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Décisions

CA Lyon, 3e ch. a, 27 mars 2025, n° 23/07509

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 23/07509

27 mars 2025

N° RG 23/07509 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PHCS

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 21 septembre 2023

RG : 2022f2417

[N]

S.A.R.L. [16]

C/

LA PROCUREURE GENERALE

SELARL [20]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 27 MARS 2024

APPELANTS :

M. [J] [N]

né le [Date naissance 4] 1977 à [Localité 19]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Et

S.A.R.L. [16]

immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro [N° SIREN/SIRET 8]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentés par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938, postulant et par Me Ludovic BUISSON de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE, Plaidant à l'audience par Me DUQUENNOY, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE

INTIMEES :

Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Prise en la personne de Monsieur Olivier NAGABBO, avocat général près la Cour d'Appel de LYON

Et

S.E.L.A.R.L. [20]

MANDATAIRES JUDICIAIRES, immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro [N° SIREN/SIRET 5], représentée par Maître [O] [H] ou Maître [T] [M], mandataires judiciaires, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société [17], SAS immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro [N° SIREN/SIRET 7] dont le siège social est [Adresse 9], nommée à cette fonction par Jugement du Tribunal de Commerce de Lyon du 6 février 2020

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Cécile FLANDROIS de la SELARL SVMH AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 17 Septembre 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Octobre 2024

Date de mise à disposition : 05 décembre 2024 puis prorogé au 27 Mars 2025, les parties ayant été avisées

Audience tenue par Sophie DUMURGIER, présidente, et Viviane LE GALL, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Sophie DUMURGIER, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL [17], dont M. [J] [N] était l'associé unique, avait pour activité la vente de produits relatifs à maison.

Le 12 mars 2018, la société [17] a été transformée en SAS dont M. [N] était désigné président.

Le 13 avril 2018, 1'ensemble des titres de la société [17] étaient apportés à l'EURL [16], dirigée par M. [N]. La société [16] était donc associée unique et la présidente de la société [17], et M. [N] était son représentant au sein de cette dernière pour en assurer la direction.

Le 6 décembre 2019, M. [N] a déclaré l'état de cessation des paiements de la société [17].

Par jugement du 12 décembre 2019, le tribunal de commerce de Lyon ouvrait au bénéfice de la société [17] une procédure de redressement judiciaire. La date de cessation des paiements a été provisoirement fixée au 29 novembre 2019.

Par jugement en date du 6 février 2020, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la conversion du jugement de redressement judiciaire de la société [17] en liquidation judiciaire et a désigné la SELARL [20], représentée par Maîtres [H] ou [M], en qualité de liquidateur judiciaire, ainsi qu'aux fins de prononcé d'une sanction personnelle à l'encontre de M. [N].

Le 27 novembre 2020, la SELARL [20] assignait la société [17] en report de la date de cessation des paiements.

Par jugement du 30 septembre 2021, le tribunal de commerce de Lyon reportait au 30 juin 2018 la date de cessation des paiements fixée provisoirement au 29 novembre 2019.

La SELARL [20], ès qualités, a été destinataire de déclarations de créances pour un montant de 1.479.824,56 euros.

Par acte introductif d'instance du 12 octobre 2022, la SELARL [20], ès qualités, a assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif M. [N] et la société [16] devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement contradictoire du 21 septembre 2023, le tribunal de commerce de Lyon a :

dit la responsabilité de M. [N] engagée au titre des fautes de gestion de la société [16], dirigeante de [17], et de ses fautes de gestion,

dit que M. [N] a commis des fautes de gestion en ne respectant pas sciemment le délai légal de déclaration de la cessation des paiements et en tenant une comptabilité irrégulière,

condamné M. [N] à payer à la SELARL [20], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [17], la somme de 790.000 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société [17],

débouté la SELARL [20] du surplus de ses demandes,

prononcé la faillite personnelle de M. [N] pour une durée de 10 ans,

rejeté l'intégralité des demandes de M. [N] représentant de la société [17],

condamné M. [N] à payer à la SELARL [20], représentée par maître [O] [H], ès-qualités, la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

écarté l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

***

Par déclaration reçue au greffe le 2 octobre 2023, la société [16] et M. [N] ont interjeté appel sur l'ensemble des chefs de la décision expressément critiqués sauf en ce qu'elle a débouté SELARL [20], ès-qualités, du surplus de ses demandes et écarté l'exécution provisoire du jugement, en intimant la SELARL [20] et Mme la procureure générale.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 4 janvier 2024, la société [16] et M. [N] demandent à la cour, au visa de l'article L.651-3 du code de commerce, de :

infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 21 septembre 2023 dans son intégralité.

Statuant à nouveau :

à titre principal,

juger qu'aucun défaut de tenue de comptabilité régulière ne peut être retenue à l'encontre de M. [N] et de la société [16],

juger que la démonstration par le liquidateur d'un lien de causalité entre le retard dans la déclaration de cessation des paiements et l'insuffisance d'actif n'est pas justifiée,

en conséquence :

débouter la SELARL [20], ès-qualités, des demandes en paiements qu'elle formule à l'encontre de M. [N] et de la société [16] au titre de l'insuffisance d'actif,

débouter la SELARL [20], ès-qualités, de sa demande visant à voir prononcer la faillite personnelle de M. [N].

Subsidiairement,

prendre en compte le fait que M. [N], en qualité de caution, va devoir prendre en charge la somme de 236.000 euros, montant représentant approximativement 20% du montant total du passif déclaré,

prendre en compte le fait que les transporteurs ont exercés leur droit de rétention sur la marchandise appartenant à la société [17] à hauteur de 140.000 euros,

réduire en conséquence à de plus justes proportions le montant de l'insuffisance d'actif mis à la charge de M. [N].

En tout état de cause :

débouter la SELARL [20], ès-qualités, de son appel incident comme étant parfaitement infondé,

débouter la SELARL [20], ès-qualités, de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

condamner la SELARL [20], ès-qualités, à payer à M. [N] et la société [16] la somme de 4.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la SELARL [20], ès-qualités, aux entiers dépens.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 13 mars 2024, la SELARL [20], ès qualités, demande à la cour, au visa des articles L631-8 et L641-1, R631-13 et R641-9 du code de commerce, de :

juger la SELARL [20], ès qualités, recevable et fondée en ses demandes, y faisant droit,

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

dit la responsabilité de M. [N] engagée au titre des fautes de gestion de la société [16], dirigeante de [17], et de ses fautes de gestion,

dit que M. [N] a commis des fautes de gestion en ne respectant pas sciemment le délai légal de déclaration de la cessation des paiements et en tenant une comptabilité irrégulière,

prononcé la faillite personnelle de M. [N] pour une durée de 10 ans,

condamné M. [N] à payer à la SELARL [20], ès qualités, la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

réformer le jugement pour le surplus, en ce qu'il n'a pas retenu les autres fautes de gestion de M. [N] et en ce qu'il a limité la condamnation prononcée à l'encontre de ce dernier à la seule somme de 790.000 euros au titre de l'insuffisance d'actif,

réformer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SELARL [20] du surplus de ses demandes,

réformer le jugement déféré en ce qu'il n'a pas prononcé de condamnation à l'encontre de la société [16].

