CA Chambéry, 1re ch., 1 avril 2025, n° 22/01464
CHAMBÉRY
Autre
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Evo (SCI)
Défendeur :
Axa France IARD (SA), Saceb (SARL), Allianz IARD (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hacquard
Conseillers :
Mme Reaidy, M. Sauvage
Faits et procédure
Par contrat en date du 22 septembre 2011, la SCI EVO a régularisé avec la SARL Arch'Industrie un contrat d'architecte contractant général mandataire dans le cadre d'un projet d'extension et réaménagement d'une surface de vente à l'enseigne La Foirfouille sis [Adresse 7] à [Localité 10]. La SARL Saceb est intervenue comme maître d''uvre.
Le 26 janvier 2012, un contrat de crédit-bail immobilier était régularisé entre la société Cicobail crédit-bailleur et la société EVO, crédit-preneur.
Les travaux ont été réceptionnés le 25 septembre 2013, avec réserves. Aucun procès-verbal de levée de réserves n'a été régularisé.
La SCI EVO et la société Cicobail ont assigné la société Arch'Industrie devant le président du tribunal de grande instance d'[Localité 10] aux fins d'expertise judiciaire qui a été ordonnée par décision du 29 juillet 2014 désignant M. [Y] en qualité d'expert.
Les opérations d'expertises ont été étendues à des locateurs d'ouvrage et leurs assureurs par ordonnances successives des 20 janvier et 12 mai 2015.
Par jugement du 19 décembre 2014, le tribunal de commerce d'Annecy a prononcé la liquidation judiciaire de la société Arch'Industrie et désigné maître [L]-[V] en qualité de liquidateur.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 14 novembre 2017.
Suivant exploit en date du 11 mai 2017, la SCI EVO et la SA Cicobail ont assigné maître [L]-[V] ès-qualités, la SA Axa France Iard, assureur de Arch'Industrie, la SARL Saceb, son assureur la SA Allianz Iard, devant le tribunal judiciaire d'[Localité 10], en réparation de leurs préjudices.
La SA Allianz Iard a appelé en cause la SARL Entreprise Burrot, la SARL EGE René Genton (électricité, chauffage électrique, plomberie sanitaire VMC), la SASU Eprim (menuiseries intérieures, platrerie, cloisons et faux plafonds), la société Menuiserie Aluminium Pontoise, la SARL Nicolas Ico (montage de la structure métallique), la SASU SERTPR (terrassement assainissement VRD), la SARL 3B Construction (gros oeuvre), la société Qualiconsult (contrôleur technique), la société Soredal (dallage industriel) et la SAS Lindab Building (fabricant de la structure métallique).
La SA Allianz Iard s'est désistée de ses demandes à l'encontre de la société Qualiconsult, la société Soredal, la SAS Lindab Building et de la SARL GP Structures, intervenante volontaire.
Allianz Iard a par ailleurs appelé en cause la mutuelle CAMBTP en qualité d'assureur de la SARL Nicolas Ico, la SA Generali Iard en qualité d'assureur de la SARL EGE René Genton et de la SASU SERTPR, la SA Mma Iard Assurances Mutuelles et la SA Mma Iard, assureur de la SARL Entreprise Burrot, la SMABTP, assureur de la SASU Eprim et la SA Axa France Iard, assureur de 3B Construction.
Par jugement du 14 juin 2022, le tribunal judiciaire d'Albertville a :
- déclaré irrecevable les demandes formées par la SCI EVO et la SA Cicobail contre la SARL Entreprise Burrot, la SARL EGE René Genton, la SASU Eprim, la société Menuiserie Aluminium Pontoise (MAP) et la SARL Nicolas Ico ;
- déclaré irrecevable la demande formée par la SA Axa France Iard contre la société Cabodi ;
- déclaré l'action engagée par la SCI EVO recevable ;
- fixé la créance de la SCI EVO au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Arch'Industrie, tenue in solidum avec la SARL Saceb, la SA Allianz Iard et la SA Axa France Iard, à la somme de 600 euros au titre des passages d'air autour des baies et au sol du rez de chaussée et des embases de poteaux métalliques de structure oxydés, en application de l'article 1792 du code civil ;
- condamné in solidum la SARL Saceb, la SA Allianz Iard et la SA Axa France Iard à payer à la SCI EVO la somme de 500 euros au titre des passages d'air autour des baies et au sol du rez de chaussée, en application de l'article 1792 du code civil ;
- condamné la SARL Saceb et la SA Allianz Iard à payer à la SCI EVO la somme de 100 euros au titre des embases de poteaux métalliques de structure oxydés, en application de l'article 1792 du code civil ;
- condamné la SARL 3B Construction à payer à la SCI EVO la somme de 385 euros au titre de la fissure en mur d'allège de baie en façade ouest, en application de l'article 1240 du code civil ;
- condamné in solidum la société MAP, la SARL Saceb et la SA Allianz Iard à relever et garantir la SA Axa France Iard de la condamnation prononcée au titre du désordre n°6 relatif aux passages d'air autour des baies et au sol du rez de chaussée, en application de l'article 1792 du code civil ;
- condamné la société MAP à relever et garantir la SARL Saceb et la SA Allianz Iard à hauteur de 85% de la condamnation prononcée à leur encontre au titre du désordre n°6 relatif aux passages d'air autour des baies et au sol du rez de chaussée et du désordre n°3 relatif à l'oxydation des poteaux métalliques de structure oxydés, en application de l'article 1240 du code civil ;
- ordonné l'indexation des sommes allouées sur l'indice de construction BT 01 en prenant pour base de calcul celui publié à la date du dépôt du rapport d'expertise fixant le montant des travaux de reprise et comme dernière référence, celui publié au jour du présent jugement ;
