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Décisions

CA Grenoble, ch. soc. -A, 1 avril 2025, n° 21/00958

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 21/00958

1 avril 2025

C1

N° RG 21/00958

N° Portalis DBVM-V-B7F-KYOQ

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Martine LEONARD

la SAS ACTANCE

la SELARL AEGIS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 01 AVRIL 2025

Appel d'une décision (N° RG F 18/00098)

rendue par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de Valence

en date du 27 janvier 2021

suivant déclaration d'appel du 22 février 2021

APPELANTE :

Madame [B] [R]

née le 10 novembre 1975 à [Localité 12]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Martine LEONARD, avocat postulant au barreau de Valence

et par Me Pauline DISSARD de la SELARL BADJI-DISSARD AVOCATS, avocat plaidant au barreau de Clermont-Ferrand substituée par Me Khalida BADJI de la SELARL BADJI-DISSARD, avocat au barreau de Clermont-Ferrand

INTIMEE :

S.A.S. BURTON prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Loïc TOURANCHET et Me Aymeric DE LAMARZELLE de la SAS ACTANCE, avocats au barreau de Paris

PARTIES INTERVENANTES FORCEES :

S.C.P. BTSG prise en la personne de Me [D] [S], liquidateur judiciaire de la SAS BURTON

[Adresse 3]

[Localité 9]

S.E.L.A.R.L. ASTEREN prise en la personne de Me [L] [C], liquidateur judiciaire de la société BURTON

[Adresse 4]

[Localité 8]

toutes deux représentées par Me Valérie MAILLAU de la SELARL AEGIS, avocat au barreau de Valence

Association CGEA D'[Localité 11] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 6]

défaillante, assignée en intervention forcée le 31 mai 2024 au siège social à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère faisant fonction de présidente,

Mme Gwenaëlle TERRIEUX, conseillère,

M. Frédéric BLANC, conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 janvier 2025,

Mme Gwenaëlle TERRIEUX, conseillère chargée du rapport, assistée de Mme Fanny MICHON, greffière, a entendu les parties en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 01 avril 2025, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 01 avril 2025.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [R] a été embauchée par la SAS Burton en qualité de directrice de magasin, catégorie A1, statut cadre, selon classification de la convention collective nationale des maisons à succursales de vente au détail d'habillement, par contrat de travail à durée indéterminée en date du 16 mai 2011, avec prise d'effet au 01 juin 2011.

Par courrier recommandé en date du 16 novembre 2017, Mme [R] a été convoquée à un entretien préalable, fixé au 05 décembre 2017, auquel elle ne s'est pas présentée.

Par courrier recommandé en date du 03 janvier 2018, la SAS Burton a notifié à Mme [R] son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Par requête en date du 19 mars 2018, Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Valence aux fins de contester son licenciement et obtenir paiement de créances salariales et indemnitaires afférentes.

Par jugement du 27 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Valence a :

- dit et jugé que le licenciement de Mme [R] est bien fondé,

- débouté Mme [R] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la SAS Burton de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [R] aux dépens de l'instance.

La décision a été notifiée par courriers recommandés distribués aux parties le 28 janvier 2021.

Mme [R] en a interjeté appel.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 13 février 2024, la SAS Burton a été placée en liquidation judiciaire.

Suivant acte en date du 22 mars 2024, Mme [R] a assigné en intervention forcée la SCP BTSG en la personne de maître [S], liquidateur judiciaire de la SAS Burton.

Suivant acte en date du 26 mars 2024, Mme [R] a assigné en intervention forcée la SELARL Asteren, en la personne de maître [C], désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Burton.

Suivant acte en date du 31 mai 2024, Mme [R] a assigné en intervention forcée le CGEA d'[Localité 11].

Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 avril 2021, Mme [R] demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement de première instance et statuant à nouveau,

- accueillir Mme [R] en ses demandes,

- considérer et juger le licenciement intervenu comme dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, Mme [R] demande à la Cour de condamner la société à lui verser la somme de 30 400,32 ou à tout le moins la somme de 17 733,52 euros net de CSG-CRDS et charges sociales à titre de dommage et intérêts, pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- allouer à Mme [R] la somme de 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner en tout état de cause le défendeur aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 07 octobre 2022, la SAS Burton demande à la cour d'appel de :

A titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il dit et jugé que le licenciement de Mme [R] repose sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

- débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire :

- limiter le quantum des dommages et intérêts sollicités par Mme [R] à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse à 3 mois de salaire, soit 7.600,08 euros.

