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CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 1 avril 2025, n° 24/16749

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/16749

1 avril 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 1er AVRIL 2025

(n° / 2025, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/16749 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKEHA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 septembre 2024 -Tribunal de commerce de BOBIGNY - RG n° 2024P00938

APPELANTE

S.A.S. LIMAWA PAIN & TRADITION, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 834 421 000,

Dont le siège social est situé [Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Adlene KESSENTINI, avocat au barreau de PARIS, toque C0714,

INTIMÉS

Maître [X] [E], en qualité de liquidateur judiciaire de la société SAS LIMAWA PAIN & TRADITION,

Dont l'étude est située [Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Jean-Noël COURAUD de la SELAS DÉNOVO, avocat au barreau de PARIS, toque : K0178,

Assisté de Me Véronique ALBRECHT, avocate au barreau de PARIS, toque : K178,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 2]

[Localité 4]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 mars 2025, en audience publique, devant la cour, composée de:

Madame Constance LACHEZE, conseillère faisant fonction de présidente,

Monsieur François VARICHON, conseiller, chargé du rapport,

Madame Isabelle ROHART, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur François VAISSETTE, avocat général, qui a fait connaître ses observations orales confirmant son avis écrit du 5 février 2025.

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Constance LACHEZE, conseillère faisant fonction de présidente, et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE

La société par actions simplifiée Limawa Pain & Tradition exerce depuis sa création en 2018 une activité de boulangerie-pâtisserie à [Localité 6] (93). Par acte du 1er septembre 2023, elle a confié l'exploitation de son fonds de commerce à un locataire-gérant.

Par jugement contradictoire du 18 septembre 2024, le tribunal judiciaire de Bobigny, statuant sur requête du ministère public, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire immédiate à son égard et désigné Maître [X] [E] en qualité de mandataire liquidateur. La date de cessation des paiements a été fixée provisoirement au 18 mars 2023.

La société Limawa Pain & Tradition a relevé appel de ce jugement en intimant le ministère public et Maître [E] ès qualités.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 31 décembre 2024, la société Limawa Pain & Tradition demande à la cour de:

- infirmer le jugement rendu le 18 septembre 2024;

- ouvrir à son égard une procédure de redressement judiciaire;

- condamner 'l'intimé' aux dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 5 février 2025, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement dont appel sauf pour la société Limawa Pain & Tradition à justifier, à l'appui de ses comptes 2023 et éventuellement 2024, qu'elle est en mesure d'absorber le passif sur une durée de 10 ans.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 10 février 2025, Maître [E] ès qualités demande à la cour de:

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions;

- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 4 mars 2025.

SUR CE

A l'appui de sa demande, la société Limawa Pain & Tradition fait valoir:

- que le tribunal n'a pas procédé à un examen approfondi de ses perspectives de redressement; qu'ainsi, il a omis d'examiner sa situation comptable actualisée, notamment le bilan 2023 qui était en cours de finalisation au moment de l'audience, et les projets de restructuration financière et les engagements des partenaires commerciaux et financiers de la société;

- que le tribunal a fixé la date de la cessation des paiements au 18 mars 2023 sans justification claire, alors que la société Limawa Pain & Tradition n'a rencontré de difficultés qu'à compter de 2021 en raison de la crise sanitaire et que les créances sociales et fiscales échues étaient en cours de négociations avec les administrations concernées;

- que ses droits de la défense ont été méconnus en raison d'une convocation tardive et insuffisamment claire et de l'absence de prise en compte des pièces justificatives communiquées ultérieurement, ce qui constitue une violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales;

- qu'à titre principal, elle demande l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire dans la mesure où elle dispose des moyens suivants pour assurer son redressement: la finalisation d'un plan de restructuration financier avec la banque, la réduction des charges d'exploitation par la fermeture d'un établissement secondaire, la mobilisation de sources de financement pour apurer le passif exigible;

- qu'à titre subsidiaire, elle sollicite un réexamen approfondi de sa situation et demande la nomination d'un expert indépendant pour évaluer ses perspectives de redressement et le report de la liquidation jusqu'à la présentation de son bilan 2023 et des solutions qu'elle proposera.

Maître [E] ès qualités indique:

- que la société Limawa Pain & Tradition ne peut soutenir que ses perspectives de redressement n'auraient pas été suffisamment examinées par le tribunal alors qu'elle n'a jamais produit ses comptes de l'exercice 2023; que l'absence de tenue de comptabilité rend le redressement manifestement impossible;

- que les revenus tirés de la location-gérance du fonds de commerce de la société Limawa Pain & Tradition, qui constituent sa seule ressource, ont bien été pris en compte par le tribunal mais sont insuffisants pour envisager son redressement compte tenu du passif de l'entreprise et de son absence de capacité bénéficiaire;

- que la date de cessation des paiements a été justement fixée par le tribunal compte tenu de l'ancienneté du passif fiscal et social de la société Limawa Pain & Tradition;

- que les droits de la défense de la société Limawa Pain & Tradition n'ont pas été méconnus.

Le ministère public indique qu'au regard de l'importance de la dette de la société Limawa Pain & Tradition et de ses recettes, le redressement de l'entreprise apparaît manifestement impossible, sauf production d'éléments comptables pertinents.