- dit que les condamnations seront également assorties des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
- condamné la SCI EVO à payer à la SARL SERTPR la somme de 13.653,11 euros outre intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
- condamné la SCI EVO à payer à la SARL Arch'Industrie la somme de 43.200,87 euros au titre du solde de son marché, outre intérêts au taux légal à compter du 18 février 2014 ;
- débouté les parties de leurs autres demandes ;
- condamné in solidum la SARL Saceb et la SA Allianz Iard à payer à la SCI EVO la somme de 200 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné la SARL 3B Construction à payer à la SCI EVO la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné la SCI EVO à payer à la SARL SERTPR la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné in solidum la SARL Saceb et la SA Allianz Iard à payer à la mutuelle CAMBTP, la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné in solidum la SARL Saceb et la SA Allianz Iard à payer à la SA Generali Iard la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné in solidum la SARL Saceb et la SA Allianz Iard à payer à à payer à la SMABTP la somme de 200 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné in solidum la SARL Saceb et la SA Allianz Iard à payer à Axa France Iard la somme de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné la SA Allianz Iard à payer à Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles, la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné ' à payer à la SCI EVO la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné in solidum la SCI EVO et la SA Cicobail à payer 70% des dépens ;
- condamné in solidum la SARL Saceb et la SA Allianz Iard à supporter 25% des dépens ;
- condamné la SARL 3B Construction à supporter 5% des dépens ;
- autorisé maîtres [E], [S], [F] et la SCP Louchet Capdeville, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration au greffe du 1er août 2022, la SCI EVO a interjeté appel de la décision en ce qu'elle a :
- condamné la SCI EVO à payer à la SARL Arch'Industrie la somme de 43.200,87 euros au titre du solde de son marché, outre intérêts au taux légal à compter du 18 février 2014,
- débouté la SCI EVO de ses autres demandes,
- condamné in solidum la SARL Saceb et la SA Allianz Iard à payer à la SCI EVO la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné ' à payer à la SCI EVO la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures en date du 2 mai 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SCI EVO demande à la cour de réformer le jugement déféré sur les chefs de jugement attaqués et, statuant à nouveau, de :
- Dire et juger que la société Arch'Industrie a commis des fautes contractuelles en lien de causalité directe avec le préjudice subi par la SCI EVO,
- Dire et juger que la société Saceb a commis des fautes délictuelles en lien de causalité directe avec le préjudice subi par la SCI EVO,
- Dire et juger que les désordres relatifs à l'alarme incendie, aux égouts, aux inondations sont de nature décennale,
A titre principal,
- Débouter le liquidateur de la société Arch'Industrie de sa demande en paiement à l'encontre de la SCI EVO,
- Fixer la créance de la SCI EVO au passif de la société Arch'Industrie à la somme de 429.097,84 euros HT ;
- Condamner solidairement, in solidum ou qui mieux d'entre eux le devra, la société Saceb, les compagnies d'assurances AxaFrance Iard et Allianz Iard à payer à la société EVO la somme de 6.253,79 ' TTC au titre des désordres de nature décennale, indexés sur l'indice BT01 à compter de l'assignation,
- Condamner la société Saceb, à payer à la société EVO la somme de 429.097,84 euros HT ;
A titre subsidiaire,
- Fixer la créance de la société Arch'Industrie à l'encontre de la SCI EVO à la somme de 56.853,98 euros,
- Fixer la créance de la SCI EVO au passif de la société Arch'Industrie à la somme de 429.097,84 ' HT,
- Ordonner la compensation judiciaire des sommes,
- Condamner solidairement, in solidum ou qui mieux d'entre eux le devra, la société Saceb, les compagnies d'assurances Axa France Iard et Allianz Iard à payer à la société EVO la somme de 6.253,79 ' TTC au titre des désordres de nature décennale, indexés sur l'indice BT01 à compter de l'assignation,
Dans tous les cas,
- Rejeter les demandes reconventionnelles adverses formées par appel incident,
- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL Saceb et la SA Allianz Iard s'agissant des désordres 3 et 6,
- Condamner solidairement, in solidum ou qui mieux d'entre eux le devra maître [B] [L]-[V], sous administration provisoire de maître [P] [C], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Arch'Industrie, et la société Saceb, Axa France Iard, Allianz Iard à payer SCI E.V.O. la somme de 5.000 ' au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner solidairement, in solidum ou qui mieux d'entre eux le devra maître [B] [L]-[V], sous administration provisoire de maître [P] [C], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Arch'Industrie, et la société Saceb, Axa France Iard, Allianz Iard, aux entiers dépens de première instance et d'appel avec pour ceux d'appel, application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la SELURL Bollonjeon, Avocat associée.
