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Décisions

CA Nîmes, ch. des référés, 28 mars 2025, n° 25/00005

NÎMES

Ordonnance

Autre

PARTIES

Demandeur :

SCI Pissot (Sté)

Défendeur :

Pissot (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dodivers

Avocats :

Me Coru, Me Rochette

TJ Avignon, du 27 déc. 2024

27 décembre 2024

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 6 février 2023, la SCI Pissot a donné à bail à M. [W] [J] et M. [I] [P], agissant en leur nom personnel mais également en qualité de représentants de la société en cours d'immatriculation, la SARL Garage Real Panier, un local commercial sis [Adresse 6] à [Localité 4] (84), moyennant un loyer mensuel de 1 800 euros HT, selon le régime de bail dérogatoire, soit pour une durée d'un an.

Constatant que M. [W] [J] et M. [I] [P] n'ont procédé à aucune formalité d'immatriculation, qu'ils ne justifiaient pas d'une assurance contre les risques locatifs et qu'ils n'ont procédé à aucun paiement des loyers depuis le mois de janvier 2024, la SCI Pissot a fait délivrer par actes extrajudiciaires du 26 avril 2024 et 6 mai 2024, un commandement de payer la somme de 8 808,44 euros, rappelant la clause résolutoire incluse dans le bail, demeuré sans effet.

Par exploit de commissaire de justice du 5 août 2024, la SCI Pissot a fait assigner M. [W] [J] et M. [I] [P] devant le président du tribunal judiciaire d'Avignon, statuant en référé, afin de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire ainsi que la résiliation du bail liant les parties, ordonner leur expulsion, les condamner à lui payer la somme provisionnelle de 21 600 euros à parfaire le jour de l'audience, augmentée des intérêts au taux légal par application de l'article 1231-7 du code civil, outre leur condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance prononcée le 13 novembre 2024, assortie de l'exécution provisoire, le président du tribunal judiciaire d'Avignon, statuant en référé, a :

Constaté l'acquisition de la clause résolutoire au bénéfice du propriétaire bailleur, faute pour M. [W] [J] et M. [I] [P] d'avoir couvert les causes du commandement qui leur a été signifié les 26 avril 2024 et 06 mai 2024, dans le délai d'un mois imparti à la clause résolutoire et à l'article L.145-41 du code de commerce,

Constaté en conséquence la résiliation du bail liant les parties aux torts et griefs exclusifs de M. [W] [J] et M. [I] [P],

Ordonné l'expulsion immédiate de M. [W] [J] et M. [I] [P] des lieux loués situés [Adresse 2] sur la Commune d'[Localité 4], ainsi que celle de tous occupants de leur chef, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier,

Condamné solidairement M. [W] [J] et M. [I] [P] à payer à la SCI Pissot la somme de 10 800 euros au titre des loyers impayés, augmentée des intérêts au taux légal par application de l'article 1231-7 du code civil,

Condamné solidairement M. [W] [J] et M. [I] [P] à payer à la SCI Pissot la somme de 1250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné solidairement M. [W] [J] et M. [I] [P] aux entiers dépens.

Par déclaration d'appel du 2 décembre 2024, M. [W] [J] a interjeté appel de cette ordonnance.

Par exploits délivrés le 27 décembre 2024, M. [W] [J] a fait assigner M. [I] [P] et la SCI Pissot devant le premier président, sur le fondement des articles 514-3 et suivants du code de procédure civile, aux fins de voir arrêter l'exécution provisoire dont est assorti l'ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire d'Avignon en date du 13 novembre 2024 et de réserver la question des frais irrépétibles et dépens à l'arrêt de la Cour d'appel qui sera rendu.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 février 2025, M. [W] [J] sollicite du premier président, au visa des articles 514-3 et suivants du code de procédure civile, de :

Prononcer l'arrêt de l'exécution provisoire dont est assorti l'ordonnance de référé du Président du tribunal judiciaire d'Avignon en date du 13 novembre 2024.

Réserver la question des frais irrépétibles et dépens à l'arrêt de la Cour d'Appel qui sera rendu.

A l'appui de ses prétentions, M. [J] entend indiquer tout d'abord que l'irrecevabilité tirée de l'absence d'observations de la partie en première instance ne peut être opposée s'agissant d'une procédure de référé où l'exécution provisoire ne peut être écartée par le juge des référés en application de l'article 514-1 du Code de procédure civile.

Il soutient l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation tenant l'irrespect de l'obligation de délivrance par le bailleur, de l'existence de contestations sérieuses concernant la qualification du contrat de bail relevant de la compétence exclusive du juge du fond, de l'absence de clause résolutoire, de l'absence de preuve d'un maintien dans les lieux postérieur au terme du bail le 31 décembre 2023, et de la restitution des clés.

Il ajoute que le nouveau bail commercial né à l'issue du bail dérogatoire n'a pas pu l'engager et qu'il n'est donc tenu à aucune obligation ni à aucune somme auprès de la SCI Pissot avec laquelle il n'a plus de relation contractuelle depuis le terme du bail dérogatoire, puisque la moitié du dépôt de garantie ne lui a pas été restitué.

