif de toute indemnité que le preneur pourrait devoir au bailleur à l'expiration du bail et à sa sortie des lieux loués ; en aucune façon le dernier terme du loyer ne pourra s'imputer sur la caution bancaire.
Le montant cautionné devra en tout temps rester égal à 6 mois de loyer et devra donc être réévalué en plus ou en moins dans la même proportion que le loyer, en application de l'article IV 3ème paragraphe ci-dessus.
L'acte de caution est demeuré ci-annexé.
L'obligation de fournir caution s'imposera aux cessionnaires et cessionnaires successifs en cas de cession du présent bail, le tout à peine de nullité de la cession en cas de défaut de cautionnement donné pour le compte de l'acquéreur du bail et sous sanction de la clause résolutoire.
En cas de changement de bailleur pour quelque casue que ce soit, le bénéfice de la caution sera de plein droit transféré au profit du nouveau bailleur, cette clause devant figurer explicitement dans l'acte de cautionnement remis au bailleur.'
Comme l'a justement relevé le tribunal, cette clause ne prévoit pas la reconstitution de la caution une fois celle-ci mise en jeu.
En conséquence, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a débouté les bailleurs de leur demande de reconsitution de la caution bancaire.
Sur l'arriéré locatif , l'octroi de délais de paiement et la clause pénale
La cour d'appel n'est pas saisi d'une demande d'infirmation de ces chefs du jugement.
Sur la demande reconventionnelle de la société God Save The Slim de dommages et intérêts
La seule faute que la société God Save The Slim reproche aux bailleurs 'réside dans le fait qu'ils n'ont pas fourni avec diligence l'attestation aux termes de laquelle il donnait leur accord pour le versement des indemnités d'assurance propres à remplacer la porte d'entrée de l'institut.'
Or, il résulte des pièces produites aux débats que cette attestation a été demandée aux bailleurs le 21 mars 2023 et que les bailleurs, par l'intermédiaire de leur mandataire, ont donné leur accord le 24 mars 2023. Ce délai de trois jours n'est pas fautif.
En conséquence, la demande reconventionnelle de la société God Save The Slim est rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La cour n'est pas saisie d'une demande d'infirmation du chef du jugement entrepris relatif aux dépens. La cour ne peut donc que confirmer ce chef sans y ajouter que les dépens incluent ceux de la procédure de référé.
Les consorts [V] qui succombent en appel sont condamnés aux dépens de la procédure d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité commande de rejeter les demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, étant observé qu'en première instance, la demande des consorts [V] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile avait été rejetée, l'une succombant en première instance et l'autre en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 11 février 2021 (RG n° 20/10636) en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Déboute la société God Save The Slim de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts;
Condamne M. [A] [V], M. [W] [V], M. [T] [V], Mme [M] [V] épouse [C], Mme [H] [V] épouse [D] aux dépens de la procédure d'appel, dont distracion au profit de Maître Valérie FIEHL, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Déboute l'ensemble des parties de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.