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Décisions

CA Saint-Denis de la Réunion, ch. civ. tgi, 28 mars 2025, n° 23/01107

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Autre

CA Saint-Denis de la Réunion n° 23/0110…

28 mars 2025

ARRÊT N°25/

LF

R.G : N° RG 23/01107 - N° Portalis DBWB-V-B7H-F5XP

Etablissement Public DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE PROV ENCE-ALPES-COTE D'AZUR ET DES BOUCHES DU RHONE

C/

[K]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 28 MARS 2025

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION en date du 13 JUIN 2023 suivant déclaration d'appel en date du 01 AOUT 2023 RG n° 21/00617

APPELANTE :

Etablissement Public DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR ET DES BOUCHES DU RHONE

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentant : Me Alain ANTOINE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉ :

Monsieur [I], [U] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Thibaut BESSUDO de BOURBON AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 28/11/2024

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 janvier 2025 devant Monsieur FRAVETTE Laurent, Vice-président placé, qui en a fait un rapport, assisté de Madame Sarah HAFEJEE, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 28 mars 2025.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Conseiller : Monsieur Laurent FRAVETTE, Vice-président placé affecté à la cour d'appel de Saint-Denis par ordonnance de Monsieur le Premier Président

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 28 mars 2025.

Greffière lors de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.

* * *

LA COUR

Par acte de donation-partage du 5 septembre 2014, Monsieur et Madame [G] [K] ont donné à leurs enfants [C] et [I] [K], la nue-propriété de 1428 actions de la Société par Actions simplifiées dénommée SOFISAV (SAS SOFISAV).

Considérant que cette donation n'était pas éligible au dispositif d'exonération partielle sur les droits de mutation (abattement de 75% sur la valeur des titres transmis) prévue à l'article 787 B du code général des impôts (CGI), une proposition de rectification n°2120 du 18 août 2017 a été adressée par l'administration fiscale à Monsieur [I] [K].

Monsieur [I] [K] a contesté auprès de l'administration fiscale cette imposition supplémentaire.

Malgré les observations de Monsieur [I] [K], l'administration fiscale a confirmé le maintien de la totalité des rectifications par courrier n°3926 du 1er février 2018.

Le 31 mai 2018, les impositions ont été mises en recouvrement par avis (AMR) n°1805125 et n°1805124 pour les montants suivants :

Rappel des droits : 493 716 euros

Intérêt de retard : 67 145 euros

560 861 euros

Par décision en date du 14 janvier 2021, la réclamation de Monsieur [I] [K] du 29 septembre 2020 a été rejetée par l'administration fiscale.

Par acte du 17 mars 2021, Monsieur [I] [K] a fait assigner la Direction Régionale des Finances Publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et des Bouches du Rhône devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis afin de voir annuler la décision de rejet susvisée et donc, prononcer la décharge des droits et intérêts de retard mis en recouvrement.

Par jugement contradictoire en date du 13 juin 2023, le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion a statué en ces termes :

« Annule la décision de rejet du 14 janvier 2021 ;

Annule l'avis de mise en recouvrement du 31 mai 2018 ;

Condamne la Direction générale des finances publiques, agissant poursuites et diligences de la Direction régionale des finances publiques de Provence Alpes Côtes d'Azur et du département des Bouches du Rhône, à payer à Monsieur [I] [K] une indemnité de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la Direction générale des finances publiques, agissant poursuites et diligences de la Direction régionale des finances publiques de Provence Alpes Côtes d'Azur et du département des Bouches du Rhône aux dépens ;

Rappelle que l'exécution provisoire est de droit. »

* * *

Par déclaration au greffe en date du 1er août 2023, l'administration fiscale a interjeté appel de cette décision.

L'affaire a été renvoyée à la mise en état par ordonnance du 2 août 2023.

L'administration fiscale, appelant, a déposé ses premières conclusions le 31 octobre 2023.

Monsieur [I] [K], intimé, a déposé ses conclusions le 12 septembre 2023.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 novembre 2024.