En conséquence,

juger que M. [N] a été le dirigeant de droit de la société [17] jusqu'au jugement d'ouverture de cette dernière et que la société [16] a été dirigeante de droit de la société [17] à compter du 13 avril 2018,

juger que l'insuffisance d'actif de la société [17] s'élève à la somme de 1.246.315,14 euros,

juger que M. [N] n'a pas tenu de comptabilité régulière et complète concernant la société [17], que ce dernier n'a pas déclaré l'état de cessation des paiements dans le délai légal, qu'il n'a pas respecté les obligations fiscales incombant à la société [17] et a en outre usé des biens de cette dernière dans un intérêt personnel,

juger que M. [N], à titre personnel, ou en tant que dirigeant de la société [16], n'a pas tenu de comptabilité régulière,

juger que lesdites fautes ne constituent pas un cas de simple négligence,

débouter M. [N] et la société [16] de leurs prétentions tendant à voir dire qu'aucun défaut de tenue de comptabilité régulière, qu'aucun non-respect des obligations fiscales ne peut leur être opposé ou qu'il n'existerait pas de lien entre l'insuffisance d'actif constatée et le retard à déclarer l'état de cessation des paiements qui leur est opposé,

débouter M. [N] de sa demande de prise en compte de règlements qu'il pourrait effectuer en qualité de caution ou de droits de rétentions exercés par des transporteurs,

débouter M. [N] et la société [16] de leur demande au titre du principe de proportionnalité, ce dernier devant être apprécier au regard uniquement des fautes commises,

débouter M. [N] et la société [16] de l'intégralité de leurs demandes et prétentions,

juger que ces fautes de gestion sont à l'origine de l'insuffisance d'actif constatée à ce jour d'un montant de 1.246.315,14 euros,

En conséquence,

condamner M. [N] à payer à la SELARL [20], ès-qualités, la somme de 1.246.315,14 euros au titre de l'insuffisance d'actif,

juger que la société [16] n'a pas déclaré l'état de cessation des paiements de la société [17] dans le délai légal, n'a pas tenu de comptabilité complète et régulière concernant la société [17], a laissé user des biens de la société [17] contrairement à l'intérêt social de cette dernière,

En conséquence,

condamner la société [16] à payer à SELARL [20], ès qualités, la somme de 851.353,52 euros au titre de l'insuffisance d'actif,

prononcer s'il y a lieu une condamnation solidaire entre M. [N] et la société [16], dans une telle hypothèse, condamner M. [N] solidairement avec la société [16] à payer à la SELARL [20], ès-qualités, la somme de 1.246.315,14 euros au titre de l'insuffisance d'actif, dont 851.353,52 euros concernant la société [16],

juger que M. [N] n'a pas tenu de comptabilité complète et régulière, a fait disparaître des documents comptables, a usé des biens de la société [17] comme des siens propres et en toute hypothèse contrairement aux intérêts de cette dernière,

prononcer à l'encontre de M. [N] une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10 ans et à défaut une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 10 ans, eu égard notamment au fait qu'il n'a pas déclaré et ce sciemment l'état de cessation des paiements dans le délai légal.

En toute hypothèse,

débouter M. [N] et la société [16] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

débouter M. [N] et la société [16] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

condamner M. [N] et la société [16] à payer à la SELARL [20], ès qualités, la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

***

Le ministère public, par avis communiqué contradictoirement aux parties le 21 décembre 2023, a requis la condamnation de M. [N] à payer l'intégralité de l'insuffisance d'actif de 1.246.315,14 euros et le prononcé d'une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10 ans aux motifs que :

aucune comptabilité postérieure à l'exercice clos au 30 juin 2018 n'a été remise lors de cette procédure,

un redressement fiscal est intervenu, à l'occasion duquel 1'agent de la DGFIP a déploré une désinvolture permanente de M. [N], confinant à l'opposition à fonction et que le redressement a consisté dès lors à une remise en cause de la TVA déductible de la société [17] en l'absence de pièces justificatives,

ce redressement fiscal, comportant des pénalités, a induit une augmentation frauduleuse du passif de la société, à l'origine d'une aggravation du passif et justifie une sanction commerciale,

la date de cessation des paiements a été sur l'initiative du mandataire judiciaire, fixée au 30 juin 2018, alors que le dirigeant ne l'a déclarée qu'à la date du 6 décembre 2019,

cette absence de déclaration a généré un passif de 790.503 euros.

M. [N] a agi en connaissance de cause en omettant de procéder à la déclaration obligatoire, dans la mesure où l'on constate qu'il a notamment sollicité de la part de la banque [12] une facilité de caisse de 70.000 euros le 21 novembre 2018 et un prêt de 50.000 euros du [14] en décembre 2018,

l'administration fiscale a relevé des virements et chèques opérés depuis la société au profit de son dirigeant, sans aucune cause, pour un montant total de 519.170 euros entre décembre 2017 et mai 2018.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 17 septembre 2024, les débats étant fixés au 3 octobre 2024.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualité de dirigeant des appelants

La société [16] et M. [N] font valoir que :

ils ne contestent pas leur qualité de dirigeant de droit, sans compter le fait que M. [N] était le représentant de la société [16] au sein de la société liquidée suite à la cession de l'intégralité des parts de cette dernière.

La Selarl [20], ès qualités fait valoir que :

le jugement n'a pas statué sur les demandes de condamnation à l'encontre de la société [16],

après les apports de parts sociales, la société [16], représentée par M. [N], a été désignée président de la société [17], de sorte qu'elle en est devenue à compter du 13 avril 2018 dirigeant de droit,

les dirigeants d'une personne morale, elle-même dirigeante d'une société, encourent la même responsabilité en matière de procédure collective, ce qui permet d'engager la responsabilité des deux appelantes, conjointement ou non,

M. [N] est dirigeant de la société [17] depuis son origine en tant que gérant, puis en tant que président, puis en tant que représentant de la dirigeante de droit la société [16].

Sur ce,

Les appelants reconnaissent leur qualité de dirigeant de la société [17], étant rappelé que la société [16] était détentrice de l'intégralité de son capital après la cession des parts par M. [N], ce dernier devenant le représentant de la détentrice de l'intégralité du capital social pour assurer la gestion.

De fait, tant M. [N] que la société [16] s'exposent à des sanctions si des fautes de gestion sont qualifiées à leur encontre, en application des dispositions de l'article L.651-1 du code de commerce qui prévoient que les dispositions du chapitre du code de commerce relatives aux sanctions sont applicables aux dirigeants d'une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective, ainsi qu'aux personnes physiques représentants permanents de ces dirigeants personnes morales, aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée et aux entrepreneurs individuels relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V.

M. [N] qui a tout d'abord été dirigeant de la société [17] puis a été le représentant de la société [16], devenue dirigeant de droit, est donc passible de sanctions à titre personnel, de même que la société [16] est passible de sanctions en cas de reconnaissance de faute de gestion de sa part ayant conduit à l'existence d'une insuffisance d'actifs.

La décision déférée sera donc confirmée sur ce point.