Au soutien de ses prétentions, la SCI EVO qui indique avoir levé l'option d'achat du contrat de crédit-bail et être désormais seule propriétaire du tènement, fait valoir en substance que :
' elle ne conteste pas n'avoir pas réglé en totalité les factures émises par Arch'Industrie compte tenu de l'importance des réserves émises et du montant des avenants, dont par ailleurs l'un n'a pas été signé et l'autre a déjà donné lieu à paiement direct ;
' pour le reste, les prestations ont été soit mal exécutées, soit pas réalisées, de sorte que la société Arch'Industrie ne justifie pas du bien fondé de sa créance qui se compenserait en tout état de cause sur ce qu'elle doit par ailleurs au maître d'ouvrage ;
' la société Arch'Industrie a commis des fautes dans l'exécution du contrat, notamment en confiant la maîtrise d'oeuvre à une société soeur, avec le même dirigeant, se privant de toute possibilité de défendre les intérêts du maître de l'ouvrage dans la surveillance de l'exécution du contrat de maîtrise d'oeuvre, en n'effectuant aucune diligence pour gérer la garantie de parfait achèvement alors que de nombreuses réserves étaient émises à réception et soulevées postérieurement, en ne respectant pas le budget prévisionnel et en lui soumettant, du seul fait de sa carence d'anticipation, 18 avenants dont 11 seront signés ;
' que ces fautes privent d'effet la résiliation qui lui est opposée par Arch'Industrie ;
' que son préjudice lié à la reprise des désordres, au coût des avenants imposés, au double paiement, à la non réalisation de certains postes pourtant réglés et aux erreurs d'implantations, imputables à Arch'Industrie, s'élève à 429.097,84 euros ;
' que la faute de la société Saceb à l'égard de Arch'Industrie liée au défaut de conseil, constitue envers elle une faute délictuelle qui justifie sa condamnation ;
' que plusieurs désordres, circonscrits, relèvent enfin de la garantie décennale et n'étaient pas décelables à réception ;
' que les conditions d'une condamnation solidaire sont réunies ;
Par dernières écritures du 1er janvier 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SA Axa France Iard demande à la cour de confirmer le jugement rendu le 14 juin 2022 par le Tribunal judicaire d'Albertville en toutes ses dispositions,
A toutes fins,
- Constater que le contrat n°3010466604/86 volet CNR n'a pour seul objet que de répondre à l'obligation d'assurance instituée par la loi numéro 78-12 du 4 janvier 1978 et qu'ainsi, ne sont couvertes que les seules conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l'assuré pouvant lui incomber en vertu des dispositions des articles 1792 et 1792-2 du code civil ;
- Dire et juger que l'assurance responsabilité de constructeur non réalisateur ne garantit que les désordres de la nature de ceux dont sont responsables les locateurs d'ouvrage en exécution des dispositions de articles 1792 et suivants du Code civil,
- Dire et juger que le contrat souscrit auprès la société Axa France Iard ne garantit pas les conséquences de la responsabilité contractuelle de droit commun issue des dispositions des articles 1231-1 et suivants du Code civil ou de la garantie de parfait achèvement édictée par l'article 1792-6 du Code civil,
- Débouter la SCI EVO de toutes ses prétentions dirigées à l'encontre de la société Axa France Iard ;
Très subsidiairement, sur les recours de la société Axa France Iard,
- Dire et juger que toutes sommes qui seraient allouées à la SCI EVO le seraient HT dès lors que cette dernière ne justifie pas être dans l'incapacité de récupérer la TVA,
- Dire et juger que la société Axa France Iard sera entièrement relevée et garantie par la société Saceb, maître d''uvre de l'opération et son assureur Allianz Iard, de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre, par application de l'article 1240 (anciennement 1382) du Code Civil et de l'article L124-3 du Code des assurances ;
En tout état de cause,
- Dire et juger la société Axa France Iard recevable et fondée à opposer ses limites de garantie, plafonds et franchises contractuels,
- Condamner la SCI EVO à lui payer une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la même au paiement des dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Grenoble Chambéry, Me Franck Grimaud en exécution de l'article 699 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la SA Axa France Iard fait notamment valoir que :
' elle intervient en qualité d'assureur responsabilité civile décennale des constructeurs non réalisateurs et que sa garantie ne peut donc être recherchée que pour ce seul type de désordre ;
' que les désordres relevés ne remplissent pas les conditions cumulatives d'avoir été non visibles à réception, d'être actuels et de compromettre la solidité de l'ouvrage ou de le rendre impropre à se destination.
Par dernières écritures du 2 février 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, maître [B] [L] - [V], mandataire judiciaire sous administration provisoire de maître [P] [C], agissant en qualité de liquidateur de la SARL Arch'Industrie, demande à la cour de
- Confirmer le jugement en ce qu'il a :
- fixé la créance de la SCI EVO au passif de la procédure collective de la société Arch'Industrie à la somme de 600 euros,
- condamné la SCI EVO à payer à la société Arch'Industrie la somme de 43.200,87 euros au titre du solde de son marché, outre intérêts au taux légal à compter du 18 février 2014,
- débouté la SCI EVO du surplus de ses demandes,
Y ajoutant,
- Débouter la SCI EVO de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de l'étude de maître [B] [L]-[V] es qualités de liquidateur judiciaire de la société Arch'Industrie, sous administration provisoire de maître [C],
- Condamner la SCI EVO au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel.