* * *

Aux termes de ses conclusions, l'administration fiscale demande à la cour de :

« Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Denis le 13 juin 2023 :

Et statuant à nouveau,

Déclarer régulières et bien fondées les impositions mises à la charge de Monsieur [I] [K] ;

Confirmer la décision de rejet du 14 janvier 2021 ;

Ordonner le rétablissement des impositions dégrevées à la suite du jugement du 13 juin 2023 ;

Débouter Monsieur [I] [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner l'intimé à payer à l'Administration des finances publiques une somme de 3 000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel. »

L'appelante fait valoir :

Sur l'annulation de l'AMR :

L'administration fiscale rappelle deux principes. Le premier, en application de l'article L.199 du livre des procédures fiscales (LPF) selon lequel le juge judiciaire ne peut que statuer sur la décision administrative expresse ou tacite, de rejet de la réclamation préalable et non directement sur le titre de recouvrement de la créance du Trésor. Le second, en application aux articles 1701 et suivants du CGI selon lequel l'exécution du jugement entraîne le rétablissement de l'exigibilité de l'impôt ou le dégrèvement partiel ou total des impositions en cause.

Sur le détournement de la procédure mise en 'uvre par l'administration fiscale :

L'administration fiscale fait valoir que la vérification de la comptabilité de la SAS SOFISAV engagée en 2017 n'avait pas que pour objectif de vérifier l'éligibilité des consorts [K] au régime prévu par l'article 787 B du CGI, mais l'ensemble des impositions sur la période 2014/2015, étant précisé que cette même société avait déjà fait l'objet de vérifications par le passé ayant donné lieu à des rappels d'impôt pour les années 2011 à 2013.

Sur le fondement de fondement de la rectification :

L'administration fiscale rappelle que la proposition de rectification litigieuse est parfaitement fondée en application de l'article L 57 du LPF aux termes duquel, elle doit motiver en fait et en droit les propositions de rectification émises afin de permettre au contribuable de prendre position, à la fois, sur le montant du rehaussement et sur la motivation de l'application de l'intérêt de retard.

Sur le bénéfice des dispositions prévues par l'article 787 B du CGI :

L'administration fiscale précise que la société SOFISAV ne peut recevoir la qualification de société « holding animatrice du groupe » et donc, bénéficier du régime de l'exonération partielle visées par l'article 787 B du CGI dans la mesure où elle ne définit pas réellement et de manière effective une politique d'ensemble pour le groupe, ni du suivi auprès des filiales.

Sur la non application de l'intérêt de retard :

L'administration fiscale indique, en application de l'article 1727 II-2 du CGI, que le simple renvoi au bénéfice d'une disposition législative, en l'occurrence les articles 779 et suivants du CGI, sans explication ou énoncé des motifs de fait justifiant l'application de ce régime, n'ouvre pas droit au bénéfice de la mention expresse.

* * *

Aux termes de ses uniques conclusions, Monsieur [I] [K] demande à la cour de :

« VOIR REJETER les conclusions de l'appelant ;

VOIR CONFIRMER le jugement du tribunal judiciaire du 13 juin 2023 ;

VOIR PRONONCER le dégrèvement des 1 121 722 euros d'impositions supplémentaires ;

VOIR CONDAMNER l'administration au remboursement des frais irrépétibles évalués à 6 000 euros en application du code de procédure civile. »

Monsieur [I] [K] soutient :

Sur la contestation de la décision d'annulation de l'AMR par l'administration fiscale :

Il réaffirme qu'il sollicite seulement l'annulation des impositions mises en recouvrement et par voie de conséquence, l'annulation de l'AMR qui avait déjà été annulé par l'administration fiscale.

Sur le moyen relatif au détournement de procédure :

Monsieur [I] [K] expose que l'administration fiscale a notifié un rehaussement fiscal sur la base de renseignements recueillis lors d'une vérification de comptabilité irrégulière qui n'a jamais été achevée en l'absence d'avis de redressement et de proposition de rectification. Ainsi, il soutient que l'administration fiscale a manqué à son devoir de loyauté.

