CA Paris, Pôle 4 ch. 13, 1 avril 2025, n° 22/01779
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
SARL 9
Défendeur :
M. S
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Valay-Briere
Conseillers :
Mme d'Ardailhon Miramon, Mme Moreau
Avocats :
SCP Patrick Atlan, SCP Jeanne Baechlin
***
La Sarl [9] (la société [9]), qui a pour activité la création, l'édition et la vente de logiciels dans le domaine du diagnostic immobilier, édite un logiciel intitulé Expertec permettant aux diagnostiqueurs de réaliser les diagnostics immobiliers imposés par la loi.
Estimant que la société [8], exerçant dans le même secteur d'activité et ayant créé son propre logiciel, avait commis à son égard des actes de concurrence déloyale consistant en des pratiques commerciales trompeuses, du dénigrement et la désorganisation du marché, la société [9] l'a assignée devant le tribunal de commerce de Paris par acte du 20 novembre 2014.
Par jugement du 11 juillet 2017, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société [9] de l'ensemble de ses demandes.
La société [9] a mandaté M. [S] [U], avocat, afin de succéder au confrère ayant interjeté appel de ce jugement pour son compte et de l'assister devant la cour d'appel.
Par ordonnance du 21 juin 2018, le conseiller de la cour a déclaré caduque la déclaration d'appel en raison de la signification tardive des conclusions d'appelant.
Cette ordonnannce a été confirmée par arrêt de la cour du 11 janvier 2019.
C'est dans ces circonstances que la société [9] a assigné M. [U] en responsabilité professionnelle devant le tribunal judiciaire de Paris, par acte du 25 février 2020.
Par jugement du 8 décembre 2021, le tribunal a :
- rejeté les demandes de la société [9],
- condamné la société [9] aux dépens qui pourront être recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile,
- laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles,
- écarté l'exécution provisoire de la décision,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 21 janvier 2022, la société [9] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 21 juillet 2022, la Sarl [9] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- déclarer recevable son appel,
- débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [U] à lui payer la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner M. [U] à lui payer la somme de 4 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [U] aux entiers dépens,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 24 juin 2022, M. [S] [U] demande à la cour de :
- confirmer le jugement,
- débouter la société [9] de ses demandes,
- condamner la société [9] à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [9] aux dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 novembre 2024.
SUR CE,
Sur la responsabilité de l'avocat :
Sur la faute :
Le tribunal a jugé que M. [U] avait commis une faute en ce que, chargé d'une mission de représentation de la société [9] devant la cour d'appel de Paris, il lui incombait de s'assurer auprès du confrère auquel il succédait de la date de la déclaration d'appel, soit le 30 août 2017, afin de déposer ses conclusions au greffe dans les trois mois de celle-ci alors qu'elles l'ont été le 1er décembre 2017.
La société [9] sollicite la confirmation du jugement de ce chef.
M. [U] conteste avoir commis une faute aux motifs que le message du réseau privé virtuel des avocats faisant état d'une date de saisine de la cour d'appel au 1er septembre 2017, la date limite de signification des conclusions était le 1er décembre 2017, ce que confirme le courriel du précédent avocat de la société [9] du 3 novembre 2017, de sorte qu'il a respecté le délai de trois mois de l'article 908 du code de procédure civile.
L'engagement de la responsabilité professionnelle d'un avocat nécessite la démonstration d'une faute, d'un lien de causalité et d'un préjudice.
L'avocat, tenu à un obligation de diligence et à un devoir de conseil, doit effectuer tous les actes utiles à la défense des intérêts de son client.
Par arrêt irrévocable de la cour du 11 janvier 2019, la déclaration d'appel interjetée le 1er décembre 2018 a été déclarée caduque en application de l'article 908 du code de procédure civile aux motifs que le délai de trois mois pour pour signifier les conclusions d'appelant court à compter de la date de la déclaration d'appel et non pas celle de son enregistrement.