Au soutien de ses prétentions, il fait notamment valoir que :
' le suivi des travaux ne relevait pas de la mission confiée à Arch'Industrie par la SCI EVO mais incombait à la société Saceb ;
' Arch'Industrie n'a ni la qualité de maître d'oeuvre, ni celle d'entrepreneur et ne peut être recherchée que sur le fondement de la garantie décennale qui ne peut être invoquée que pour les désordres n°3 et 6, la décision déférée devant donc être confirmée de ce chef ;
' que la faute de la SCI EVO est à l'origine de son dommage dès lors que celle-ci a cessé de régler les sommes dues à compter du 4 septembre 2013 malgré mise en demeure, ce qui a amené Arch'Industrie à notifier la résiliation du contrat par courrier recommandé du 27 mai 2014, de sorte qu'elle n'est pas responsable de l'absence de levée des réserves.
Par dernières écritures du 2 février 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SARL Saceb et la SA Allianz Iard, demandent à la cour de :
- Infirmer le jugement entrepris quant aux condamnations prononcées contre la SARL Saceb et la SA Allianz Iard s'agissant des désordres 3 et 6,
- Confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
A titre principal, sur le rejet des demandes formées contre la SARL Saceb et son assureur,
- Juger que la plupart des réclamations de la SCI EVO sont manifestement sans rapport avec les missions confiées à la SARL Saceb,
- Juger n'y avoir lieu à condamnation solidaire ou in solidum de ces chefs,
Sur les désordres apparents à réception,
- Juger que l'absence d'auvent était apparente à réception et n'a pas fait l'objet de réserve,
- Juger que les défauts 1, 70 et 76, 53 à 68, 45 et 52, 8, 23, 28 & 29, 37, 38, 50, 18, 20, 22, 25, 26 & 27, 39, 42, 43, 46, 11, 12 et 21, 13, 24, 30, 31, 44 et 47, 5 et 19 étaient apparents à réception, et a fortiori réservés pour les défauts 1, 70 et 76, 53 à 68, 45 et 52,
- Juger que le désordre 6 relatif aux passages d'air autour des baies et au sol en rez-de-chaussée était apparent à réception et n'a pas fait l'objet de réserve,
- Juger que la SCI EVO ne peut exercer un recours contre la SARL Saceb et son assureur la compagnie Allianz Iard au titre de ces réclamations,
- Rejeter par conséquent les demandes formées contre la SARL Saceb et son assureur Allianz Iard,
Sur l'absence de faute de la SARL Saceb,
- Juger que les réclamations relatives au prolongement de la salle de réunion en saillie de l'entrée du magasin, à la porte de la trappe d'accès sous l'escalier et à l'emplacement des blocs de secours dans le local réserve résultent directement des modifications demandées par la SCI EVO,
- Juger que l'absence de seuil au niveau de la double porte d'accès aux livraisons ne pouvait être détectée par la maîtrise d''uvre lors de l'opération de construction et est exclusivement imputable à la SARL 3 B Construction,
- Juger que les réclamations « Filerie de raccordement trop longue » et « Rampes d'éclairage fluorescentes avec un alignement incorrect », sont la résultante de l'intervention de la SARL Ege René Genton, titulaire du lot électricité, éclairage.
- Juger que la surélévation de la niche dans le local réserve est imputable à la société Astron qui n'a pas posé la grille d'air prévue,
- Juger que la SARL Saceb n'a commis aucun manquement au titre de sa mission de maître d''uvre en lien avec la survenance des désordres et non-finition allégués affectant le magasin La Foir'Fouille, y-compris s'agissant des réclamations 3 et 6,
- Rejeter par conséquent, les demandes formées contre la SARL Saceb et son assureur Allianz Iard,
A titre subsidiaire,
- Condamner in solidum maître [L]-[V] [B], pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Arch'Industrie, contractant général ayant sous-traité les travaux aux sociétés SARL Ico, SARL 3B Construction, SASU SERTPR, SARL Burrot, SARL Ege René Genton, SA Eprim, et la société SA Axa France Iard assureur de la société Arch'Industrie, à relever et garantir intégralement la SARL Saceb et son assureur Allianz Iard, des condamnations éventuellement prononcées à leur encontre,
En toute hypothèse,
- Juger que la compagnie Allianz Iard ne saurait être tenue au-delà des termes et limites de la police souscrite par la SARL Saceb,
- Condamner la SCI EVO, ou qui mieux le devra, à verser à la SARL Saceb et son assureur Allianz Iard la somme de 3.000 euros au visa de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la même aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Bérangère Houmani sur son affirmation de droit.
Au soutien de leurs prétentions, elles font notamment valoir que :
' aucune solidarité conventionnelle n'a été prévue et aucune condamnation in solidum ne peut être prononcée pour des désordres pour lesquels Saceb n'est pas en cause ;
' elle n'a manqué ni à sa mission de maîtrise d'oeuvre, ni à sa mission de suivi et direction des travaux, les désordres relevés étant imputables aux entreprises dont la surveillance incombait par ailleurs à Arch'Industrie ;
' que la franchise prévue au contrat d'assurance la liant à Saceb est opposable aux tiers.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 12 novembre 2024 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 28 janvier 2024.