Sur le moyen relatif à l'irrégularité de la proposition de rectifications du 18 août 2017 :

Selon l'intimé, l'administration fiscale n'a pas tenu compte de l'activité réelle de la société support de l'acte de donation, ni la part majoritaire des filiales opérationnelles dans la SAS SOFISAV. Par ailleurs, selon celui-ci, le fondement d'une rectification doit être précise dès l'origine afin de permettre à l'intéressé d'apporter des observations sur ledit fondement des rectifications. En cas de changement de fondement, il appartient à l'administration fiscale d'établir une nouvelle proposition de rectification motivée avec le nouveau fondement donnant lieu à une rectification faisant courir un nouveau délai de réponse pour formuler de nouvelles observations, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

Sur le moyen concernant le bénéfice des dispositions relatives à la mention expresse :

Monsieur [I] [K] fait valoir que les motifs de droit et de fait, valant mention expresse exonératoire des intérêts de retard ont été exposés par un acte d'engagement collectif, complétant l'acte de donation-partage du 5 septembre 2014.

Sur la solidarité en matière de droits d'enregistrement :

L'intimé fait grief à l'administration fiscale de ne pas avoir respecté le principe du contradictoire et d'avoir manqué à son obligation de loyauté en n'adressant pas d'AMR, ni à la donatrice, ni aux deux donataires. Cette même anomalie touche également les montants des créances revendiquées qui sont différents à chacune des parties.

* * *

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

Elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

I ' Sur la demande d'annulation de l'AMR et la solidarité en matière de droit d'enregistrement :

L'administration légale souligne que sa demande est exclusivement limitée à l'annulation de la décision de rejet du 14 janvier 2021 prononcée en première instance. Cependant, il résulte de ses conclusions, qu'elle demande également à la cour « d'infirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de SAINT-DENIS le 13 juin 2023 » qui a annulé l'avis de mise en recouvrement du 31 mai 2018.

En réplique, Monsieur [I] [K] indique qu'il s'agit là, à l'évidence « d'une erreur de plume » de la part de l'administration fiscale, rappelant que sa demande principale visait à une décharge totale des impositions supplémentaires mises à sa charge, avant de tirer les conséquences de la décision d'annulation. Il ajoute que l'administration fiscale n'a pas adressé d'AMR, ni à la donatrice, ni aux deux donataires. Cette même anomalie touche également les montants des créances revendiquées qui sont différents à chacune des parties.

D'ailleurs, sur ce point, il ajoute que les AMR annulés en première instance avaient déjà été annulés par l'administration fiscale elle-même sans être renouvelés.

Sur ce,

Aux termes des dispositions de l'article L.199 alinéa 2 du LPF, les tribunaux judiciaires sont compétents pour statuer sur les contentieux relatifs :

Aux droits d'enregistrement,

L'impôt sur la fortune immobilière,

La taxe de publicité foncière,

Les droits de timbre,

Les contributions indirectes et les taxes assimilées.

En l'espèce, pour rappel, par décision du 13 juin 2023, le tribunal judiciaire a prononcé l'annulation de l'AMR du 31 mai 2018 (pièces intimé n°2 et 2 bis). En cause d'appel, l'administration fiscale sollicite l'infirmation du jugement entrepris du 13 juin 2023, donc l'infirmation de la décision d'annulation de l'AMR du 31 mai 2018.

Or, sur ce point, l'intimé verse la décision d'annulation de ladite administration en date du 27 novembre 2018 des deux AMR susvisés (pièce intimé n°8) intervenue avant l'introduction de l'instance.

Ainsi, il résulte de ces éléments que si la présente demande peut s'apparenter à une « erreur de plume », force est de constater que les deux parties s'accordent pour demander à la cour de se prononcer essentiellement sur l'imposition supplémentaire et autres pénalités mises à la charge des consorts [K], dont Monsieur [I] [K] suivant la proposition rectificative du 18 août 2017 qui a donné lieu à une réponse n°3926 du 1er février 2018.