Sur le montant de l'insuffisance d'actif

La société [16] et M. [N] font valoir que :

le montant de marchandises se trouvant chez les différents transporteurs travaillant avec la société [17] à la date du redressement judiciaire s'élevait à 140.000 euros, somme qui doit être déduite du passif,

la société [10] s'est prévalue de son droit de rétention sur les marchandises qu'elle détenait pour le compte de la société [17] et a sans doute procédé à leur revente et conservé le prix de cession dans la limite de ce qui lui était dû, conformément à ce que lui a écrit l'intimée,

les autres transporteurs ont fait de même,

la somme de 140.000 euros doit donc venir en déduction des condamnations sollicitées, la vente du stock détenu par la société [10] s'est effectuée à vil prix ce qui ne doit pas les conduire à en supporter les conséquences,

La SELARL [20], ès-qualités fait valoir que :

la liquidation judiciaire a été destinataire de déclarations de créances pour un montant après vérification de 1.250.477,76 euros,

l'actif recouvré est d'un montant de 4.161,05 euros,

l'insuffisance d'actif est de 1.246.315,11 euros,

l'absence de réalisation des actifs ou manquements dans cette réalisation de la part du liquidateur est sans influence sur les fautes de gestion commises,

les appelants n'ont pas porté l'existence d'actifs de marchandises d'une valeur de 140.000 euros à la connaissance du liquidateur ou du commissaire-priseur,

ces actifs étaient soumis à la loi Gayssot, de sorte qu'aucun actif résiduel n'existe,

les marchandises retenues par la société [10] ont bien été réalisées, pour un montant de 972 euros.

Sur ce,

Une contestation est élevée par les appelants qui estiment que n'ont pas été prises en compte les cessions d'actifs intervenues à l'initiative de certains fournisseurs et, qu'en outre, les paiements réalisés par M. [N] n'ont pas été déduits du montant total de l'insuffisance d'actif.

Or, il est constant qu'à la date de la clôture des opérations de liquidation judiciaire, l'insuffisance d'actif est fixée à la somme de 1.246.315,11 euros et que les dettes non réglées et nées 45 jours après la date du 30 juin 2018, date de la cessation des paiements, s'élèvent à la somme de 790.503,52 euros, en ce compris les emprunts obtenus durant l'année 2018 et avant la saisine du tribunal de commerce aux fins de mise en 'uvre d'une procédure collective.

Il appartient à M. [N] et à la société [16] de verser aux débats les éléments propres à rectifier le montant de l'insuffisance d'actif. Ces derniers font valoir que l'existence de 140.000 euros de marchandises à titre d'actifs auraient dû être réalisés et venir en déduction de l'insuffisance d'actifs retenue.

Toutefois, il ressort des pièces versées aux débats que les appelants ne justifient pas de l'existence de cette somme et n'ont informé ni le liquidateur judiciaire ni le commissaire-priseur de l'existence de ces actifs. De plus, M. [N] ne justifie pas avoir réglé une partie du passif à titre personnel.

Aucun élément ne venant conforter la position des appelants, cette somme ne peut être déduite de l'insuffisance d'actif retenue par les premiers juges et fixée à la somme de 1.246.315,11 euros, la décision déférée étant confirmée sur ce point.

Sur les fautes de gestion

La société [16] et M. [N] font valoir que :

la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements est nécessairement constituée, mais qu'ils ne sont pas restés inactifs, recherchant des concours bancaires,

M. [N] est profane en matière de gestion d'entreprise et n'a pas sciemment omis de déclarer l'état de cessation des paiements, pensant que son entreprise n'était pas en cessation des paiements,

la comptabilité de la société [17] était tenue par le cabinet d'expertise comptable [18], qui a retenu des documents suite au non-règlement de ses factures, ce cabinet se chargeant également de l'établissement des fiches de paie, des déclarations sociales et fiscales, et ne l'a pas informé de la situation de la société,

l'appelant n'a jamais eu connaissance des incohérences dans les déclarations de TVA,

la proposition de rectification fiscale aurait pu faire l'objet de contestations de la part du liquidateur, qui seul avait qualité pour agir, ce qu'il n'a pas fait, le manque de diligences n'ayant pas à être supporté par les appelants,

M. [N] a répondu aux demandes du liquidateur,

le liquidateur ne justifie pas leur avoir communiqué la proposition de rectification de l'administration fiscale, ce qu'il a admis dans ses écritures de première instance et explique donc leur absence de réponse,

le montant de la créance définitivement admise au titre de la TVA est inférieur au montant indiqué dans la proposition de rectification du 3 août 2020, ce qui démontre que le montant de la créance n'était pas sérieux,

l'avis de recouvrement demeurait contestable jusqu'au 31 décembre 2023,

la notification d'une proposition de rectification ne suffit pas à démontrer l'existence d'une faute de gestion,

les erreurs commises relèvent de la responsabilité de l'expert-comptable qui n'a pas relevé d'irrégularités dans les déclarations de TVA,

si jamais l'existence d'une comptabilité incomplète et irrégulière était retenue, il s'agirait d'une simple négligence,

concernant l'usage allégué des biens de la société dans un intérêt personnel, les règlements visés ont été effectués au profit de l'entreprise individuelle de M. [N] et sur le compte professionnel de celle-ci, le reliquat de 20.100 euros correspondant au remboursement partiel du compte-courant créditeur de la concluante

leur réclamation a été admise en totalité par la direction générale des finances publiques, démontrant l'absence de détournement d'actifs,

le liquidateur inverse la charge de la preuve s'agissant des prélèvements sur la trésorerie et leur but, qui n'incombe pas aux concluants,

ils produisent aux débats les factures d'achat de matelas du fournisseur qui les justifient,

M. [N] n'a pas détourné des sommes, étant personnellement caution de la société pour de nombreux prêts.

La SELARL [20], ès qualités fait valoir que :

les appelants ont commis une faute de gestion en tardant à déclarer la date de cessation des paiements, laquelle a été reportée de plus de 17 mois par rapport à la date initialement retenue,

s'agissant d'une insuffisance d'actif, l'intention du dirigeant est indifférente quant au retard de la déclaration de l'état de cessation des paiements,

l'appelant avait conscience de l'impasse financière dans laquelle se trouvait la société [17] puisqu'il a recherché des concours bancaires pour régler ses dettes, ce qui n'a pas mis fin à l'état de cessation des paiements,

les concours bancaires sont intervenus en période suspecte et ont eu pour effet d'aggraver le passif de la société et de financer une exploitation déficitaire,

l'ignorance de la loi alléguée par M. [N] et son caractère profane sont indifférents,

l'appelant se contredit en soutenant avoir commis une erreur d'appréciation d'une part, et recherché des concours bancaires d'autre part,

la durée de 17 mois du retard démontre à elle seule qu'il ne s'agit pas d'une simple négligence,

le retard à déclarer l'état de cessation des paiements est d'autant plus caractérisé que la société s'était vue notifier un déclassement par [11], ce qui selon l'appelant impliquait qu'il n'avait plus de travail à confier aux salariés et qu'il leur demandait de ne plus revenir,

les appelants ont commis une faute car la comptabilité de la société [17] n'était ni régulière, ni complète, et en dépit des demandes du liquidateur de différents documents, le seul document transmis est le bilan de l'exercice clos au 30 juin 2018,

l'inspecteur des finances publiques qui a rencontré l'appelant dans le cadre du contrôle fiscal sur l'exercice 2017/2018 ne s'est pas vu communiquer l'intégralité des éléments demandés,

le commissaire aux comptes de la société a indiqué ne jamais avoir eu communication par le dirigeant des comptes annuels de la société, si bien qu'il a démissionné,

jusqu'à la présente instance et la convocation devant le juge commissaire, l'appelant n'avait pas évoqué de difficultés avec l'expert-comptable de la société,

après relance et tardivement, le cabinet d'expertise comptable a transmis au liquidateur le grand livre provisoire pour l'exercice 2018/2019, ainsi que les grands livres 2016/2017 et 2017/2018,

la transmission des éléments comptables incombe au dirigeant au titre de son devoir de coopération, ce qui montre là encore la défaillance des appelants,

malgré ces communications, la comptabilité reste incomplète et irrégulière, aucun élément comptable n'étant transmis pour la période du 1er juillet 2019 au 12 décembre 2019,

la faute de gestion au titre de la comptabilité ne relève pas d'une simple négligence étant rappelé que le rôle de l'expert-comptable est indifférent puisque c'est au dirigeant seul qu'incombe la responsabilité de tenir une comptabilité correcte et sincère,

le calendrier de la procédure collective ne peut expliquer l'absence de remise de documents comptables,

la comptabilité remise n'est ni fiable ni régulière, l'inspecteur des finances a relevé des irrégularités, étant rappelé que le dirigeant doit s'assurer de la régularité de la comptabilité, la responsabilité éventuelle de l'expert-comptable étant indifférente,

l'appelant ne peut pas prétendre qu'il n'aurait jamais été informé du redressement fiscal intervenu, puisque l'inspecteur des finances a adressé de multiples convocations sans recevoir de réponses,