Par conclusions de procédure en date du 23 décembre 2024, régulièrement communiquées par voie électronique, maître [T] [U] a précisé avoir remplacé maître [L]-[V] aux fonctions de liquidateur judiciaire de la société Arch'Industrie.
Motifs de la décision
I - Sur les demandes fondées sur la responsabilité décennale
Il doit être constaté que la société Arch'Industrie, représentée par son liquidateur, la société Saceb, et leurs assureurs, admettent que leur responsabilité/garantie, peut être engagée sur le fondement des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil, ces sociétés soutenant ne pouvoir être recherchées que sur ce fondement à l'exclusion de tout autre.
Aux termes de l'article 1792 du code civil, sont susceptibles d'engager la responsabilité décennale du constructeur et de ceux que la loi assimile au constructeur, les dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
L'action est ouverte pour les dommages qui n'étaient pas apparents à la réception et qui n'ont pas donné lieu à réserves.
Les parties ne contestent pas que la réception des travaux, constituant le point de départ des garanties applicables en matière de construction, a eu lieu suivant procès-verbal du 25 septembre 2013, entre EVO et Arch'Industrie.
Au stade de l'appel, la SCI EVO soutient qu'outre les désordres n°3 et 6 retenus par le premier juge dont elle ne conteste pas la décision de ce chef, constituent des désordres de nature décennale les manquements à la sécurité tenant au positionnement de l'alarme incendie, le surcoût engendré par la modification des égouts par avenant n°11 pour pallier à la faiblesse de la pente et l'absence d'étanchéité au niveau de l'ancienne entrée principale. La société Saceb et son assureur Allianz Iard contestent pour leur part l'existence de tout désordre à caractère décennal.
Le désordre n°3 est ainsi libellé par l'expert : 'embases de poteaux métalliques de structure oxydés'. Il lie ce désordre au passage d'eau de précipitations depuis l'extérieur entraînant une oxydation en pied de poteau de structure. Ce désordre par nature évolutif, n'était pas visible à réception et il n'apparaît notamment pas dans le procès-verbal de constat dressé le 26 novembre 2013. L'expert évalue sa reprise à 100 euros, le sapiteur préconisant pour cette reprise un grattage suivi de la pose d'une couche d'antirouille primaire puis de deux couches antirouille. La faible dépense de reprise n'empêche pas ce désordre, comme l'a relevé l'expert, d'affecter la solidité de l'ouvrage dès lors qu'il porte atteinte à la base même d'un poteau de structure. Ce désordre doit donc être qualifié de décennal et la décision entreprise confirmée sur ce point, y-compris en ce qu'elle a retenu la responsabilité de Arch'Industrie et de Saceb, et la garantie de leurs assureurs. La société Saceb, maître d'oeuvre, ne peut en effet arguer de ce que l'expert vise uniquement l'imputabilité à l'entrepreneur en charge des travaux, alors qu'elle avait une mission de direction et exécution de travaux au terme du contrat de maîtrise d'oeuvre. Le premier juge a justement retenu la solidarité des sociétés Arch'Industrie, Saceb et de leurs assureurs, chacune d'elles ayant concouru au dommage.
Le désordre n°6 correspond au passage d'air autour des baies et au sol en rez de chaussée. Il n'est pas contestable que ce passage d'air rende l'ouvrage impropre à son usage faute d'être isolé à l'air et à l'eau. Ces jours entre les baies et les montants ou au sol, apparaissent effectivement sur les photographies de l'expert judiciaire mais sont également constatées sans investigations particulières, par l'huissier de justice qui a dressé procès-verbal de constat le 26 novembre 2013. La proximité de date et l'absence de travaux sur les supports concernés, permettent d'affirmer que ces jours existaient lors de la réception et il ne peut être considéré qu'ils n'étaient pas apparents alors que leur taille, l'état des supports tels qu'ils apparaissent sur les photographies de l'huissier de justice, et le fait que ce dernier indique sentir 'l'air qui passe' permettant au contraire de retenir que la SCI EVO était en mesure de constater l'existence de ces désordres au moment de la réception. Dans ces conditions, la responsabilité décennale de la SARL Saceb ne peut s'appliquer et le jugement déféré sera infirmé sur ce point, la cour n'étant saisie ni de la fixation de la créance correspondant à ce désordre, au passif de la procédure collective de la société Arch'Industrie ni de la condamnation de la société Axa France Iard de ce chef.
S'agissant de la modification des égouts liée à l'insuffisance de pente, elle a donné lieu à l'avenant n°11 signé le 9 juillet 2013. Cette modification ayant été prise en compte, aucun désordre ne peut être constaté et elle était en tout état de cause connue de EVO avant la réception. La demande de la SCI EVO sur ce point ne peut aboutir.
