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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 2 avril 2025, n° 23/06317

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Coulange

Conseillers :

Mme Robin-Karrer, M. Patriarche

Avocats :

Me Meunier, Me Guedj, Me Escoffier, SCP Cohen Guedj - Montero - Daval Guedj, SELARL Donsimoni & Associés

TJ Fréjus, du 19 déc. 2022, n° 11-21-057…

19 décembre 2022

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Suivant contrat ayant pris effet le 1er avril 2005, Madame [G] [U] veuve [I], ayant pour mandataire la société SELESTIMMO LITTORAL, a donné à bail d'habitation à Madame [P] [C] une maison individuelle située [Adresse 2] à [Localité 5], dont elle détenait l'usufruit.

La bailleresse est décédée le 16 juillet 2010, laissant pour lui succéder sa fille [O] [I] épouse [Z].

Par la suite, la gestion locative de ce bien a été confiée aux époux [K] [B] et [G] [L] dans le cadre d'un mandat verbal.

Suivant acte d'huissier du 26 septembre 2019, Madame [C] s'est vu signifier un congé venant à échéance le 1er avril 2020, date d'expiration du bail en cours, aux fins de reprise pour habitation personnelle par la propriétaire.

Un état des lieux de sortie a été établi contradictoirement entre Madame [B] et la locataire partante dès le 3 février 2020.

Madame [C] a réclamé en vain la restitution du dépôt de garantie et appris que le logement avait été en réalité remis en location.

Par acte délivré le 16 juin 2021, elle a assigné Madame [Z] à comparaître devant le tribunal de proximité de Fréjus pour l'entendre condamner à lui payer les sommes de :

- 1.530 euros représentant le montant du dépôt de garantie, augmenté des majorations de retard prévues à l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989,

- 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du caractère frauduleux du congé,

- 2.000 euros pour résistance abusive.

La défenderesse a restitué le montant de la caution le 15 juillet 2022, mais s'est opposée au surplus des prétentions adverses aux motifs que, fortement diminuée par une affection neurologique, elle avait été victime des agissements frauduleux des époux [B], contre lesquels elle avait déposé plainte.

Par jugement rendu le 19 décembre 2022, le tribunal a condamné Madame [Z] à payer à Madame [C] les sommes de :

- 2.218,50 ' au titre des majorations de retard prévues à l'article 22 de la loi précitée,

- 5.000,00 ' en réparation du caractère frauduleux du congé,

- 2.000,00 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Pour statuer en ce sens, le premier juge a notamment retenu que Madame [Z], qui s'était abstenue d'appeler en cause ses mandataires, était tenue vis-à-vis de son ancienne locataire des actes accomplis par ces derniers.

Madame [O] [I] épouse [Z] a interjeté appel de cette décision. Aux termes de ses conclusions notifiées le 7 août 2023, elle fait valoir :

- que l'intimée ne peut prétendre à des majorations de retard, faute d'établir la date à laquelle elle a restitué les clés du logement,

- qu'elle n'a jamais été à l'initiative du congé, ni de la remise du bien en location,

- qu'elle a été victime d'agissements frauduleux de la part des époux [B], qui ont profité d'un affaiblissement de ses facultés intellectuelles, et contre lesquels elle a déposé plainte.

Elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de débouter Madame [C] de l'ensemble de ses prétentions et de la condamner aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Dans ses conclusions en réplique notifiées le 3 novembre 2023, Madame [P] [C] soutient pour sa part :

- que les clés ont été restituées le jour de l'établissement de l'état des lieux de sortie,

- qu'en vertu de l'article 1154 du code civil, l'appelante est tenue des actes accomplis pour son compte en vertu d'un mandat apparent,

- et qu'au surplus, Madame [Z] ne démontre pas que les époux [B] auraient outrepassé les termes de leur mandat.

Elle demande à la cour de confirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande accessoire en dommages-intérêts pour résistance abusive, qu'elle réitère à hauteur de la somme de 2.000 euros, et réclame en sus paiement de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, outre ses dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 janvier 2025.

DISCUSSION

Il résulte des termes de la plainte adressée le 27 août 2021 par Madame [Z] au procureur de la République de Draguignan qu'un mandat avait été effectivement confié aux époux [B] pour la gestion de son bien immobilier, celui-ci pouvant être donné verbalement en vertu de l'article 1985 du code civil lorsque le mandataire ne prête pas habituellement son concours aux opérations portant sur les biens d'autrui au sens de l'article 1er de la loi n° 70-09 du 2 janvier 1970.

Selon l'article 1156 du même code, l'acte accompli par un représentant dépourvu de pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a pu légitimement croire en la réalité des pouvoirs du représentant. L'article 1157 ajoute que lorsque le représentant détourne ses pouvoirs au détriment du représenté, ce dernier peut invoquer la nullité de l'acte accompli si le tiers avait connaissance du détournement ou ne pouvait l'ignorer.

Ces textes, introduits par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, sont venus confirmer la jurisprudence antérieure qui s'était développée sous l'empire de l'article 1998, suivant laquelle le mandant pouvait être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, même en l'absence de faute de sa part, si la croyance du tiers dans l'étendue des pouvoirs du mandataire était légitime.

Tel est le cas en l'espèce, dans la mesure où il n'est pas démontré que Madame [C] avait une raison de douter de la validité du mandat ou de l'étendue des pouvoirs des époux [B], étant en outre observé que l'acte de signification du congé ne fait aucunement état de l'intermédiation d'un tiers.

D'autre part, les actes litigieux ont tous été accomplis avant le jugement d'habilitation familiale rendu le 20 juin 2022 par le juge des tutelles de Marseille restreignant la capacité civile de Madame [Z], et le tribunal comme la cour n'ont pas été saisis d'une demande de nullité du contrat de mandat sur le fondement de l'article 414-1 du code civil.

Enfin, à défaut de preuve contraire, il convient de présumer que Madame [C] a restitué les clés du logement le jour de l'établissement de l'état des lieux de sortie, soit le 3 février 2020.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Madame [Z] à payer les majorations de retard prévues à l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 en cas de défaut de restitution du dépôt de garantie, ainsi que des dommages-intérêts en réparation du caractère frauduleux du congé.

La décision doit être également confirmée en ce qu'elle a débouté Madame [C] de sa demande additionnelle pour résistance abusive, dès lors qu'il n'apparaît pas, compte tenu des circonstances particulières de cette affaire, que l'exercice par l'appelante de son droit d'agir en justice ait dégénéré en abus.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant, condamne Madame [O] [I] épouse [Z] aux dépens de l'instance d'appel, ainsi qu'à verser à Madame [P] [C] une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

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