Il fait valoir par ailleurs que l'exécution de l'ordonnance querellée entraînerait des conséquences manifestement excessives compte tenu de sa situation financière et conclut en conséquence qu'il existe une impossibilité manifeste de pouvoir faire face au paiement de ces sommes au titre de l'exécution provisoire.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 février 2025, la SCI Pissot sollicite du premier président, au visa des articles 514-3, 517-1 et 524 du code de procédure civile, de :

A titre principal,

Constater l'absence de moyens sérieux d'annulation ou de réformation de l'ordonnance rendue par Monsieur le Président du Tribunal Judiciaire d'Avignon,

Constater l'absence de démonstration de conséquences manifestement excessives de l'exécution,

Débouter M. [J] de sa demande,

A titre subsidiaire,

Ordonner la consignation des sommes à la Caisse des Dépôts et consignations,

En tout état de cause,

Condamner M. [W] [J] à la somme de 1.500 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de ses écritures, la SCI Pissot soutient, à titre principal, l'absence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision puisque la résolution du bail repose sur le non-paiement des loyers, ce qui constitue un manquement manifeste et légitime à l'obligation fondamentale de Messieurs [J] et [P], d'une part et que la condamnation solidaire des locataires au paiement des loyers impayés est pleinement justifiée par les articles du Code civil relatifs à la solidarité des débiteurs, et ne nécessite aucune réformation, d'autre part. Elle ajoute que le contrat de bail signé par les parties le 6 février 2023 est un bail dérogatoire au sens de l'article L145-5 du Code de commerce, la cour de cassation ayant validé la clause de rétroactivité.

Elle indique que Messieurs [J] et [P] échouent à justifier d'une quelconque restitution des clefs qui n'est jamais intervenue et qu'en vertu des dispositions du Code de commerce, un nouveau bail s'opère, lequel est régi par les dispositions du statut des baux commerciaux qui est d'ordre public. Elle considère que l'occupation illicite des lieux et le refus de paiement des loyers constituent un trouble manifestement illicite nécessitant l'intervention de la juridiction qui a abouti à la condamnation des demandeurs de manière justifiée.

Elle fait valoir par ailleurs l'absence de démonstration de conséquences manifestement excessives de l'exécution estimant qu'il est impératif que l'exécution de la décision soit maintenue, pour éviter une aggravation du préjudice financier déjà subi, mais également pour garantir le respect de ses droits légitimes à récupérer les sommes qui lui sont dues.

Elle conclut, à titre subsidiaire, à la consignation des sommes dues au regard du comportement de Messieurs [J] et [P].

Par référence aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour le surplus de l'exposé des faits, moyens et prétentions des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

SUR CE :

Sur la recevabilité de la demande

aux termes des dispositions de l'article 514 -3 alinéa 2 du code de procédure civile «'La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. »

L'irrecevabilité tirée de l'absence d'observations de la partie en première instance ne peut être opposée s'agissant d'une procédure de référé où l'exécution provisoire ne peut être écartée par le juge des référés en application de l'article 514-1 du Code de procédure civile.

La demande est déclarée recevable.

Sur la demande de suspension de l'exécution provisoire

L'article 514-3 du code de procédure civile en son alinéa premier dispose :

'En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin de d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. »

Ainsi, pour obtenir gain de cause devant le premier président, l'appelant doit rapporter la preuve que les deux conditions cumulatives du premier alinéa de l'article précité sont réunies.

Sur les moyens sérieux d'annulation ou de réformation du jugement

Il convient de rappeler que selon une jurisprudence constante un moyen sérieux d'annulation ou de réformation est un moyen qui, compte tenu de son caractère très pertinent, sera nécessairement pris en compte par la juridiction d'appel, avec des chances suffisamment raisonnables de succès.

En l'espèce sans reprendre les nombreuses contestations dont Monsieur [J] a saisi la cour d'appel au fond, il convient de relever qu'il présente des moyens sérieux de réformation de la décision de première instance et qu'il ressort des pièces versées aux débats et notamment de la pièce 5 produite par la SCI Pissot que cette dernière reconnaît que Monsieur [J] a été assigné à tort alors qu'il a réglé l'intégralité des loyers liés au bail dérogatoire signé et expirant le 31 décembre 2023. Par ailleurs, il ressort de la décision déférée que la preuve de l'existence d'une poursuite du bail sur l'année 2024 avec une occupation des locaux n'était pas rapportée.

Sur les conséquences manifestement excessives attachées à l'exécution de la décision déférée

L'existence des conséquences manifestement excessives s'apprécie par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement du créancier.

Monsieur [J] justifie avoir 3 enfants à charge et de ce que le ménage ne vit que sur le salaire de l'épouse qui avoisine les 1500 ' mensuels outre les prestations familiales, de l'existence d'un prêt de 180 ' mensuels et de difficultés pour régler les impôts locaux afférents à leur résidence principale dont ils sont propriétaires.

Les sommes mises à la charge de Monsieur [J] sont de nature à faire basculer de manière définitive l'équilibre familial et constitue une conséquence manifestement excessive attachée à l'exécution de la décision contestée.

Monsieur [J] ayant rapporté la preuve des deux conditions cumulatives prévues à l'article 514-3 du code de procédure civile, il y a lieu de suspendre l'exécution provisoire de la décision rendue par le président du tribunal judiciaire d'Avignon le 13 novembre 2024.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La demande visant à voir réserver la question des frais irrépétibles et des dépens à l'arrêt de la cour d'appel sera rejetée en l'état de procédures parfaitement distinctes.

L'équité et les circonstances de la cause justifient de voir la SCI Pissot déboutée des demandes formulées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI Pissot succombant sera tenue de supporter la charge des entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Nous S. Dodivers statuant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Nîmes, en référé, par ordonnance rendue par défaut, en dernier ressort et mise à disposition au greffe,

Déclarons recevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire assortissant l'ordonnance prononcée le 13 novembre 2024 par le président du tribunal judiciaire d'Avignon,

Ordonnons l'arrêt de l'exécution provisoire attachée à la décision du président du tribunal judiciaire d'Avignon en date du 13 novembre 2024,

Déboutons la SCI Pissot de sa demande fondée sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamnons la SCI Pissot aux dépens de la présente procédure.

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