M. [N] a commis une faute par l'usage des biens de la société [17] contraire aux intérêts de cette dernière,

cette faute a été relevée par les services des impôts qui ont noté des prélèvements injustifiés de 519.170 euros dans les actifs de la société à son bénéfice, étant indiqué que cette somme n'a pas été traitée en comptabilité et ne correspond pas à la rémunération de la gérance,

la production de factures émises par M. [N] est insuffisante à démontrer le bien-fondé de ces transferts de fonds,

la charge de la preuve de l'utilisation régulière des fonds dans l'intérêt de la société incombe aux dirigeants de droits de la société,

les factures produites en première instance pour tenter de justifier ces prélèvements ne correspondaient pas et étaient incohérentes,

le dégrèvement dont les appelants ont fait l'objet auprès de la direction générale des finances publiques ne justifie pas de la régularité des opérations de la société,

ils ont commis une faute distincte d'une simple négligence dans la méconnaissance des obligations fiscales puisqu'ils n'ont pas respecté les obligations déclaratives et n'ont pas reversé la TVA collectée, étant rappelé que la responsabilité éventuelle de l'expert-comptable est indifférente,

ils ne produisent pas de pièces permettant de remettre en cause le redressement fiscal intervenu alors même qu'ils ont été destinataires de la proposition de rectification,

M. [N] et la société [16] sont responsables de l'intégralité des fautes de gestion,

la société [16] et son représentant sont responsables de l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements dans les délais, de l'absence de comptabilité à compter du 30 juin 2018, et d'avoir laissé son dirigeant prélever des fonds à hauteur de 60.850 euros.

Sur ce,

Sur les griefs reprochés au titre des articles L653-3 et L653-4 du code de commerce

L'article L653-3 du code de commerce dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée au 1° du I de l'article L. 653-1 , sous réserve des exceptions prévues au dernier alinéa du I du même article, contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ;

2° (Abrogé).

3° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif.

II.- Que peuvent en outre, sous la même réserve, être retenus à l'encontre d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée ou d'un entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V les faits ci-après :

1° (Abrogé)

2° Sous le couvert de l'activité ou du patrimoine visés par la procédure masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt autre que celui de cette activité ou de ce patrimoine ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de l'entreprise ou du patrimoine visés par la procédure un usage contraire à l'intérêt de cette entreprise ou de ce patrimoine à des fins personnelles ou pour favoriser une personne morale ou une entreprise dans laquelle il était intéressé, directement ou indirectement, ou un patrimoine distinct lui appartenant.

L'article L653-4 du même code dispose que :

Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;

2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;

4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

En la présente espèce, il est nécessaire d'apprécier si les griefs non retenus en première instance à l'encontre de M. [N] et faisant l'objet de l'appel incident de la SELARL [20] sont caractérisés, à savoir :

la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire,

avoir fait des biens ou crédit de l'entreprise ou du patrimoine visés par la procédure un usage contraire à l'intérêt de cette entreprise ou de ce patrimoine à des fins personnelles.

S'agissant de la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, il convient d'analyser l'état comptable et financier de la société [17] au cours de son activité et de déterminer si l'activité a été poursuivie, alors même que la situation ne pouvait que s'aggraver et augmenter le passif.

Sur ce point, il est rappelé que la cour ne dispose que d'une comptabilité jusqu'au 30 juin 2018, étant rappelé que l'expert-comptable a démissionné puisqu'il n'était pas rémunéré et n'obtenait pas de la part de son client les documents nécessaires pour procéder aux déclarations en matière de TVA mais aussi d'impôts sur les sociétés.

L'examen des grands livres de l'année 2018 démontre que les résultats au cours de l'année sont négatifs et que déjà, entre 2016 et 2017, le résultat net de la société liquidée a diminué de 49.956 euros. Au 30 juin 2018, date de fixation de la cessation des paiements, qui a fait l'objet d'une nouvelle fixation au maximum du délai prévu par les textes, il est constant que la société n'est pas en mesure d'assurer le paiement de ses créances avec l'actif disponible, et le suivi comptable que le dirigeant se doit de faire, de même que son représentant, démontre sans ambiguïté la situation de cessation des paiements, ce que confirme la lecture de la pièce 62 sur ce point (grand livre de l'année 2018/2019), qui démontre, qu'au 30 juin, les comptes de l'entreprise sont largement déficitaires.

Or, il est constaté que l'activité de la société [17] est poursuivie au-delà de cette date et que M. [N] a pris la décision de solliciter des concours financiers au profit de la société, avec le risque que ceux-ci ne viennent encore augmenter l'endettement de la société.

En outre, le bilan de l'année 2017/2018 démontre que la société [17] doit déjà rembourser de nombreux prêts, sans compter que sur cette même année, le bilan fait mention des amendes fiscales qui doivent être réglées.

L'accroissement de l'endettement ne peut qu'augmenter les difficultés de la société et l'impossibilité, en cas de déclenchement d'une procédure collective, d'envisager son redressement, ce qui est déjà la preuve de la poursuite d'une activité déficitaire.

En outre, il convient d'envisager l'usage fait des sommes dont le crédit est accordé, notamment afin de déterminer s'il en a été fait usage dans l'intérêt de l'entreprise.

Les appelants qui entendent se retrancher derrière la mission de l'expert-comptable quant aux déclarations à réaliser auprès des organismes fiscaux et sociaux omettent le fait qu'ils demeurent responsables de ces déclarations, même s'ils confient la mission à un tiers, d'autant plus que l'expert-comptable indique ne pas avoir reçu les documents nécessaires.

La liste des créances déclarées au titre des années 2018 et 2019 démontre que les fournisseurs n'étaient plus payés et que sur la dernière année d'exercice, l'assurance professionnelle n'est plus réglée, outre le défaut de paiement des cotisations sociales à compter du 30 juin 2018.

Qui plus est, à cette date, l'encours fournisseur est de 232.970,75 euros et s'élève à la somme de 1.132.543,43 euros un an plus tard.

M. [N] se prétend profane en matière de gestion d'entreprise ce qui est inopérant car il suffit de faire un comparatif entre les sommes dues aux fournisseurs, banques et autres créanciers et les actifs effectivement détenus pour déterminer le caractère évident de l'endettement massif de la société [17], s'agissant uniquement de faire des additions et une soustraction, mais aussi de tenir compte des factures en cours et des sommes créditées en comptes.

De fait, la poursuite abusive de l'activité constitue une faute qui doit être retenue à l'encontre des appelants, la décision déférée étant infirmée sur ce point.

Concernant l'usage des biens ou du crédit de l'entreprise ou du patrimoine visés par la procédure contraire à l'intérêt de cette entreprise ou de ce patrimoine, à des fins personnelles, il convient de reprendre les comptes versés aux débats par la SELARL [20] pour vérifier leur utilisation.