En déposant des conclusions tardives au regard de la date du dépôt de la déclaration d'appel qu'il lui incombait de vérifier, l'avocat a commis un manquement à son devoir de diligence.
Sur le lien de causalité et le préjudice :
Pour rejeter la demande indemnitaire, le tribunal a jugé que la société [9] ne produisait pas les éléments lui permettant de reconstituer utilement le procès qui se serait déroulé devant la cour d'appel et ainsi d'évaluer la certitude de la perte de chance subie, ladite société ne versant aux débats que ses conclusions n°1 et les pièces communiqués au soutien de ses prétentions devant le tribunal de commerce, mais pas les conclusions complètes de la société [8] ni ses pièces.
La société [9] fait valoir une perte de chance d'obtenir l'infirmation du jugement en ce que:
- en premier lieu, la société [8] est responsable de pratiques commerciales trompeuses, par des allégations fausses ou de nature à induire en erreur les diagnostiqueurs sur les caractéristiques essentielles de son logiciel, son prix et ses services :
- en prétendant mensongèrement que son logiciel permettait de créer des plans en 2D et 3D avec incorporation de photos et cotation des surfaces et ce, selon la première version de son site internet, en 'un clic', la réalisation de plans notamment côtés constituant une fonctionnalité essentielle d'un logiciel de diagnostiqueur immobilier et un argument commercial décisif, alors qu'une telle réalisation 'en un clic' est techniquement impossible, que M. [R], ancien utilisateur de ce logiciel, atteste qu'avec celui-ci 'tout était fait à la main' et que pour sa part, elle a mis des années à développer un logiciel de plan, Laser plan express, de qualité professionnelle, permettant de calculer automatiquement les surfaces mesurées,
- en prétendant que la hot line de service après vente était totalement gratuite alors qu'elle est payante ainsi qu'il ressort de la documentation commerciale de la société [8], cet argument étant de nature à tromper un professionnel averti ou non et les diagnostiqueurs immobiliers n'étant en tout état de cause pas des professionnels avertis,
- en affirmant qu'elle proposait une assistance hors des heures d'ouverture par des ingénieurs qualifiés ainsi qu'il ressort de son site internet et de sa documentation commerciale alors qu'elle soutient le contraire dans ses écritures,
- en annonçant le coût de ses mises à jour annuelles de 260 euros hors taxes en 2011 alors qu'elle les facturait 340 euros hors taxes, le prix de 260 euros étant encore affiché sur son site en 2014,
- en soutenant que la durée de validité de la version d'essai de ses logiciel était illimitée,
alors qu'elle est restreinte à 10 jours,
- en mettant en avant mensongèrement sur son site internet de 2007 à 2014 la préconisation des organismes certificateurs, en particulier le bureau de contrôle de la société [11] qui bénéficie d'une renommée internationale en matière de certification, alors que cette pratique est interdite par les arrêtés du 2 et 8 juillet 2008, le témoignage de M. [Y], ancien examinateur du bureau [11], non manuscrit, de complaisance et contraire aux exigences d'impartialité prévues par l'arrêté du 2 juillet 2018 étant inopérant, l'avantage concurrentiel substanciel constituant en une préconisation émanant d'un bureau de certification de renommée internationale lui procurant un atout considérable,- en se prévalant de statistiques très favorables, soit détenir 60 à 70 % des parts de marché et avoir équipé plus de 4500 cabinets de diagnostiqueurs immobiliers, alors que ces chiffres sont faux car 4 662 entreprises de diagnostic oeuvraient seulement sur le marché,
- en prétendant faussement employer 8 à 10 personnes, voire une vingtaine, dont des spécialistes du diagnostic immobilier, alors que la société [8] ne disposant d'aucun salarié,
- en deuxième lieu, la société [8] a commis des faits de dénigrement ainsi que M. [U] l'a relevé lui même dans ses conclusions d'appel de l'instance initiale, les propos tenus par ladite société à des diagnostiqueurs immobiliers dépassant ce que l'exercice d'une libre concurrence entre entreprises du même secteur permet et étant de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 devenu 1240 du code civil,