Dès lors, il convient de constater que la demande d'annulation des AMR du 31 mai 2018 est sans objet compte tenu de la décision du 27 novembre 2018.

Par conséquent, le jugement querellé sera infirmé.

II ' Sur l'annulation de la décision de rejet du 14 janvier 2021 :

1 ' Sur le détournement de procédure :

L'administration fiscale fait grief à la décision déférée d'avoir considéré :

Qu'au travers d'un détournement de procédure, elle a commis une vérification irrégulière des droits d'enregistrement, entraînant la nullité des rectifications,

Que la vérification de la comptabilité de la société SAS SOFISAV engagée en mai 2017 avait que pour seul objectif de vérifier les conditions d'éligibilité des consorts [K] au dispositif d'abattement prévu à l'article 787 B du CGI,

Que la vérification de la comptabilité de la société SAS SOFISAV engagée en mai 2017 n'avait jamais été achevée, ni donné lieu à aucune proposition de rectification, ni même d'avis d'absence de redressement.

Dans ses conclusions, Monsieur [I] [K] soutient que l'administration fiscale a notifié un rehaussement fiscal sur la base de renseignements recueillis lors d'une vérification de comptabilité irrégulière qui n'a jamais été achevée en l'absence d'avis de redressement et de proposition de rectification. Ainsi, il soutient que l'administration fiscale a manqué à son devoir de loyauté.

Sur ce,

Pour rappel, conformément à l'article L.10 du LPF, l'administration fiscale dispose d'un pouvoir général de contrôle des déclarations fiscales souscrites par les contribuables personnes morales et physiques, outre les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. Les agents des finances publiques contrôlent également les documents déposés, en vue d'obtenir des déductions, restitutions, remboursements. Pour ce faire, l'administration fiscale peut mettre en 'uvre la vérification de comptabilité. Dès lors, l'administration fiscale a l'obligation d'adresser à l'intéressé un avis de vérification de comptabilité.

Dans ce cadre, la jurisprudence admet la prise en compte de renseignements obtenus au cours de vérification de comptabilité, sur des renseignements extérieurs à l'acte soumis à la formalité, recueillis de manière régulière. (Cass.com 11 octobre 1998)

Aux termes des dispositions de l'article L.51 du LPF, la vérification de comptabilité doit être considérée comme achevée à la date de la dernière intervention sur place du vérificateur.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que la SAS SOFISAV a été destinataire d'un avis de vérification de comptabilité n°3927 en date du 2 mai 2017, reçu le 5 mai 2017 (pièce appelante n°7) pour l'informer que « L'examen de vos déclarations s'inscrit dans le cadre normal du système déclaratif. L'administration a pour mission de s'assurer de la régularité de celles-ci qui sont présumées exactes et sincères.

Ce contrôle est le garant du respect du principe d'égalité devant l'impôt et de la concurrence loyale entre les entreprises (') Dans ce cadre, conformément aux dispositions des articles L.13 et L.47, et le cas échéant L.16D, du livre des procédures fiscales et afin de procéder à la vérification : de l'ensemble de vos déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées et portant sur la période 01/01/2014 au 31/12/2015, je me présenterai à votre siège social le jeudi 18 mai 2017 à 10 heures (') ».

Par courriers en date des 24 mai 2017 et 1er février 2018, l'administration fiscale a, dans un premier temps, accusé réception des fichiers des écritures comptables (clé USB) remis par la société vérifiée (pièce appelant n°8 et 6), avant d'informer l'intimé que la procédure de vérification de comptabilité « engagée par l'avis du 02/05/2017 pour les exercices clos en 2014 et 2015 est achevée. » et ce, sans donner lieu à rectification.

Toutefois, au cours de ces opérations de vérification, l'administration fiscale a relevé que « la holding n'était pas une holding animatrice » et en a, tiré les conséquences au regard du dispositif Dutreil.