Il est constant que le 21 novembre 2018, la Banque [12] a octroyé à la société [17] une facilité de caisse outre un prêt à l'équipement de 25.000 euros, et qu'en décembre 2018, le [14] a octroyé à la même société un prêt de 50.000 euros.

Suite à ces apports en trésorerie, il est noté que de manière régulière, des virements et paiements par chèque sont effectués du compte de la société [17] vers le compte de M. [N].

Ce dernier fait valoir que les paiements avaient pour but de rembourser son compte-courant d'associé et les factures émises par sa propre société au profit de la société liquidée.

Toutefois, ces paiements qui interviennent pendant la période suspecte s'apparentent à un paiement préférentiel passible de nullité.

De plus, il existe une contradiction flagrante à augmenter le passif de la société [17] pour permettre à M. [N] d'obtenir un paiement, ce dernier se faisant au détriment de l'intérêt de la société liquidée qui non seulement est endettée par l'octroi de nouveaux concours financiers mais de plus est dépossédée du bénéfice de ceux-ci puisque l'argent obtenu revient in fine à M. [N].

Les sommes perçues par ce dernier s'élèvent entre décembre 2017 et mai 2018 à 519.170 euros. L'appelant, s'il prétend qu'il s'agissait d'un remboursement de son compte d'associé ne justifie que du bien-fondé d'une partie des sommes reçues, étant rappelé la problématique liée au paiement préférentiel.

Il est relevé que l'inspecteur des finances publiques qui a contrôlé la société [17] n'a obtenu aucun justificatif quant au paiement de ces sommes à l'intéressé, la situation étant la même concernant le liquidateur judiciaire, les factures n'étant fournies que devant le tribunal de commerce.

Dans le courrier de redressement, l'inspecteur des finances rappelle que la somme perçue par M. [N] s'élève à 16% du chiffre d'affaires annuel de 3.246.234,46 euros, et, qu'en outre, ces paiements sont répétés, onze fois, pour des montants supérieurs à 50.000 euros.

Il doit être relevé que ces sommes sont créditées sur un seul compte, ouvert au seul nom de M. [N] et non d'une entreprise.

Or, le compte est alimenté par des virements mais surtout par des chèques, qui ne peuvent être signés que par le dirigeant légal de l'entreprise à savoir M. [N], qui prélève directement des sommes sur la comptabilité de la société [17] à son profit personnel.

M. [N] entend fait valoir que ces sommes lui étaient dues car il avait fourni des biens à la société [17] via sa société personnelle et fourni des factures à ce titre. Or, l'intéressé n'apporte aucun élément quant à la nature des produits fournis à la société liquidée, ne démontre pas que cette dernière a reçu des produits qu'elle aurait vendus par la suite avec les mentions correspondantes en comptabilité.

La simple remise de factures ne suffit pas à démontrer que les flux financiers mis en évidence étaient réguliers et résultaient de contrats.

Si M. [N] a fourni en première instance des factures de commande et en appel des justificatifs de vente, ceux-ci ne correspondent pas entre eux et ne trouvent aucune corrélation dans la comptabilité de la société [17], ce qui ne lui permet pas de prétendre qu'il aurait passé en son nom personnel des commandes au bénéfice de cette dernière société.

Le fait que l'appelant aurait bénéficié d'un dégrèvement dans le cadre du contrôle fiscal est indifférent puisque les pièces produites ne permettent pas de justifier les prélèvements réalisés sur le compte de la société [17] à son profit, sans oublier que, s'agissant de certains fournisseurs, il n'existe aucune logique à ce qu'il intervienne à titre personnel puisqu'il existait déjà un flux d'affaires entre eux et la société liquidée.

Concernant le remboursement du compte-courant, M. [N] indique que celui-ci s'élevait à la somme de 76.048 euros au 30 juin 2018, ce qui imposait un remboursement à son profit.

Toutefois, la comparaison entre les sommes prélevées sur le compte et faisant l'objet de factures, laissent un reliquat de 20.100 euros au titre du remboursement partiel dudit compte.

Or, la comptabilité ne porte pas trace du remboursement partiel du compte-courant d'associé.

Dans les deux cas de faute retenus, M. [N] et la société [16] ne peuvent prétendre qu'elles relèvent de simples négligences, étant rappelé que la gestion d'une société nécessite de la rigueur et la simple compréhension que le patrimoine de la société est différent de celui de son dirigeant légal ou de fait.

Les appelants n'apportent aucune justification face à ce qui relève de l'évidence comme l'endettement chronique et exponentiel de la société [17], mais aussi l'usage des fonds de cette dernière à des fins contraires à son intérêt social. D'autre part, lorsque des concours bancaires sont accordés à une société, cette dernière ne peut en faire usage que dans son intérêt, afin de poursuivre son activité et non pour permettre de rembourser de manière discrétionnaire certains créanciers.

Qui plus est, il doit être retenu que M. [N] n'évoque le fait d'avoir procédé à des acquisitions au profit de l'activité de la société [17] que sur la période suspecte, n'ayant jamais procédé de la sorte auparavant, ce qui démontre qu'il a agi en connaissance de cause et profité du crédit de l'entreprise, la répétition des paiements excluant toute négligence.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la faute d'usage de biens ou crédit de l'entreprise ou du patrimoine visés par la procédure un usage contraire à l'intérêt de cette entreprise ou de ce patrimoine à des fins personnelles est caractérisée, la décision des premiers juges qui ne les ont pas retenues, étant infirmée sur ce point.

Sur les griefs retenus au titre de l'article L.653-5 du code de commerce

L'article L653-5 du code de commerce dispose que :

Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;

2° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;

3° Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;

4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;

5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;

7° Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée.

En la présente espèce, il est nécessaire d'apprécier si les griefs retenus en première instance à l'encontre de M. [N] sont caractérisés, à savoir :

l'abstention volontaire de coopérer avec les organes de la procédure ou faire obstacle à son bon déroulement,

la disparition de la comptabilité, l'absence de comptabilité ou la tenue d'une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière et le non-respect des obligations fiscales et sociales.

Concernant l'abstention volontaire de coopérer avec les organes de la procédure, il ressort des pièces versées aux débats que le liquidateur judiciaire a sollicité à plusieurs reprises M. [N] dans le cadre de la procédure, notamment par courriel dès le 19 juin 2020 aux fins d'obtenir une copie de la déclaration 2065, la copie du bilan, le compte de résultat, la liste des immobilisations, des provisions, de l'état des créances et des dettes, le seul document obtenu étant le bilan de l'exercice 2017/2018 clôturé le 30 juin 2018.

Le liquidateur judiciaire verse ensuite aux débats les différentes demandes qu'il a formées auprès des cabinets comptables concernant la société [17], sans avoir reçu de réponse, le cabinet [13], commissaire aux comptes, indiquant ne jamais avoir eu communication des comptes annuels de cette société et n'avoir jamais réussi à joindre le dirigeant, ce qui l'a conduit à démissionner.

Il n'est pas contesté que ce n'est que lors de la convocation devant le juge-commissaire que M. [N] a dit avoir des difficultés avec l'expert-comptable puisqu'il ne le payait plus, ce qu'il n'a jamais évoqué jusque-là puisqu'il ne répondait pas aux différentes demandes de la SELARL [20], laquelle obtiendra par ses propres moyens les comptes et grands livres pour les années 2016/2017, 2017/2018, soit plus de trois ans après le jugement d'ouverture de la procédure collective, et sans aucune intervention du dirigeant qui se doit pourtant de collaborer dans le cadre de la procédure.