- enfin, la société [8] a désorganisé le marché par la commission de faits de travail dissimulé, en ayant régulièrement recours à des personnels sous le statut d'auto-entrepreneurs qu'elle aurait dû salarier, ce qui constitue une forme de concurrence déloyale s'agissant de se procurer un avantage par rapport à ses concurrents sans observer les règlementations d'ordre public,
- il ressort du second constat d'huissier réalisé que la société [8] a supprimé l'essentiel des mentions litigieuses de son site internet après le premier constat, ce qui démontre qu'elle se savait dans l'illégalité,
- les sociétés [8] et [9] sont en concurrence directe sur le marché de niche des logiciels en diagnostics immobiliers, et leurs produits et services sont souvent comparés par les clients en recherche d'outils informatiques,
- les agissements de la société [8] ont eu de graves conséquences en influençant et en détournant la clientèle à son profit, alors qu'elle a mis des années à développer un logiciel de plan de qualité professionnelle, la préconisation du bureau de contrôle [11] offrant également à ladite société une caution et une légitimité redoutable qui lui a fait une excellente publicité et lui a offert un avantage concurrentiel déterminant de 2007 à 2014,
- elle a subi une perte de chiffre d'affaires de 266 600 euros au titre des actes de concurrence déloyale compte tenu des deux chutes brutales de ses résultats, d'une part lors de la période 2008-2011, d'autre part, au cours de l'année 2014, et qui correspondent à la création de la société [8] en 2007 et au développement du logiciel Liciel en 2011,
- la suppression de l'essentiel des mentions litigieuses postérieurement au premier constat d'huissier de justice a permis de mettre fin à la chute de son chiffre d'affaires, sans pour autant faire disparaître le préjudice antérieurement subi,
- son préjudice de perte de chance d'obtenir gain de cause en appel est de 300 000 euros.
M. [U] réplique que la société [9] ne justifie d'aucune perte de chance d'obtenir l'infirmation du jugement devant la cour en ce que :
- les allégations de dénigrement ne sont pas caractérisées car fondées sur des attestations et un constat d'huissier de justice non déterminants,
- le véritable reproche de la société [9] envers la société [8] est d'avoir réalisé une contrefaçon de son logiciel Expertec dont la vérification implique la désignation d'un expert technique chargé de comparer les lignes de code des logiciels respectifs, mais une telle mesure d'instruction aboutirait à suppléer la carence de la société [9] dans l'administration de la preuve,
- l'argument essentiel est fondé sur le fait que la société [8] aurait menti sur les capacités de son produit mais donner des informations inexactes à la clientèle n'est pas en soi constitutif de concurrence déloyale, la pratique commerciale trompeuse devant altérer ou être susceptible d'altérer les comportements économiques du consommateur,
- le logiciel s'adresse à des diagnostiqueurs immobiliers qui sont des professionnels avertis et n'ont pu être induits en erreur sur ses caractéristiques au travers de sa promotion commerciale,
- les différents griefs faits à la société [8] ne sont pas fondés en ce que :
- le nombre de 5 000 postes créés correspond au nombre de licences d'utilisation et non au nombre de structures,
- le nombre de personnes travaillant pour la société [8] est, selon l'expert-comptable [10], une dizaine en 2012 et une quinzaine en 2014, et n'est pas nul ainsi que le prétend la société [9] qui n'explique pas non plus en quoi cette information aurait pu influencer les diagnostiqueurs, ce qui rend également inopérant le grief tiré de la désorganisation du marché par le recours à des auto-entrepreneurs,
- la société [8] a bien été préconisée par des organismes certificateurs, et les griefs formés à l'encontre du témoignage de M. [Y] sont infondés, tant sur la question du favoritisme, ce dernier ayant préconisé plusieurs logiciels de diagnostic, que sur son caractère étranger aux pratiques de la société [11], M. [X] [F], son supérieur hiérarchique, ayant indiqué qu'aucune réclamation ou plainte ne lui avait été adressée à ce propos,