En tout état de cause :

- débouter Mme [R] de sa demande au titre de l'article 700 CPC et, reconventionnellement, la condamner à verser 2.500 euros à la Société Burton en application de ces dispositions ;

- condamner Mme [R] aux dépens.

Suivant courrier reçu au greffe le 11 juin 2024, l'AGS CGEA [Localité 11] a indiqué être ni présente, ni représentée à l'instance.

La SCP BTSG, en la personne de maître [S], et la SELARL Asteren, en la personne de maître [C], désignés en qualité de liquidateurs judiciaires de la SAS Burton ont constitué avocat, sans déposer de conclusions.

La clôture a été prononcée le 17 décembre 2024.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 13 janvier 2025, a été mise en délibéré au 01 avril 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI

Sur la contestation du licenciement

Sur la qualification du licenciement

L'article L. 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

L'article L. 1235-1 du même code prévoit notamment que le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Pour constituer une cause réelle et sérieuse de rupture, l'insuffisance professionnelle doit être établie par des éléments précis, objectifs, ayant des répercussions sur la marche ou le fonctionnement de l'entreprise, constitués non par une violation des obligations résultant du contrat de travail mais par une mauvaise exécution par le salarié de ses obligations caractérisée, notamment, par des erreurs, des omissions ou par un volume de travail insuffisant.

L'insuffisance professionnelle est exclusive de toute faute disciplinaire supposant une intention délibérée.

Ainsi, s'il résulte de la lettre de licenciement que l'employeur reproche au salarié une mauvaise volonté délibérée ou une abstention volontaire, les griefs invoqués sont fautifs et donnent au licenciement une nature disciplinaire.

Si le juge n'est pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de s'expliquer sur les pièces qu'il entend écarter, il lui appartient néanmoins d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de rupture, laquelle circonscrit le champ du litige et le lie.

Et il appartient au juge de vérifier la cause exacte du licenciement sans s'arrêter à la qualification donnée par l'employeur.

En l'espèce, le courrier de licenciement, en date du 03 janvier 2018, reproche à Mme [R] le fait que " Depuis le mois de septembre 2017, nous avons constaté d'une part, de très nombreux manquements qui n'ont cessé de se répéter et de se multiplier et d'autre part, que vous refusiez de suivre les directives et les indications qui vous sont données ".

Et l'employeur énumère ensuite les manquements reprochés, lesquels sont relatifs à :

- une mauvaise tenue du magasin, s'agissant de son développement commercial et de sa gestion,

- des problèmes de management,

- son désintérêt pour ses fonctions et son refus d'exécuter sa prestation de travail,

- la disparition de documents.

Ainsi, d'une première part, l'employeur reproche à la salariée le non-respect réitéré des consignes et des procédures internes s'agissant du développement commercial en dépit d'alertes et de relances de sa hiérarchie, et notamment :

- les 19 septembre 2017, le 26 octobre 2017, et le 09 novembre 2017, l'absence de mise en place d'un challenge d'animation relatif au NAC (nombre d'articles par clients), alors que des actions étaient nécessaires et qu'il avait été demandé de les mettre en place,

- la non-analyse des écoulements constatée le 26 octobre 2017 et le 09 novembre 2017, alors qu'il lui avait été demandé d'y procéder,

- les 19 septembre, 16 octobre, le 26 octobre 2017, et le 09 novembre 2017, l'absence de plan d'action afin d'améliorer les chiffres du rayon costumes alors en souffrance, en dépit des directives claires de sa hiérarchie,

- les 19 septembre, le 16 octobre, le 26 octobre 2017, et le 09 novembre 2017, des manquements dans le merchandising des produits,

D'une deuxième part, il reproche à la salariée le non-respect réitéré des consignes et des procédures internes s'agissant de la gestion du magasin, en dépit d'alertes et de relances de sa hiérarchie, et notamment :

- le 09 novembre 2017, l'état d'hygiène déplorable du magasin,

- les 19 septembre, 16 octobre, le 26 octobre 2017, et le 09 novembre 2017, l'absence de rangement de la réserve du magasin et sa mise en sécurité en dépit des demandes d'y remédier.