La SELARL [20] fait état de ce que M. [N] a pu adopter la même attitude dans le cadre de la vérification fiscale qui s'est tenue. Si le sort de cette vérification est indifférent, il n'est pas inutile de relever que, confronté à une administration ou à une personne chargée de vérifier son activité, l'appelant adopte systématiquement une attitude mutique et ne collabore pas, ce qui conduit à douter de sa bonne foi.

M. [N] ne peut prétendre à une simple négligence puisqu'il a choisi de taire ses éventuelles difficultés, de ne pas communiquer avec le liquidateur judiciaire, et de ne pas lui remettre la liste des éléments demandés, sans lui en expliquer les raisons. Cette attitude relève d'un choix et non d'une simple inconséquence, dès lors, cette faute sera retenue, la décision déférée étant confirmée sur ce point.

Concernant l'absence de comptabilité fiable et de comptabilité à jour, il est rappelé qu'un contrôle de comptabilité a été engagé concernant la société [17] avant l'ouverture d'une procédure collective et que l'inspecteur des finances chargé de cette mission a rencontré de nombreux obstacles et ne s'est pas vu communiquer les pièces nécessaires.

S'agissant de la procédure collective, les appelants prétendent que les pièces relatives à l'année 2019 ne pouvaient être communiquées puisque le jugement d'ouverture a été rendu avant la fin de l'exercice, qu'un droit de rétention a été exercé par le comptable et que le commissaire aux comptes n'avait pas pu se prononcer.

Or, les éléments versés aux débats démontrent que les appelants n'ont pas fait le nécessaire pour assurer le paiement de l'expert-comptable en charge de réaliser le bilan de la société, et qu'aucune communication n'existait avec le commissaire aux comptes ce qui ne permettait pas l'établissement des comptes, et empêchait toute personne de disposer d'une image exacte de l'état de la société [17].

De plus, les statuts de la société liquidée n'octroient pas de délais supplémentaires au profit de son dirigeant pour établir les comptes annuels, seule leur approbation par l'assemblée générale pouvant intervenir au plus tard six mois après la clôture des comptes.

Au surplus, il sera rappelé que la clôture des comptes intervient chaque année au 30 juin, et que le jugement d'ouverture de la procédure date du 12 décembre 2019, ce qui n'empêchait nullement d'établir les comptes.

Enfin, il est fautif pour un dirigeant de ne pas être en mesure de présenter les comptes annuels de sa société et de ne pas régler les factures des organes en charge de cette mesure eu égard aux conséquences qui peuvent en résulter sur le futur de l'entreprise concernée.

S'agissant de la teneur des comptes, il est rappelé que l'inspecteur des finances a retenu des irrégularités concernant les déclarations de TVA qui ne correspondaient pas à la réalité pour l'exercice 2017/2018, un rappel de 38.978 euros étant notifié concernant la TVA collectée déclarée et celle obtenue après analyse des comptes de la société, un second rappel de 559.755 euros étant notifié en raison de l'absence de justificatifs concernant la TVA déductible.

Les appelants excipent de la responsabilité de l'expert-comptable qui n'aurait pas fait le nécessaire pour déclarer correctement la TVA.

Or, il est constant que le dirigeant, même s'il mandate un expert-comptable, demeure responsable de la bonne tenue de la comptabilité mais aussi de sa véracité. Les éléments versés aux débats démontrent que M. [N] était dans l'incapacité de remettre à son expert-comptable les éléments permettant de justifier les déclarations de TVA qu'il annonçait.

Les factures versées à hauteur d'appel par l'appelant concernant le second chef de redressement ne viennent justifier qu'un montant de 73.387,44 euros mais pas la totalité de la somme redressée.

De plus, la remise de ces factures lors de la présente instance pose difficulté puisqu'elles existaient forcément lors de la vérification entreprise par l'administration fiscale mais ne lui ont pas été remises, ce qui caractérise d'autant plus la carence du dirigeant au plan comptable.

Enfin, l'examen de la comptabilité met en avant des comptes d'attente pour des sommes conséquentes sans pour autant que l'appelant ne puisse les justifier ni apporter aucun élément d'explication, démontrant son incapacité à tenir une comptabilité à jour et correcte, ce, en collaboration avec son expert-comptable. La responsabilité du dirigeant est première et celui-ci ne peut mettre en cause le cabinet comptable alors même qu'il est le seul garant de l'entreprise et se doit d'assurer que celle-ci détient une comptabilité correcte, gage de l'état financier de l'entreprise et de sa capacité à obtenir des financements, ou à poursuivre son activité et contracter avec des tiers.

Les appelants indiquent ne pas avoir été informés des redressements fiscaux et mettent en cause l'action ou l'inaction de la SELARL [20], prétendant que cette dernière ne leur a pas remis certains documents.

Or, les appelants sont infondés à émettre ce reproche puisque les documents qu'ils visent devaient être remis par leurs soins, alors que, par ailleurs, il appartient à toute société d'être domiciliée, ce qui n'est pas le cas de la société [16] qui prétend pourtant être exonérée de toute responsabilité.

Enfin, s'agissant des factures présentées par les appelants pour justifier différents mouvements comptables, il est relevé que la société « personnelle » de M. [N], indiquée comme étant la société [15] n'est pas inscrite au RCS, et que, quel que soit le montant des factures présentées uniquement en appel, l'ensemble ne correspond pas aux mouvements comptables.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, ni M. [N] ni la société [17] ne peuvent se prévaloir d'une simple négligence concernant l'absence de tenue d'une comptabilité exacte. Au contraire, la faute de gestion est caractérisée par tous les manquements relevés, réitérés au fil des années, qui démontrent un laxisme permanent quant à la tenue de la comptabilité de la société liquidée et sa véracité.

Au surplus, la faute de non-respect des obligations fiscales ne peut qu'être retenue au regard des redressements prononcés par l'administration fiscale, les amendes fiscales étant imputées en comptabilité.

En conséquence, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a retenu une faute de gestion caractérisée par l'absence de tenue d'une comptabilité ou la tenue d'une comptabilité, et infirmée en ce qu'elle n'a pas retenu la faute de non-respect des obligations fiscales du dirigeant.

Sur la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements de la société [17]

L'article L.631-4 du code de commerce dispose que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas, dans ce délai, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

Il est constant que la date de cessation de paiement a été reportée au 30 juin 2018, la décision du tribunal de commerce de Lyon du 30 septembre 2021 ayant force de chose jugée.

Dans leurs écritures, les appelants reconnaissent cette situation mais indiquent avoir recherché des concours bancaires pour y remédier ce qui relève d'une méconnaissance préoccupante du fonctionnement d'une société et de notions simples telles que le crédit et le débit d'un compte. Cette recherche de financement démontre également qu'ils étaient conscients de l'état de cessation de paiement de la société liquidée puisqu'elle ne pouvait plus assurer le paiement de ses dettes avec les fonds dont elle disposait, ni son fonctionnement au quotidien.

Dès lors, cette faute de gestion est caractérisée à l'encontre des appelants, la décision déférée étant confirmée sur ce point.