De ces éléments, il résulte que Monsieur [I] [K] est mal fondé à soutenir que l'administration a commis, au travers d'un détournement de procédure, une vérification irrégulière des droits d'enregistrement, susceptible d'entraîner la nullité des rectifications opérées.

Par ailleurs, comme cela a pu être démontré ci-dessus, il s'avère que l'administration fiscale avait agi dans le cadre de son pouvoir général de contrôle et non, comme le soutient l'intimé, pour vérifier uniquement les conditions d'éligibilité des consorts [K] au dispositif d'abattement prévu à l'article 787 B du CGI.

Enfin, contrairement aux conclusions de l'intimé, la vérification de la comptabilité de la société SAS SOFISAV, engagée en mai 2017, a bien été achevée avec un avis d'absence de rectification.

Par conséquent, ce moyen sera écarté en l'absence d'irrégularité démontrée et quelconque déloyauté de la part de l'administration fiscale.

2 ' Sur la régularité de la proposition de rectification du 18 août 2017

L'administration fiscale indique que la proposition de rectification du 18 août 2017 critiquée est motivée en fait et en droit conformément aux dispositions légales.

Monsieur [I] [K] soutient que l'administration fiscale a changé de fondement juridique en cours de procédure pour l'exclure du bénéfice du régime de faveur prévu à l'article 787 B du CGI en évoquant, dans un premier temps, une « activité civile prépondérante » de gestion de participations financières dans des sociétés à caractère civil, avant de baser sa rectification sur le critère de holding non animatrice.

Sur ce,

Aux termes des dispositions de l'article L.57 du LPF, « L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. »

En l'espèce, il convient de relever qu'une proposition de rectification en date du 18 août 2017 (pièce appelante n°2) a été adressée à Monsieur [I] [K] aux termes de laquelle l'administration fiscale a détaillé sur vingt pages les faits et motifs à l'origine de la proposition de rectification, outre la possibilité pour le contribuable de formuler des observations sous un délai de trente jours avec prorogation de trente jours supplémentaires sur demande.

A ce stade de la procédure de vérification, l'administration fiscale rappelle sur le fond, les faits qui ont motivé la proposition de rectification et les motifs de la remise en cause de l'exonération partielle au titre des droits de mutation prévue à l'article 787 B du CGI, outre les montants des rehaussements envisagés et les motifs de l'application de l'intérêt de retard de sorte que Monsieur [I] [K] était pleinement en capacité de formuler des observations en défense, ce qui d'ailleurs, a été fait par celui-ci le 25 octobre 2017.

Par ailleurs, s'agissant du changement de fondement juridique soutenu par Monsieur [I] [K] relatif à « une activité civile de gestion d'un patrimoine de participations financières ou immobilier » de la SAS SOFISAV, qualifiée de prépondérante, comme cela a été indiqué, à la fois, dans la proposition de rectification du 18 août 2017 et par courrier n°3926 du 1er février 2018, ce critère n'a pas été contradictoirement retenu par l'administration fiscale comme fondement de la rectification.

En effet, l'analyse des bilans de la SAS SOFISAV et des filiales avait, notamment, pour objectif de démontrer que les filiales ne pouvaient être assimilées à des filiales opérationnelles, c'est-à-dire, des sociétés ayant des activités : industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Ainsi, l'administration fiscale pouvait donc, vérifier si la donation des titres de la société pouvait être admise au régime exonératoire de l'article 787 B du CGI, exclusivement réservé aux dites sociétés.

Dès lors, il y a lieu de considérer que l'administration fiscale a satisfait à son obligation légale de motivation en fait et en droit prescrite par l'article L.57 du LPF de manière contradictoire.

Par conséquent, ce moyen sera également rejeté.

3 ' Sur le fondement de la proposition de rectification

L'administration fiscale précise que la société SOFISAV ne peut recevoir la qualification de société « holding animatrice du groupe » et donc, bénéficier du régime de l'exonération partielle visées par l'article 787 B du CGI dans la mesure où elle ne définit pas réellement et de manière effective une politique d'ensemble pour le groupe, ni du suivi auprès des filiales qui ne constituent pas des sociétés opérationnelles.