S'agissant du désordre n°47, 'eaux d'intempéries s'étalant en flaque, se propageant en zone de vente sous ancienne entrée magasin', l'expert retient une impropriété à l'usage liée à un défaut d'étanchéité du bardage, qui justifierait une reprise chiffrée à 13.292 euros. Ces affirmations ne sont corroborées par aucun élément d'imputabilité ou développement d'ordre technique et il peut être constaté que le coût de la reprise qui n'a été que de 1.291 euros soit moins de 10% de la somme initialement évoquée, ne correspond qu'à la réalisation d'une murette avec enduit étanche, sans lien avec le lot bardage retenu par l'expert et que ces travaux de reprise n'ont été réalisés qu'en juin 2021 soit près de 8 ans après la réception des travaux de sorte que ni l'atteinte à la solidité de l'ouvrage, ni le risque pour sa solidité ne peuvent être retenus, l'activité ayant été poursuivie. Ce désordre ne permet pas d'engager la responsabilité décennale de Arch'Industrie et de Saceb.
Concernant enfin la sécurité incendie, la SCI EVO invoque au soutien de sa demande, le rapport de la commission de sécurité en date du 27 juin 2021 soit un peu moins de 8 ans après réception. Ce rapport constate le mauvais emplacement des commandes de désenfumage mais indique qu'en l'espèce, leur positionnement améliore le niveau de sécurité et est donc validé. Elle prescrit d'installer le système de sécurité incendie dans un volume technique protégé, de rendre coupe feu le local électrique de la surface de vente et de rendre coupe-feu le local ménage/réserve ou de le vider. Pour autant, elle ne soumet pas la poursuite de l'activité à la mise en oeuvre de ces prescriptions et émet au contraire un avis favorable à la poursuite de l'activité ce qui permet de considérer que le positionnement du SSI ne rend pas l'ouvrage impropre à son usage. Par ailleurs, lors de sa visite du 24 novembre 2016 (annexe expertise 9) la commission de sécurité n'émettait pas de telles préconisations mais prescrivait seulement de ranger le matériel et de lever les réserves contenues dans les rapports de contrôle des installations électriques, ce qui n'est pas l'objet de la demande. Elle émettait un avis favorable à la réception des travaux et la poursuite de l'exploitation. La SCI EVO ne peut donc être accueillie en sa demande fondée sur la garantie décennale, s'agissant de la sécurité incendie.
II - Sur les demandes fondées sur la responsabilité contractuelle de droit commun de Arch'Industrie
L'article 1231-1 du code civil dispose que 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.'.
Le contrat d'architecte contractant général mandataire, signé entre EVO et la SARL Arch'Industrie confie à cette dernière les missions suivantes :
'- choix du maître d'oeuvre, signature et gestion du contrat de maîtrise d'oeuvre
- choix des B.E.T. nécessaires (...) Signature et gestion des contrats de ces divers prestataires
- choix des entrepreneurs et fournisseurs signature et gestion des contrats de travaux et commandes correspondants
- choix du bureau de contrôle, régularisation d'une convention et gestion de celle-ci,
- choix du coordonnateur SPS régularisation d'une lettre de mission et gestion correspondante,
- versement de la rémunération des divers prestataires, entrepreneurs et fournisseurs ci-dessus retenus,
- souscription des diverses assurances dommages ouvrage, tous risques chantiers et gestion des assurances,
- engagement des éventuelles actions en responsabilité nécessaires contre les constructeurs,
- et d'une manière générale, toutes formalités réglementaires nécessaires au bon déroulement de l'ensemble de l'opération, sans que ces actes aient un caractère abusif et excèdent les pouvoirs du mandataire, (...)'
L'article 6 indique en outre que le mandataire 's'engage à gérer la garantie de parfait achèvement due par les divers exécutants pendant un an à compter de la date de réception prononcée avec ou sans réserves, et à faire réparer tous les désordres mentionnés dans le procès-verbal établi à cette occasion ou révélés postérieurement et signalés par le maître de l'ouvrage et ne relevant pas de la responsabilité civile professionnelle'.
Il n'est pas contesté que la SARL Arch'Industrie n'a pas géré la garantie de parfait achèvement alors que nombre de réserves ont été émises par le maître de l'ouvrage à réception, dont l'expert relève au terme de ses opérations soit trois ans après la réception, que la plupart ne sont toujours pas levées.
Elle ne justifie par ailleurs nullement avoir procédé elle-même à une réception avec le maître d'oeuvre au préalable à la livraison de l'ouvrage au maître de l'ouvrage, ce qui relève de sa mission de mandataire non maître d'oeuvre elle-même et ayant nommé un tel maître d'oeuvre, dont elle est chargée de gérer le contrat ce qui ne se limite pas à sa simple conclusion mais s'entend de son exécution. Ce manquement est à mettre en lien avec le choix comme maître d'oeuvre, d'une société ayant le même dirigeant, ce qui crée une confusion et limite l'objectivité nécessaire à une exécution loyale du mandat confié. A cet égard, la société Arch'Industrie ne justifie d'aucun échange à un quelconque moment avec le maître d'oeuvre Saceb, qu'il s'agisse des délais de réalisation, des demandes complémentaires ou de tout autre motif, permettant de constater qu'elle a rempli les missions relevant de son mandat. Elle ne produit notamment aucun élément qui viendrait établir son travail réel avec le maître d'oeuvre avant de soumettre au maître d'ouvrage 18 avenants correspondants à une somme globale de 93.550,50 euros soit un peu plus de 10% du coût global initialement convenu.