Sur la contribution des fautes de gestion à l'insuffisance d'actif

La société [16] et M. [N] font valoir que :

il n'est pas établi que la poursuite d'activité aurait généré une aggravation du passif de 791.874,96 euros, car on ne peut déterminer à la lecture des écritures de l'intimée le passif qui aurait été déclaré dans l'hypothèse où l'état de cessation des paiements aurait été immédiatement déclaré,

la poursuite d'activité de la société a permis de générer un chiffre d'affaires conséquent utilisé pour régler ses créanciers,

les concluants ont continué à communiquer avec le cabinet d'expertise comptable et l'intimée a pu recevoir le grand livre provisoire pour l'exercice 2018-2019 qui n'est pas versé au passif alors qu'il permettait d'observer l'évolution du passif pendant la période de poursuite d'activité,

il appartient à l'intimée de rapporter la preuve de l'évolution du passif et de son lien avec d'éventuelles fautes de gestion,

les comptes au 30 juin 2018 font état de dettes de 544.351 euros auxquelles il faut ajouter la somme de 300.000 euros déclarée par l'administration fiscale suite à la rectification en l'absence de contestation du liquidateur,

le passif total déclaré est de 1.246.315,11 euros et la poursuite d'activité n'a pu générer un passif supérieur à 401.964,14 euros,

en tout état de cause, le tribunal de commerce ne pouvait retenir la faute de comptabilité irrégulière et incomplète dans le dispositif du jugement, alors qu'il a indiqué qu'elle n'avait généré aucun surcroît de passif.

La SELARL [20], ès qualités fait valoir que :

l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements est à l'origine de nombreuses dettes impayées, pour un nouveau passif de 790.503,52 euros, soit 60% de l'insuffisance d'actif,

il n'est pas possible de démontrer que la poursuite de l'exercice aurait permis de générer de nouveaux actifs réduisant le passif ancien en l'absence de pièces comptables en attestant, et en l'absence totale de pièces comptables postérieurement au 30 juin 2018, alors que certains créanciers n'ont peut-être pas déclaré leurs créances,

la prise en compte d'une réduction du passif ancien dans le cadre du retard dans la déclaration de l'état de cessation des paiements reviendrait à valider des paiements préférentiels de fournisseurs en période suspecte, ce qui constitue une faute de gestion,

le retard dans la déclaration de l'état de cessation des paiements a aggravé le passif en contraignant la société à souscrire deux contrats de prêt qui n'ont pas été payés en intégralité,

le jugement doit être infirmé en ce qu'il a considéré que l'absence de comptabilité fiable et à jour de la société ne pouvait avoir aucun lien avec l'insuffisance d'actif constatée,

l'appelant lui a reproché de ne pas communiquer le grand livre provisoire 2018/2019 dont elle n'a reçu communication qu'en cours d'instance et qu'elle verse aux débats, lequel fait apparaître une aggravation des dettes fournisseurs pendant la période de retard de déclaration,

l'absence de comptabilité a privé le dirigeant de la société d'une vision actualisée et fiable de cette dernière qui lui aurait permis de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours,

les prélèvements de 519.170 euros sur les comptes de la société l'ont privée d'une partie de ses ressources et ont participé à son état de cessation des paiements, intervenue peu de temps après,

la privation de trésorerie a poussé la société vers la conclusion de prêts en période suspecte, aggravant l'insuffisance d'actifs,

les manquements des appelants aux obligations fiscales sont à l'origine d'une aggravation de l'insuffisance d'actif en causant des pénalités de 100.000 euros,

les fautes de gestion des appelants sont à l'origine de l'intégralité de l'insuffisance d'actif pour M. [N], et à hauteur de 851.353,52 euros pour la société [17].

Sur ce,

Les fautes de gestion retenues à l'encontre des appelants sont à l'origine d'une insuffisance d'actifs conséquente, notamment en raison de l'absence de déclaration de cessation des paiements dans un délai de 45 jours, mais aussi en raison de la poursuite abusive de l'activité.

Sur l'exercice 2018/2019, le grand livre comptable permet le constat de l'augmentation incessante de l'endettement de la société [17], au détriment de ses créanciers, sans compter que M. [N] s'est approprié les crédits obtenus normalement pour poursuivre l'activité.

Il est constant par ailleurs que l'absence de déclaration de l'état de cessation de paiement a conduit à générer 60% du passif retenu soit la somme de 790.503,52 euros.

Durant la période postérieure à la date de cessation de paiement, il est retenu que M. [N] a, à plusieurs reprises, prélevé des sommes conséquentes sur le compte de la société liquidée à son profit, augmentant d'autant plus le passif et absorbant la totalité des financements obtenus à la fin de l'année 2018.

Cette action a augmenté d'autant le passif puisque les créanciers n'étaient plus réglés.

En outre, M. [N] qui prétend avoir été appelé en tant que caution, ne justifie d'aucun élément démontrant qu'il aurait adopté une attitude propre à diminuer l'insuffisance d'actif de la société [17].

Au contraire, son action en tant que dirigeant de cette société, puis en tant que représentant de la société [16], dirigeante de droit, a généré un surcroît de passif avant mais surtout après la date de cessation des paiements, ses différentes fautes de gestion contribuant à l'insuffisance d'actif retenue, comme l'a exactement retenu le tribunal.

Sur le quantum de l'insuffisance d'actif à mettre à la charge des dirigeants

La société [16] et M. [N] font valoir que :

' ils n'ont pas à subir les conséquences de la vente à vil prix des actifs de la société [17],

' ils ont toujours eu pour seule volonté de sortir la société [17] de ses difficultés,

M. [N] est caution de plusieurs prêts souscrits, de sorte qu'il devra d'ores et déjà prendre à sa charge 236.000 euros du passif de la société,

si M. [N] arrête ses règlement spontanés afin d'apurer ses dettes, il s'expose à des mesures d'exécution forcée sur son patrimoine personnel,

une subrogation du concluant dans les droits des banques après remboursement en tant que caution n'aurait aucune utilité,

le principe de proportionnalité doit être appliqué pour déterminer le quantum à mettre à la charge des concluants.

La SELARL [20], ès qualités fait valoir que :

M. [N] ne démontre pas avoir été appelé en qualité de caution par un créancier de la société [17], ni avoir procédé à un quelconque règlement à ce titre,

si M. [N] avait procédé au règlement en qualité de caution, il serait subrogé dans les droits des banques dans lesdites créances, de sorte que son règlement ne peut pas être exclu de l'insuffisance d'actif,

les décomptes de l'intéressé démontrent qu'il n'a pas réglé l'intégralité des cautionnements et il est impossible de savoir si les paiements se poursuivront,

le principe de proportionnalité n'est relatif qu'à la gravité des fautes commises par le dirigeant et la nature de son patrimoine est indifférente,

M. [N] est responsable de l'ensemble des fautes de gestion en qualité de dirigeant de droit mais aussi de représentant du dirigeant de droit qui lui succède, il doit être condamné à payer à la concluante l'intégralité de l'insuffisance d'actif, de même que la société [16],

les fautes de la société [16] ont causé 851.353,52 euros d'insuffisance d'actifs de sorte qu'elle doit être condamnée à payer ce montant solidairement avec l'appelant à hauteur de cette somme,

la condamnation solidaire est de l'appréciation souveraine de la juridiction,

à défaut de solidarité, le recouvrement n'excéderait pas le quantum de l'insuffisance d'actif.

Sur ce,

L'article L.651-2 al 1 du code de commerce dispose que : « Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée. »

Au regard des éléments versés aux débats, et en application du principe du proportionnalité, tenant compte de la nature des fautes commises, il convient de condamner solidairement M. [N] et la société [16] à supporter l'insuffisance d'actif générée par leurs agissements fautifs.