- la durée des versions d'essai n'est plus illimitée mais désormais limitée à 10 jours dans les conditions générales, ce à titre de garde-fou en cas de piratage, les versions d'essai étant cependant laissées à la libre disposition des prospects,
- le prix annuel des mises à jour s'élevait bien en 2011 à la somme de 260 euros hors taxes ainsi que le précise la brochure, et la société [9] ne démontre pas en quoi cette indication aurait 'vicié' l'attitude d'un prospect,
- les versions 1 et 2 du logiciel de la société [8] proposaient de réaliser des plans et des croquis mais pas des plans côtés, de sorte qu'elle n'a pu faire croire aux clients que son logiciel le permettait,
- le prétendu préjudice fondé sur une baisse du chiffre d'affaires entre 2008 et 2011 n'est pas imputable à la société [8], le logiciel Liciel ayant été seulement développé en 2011,
- la suppression des mentions litigieuses sur le site internet de la société [8] a été réalisée à la suite du jugement du tribunal de commerce de Paris sans qu'elle y soit obligée et afin d'éviter des reproches qui auraient pu lui être faits,
- la demande d'une somme de 300 000 euros au titre du prétendu préjudice de perte de chance n'est pas fondée.
Lorsque l'avocat a manqué à son obligation de diligence, doit être réparé le préjudice direct, certain et actuel en relation de causalité avec le manquement commis et lorsque le manquement a eu pour conséquence de priver une partie d'une voie d'accès au juge, il revient à celle-ci de démontrer la réalité de la perte de chance, réelle et sérieuse, laquelle doit résulter de la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.
Il convient d'évaluer les chances de succès de la voie d'appel manquée en reconstituant le procès comme il aurait dû avoir lieu, à l'aune des motivations de la décision qui a été rendue, des dispositions légales qui avaient vocation à s'appliquer et au regard des prétentions et demandes respectives des parties ainsi que des pièces en débat.
La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
Par jugement du 11 juillet 2017, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société [9] de l'ensemble de ses demandes aux motifs qu'elle ne démontrait ni la véracité de ses accusations, les attestations produites étant sujettes à caution et la préconisation par un organisme certificateur étant établie, ni en en quoi ces pratiques commerciales auraient influencé des diagnostiqueurs professionnels avertis et lui auraient causé un préjudice.
Dans ses conclusions d'appelant, la société [9] sollicitait à titre liminaire la réalisation d'une expertise judiciaire aux fins d'analyser les fonctionnalités des versions du logiciel Liciel, et à titre principal le paiement d'une somme de 300 000 euros en réparation de son préjudice au titre des pratiques commerciales trompeuses, dénigrement et actes de concurrence déloyale.
La société [8] dont les conclusions devant le tribunal de commerce et les pièces de procédure sont produites en cause d'appel contestait tant les fautes que le préjudice allégués, en relevant en particulier l'absence de toute démonstration d'une altération substancielle du comportement du diagnostiqueur, professionnel attentif et avisé, et en discutant l'ensemble des manquements qui lui étaient imputés.
Sur les pratiques commerciales trompeuses :
Selon l'article L.120-1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur au moment des faits,
'Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.
Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.
II.- Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-1 et L. 121-1-1 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 122-11 et L. 122-11-1.'
L'article L.121-1 2° du code de la consommation, dans sa version applicable aux faits, précise que:
'Une pratique commerciale est trompeuse lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :
a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;
b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;
c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;
d) Le service après-vente, la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une réparation ;
e) La portée des engagements de l'annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ;
f) L'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ;
g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur'.