Aux termes de l'article L. 640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

L'article L. 631-1 du code de commerce définit la cessation des paiements comme l'impossibilité pour le débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

La preuve de l'état de cessation des paiements doit être rapportée par celui qui demande l'ouverture de la procédure alors que la preuve de l'existence de réserves de crédit ou de moratoires lui permettant de faire face à son passif exigible incombe au débiteur.

En cas d'appel, l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.

En l'espèce, il convient de relever à titre liminaire que la société Limawa Pain & Tradition n'apporte aucune explication au sujet de la convocation 'insuffisamment claire et tardive' qu'elle affirme avoir reçue en vue de se présenter à l'audience du tribunal de commerce du 23 avril 2024, laquelle s'est finalement tenue le 18 septembre 2024, après renvois, de sorte que l'intéressée, qui était assistée d'un conseil, a disposé du temps nécessaire pour préparer sa défense. En outre, elle ne démontre pas qu'elle aurait communiqué des pièces utiles, dont elle omet de préciser la nature, que la juridiction aurait injustement écartées de son analyse de la situation. Au vu de ces éléments, l'appelante ne démontre pas que ses droits de la défense ont été méconnus en première instance.

Il ressort de l'état des créances produit par Maître [E] ès qualités que le passif déclaré de la société Limawa Pain & Tradition s'élève à la somme totale 195.552,15 euros et qu'il est constitué d'une créance de loyer de 2.338,17 euros et pour le surplus d'une créance de l'URSSAF de 193.213,98 euros dont 45.000 euros déclarés à titre provisionnel, correspondant à des cotisations impayées pour la période courant de 2020 à septembre 2024. Selon les indications non contestées du liquidateur, les cotisations afférentes à la période courant de 2020 à avril 2023 ont été appelées à la suite d'un redressement pour travail dissimulé. La société Limawa Pain & Tradition ne justifie pas de la conclusion d'un moratoire avec les créanciers concernés de sorte qu'il convient de considérer que son passif exigible s'élève à la somme de 150.552,15 euros (195.552,15 euros - 45.000 euros déclarés à titre provisionnel par l'URSSAF).

Au vu rapport du liquidateur du 3 février 2025, l'actif disponible de l'appelante s'élève à la somme totale de 6.326,61 euros correspondant à l'encaissement d'une redevance de location gérance (5.893,91 euros), au solde créditeur d'un compte bancaire (432,02 euros) et à des intérêts (0,68 euros). L'appelante ne fait état d'aucun autre élément d'actif disponible.

Le passif exigible (150.552,15 euros) étant supérieur à l'actif disponible (6.326,61 euros), la société Limawa Pain & Tradition se trouve en état de cessation des paiements et relève d'une procédure collective, ce que l'intéressée ne conteste pas au demeurant puisqu'elle sollicite l'ouverture d'une mesure de redressement judiciaire.

S'agissant de la date de cessation des paiements, le tribunal l'a fixée au 18 mars 2023 au regard de la créance SIE 2022. L'existence de cette dette est justifiée au vu du bordereau de situation fiscale du 12 juin 2024 versé aux débats. Par ailleurs, l'appelante fait état de difficultés rencontrées à compter de l'année 2021, soit antérieurement à la date retenue par le tribunal, et ne justifie pas de la conclusion d'un moratoire avec l'administration fiscale. La date de cessation des paiements sera donc confirmée.

En ce qui concerne ses éventuelles perspectives de redressement, la société Limawa Pain & Tradition ne communique aucune pièce comptable. Ainsi, les comptes de l'exercice 2023 n'ont toujours pas été produits alors qu'ils étaient pourtant censés avoir été établis à la date à laquelle les débats ont eu lieu devant la cour, le 4 mars 2025. Selon les indications du liquidateur, l'exercice 2022 s'était soldé par une perte de 2.547 euros. L'appelante n'apporte aucune précision ni pièce au sujet du 'projet de restructuration financière' et des 'engagements de partenaires' dont elle se prévaut. Dans ces conditions, la redevance perçue du locataire-gérant de son fonds de commerce, d'un montant de 2.893 euros par mois au vu du contrat versé aux débats, qui constitue son seul revenu démontré, est insuffisante pour lui permettre d'envisager un remboursement des créanciers tout en acquittant les charges nouvelles qu'engendrerait la poursuite de son exploitation. Il n'y a pas lieu de désigner un expert indépendant pour évaluer les perspectives de redressement de la société Limawa Pain & Tradition, ainsi que celle-ci le sollicite, dès lors que Maître [E], en qualité de technicienne désignée par le tribunal, a d'ores et déjà rédigé un rapport sur sa situation financière, économique et sociale le 2 septembre 2023, outre un rapport actualisé daté du 3 février 2025, et que l'appelante ne démontre pas que son analyse de la situation serait erronée ou incomplète.

Le redressement de la société Limawa Pain & Tradition apparaissant manifestement impossible le jugement sera confirmé en ce qu'il a ouvert à son égard une procédure de liquidation judiciaire.

Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Et, y ajoutant,

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Constance LACHEZE,

Conseillère faisant fonction de présidente

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