D'une troisième part, l'employeur reproche à la salariée le non-respect réitéré des consignes et des procédures internes en matière de management, et notamment :

- à compter du 19 septembre 2017, le refus de la salariée d'utiliser les outils internes mis à sa disposition afin de suivre et accompagner son équipe dans le développement de leur compétence, précisément le cahier d'animation, les réunions d'équipe, les entretiens individuels de progrès, les rosaces, les fiches d'aptitude médicale,

- d'avoir adopté un comportement inadapté et inacceptable pour un cadre de son niveau en prenant de longues pauses quotidiennes à l'extérieur du magasin, et en passant beaucoup de temps au téléphone pour des appels personnels, durant le temps de travail,

- des manquements dans la gestion des plannings et des congés de son équipe.

D'une quatrième part, l'employeur reproche à la salariée son désintérêt pour ses fonctions et son refus d'exécuter sa prestation de travail, en ne participant pas aux tâches de vente et en ne veillant pas à organiser le magasin pour en assurer un fonctionnement optimal, en n'effectuant pas les remises en banque et en déléguant les tâches annexes à la vente.

D'une cinquième part, l'employeur affirme avoir constaté, entre le 19 septembre et le 05 décembre 2017, la disparition des comptes rendus de visite signés par la directrice régionale et la salariée, le registre unique du personnel, les plannings prévisionnels et réalisés et les fiches d'aptitude médicale.

Et l'employeur mentionne ainsi reprocher à la salariée des " manquements dans l'exécution loyale de votre contrat de travail ", et le fait que " ces manifestations répétées de votre refus de vous soumettre aux directives qui vous sont données donnent un nouvel exemple de votre désintérêt total pour vos fonctions et votre refus d'exécuter votre prestation de travail ", l'employeur évoquant ensuite " de graves manquements dans l'exécution de votre prestation de travail ", et " le comportement fautif " de la salariée.

Dès lors, à la lecture de la lettre de licenciement, la cour constate que les qualificatifs employés démontrent que l'employeur reproche à Mme [R] un refus réitéré d'exécuter loyalement son contrat de travail et de respecter les directives données, outre la disparition de documents importants, ces termes ne visant pas seulement à caractériser une exécution défectueuse de la prestation de travail, mais bien un comportement délibéré et volontaire de la salariée.

Au demeurant, l'employeur indique dans ses écritures que le licenciement a été notifié pour un motif disciplinaire.

En conséquence, les reproches exposés dans la lettre de licenciement relèvent d'une exécution fautive de la prestation de travail, et le licenciement prononcé doit s'analyser en un licenciement de nature disciplinaire.

Sur la prescription

S'agissant d'un licenciement de nature disciplinaire, l'article L.1332-4 du code du travail prévoit qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu, à lui seul, à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait n'ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

En l'espèce, l'employeur avait donc deux mois à compter de la connaissance des faits pour sanctionner Mme [R].

Or, il ressort du courrier de licenciement que l'employeur reproche à la salariée des faits qui auraient été commis entre le 19 septembre 2017 et le 05 décembre 2017.

Dès lors, la procédure de licenciement ayant été engagée par la convocation de la salariée par courrier recommandé en date du 16 novembre 2017, aucun des faits reprochés n'est atteint par la prescription.

Sur le bien-fondé du licenciement

En l'espèce, la cour constate que si la lettre de licenciement détaille précisément les faits reprochés à Mme [R], qui auraient été commis entre le 19 septembre 2017 et le 05 décembre 2017, les pièces produites par l'employeur ne permettent pas de les établir.

En effet, d'une première part, la SAS Burton produit un courrier intitulé " faits pour attestation " au nom de Mme [T], lequel n'est ni daté, ni signé, ni conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, de sorte qu'il n'a aucune valeur probante.