Pour sa part, Monsieur [I] [K] expose que l'administration fiscale n'a pas tenu compte de l'activité réelle de la société support de l'acte de donation, ni la part majoritaire des filiales opérationnelles dans la SAS SOFISAV lui permettant de bénéficier du régime de faveur prévu à l'article 787 B du CGI.

Sur ce,

Pour rappel, afin d'alléger le coût des donations ou successions et favoriser la pérennité des entreprises familiales, le législateur a instauré un régime dérogatoire dit « Pacte Dutreil », consacré par l'article 787 B du CGI selon lequel, un abattement à hauteur de 75 % de leur valeur est prévu pour les transmissions par donation ou succession de parts ou actions de société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Cet allègement fiscal bénéficie aux transmissions en pleine propriété, en usufruit ou en nue-propriété, de parts ou d'actions d'une société ayant le type d'activité mentionné ci-dessus.

Par ailleurs, les sociétés holding animatrice de groupe susceptible de bénéficier du régime de faveur de l'article 787 B du CGI sont celles qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations :

Participent activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales,

Et rendent, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers (Cass.com 29 novembre 1991)

Ces sociétés utilisent ainsi leur participation dans le cadre d'une activité industrielle ou commerciale qui mobilise des moyens spécifiques. Ces sociétés holding animatrices s'opposent aux sociétés holdings passives qui sont de simples gestionnaires d'un portefeuille mobilier. Autrement dit, la société holding animatrice ne se limite pas à détenir des participations dans d'autre sociétés, elle joue également un rôle actif dans la gestion et le développement de ses filiales en définissant une politique d'ensemble pour le groupe, et son application effective au sein de la filiale.

Si la charge de la preuve de la qualification de société holding animatrice incombe au contribuable, l'administration fiscale vérifie que le caractère animateur de la holding est réel et effectif.

En l'espèce, dans un premier temps, c'est à tort que Monsieur [I] [K] retient que l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice du régime prévu à l'article 787 B du CGI sur le fondement du pourcentage de l'activité civile, présumée supérieure à 50 % dans la société SOFISAV.

En effet, comme cela a pu être rappelé ci-dessus, que ce soit dans le cadre de la proposition de rectification du 18 août 2017 ou par courrier n°3926 en date du 1er février 2018 (pièce appelant n°3), le fondement de la rectification porte bien sur l'activité de la holding et des filiales.

Dans un second temps, il résulte des observations produites et des pièces justificatives communiquées au cours de la procédure de vérification que :

« - les documents produits font état de simples prestations rendues aux filiales en matière administrative, comptable ou juridique. En revanche, aucune justification quant :

a la participation active de la holding à la conduite de la politique du groupe en matière de stratégie, développement ou investissements notamment ;

au caractère effectif et essentiel des interventions du dirigeant dans la détermination de la politique des filiales ;

aux actions précisées définies par la holding dont il est établi qu'elles s'imposent aux filiales et qu'elles ont été suivies d'effets. »

De ces éléments, il ressort qu'aucun élément n'a été communiqué pour caractériser une politique d'animation comme :

« objet social de la holding qui indique son caractère d'animateur,

une convention écrite d'animation précisant que la holding définit seule et exclusivement la politique du groupe et que les filiales doivent l'appliquer. Ce document précise et définit la politique d'animation et le fonctionnement du groupe

compte rendus réguliers sur l'application (résultats ou difficultés rencontrées) de la convention par les filiales transmis à la holding

documentation juridique : PV des réunions du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, PV d'assemblée, rapports remis par les filiales à la holding sur l'exécution du plan stratégique ou tous documents établissant la réalité de l'animation (comités, e-mails, fax etc.) »

Ainsi, s'il est admis que la SAS SOFISAV, peut rendre à ses filiales quelques services administratifs, comptables ou juridiques, force est de constater qu'elle ne peut recevoir le rôle d'animateur d'un groupe de sociétés exerçant une activité éligible au régime dérogatoire prévu à l'article 787 B du CGI.