S'agissant en premier lieu des fonctionnalités du logiciel, la société [9] soutenait que dans sa documentation et communication commerciales de 2007, 2013 et 2014, la société [8] présentait faussement son logiciel comme permettant la réalisation de plans, notamment côtés, ce qui constitue une qualité essentielle, la réalisation de plans côtés permettant de calculer automatiquement les surfaces et par voie de conséquence d'assurer un gain de temps considérable.
La société [8] objectait à bon droit que ses documents commerciaux de 2007 n'employaient aucunement l'expression 'plans côtés', mais le seul terme 'plan', et justifiait par des attestations de ses salariés et le constat d'huissier de justice dressé le 15 mai 2015 que les versions 3, déposée le 9 décembre 2009, et 4 de son logiciel permettaient la réalisation de plans côtés.
Ni le témoignage de M. [R], ancien client de la société [8] et désormais client de la société [9], indiquant 'Sur l'ancienne version pas de côtes possibles ni de lien avec le disto. Tout était fait à la main', sans préciser la version du logiciel Liciel utilisée, ni la circonstance que sur le site internet de la société [8], il soit renvoyé à un lien permettant le téléchargement d'un logiciel gratuit 'sweethome 3d' n'étaient de nature à remettre en cause ces éléments.
Quant à la mention, sur le site internet de la société [8], selon constat d'huissier de justice du 26 avril 2018, 'Découvrez un logiciel vous permettant la réalisation de plans 2D et 3D en un clic', la société [8] faisait quant à elle grief à la société [9] d'employer un procédé similaire en indiquant que son logiciel laser permet 'en un clic' la réalisation du croquis indiqué alors que plusieurs manipulations sont nécessaires.
A considérer que cette mention soit trompeuse en ce qu'une telle opération en un seul clic serait techniquement impossible, il n'est justifié par aucune pièce versée aux débats qu'elle ait altéré ou ait été susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique des diagnostiqueurs professionnels normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés à l'égard dudit logiciel, étant souligné que ces derniers sont des utilisateurs habituels des logiciels de diagnostic immobilier et qu'au surplus une version gratuite du logiciel Liciel était mise à disposition à titre d'essai.
Le grief tiré de la durée de validité de la version d'essai du logiciel Liciel, présentée comme étant illimitée alors qu'elle est limitée à 10 jours dans les conditions générales, ne figure pas dans les conclusions d'appelant tardives et n'est pas plus établi, M. [D], responsable technique de la société [8] attestant que celle-ci propose effectivement des versions d'essai sans limitation de durée contrairement à ce que mentionnent les conditions générales.
S'agissant en second lieu du prix du produit, en particulier de ses mises à jour, il n'est aucunement justifié du caractère mensonger de l'annonce dans la brochure de la société [8] de 2011 'Nos points forts : les mises à jour sont proposées moyennant un forfait de mise à jour annuel de seulement 260 euros HT/an en 2011", au regard de l'application d'un tarif de 340 euros HT en 2014 et ce, quand bien même cette brochure de 2011 ait pu être téléchargée en 2014.
Outre que le grief tiré de la gratuité prétendue de la hot line ne figure plus dans les conclusions d'appelant de la société [9] dont le dépôt tardif a justifié la caducité de l'appel, la société [8] contestait fermement les deux attestations de clients (MM. [L] et [P]) des 7 et 23 février 2012 produites par la société [9] assurant que la société [8] s'était présentée par téléphone comme étant le seul éditeur à proposer une hot line totalement gratuite et démontrait, par un constat d'huissier de justice du 15 mai 2015, que la gratuité de la hot line était réservée 'à l'assistance aux bugs éventuels liés à Liciel'.
L'appelante n'établit ni par lesdites attestations, dont le contenu est similaire et ne précise pas la date des conversations téléphoniques, ni par le seul extrait de constat d'huissier de justice dont elle se prévaut, mentionnant le coût de l'assistance téléphonique, que la société [8] aurait tenu des propos mensongers sur la gratuité de sa hot line.