D'une deuxième part, la SAS Burton produit une attestation en date du 15 décembre 2017 de Mme [P] [U], vendeuse, laquelle reproche à la salariée des manquements en matière de management, alors que :

- les faits indiqués sont évoqués par des formules générales, sans aucune précision de date,

- cette pièce n'est étayée par aucune autre attestation, ni aucun élément objectif,

- la salariée reproche à Mme [R] de lui avoir adressé plusieurs messages lorsqu'elle se trouvait en arrêt maladie, alors que l'employeur ne produit aucune pièce permettant de dater ces faits, ni de confirmer l'envoi de ces messages.

Enfin, d'une troisième part, pour établir que la salariée a commis de nombreux manquements en matière de développement commercial, de gestion du magasin et de management, l'employeur produit cinq documents intitulés " compte rendu de visite du magasin ", en date du 30 mai 2017, du 19 septembre 2017, du 16 octobre 2017, du 26 octobre 2017 et du 09 novembre 2017, lesquels mentionnent les "points actions menées cf visite précédente ", les thèmes abordés, soit " visible client, commerce, management et gestion ", les seuils de performance du magasin, de la région et du réseau, ainsi que les actions à mener.

Mais ces cinq comptes rendus de visite du magasin ne sont pas signés, ni par la salariée, ni par le responsable hiérarchique de Mme [R] ayant effectué la visite, dont l'identité n'est même pas mentionnée.

Et si la lettre de licenciement précise que ces visites ont été réalisées par Mme [Z], directrice régionale Sud-Est, aucune des pièces produites ne le confirme, et l'employeur ne produit pas non plus d'attestation de Mme [Z] faisant état des circonstances dans lesquelles ces visites ont été effectuées.

Aussi, ces comptes rendus mentionnent que la visite est réalisée en la présence de " [B] Equipe ", " [B] et [U] ", " [B] et [A] + [F] (cdd) ", " [B] et [A] + Stagiaire ", sans que ni l'identité complète ni la signature de ces personnes n'apparaisse sur le document.

Or, Mme [R] conteste la véracité du contenu de ces pièces, et rappelle que des comptes rendus contradictoires originaux et signés existent, qu'elle avait d'ailleurs annotés suite aux observations de l'employeur.

Et sur ce point, l'employeur affirme dans le courrier de licenciement avoir constaté le 05 décembre 2017 que ces comptes rendus originaux et signés avaient disparu, mais il ne produit aucune pièce, ni aucun élément objectif, établissant ni la réalité de cette disparition, ni les circonstances de sa découverte.

Finalement, l'employeur impute la responsabilité de cette disparition à Mme [R], à compter du 05 décembre 2017, sans aucun élément pour en justifier, et alors que Mme [R] soutient qu'elle était en congé dès le 18 novembre 2017 pour ne jamais revenir au magasin, la cour observant qu'elle produit ses bulletins de paie desquels il ressort qu'elle se trouvait effectivement absente depuis plusieurs jours, puisqu'elle était en arrêt maladie depuis le 28 novembre 2017.

Aussi, l'employeur ne produit aucun des entretiens d'évaluation professionnelle de Mme [R], ni aucune pièce établissant les alertes et les directives données, qui n'auraient pas été respectées.

L'employeur procède donc par affirmation pour critiquer les méthodes de management, de gestion et de développement commercial de sa salariée, sans apporter aucun élément précis, daté et circonstancié, lorsqu'il affirme avoir constaté des manquements, avoir donné des instructions à plusieurs reprises et depuis plusieurs mois à Mme [R], et avoir réalisé différentes mises au point afin que la salariée suive ses consignes, sans succès.

Et la cour observe enfin que Mme [R] produit à l'inverse des éléments objectifs contredisant les griefs visés en matière de gestion et de management, et notamment :

- les attestations de Mme [J], Mme [O], M. [G], Mme [I], et Mme [X], salariés ou stagiaires du magasin, lesquels rappellent les circonstances dans lesquelles ils ont travaillé avec Mme [R], notamment durant l'année 2017 et leurs conditions de travail en louant ses qualités en matière de gestion du magasin, de management, de formation et d'accompagnement du personnel,

- alors que l'employeur lui reproche l'absence de formation de Mme [O], celle-ci soutient le contraire dans son attestation, en affirmant avoir été formée par Mme [R] " dès la première semaine aux techniques de vente ('), les objectifs de NAC, et le nombre de tickets (') ",

- deux courriels de Mme [Z] en date du 17 octobre 2017 et du 27 octobre 2017, félicitant, entre autres, l'équipe du magasin de [Localité 13], soit celui de Mme [R],

- les entretiens individuels de progrès de Mme [W], de Mme [T] et de Mme [P], salariées, datés et signés, réalisés par Mme [R] durant les mois de septembre 2017 et octobre 2017, établissant qu'elle réalisait bien des entretiens de progrès contradictoires avec ses collaborateurs.