Par conséquent, le jugement querellé sera infirmé en ce qu'il a annulé la décision de rejet en date du 14 janvier 2021 dès lors qu'il a été démontré que la SAS SOFISAV n'est pas une holding animatrice et qu'elle ne peut donc, bénéficier de l'exonération partielle prévue à l'article 787 B du CGI.

4 ' Sur le bénéfice des dispositions relatives à la mention expresse et l'application de l'intérêt de retard

L'administration fiscale souligne que le seul renvoi au bénéfice d'une disposition législative sur le fondement des dispositions de l'article de l'article 1727 II-2 du CGI sans indication des motifs de droit ou de fait n'ouvre pas droit au bénéfice de la mention expresse.

Monsieur [I] [K] fait valoir que les motifs de droit et de fait, valant mention expresse exonératoire des intérêts de retard ont été exposés par un acte d'engagement collectif, complétant l'acte de donation-partage du 5 septembre 2014.

Sur ce,

L'article 1727 II du CGI stipule que l'intérêt de retard n'est pas dû dans certains cas. Selon, le II-2 du même article, le contribuable est exonéré de l'intérêt de retard s'il a fait connaître, par une indication expresse portée sur la déclaration ou dans une note annexe, les motifs de droit ou de fait qui l'ont conduit à ne pas mentionner certains éléments d'imposition ou à leur donner une qualification entraînant une taxation atténuée.

Cette disposition intitulée « mention expresse » permet au contribuable, si elle suffisamment précise et non équivoque, de se prémunir contre l'application d'intérêts de retard en cas de rectification ultérieure par l'administration fiscale.

En l'espèce, il résulte de l'acte de donation-partage du 5 septembre 2014 (pièces appelant et intimé n°1 et 4), qu'une mention expresse a été inscrite, intitulée « DECLARATIONS FISCALES », mentionnant que « Les DONATAIRES entendent bénéficier pour le présent acte de donation-partage des abattements et réductions prévus à l'article 779 et suivants du Code général des impôts dans la mesure de leur applicabilité aux présentes. »

Dans ses conclusions, Monsieur [I] [K] indique qu'il a complété la mention expresse par un acte d'engagement collectif du 5 septembre 2014 (pièce intimé n°14) aux termes duquel il expose que « (') Les membres de la société, intervenant aux présentes et ci-dessus plus amplement dénommés déclarent que la société dénommée « SOFISAV » qui outre, la gestion d'un portefeuille de participations, participe activement à la conduite de la politique du groupe et contrôle les filiales, et leur rend des services spécifiques sur les plans comptable, juridique, financier et administratif. »

Or, il est constant que le simple renvoi à une disposition législative ou réglementaire, en l'espèce, les articles 779 et suivants du code CGI, sans explications destinées à attirer l'attention de l'administration fiscale justifiant l'application du régime, exclut le bénéfice de la dispense.

Par ailleurs, il s'avère que le seul dépôt d'un acte d'engagement collectif de conservation des titres répondant aux seules prescriptions de l'article 787 B, a et b du CGI afin de garantir le bénéfice du régime de faveur susvisé ne saurait être regardé comme une mention expresse motivée en droit ou en fait de nature à s'opposer au paiement d'intérêts de retard.

Par conséquent, le jugement querellé sera infirmé.

II - Sur les demandes accessoires :

Monsieur [I] [K], partie perdante, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de l'administration fiscale les frais qu'elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts.

Par conséquent, il convient de condamner Monsieur [I] [K] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande d'annulation des avis de mise en recouvrement du 31 mai 2018 ;

CONFIRME la décision de rejet en date du 14 janvier 2021 ;

ORDONNE le rétablissement des impositions dégrévées à la suite du jugement du 13 juin 2023 ;

CONDAMNE Monsieur [I] [K] à payer à la Direction Régionale des Finances Publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et des Bouches du Rhône la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [I] [K] aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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