Plusieurs de ces avenants correspondent à des modifications imposées par les exigences de sécurité ou d'implantation (cloison coupe-feu avenant n°6 pour 11.725 euros HT, pente insuffisante pour les égouts pour 2.900 euros HT), éléments qui existaient dès les études pré-opérationnelles et auraient dû légitimement être pris en compte par la société Arch'Industrie. De la même manière, il ne résulte d'aucune des pièces soumises à la cour que la modification des réseaux AEP et EU opérée par l'avenant n°7 qui génère un surcoût de 7.287,70 euros HT ou l'éclairage de la surface de vente (avenants n°12 et 13) générant un surcoût de 5.880 euros, aient été rendus nécessaires par des circonstances ou exigences nouvelles que la société Arch'Industrie n'était pas en mesure d'intégrer au coût initial du marché.
Le contrat liant les sociétés EVO et Arch'Industrie ne comprend pas le détail des travaux commandés et la ventilation du prix, de sorte qu'il ne peut être vérifié que les autres avenants correspondent à un 'oubli' de la part de Arch'Industrie ou à une amélioration, qui aurait été sollicitée par le maître d'ouvrage mais il peut néanmoins être constaté que la société Arch'Industrie ne justifie d'aucune demande de la part d'EVO concernant l'ensemble des avenants à l'exclusion de l'avenant n°7 qui correspond au déplacement du réseau AEP et EU, dont le premier emplacement irréaliste, est imputable à Arch'Industrie. Ces avenants ne correspondent par ailleurs à aucune modification de matériaux, mais à des prestations liées à la sécurité, nécessairement connues de Arch'Industrie dès la conception, ou des erreurs de métrés, qui ne sauraient être imputées à EVO.
Arch'Industrie n'a pas davantage établi de calendrier des travaux à destination des sous-traitants dont le maître d'oeuvre, ce calendrier ayant été sollicité en vain par l'expert judiciaire, et n'a elle-même nullement respecté le délai fixé dans les conditions particulières du contrat la liant à la SCI EVO.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Arch'Industrie a manqué à ses obligations contractuelles.
Ces manquements ne sauraient être justifiés par le défaut de paiement des factures correspondant aux avenants, à compter du 4 septembre 2013 et ainsi faire échapper la société à toute responsabilité alors que :
- les erreurs de métrés et d'anticipation, sont très antérieures à ces manquements,
- que seules deux factures étaient effectivement dues à la date de la réception soit les factures 13.09.037 et 13.09.035, l'avenant n°7 n'ayant pas été signé, pour un total de 13.631,41 euros, sans qu'aucune mise en demeure ait alors été adressée à la SCI EVO,
- que cette mise en demeure n'interviendra que le 18 février 2014 soit près de 5 mois après la réception sans que la société Arch'Industrie ait effectué la moindre démarche de suivi de la GPA et de levée des réserves entre le 25 septembre 2013 date de la réception, et la date d'envoi de sa mise en demeure, par ailleurs erronée pour plus d'un tiers de la réclamation.
Le défaut de paiement qui porte en réalité sur la somme de 43.200,87 euros, correspond à 3,85% du montant total de l'opération initiale, hors avenants. Ce manquement de la SCI EVO à son obligation de régler les sommes dues, pour partie postérieurement à la réception et alors qu'elle pouvait constater que Arch'Industrie, fautive dans l'exécution du contrat jusqu'alors et défaillante dans sa mission de gestion de la garantie de parfait achèvement, est insuffisant à fonder la résiliation unilatérale du contrat par la société, par courrier du 27 mai 2014 qui ne peut donc produire aucun effet.
Le préjudice qui en résulte pour la SCI EVO est constitué d'abord par la reprise des désordres, non gérée par la société Arch'Industrie, évalués par l'expert à la somme de 128.240 euros qui peut être retenue. L'indemnisation de la reprise des désordres étant prise en compte, la demande concernant la carence de Arch'Industrie à accomplir la mission de réception, ne peut venir s'ajouter.
La SCI EVO justifie par ailleurs avoir opéré des paiements directs pour un total de 189.268 euros qui doit être pris en compte.
Les avenants ont donné lieu à travaux au bénéfice de la SCI EVO pour un montant global certes supérieur au montant du marché mais qui constitue une erreur d'anticipation ou de conception mais non pas un préjudice financier pour le maître d'ouvrage qui ne démontre pas que ces prestations auraient pu être intégrées sans changement du montant global du marché.
Le coût de réalisation du mur séparatif sera également pris en compte, ce mur ayant dû être déplacé à raison de l'erreur d'implantation initiale.
Ainsi le préjudice de la SCI EVO, en raison de la faute contractuelle de la société Arch'Industrie, s'élève à 342.276 euros (128.240+189.268+24.768).
Les sommes dues par EVO à la société Arch'Industrie en règlement des factures impayées correspondant à des avenants signés et réalisés, soit 43.200,87 euros, doivent venir en compensation de ce montant. La SCI ne peut en effet à la fois obtenir l'indemnisation des sommes engagées pour reprendre les travaux non terminés ou mal exécutés et arguer de cette inexécution ou mauvaise exécution pour se soustraire au paiement des sommes facturées.