Et c'est par un moyen inopérant que la SAS Burton conteste le caractère probant de ces attestations et les explications apportées par Mme [R] dans ses écritures concernant les conditions dans lesquelles elle exécutait sa prestation de travail, puisque l'employeur n'apporte, à titre de comparaison, aucun élément objectif sur les manquements reprochés à la salariée.

Dès lors, il résulte de l'ensemble de ces éléments que la SAS Burton n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, des manquements reprochés à Mme [R], de sorte que son licenciement doit être jugé dénué de cause réelle et sérieuse, et ce par infirmation du jugement entrepris.

Sur les demandes financières

L'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur du 24 septembre 2017 au 01 avril 2018, applicable au litige, dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.

Mme [R], qui justifie d'une ancienneté de six années entières, peut prétendre, par application des dispositions précitées, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre 3 mois et 7 mois de salaire.

Elle revendique l'équivalent de 12 mois de salaire au motif que le plafond instauré par l'article L 1235-3 du code du travail est contraire à l'article 10 de la convention OIT n°158 et n'est pas de nature à indemniser le préjudice qu'elle a subi à raison de la perte injustifiée de son emploi.

A la date du licenciement, son salaire moyen brut s'élevait, selon l'employeur, sans être contesté par la salariée, à la somme de 2 533,36 euros brut.

Âgée de 41 ans à la date du licenciement, elle s'abstient de justifier de sa situation au regard de l'emploi.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, procédant à une appréciation souveraine des éléments de fait soumis au titre du préjudice subi, le moyen tiré de l'inconventionnalité des barèmes se révèle inopérant dès lors qu'une réparation adéquate n'excède pas la limite maximale fixée par la loi.

Infirmant le jugement déféré, il convient de condamner la SAS Burton à verser à Mme [R] la somme de 17 000 euros brut à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

Sur la procédure collective en cours

Il résulte des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce que le jugement d'ouverture de la procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

En conséquence, la somme de 17 000 euros brut sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Burton.

Sur la garantie de l'AGS CGEA [Localité 11]

L'AGS CGEA [Localité 11] devra sa garantie à Mme [R] dans les conditions des articles L. 3253-6 et suivants et D. 3253-5 du code du travail dès lors qu'il s'agit de créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective, nonobstant l'adoption d'un plan de redressement.

Il est de principe qu'il résulte de la combinaison des articles L. 625-1, alinéa 2, et L. 625-6 du code de commerce et les articles L. 3253-8 1° et L. 3253-15 du code du travail que la garantie de l'AGS est conditionnée à la date de naissance de la créance et que par conséquent, il est indifférent que cette créance ait été ensuite établie par une décision de justice postérieure à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs pour que l'AGS doive sa garantie.

Sur les demandes accessoires

Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des frais irrépétibles et de l'infirmer s'agissant des dépens.

La SAS Burton, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité et la situation économique respective des parties commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SAS Burton de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation ;

Y ajoutant,

DIT le licenciement de Mme [B] [R] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS Burton à payer à Mme [B] [R] la somme de 17 000 euros brut à titre de dommage et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

ORDONNE l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Burton de cette créance de 17 000 euros brut à titre de dommage et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;

DÉCLARE l'arrêt commun et opposable à l'AGS CGEA d'[Localité 11] ;

DÉCLARE que l'AGS CGEA d'[Localité 11] doit sa garantie dans les conditions des articles L. 3253-6 et suivants et D. 3253-5 du code du travail, étant précisé que les plafonds de garantie de l'AGS s'entendent en sommes brutes et retenue à la source de l'impôt sur le revenu, de l'article 204 A du code général des impôts, incluse ;

DIT n'y avoir lieu à indemnisation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE la SAS Burton aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Mme Hélène Blondeau-Patissier, conseillère faisant fonction de présidente, et par Mme Fanny Michon, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente,

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