S'agissant, en troisième lieu, du service après-vente, il n'est pas justifié du caractère mensonger de l'affirmation, par la société [8], sur son site internet, qu'elle proposait une assistance hors des heures d'ouverture 'par des ingénieurs qualifiés', l'allégation de 'propos mensongers' dans ses écritures ne portant pas sur ce grief ainsi que le prétend l'appelante, mais sur la prétendue gratuité de sa hot line. En outre, il n'est aucunement justifié qu'une telle affirmation aurait altéré, ou été susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du diagnostiqueur immobilier normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard du logiciel de la société [8].
Quant, en quatrième lieu, à la préconisation de l'organisme vérificateur [11] figurant sur le site internet de la société [8], celle-ci faisait valoir que l'article L.121-1-1 du code de la consommation, dans sa version applicable aux faits, établissait une liste exhaustive des pratiques réputées trompeuses, tel que le fait de se prévaloir d'une fausse certification, mais aucunement le fait d'être 'préconisé' par un certificateur. Elle entendait justifier de cette préconisation par l'attestation de M. [Y], ancien certificateur du bureau [11], attestant, 'dans le cadre de son métier d'examinateur, avoir été amené à préconiser des logiciels de diagnostic immobilier tels que celui des éditeurs '[5]', '[8]' ou '[7]'.
La circonstance que cette attestation soit partiellement manuscrite n'était pas de nature à l'écarter des débats à défaut de justification d'un grief. Quand bien même M. [F], exerçant au bureau [11], précise dans son courriel du 23 juin 2015 adressé à la société [9] que M. [Y] est intervenu en tant qu'examinateur et non pas de certificateur et que l'évocation de différents logiciels ne relève aucunement des pratiques d'évaluation et pourrait constituer un non respect de la règlementation applicable aux organismes certificateurs, il n'en demeure pas moins que M. [Y] confirme avoir préconisé le logiciel de la société [8], sans que l'appelante justifie qu'il s'agit d'un témoignage de complaisance alors qu'elle reconnaît que M. [Y] a bien utilisé ce logiciel ainsi que d'autres, parmi lesquels le sien, et en connaissait donc les fonctionnalités.
La mention critiquée ne constitue donc pas une allégation fausse de nature à induire en erreur les diagnostiqueurs sur le logiciel ainsi que le prétend l'appelante.
S'agissant en dernier lieu de la présentation de la société [8], en particulier comme étant un acteur dominant du marché, au travers des statistiques fausses et des mentions inexactes sur ses salariés, le constat d'huissier de justice du 14 octobre 2014 établit que dans la rubrique 'Qui sommes nous'', ladite société prétendait que son logiciel était devenu 'LE logiciel de référence', en l'illustrant de deux macarons 'Liciel 5.000- 5 000 postes créés en 3 ans' et 'Nous vous avons facilité la rédaction de plus de 400.000 rapports en 3 ans'.
La société [8] faisait valoir qu'il était ainsi fait référence à la création de 5 000 postes de licence par an et non pas de structures, chaque licence correspondant au poste d'une entreprise, qu'il soit un ordinateur, une tablette ou un smartphone, et justifiait de la création de plus de 6 846 postes de licence. A considérer que la mention utilisée par la société [8] ne soit pas suffisamment claire, l'appelante ne démontre pas en quoi cette information aurait influé le comportement économique des diagnostiqueurs coutumiers de l'utilisation de logiciels sous licence, nécessairement affectée à un 'poste'.
En outre, la société [8] démontrait la véracité de l'information sur la rédaction de plus de 400 000 rapports par an grace à son logiciel.