Les agissements fautifs retenus étaient d'abord ceux de M. [N] seul dirigeant de la société [17] puis ceux de la société [16] représentée par le premier, alors qu'elle était dirigeante légale de la société [17], la société [16] ne peut être écartée de toute responsabilité au motif de l'intervention de son représentant. En tant que dirigeant de droit, elle est astreinte aux mêmes obligations qu'un dirigeant personne physique dans le cadre de la direction d'une entreprise et les fautes commises par son préposé ou son représentant sont de sa responsabilité.

La solidarité sera donc prononcée concernant la condamnation au titre de l'insuffisance d'actifs.

La décision sera infirmée sur ce point en ce qu'elle a condamné seulement M. [N] à payer la somme de 790.000 euros.

Il convient au regard de l'intégralité des éléments considérés et de la nature des fautes commises sur une durée conséquente, de condamner solidairement M. [N] et la société [16] à payer à la SELARL [20] ès qualités, la somme de 851.353,52 euros.

Cette condamnation est proportionnelle à la gravité des fautes commises et tient compte de l'action des deux dirigeants qui se sont succédés à la tête de la société [17], qui a eu pour effet d'augmenter le passif de cette dernière, et était, en tout état de cause contraire à l'intérêt social de la société liquidée.

Sur le prononcé d'une sanction personnelle à l'encontre de M. [N]

M. [N] fait valoir que :

la SELAR [20] invoque à l'appui de sa demande de faillite personnelle les mêmes fautes de gestion qu'elle revendique à l'appui de son action en responsabilité pour insuffisance d'actif, alors que le cumul des sanction est juridiquement impossible mais également disproportionné,

la comptabilité avait été confiée à un cabinet comptable et il ne peut être tenu pour responsable des irrégularités commises par un tiers, étant rappelé en outre que le liquidateur avait seul qualité à agir pour contester la proposition de redressement fiscal,

il conteste avoir prélevé de manière injustifiée des fonds de la société [17], et il n'est pas démontré que la poursuite d'activité a généré un passif supplémentaire,

il doit prendre en charge 20% du passif en qualité de caution,

la demande de faillite personnelle est injustifiée.

La SELARL [20], ès qualités, fait valoir que :

l'appelant a été dans l'incapacité de produire des documents comptables en dehors des comptes annuels de l'exercice clos au 30 juin 2018 et que d'autres documents, incomplets et irréguliers n'ont été communiqués qu'après des relances,

l'appelant a usé des biens de la société [17] comme des siens propres et en toute hypothèse contrairement aux intérêts de cette dernière, en prélevant de façon injustifiée 519.170 euros,

la cour prononcera à l'encontre du concluant une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10 ans,

à défaut, la cour pourra prononcer une mesure d'interdiction de gérer en constatant que l'appelant n'a sciemment pas déclaré l'état de cessation des paiements dans le délai légal, alors qu'il ne pouvait ignorer les difficultés financières de la société

la mesure d'interdiction de gérer peut être prononcée pour une durée de 10 ans,

le cumul de la sanction de responsabilité pour insuffisance d'actif et de faillite personnelle est possible et n'est pas disproportionné, les deux sanctions poursuivant des objectifs distincts.

Sur ce,

L'article L.653-11 alinéa 1 du code de commerce dispose que lorsque le tribunal prononce la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8, il fixe la durée de la mesure, qui ne peut être supérieure à quinze ans. Il peut ordonner l'exécution provisoire de sa décision. Les déchéances, les interdictions et l'incapacité d'exercer une fonction publique élective cessent de plein droit au terme fixé, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'un jugement.

L'article L.653-8 alinéa 1 du code de commerce dispose que dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

Au terme de ce qui précède, quatre fautes de gestion ayant contribué à une insuffisance d'actif conséquente au détriment de la société [17] sont retenues à l'encontre de M. [N].

Ce dernier, qui a agi à titre personnel puis en tant que représentant de la société [16] qu'il dirigeait également, a démontré son incapacité à diriger une entreprise mais aussi à comprendre les règles en la matière.

Il ne peut prétendre invoquer des responsabilités tierces, notamment de l'expert-comptable, puisqu'il était le seul responsable de la gestion de la société.

De plus, il s'est enrichi à titre personnel en prélevant des sommes conséquentes sur la trésorerie de la société [17], privant cette dernière des quelques actifs lui restant, sans apporter de justificatifs crédibles quant à ce qu'il présente comme son entreprise individuelle qui serait intervenue au profit de la société liquidée.

La volonté constante de l'appelant de ne pas être confronté à la réalité, notamment en ne collaborant pas avec les organes de la procédure mais aussi en tentant de se décharger de toute responsabilité démontre son incapacité à diriger une entreprise.

Il est démontré que sa gestion défectueuse de la société liquidée a contribué à une insuffisance d'actif de 1.246.315,11 euros, qu'il continue de nier en dépit de tous les éléments objectifs issus de la comptabilité.

Au regard de ces éléments, il est nécessaire de prononcer une sanction à l'encontre de M. [N] qui ne peut être qu'une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10 ans, en raison de la gravité des fautes retenues mais aussi de son enrichissement personnel au détriment de la société [17] et des créanciers de cette dernière.

Cette sanction prononcée est proportionnée à la situation personnelle de M. [N] qui au regard de ses défaillances en matière de gestion ne peut être laissé à la tête d'une entreprise et a la possibilité de retrouver un emploi dans un autre cadre.

Elle est également nécessaire pour assainir la vie économique et éviter que d'autres entreprises ne se trouvent dans une telle situation sous sa direction.

L'importance des fautes retenues et la persistance de M. [N] à les nier ou à accepter sa responsabilité personnelle sont autant d'arguments démontrant la proportionnalité de la sanction prononcée par les premiers juges, qui sera confirmée à hauteur d'appel.

Sur les demandes accessoires

M. [N] et la société [16] échouant en leurs prétentions, ils sont condamnés à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel.

L'équité commande d'accorder à la SELARL [20], ès qualités, une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [N] et la société [16] sont condamnés in solidum à lui verser la somme de 4.000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, dans les limites de l'appel,

Confirme la décision déférée sauf en ce que :

- elle n'a pas retenu à l'encontre de M. [J] [N] et de la SARL [16] les fautes de gestion de poursuite abusive d'une exploitation déficitaire et d'usage des biens ou du crédit de l'entreprise ou du patrimoine visés par la procédure contraire à l'intérêt de cette entreprise ou de ce patrimoine à des fins personnelles,

- elle n'a pas retenu la faute de non-respect des obligations fiscales du dirigeant à l'égard de M. [J] [N] et de la SARL [16],

- elle a condamné M. [J] [N] à payer la somme de 790.000 euros au titre de l'insuffisance d'actifs,

- elle a débouté la SELARL [20], ès qualités, de ses demandes formées contre la SARL [16],

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que M. [J] [N] et la SARL [16] ont commis les fautes de gestion de poursuite abusive d'une exploitation déficitaire et d'usage des biens ou du crédit de l'entreprise ou du patrimoine visés par la procédure contraire à l'intérêt de cette entreprise ou de ce patrimoine à des fins personnelles, et de non-respect des obligations fiscales par le dirigeant de droit,

Condamne solidairement M. [J] [N] et la SARL [16] à payer à la SELARL [20], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SASU [17], la somme de 851.353,52 euros au titre de l'insuffisance d'actif,

Condamne in solidum M. [J] [N] et la SARL [16] à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel,

Condamne in solidum M. [J] [N] et la SARL [16] à payer à la SELARL [20], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SASU [17], la somme de 4.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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