Après compensation, la créance de la SCI EVO s'élève à 299.075,13 euros (342.276 - 43.200,87) et sera fixée pour ce montant au passif de la liquidation judiciaire de la société Arch'Industrie.
III - Sur les demandes fondées sur la responsabilité quasi délictuelle de Saceb
L'article 1240 du code civil dispose que 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'
La preuve de la faute incombe à celui qui s'en prévaut.
En l'espèce, la SCI EVO fonde sa demande sur l'avis de l'expert au terme duquel la société Saceb aurait manqué à son devoir de conseil à l'égard de la société Arch'Industrie et soutient que cette faute contractuelle à l'égard d'Arch'Industrie constituerait à son égard une faute délictuelle.
Les seules appréciations de l'expert ne sauraient établir le manquement de Saceb à son devoir de conseil alors même que l'expert judiciaire définit la mission du maître d'oeuvre de manière générale sans s'attacher au contrat conclu en l'espèce, qu'il émet une appréciation non étayée sur l'utilité de deux contrats l'un d'architecte contractant général mandataire liant EVO à Arch'Industrie, l'autre de maîtrise d'oeuvre liant Arch'Industrie à Saceb en suggérant qu'il s'agit de 'rémunérer un intermédiaire supplémentaire' et qu'il répond aux dires de Saceb avec une ironie inadaptée qui fragilise ses conclusions.
La SCI EVO ne détaille nullement en quoi le défaut de conseil supposé existe concrètement et en quoi il lui a causé préjudice.
La SARL Saceb a effectivement dirigé et coordonné les travaux comme prévu au contrat la liant à Arch'Industrie et elle produit notamment les comptes-rendus de chantier établis chaque semaine, avec ses directives aux entreprises intervenantes.
Si le suivi du chantier implique également le contrôle de la qualité des travaux il ne fait pas peser sur le maître d'oeuvre l'obligation de se substituer à l'entrepreneur qui doit exercer son propre contrôle de proximité sur les ouvriers intervenants. Il est à cet égard rappelé que la société Saceb n'avait pas mandat de mission d'assistance à réception et pas de mission de suivi de la GPA.
La SCI EVO échoue ainsi à établir la preuve d'une faute délictuelle de la société Saceb à son égard et elle sera déboutée de ses demandes dirigées contre Saceb à ce titre.
IV - Sur les frais et dépens
La cour n'est saisie des dispositions sur ces points du jugement querellé qu'en ce qu'il a :
- condamné in solidum la SARL Saceb et la SA Allianz Iard à payer à la SCI EVO la somme de 200 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et
- condamné [sans mention de la partie condamnée] à payer à la SCI EVO la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Au regard des éléments développés ci-dessus, le jugement sera infirmé de ces deux chefs même si le second n'emporte aucun effet faute de mentionner l'identité de la partie condamnée.
La SCI EVO supportera les dépens exposés en appel concernant la SARL Saceb, la SA Allianz Iard et la SA Axa France Iard.
La société Arch'Industrie succombe pour l'essentiel et maître [T] [U], en qualité de liquidateur de cette société, supportera les dépens hors ceux visés ci-avant.
L'issue du litige, la situation économique des parties et l'équité, commandent de laisser à la charge de chacune des parties, les frais irrépétibles qu'elles ont exposés.
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- déclaré l'action engagée par la SCI EVO recevable,
- fixé la créance de la SCI EVO au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Arch'Industrie, tenue in solidum avec la SA Axa France Iard, à la somme de 600 euros au titre des passages d'air autour des baies et au sol du rez de chaussée et des embases de poteaux métalliques de structure oxydés, en application de l'article 1792 du code civil,
- condamné la SARL Saceb et la SA Allianz Iard à payer à la SCI EVO la somme de 100 euros au titre des embases de poteaux métalliques de structure oxydés, en application de l'article 1792 du code civil,
L'infirme pour le surplus des chefs déférés à la cour,
Statuant à nouveau,
Dit que la SCI EVO est débitrice de la SARL Arch'Industrie pour une somme de 43.200,87 euros au titre des factures impayées,
Dit que la SARL Arch'Industrie est débitrice de la SCI EVO, pour une somme de 342.276 euros au titre de sa responsabilité pour faute contractuelle,
Dit que la compensation opère entre les créances réciproques des parties à hauteur de la plus faible d'entre elles,
Fixe la créance de la SCI EVO au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Arch'Industrie, au titre de la responsabilité contractuelle de cette dernière, à la somme de 299.075,13 à titre chirographaire,
Déboute la SCI EVO de toutes ses autres demandes,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la SCI EVO aux dépens exposés en appel concernant la SARL Saceb, la SA Allianz Iard et la SA Axa France Iard,
Condamne maître [T] [U], en qualité de liquidateur de la société Arch'Industrie, aux dépens hors ceux visés ci-avant,
Autorise maîtres Houmani et Bollonjeon (SELURL Bollonjeon), à recouvrer directement ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision, contre la partie condamnée.