Pour le surplus, ainsi qu'il ressort des développements ci-avant, les attestations de MM. [L] et [P], insuffisamment précises et dont le contenu est similaire, n'étaient pas de nature à rapporter la preuve de ce que la société [8] prétendait par téléphone détenir 70% des parts du marché et avoir équipé 4 500 cabinets. Dans son attestation du 2 octobre 2014, dont le caractère probatoire était également discuté par la société [8], M. [B] [G] soutient que le 1er octobre 2014, la société [8] lui a indiqué par téléphone qu'elle 'avait 60% des parts du marché'. Outre que le contenu de cette attestation est fermement démenti par l'employé auquel M. [G] se serait adressé, et qu'elle a manifestement été établie à la demande de la société [9] et pour les besoins de la procédure, cette communication, limitée à cette seule conversation, ne revêt pas un caractère mensonger, la société [8] justifiant au vu de l'étude [6] sur les parts de marchés des éditeurs de logiciels et besoins des diagnostiqueurs immobiliers qu'en janvier 2014, 85% des entreprises en cours de création et 70% des entreprises ayant moins de cinq ans utilisaient son logiciel.
De même, outre que le grief tiré du nombre mensonger de salariés de la société [8] ne figure pas dans les conclusions d'appel tardives de la société [9], l'allégation par téléphone de la société [8], rapportée par M. [G], d''une vingtaine de salariés travaillant chez [8]' est imprécise et son caractère mensonger ou de nature à induire en erreur n'est pas établi au vu de l'attestation de l'expert comptable de la société [8].
Au surplus, il n'est aucunement démontré en quoi des propos qui auraient été prétendument tenus au cours d'une conversation téléphonique auraient pu induire en erreur le comportement de diagnostiqueurs immobiliers.
La circonstance que la société [8] ait modifié le contenu de son site internet, ainsi que constaté le 26 avril 2018, est inopérante à caractériser l'existence de pratiques commerciales trompeuses, qui ne sont pas démontrées.
Sur le dénigrement :
Le dénigrement est une pratique de concurrence déloyale qui consiste pour un concurrent à jeter le discrédit sur une entreprise ou ses produits pour en tirer profit.
Le caractère probatoire des attestations de MM. [P], [G] et [L] étant pertinemment discuté par la société [8] et leur contenu étant contredit par l'attestation de M. [O], ancien salarié de la société [8], celles-ci ne sont pas de nature à caractériser les faits de dénigrement allégués par la société [9] et ce quand bien même ils auraient été soutenus par M. [U] dans ses écritures au soutien de la défense des intérêts de la société [9].
Sur la désorganisation du marché :
Il y a désorganisation du marché lorsqu'une entreprise se procure un avantage par rapport à ses concurrents en n'observant pas la règlementation d'ordre public.
La société [9] faisait valoir le recours régulier par la société [8] à des auto-entrepreneurs qu'elle aurait dû salarier, constituant une forme de travail dissimulé, en se fondant sur l'incertitude du nombre de salariés de la société [8], l'invitant à produire le registre de son personnel à ce titre, mais également sur la circonstance que M. [Z] et Mme [J] ayant travaillé pour ladite société ont le statut d'auto-entrepreneur.
La société [8] répliquait que M. [Z] avait été embauché par ses soins et que Mme [J] n'avait pas la qualité d'auto-entrepreneur.
La société [9] à laquelle incombe la charge de la preuve échoue à démontrer par les pièces qu'elle produit aux débats, soit le blog de M. [Z] et le profil Linkedin de Mme [J] qu'ils auraient régulièrement exercé leur activité pour le compte de la société [8] alors qu'ils sont entrepreneurs, en violation de la législation sur le droit du travail.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'appelante ne rapporte la preuve d'aucune perte de chance, même minime, d'obtenir gain de cause en appel et a été pertinemment déboutée de l'ensemble de ses demandes par les premiers juges.
Le jugement est donc confirmé dans toutes ses dispositions.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les dépens d'appel incombent à la société [9], échouant en ses prétentions.
La faute de M. [U] étant caractérisée, il n'y a pas lieu, en équité, de lui allouer une indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Déboute M. [S] [U] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [9] aux dépens d'appel.