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CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 2 avril 2025, n° 20/09121

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Foodaix (SARL)

Défendeur :

Catequip (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gérard

Conseillers :

Mme Combrie, Mme Vincent

Avocats :

Me Pietra, Me Larmet, Me Courtecuisse, Me Melen, AARPI NMCG

T. com. Aix-en-Provence, du 11 sept. 202…

11 septembre 2020

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon acte sous signatures privées du 30 avril 2014, la SAS Catequip a conclu avec la SARL Foodaix, dont la dirigeante est Mme [J] [V], ancienne salariée de la SAS Catequip, un contrat d'agence commerciale pour la distribution de la marque Princastle sur une partie du territoire français et dans divers pays étrangers désignés à l'annexe 1 du contrat. Le montant de la commission due à la SARL Foodaix est fixé par l'annexe 3 du contrat de ma-nière progressive jusqu'à 6% du montant de la commande si celle-ci parvient à la SAS Ca-tequip.

Par courrier du 24 novembre 2016, la SAS Catequip a notifié à la SARL Foodaix une modification de son organisation et précisé notamment que désormais l'annexe 3 du contrat prévoyant un taux de commission de 1 à 6% serait désormais appliqué.

Par courrier recommandé du 24 février 2017, la SARL Foodaix a notamment repro-ché à la SAS Catequip cette modification de son organisation qui entraînait selon elle une ven-tilation du taux de commissionnement de 6% entre plusieurs intervenants et la restriction de son périmètre d'intervention. Elle a indiqué prendre acte de la rupture du contrat d'agence commerciale du fait du mandant et sollicité le paiement de l'indemnité de préavis, de l'indemnité de cessation de fin de contrat et le règlement de ses commissions.

Par courrier recommandé du 8 mars 2017, la SAS Catequip contestait les faits impu-tés par la SARL Foodaix et l'existence d'une résiliation régulière au regard des termes du con-trat.

La SAS Catequip a fait assigner Mme [J] [V] devant le juge des référés du tribunal de commerce de Troyes afin de voir constater la défaillance de la SARL Foodaix dans l'exécution de son contrat d'agent commercial et voir ordonner la poursuite de ses effets. Par ordonnance du 278 juin 2017, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé.

Parallèlement, la SARL Foodaix a fait assigner la SAS Catequip, au fond devant le tribunal de commerce de Troyes pour la voir condamner à lui verser diverses sommes dues au titre de la résiliation du contrat.

Les parties se sont rapprochées en cours de procédure et ont conclu un accord tran-sactionnel le 18 mai 2018, suivi d'un protocole additionnel rectificatif le 22 mai 2018 repor-tant d'un mois, soit au 1er juin 2018, la reprise du contrat d'agent commercial.

La SARL Foodaix, soutenant que la SAS Catequip n'avait pas exécuté le protocole et l'avait placée dans l'incapacité de remplir sa mission d'agent commercial, a saisi le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence pour voir condamner la SAS Catequip à lui régler les sommes dues au titre de la rupture de son contrat d'agent commercial.

Par jugement en date du 11 septembre 2020, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence :

- s'est déclaré compétent en application de l'article 46 du code de procédure civile ;

- a débouté la SARL Foodaix de l'ensemble de ses demandes ;

- a dit que le contrat d'agent commercial se poursuit dans les conditions contrac-tuelles ;

- a débouté la S.A.S Catequip de ses demandes reconventionnelles ;

- a condamné la SARL Foodaix à payer à la S.A.S Catequip une somme de 3.000 eu-ros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a condamné la SARL Foodaix aux dépens de l'instance,

- a prononcé l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 24 septembre 2020, la S.A.R.L Foodaix a interjeté appel du juge-ment.

Par courrier recommandé du 28 octobre 2020, également signifié par acte de commis-saire de justice du 26 novembre 2020, la SAS Catequip a résilié le contrat d'agent commercial pour faute grave avec préavis d'un mois au 26 décembre 2020.

Par conclusions déposées et notifiées le 02 octobre 2024, auxquelles il est expressé-ment référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la S.A.R.L Foodaix demande à la cour de :

- recevoir la SARL Foodaix en son appel et l'y déclarer bien fondée ;

- réformer le jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en date du 11septembre 2020 en ce qu'il a :

- débouté la SARL Foodaix de l'ensemble de ses demandes,

- dit que le contrat d'agent commercial se poursuit dans les conditions contractuelles,

- condamné la SARL Foodaix à payer à la S.A.S. Catequip une somme de 3.000 eu-ros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné la SARL Foodaix aux dépens de l'instance,

statuant à nouveau,

- débouter la SAS Catequip de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la SAS Catequip à payer à la SARL Foodaix une somme de 121.916 eu-ros HT, plus la TVA au taux en vigueur, à titre de commissions ;

- condamner la SAS Catequip à payer à la SARL Foodaix une somme de 151.082 eu-ros au titre de l'indemnité légale de cessation de contrat prévue par l'article L.134-12 du Code de commerce et une somme de 38.500 euros au titre du préavis non respecté ;

- condamner la SAS Catequip à payer à la SARL Foodaix une somme de 60.000 eu-ros en réparation du préjudice causé par l'absence de toute exécution du contrat d'agence commerciale entre Catequip et Foodaix depuis le 1er juin 2018 ;

- condamner la SAS Catequip à verser à la SARL Foodaix la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de pre-mière instance et d'appel.

Par conclusions déposées et notifiées le 30 septembre 2024, auxquelles il est expres-sément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la S.A.S Catequip demande à la cour de :

- déclarer recevable et fondé l'appel incident formé par la société Catequip,

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en ce qu'il a :

- débouté la société Foodaix de l'ensemble de ses demandes, notamment financières et indemnitaires,

- condamné la société Foodaix à payer à la société Catequip une somme de 3.000 eu-ros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance,

- l'infirmer en ce qu'il a :

- débouté la société Catequip de ses demandes reconventionnelles,

et, statuant à nouveau :

- constater que la société Catequip a parfaitement respecté les dispositions du proto-cole transactionnel signé entre les parties le 18 mai 2018, complété par un protocole addition-nel rectificatif en date du 22 mai 2018,

- constater que la société Catequip n'a commis aucune faute dans l'exécution du con-trat d'agence commerciale du 30 avril 2014 complété par l'avenant n°2 signé le 18 mai 2018,

- constater en revanche que la société Foodaix a, dans les faits, cessé d'exécuter le contrat d'agence commerciale à compter du mois de mai 2018,

- constater l'existence d'une faute grave commise par la société Foodaix dans l'exécution du contrat d'agent commercial,

- prendre acte de la résiliation du contrat d'agent commercial intervenue le 26 dé-cembre 2020 en raison des fautes graves commises par cette dernière,

en conséquence :

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la société Foodaix, en ce compris l'ensemble de ses demandes financières et indemnitaires,

- condamner la société Foodaix à verser la somme de 20.000 euros à la société Ca-tequip au titre de la procédure abusive introduite à son égard,

en tout état de cause :

- condamner la société Foodaix à verser à la société Catequip la somme de 15.000 eu-ros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la rupture du contrat d'agence commerciale :

La SARL Foodaix soutient que la rupture du contrat est imputable à la SAS Catequip, qui l'a provoquée de manière détournée en ne mettant pas en mesure la SARL Foodaix d'exercer son activité d'agent commercial en ne lui communiquant pas les tarifs applicables ce qui rendait son activité impossible et en ne lui versant plus aucune commission à compter de juin 2019.

Elle conteste la faute grave invoquée dans la lettre de résiliation adressée par la SAS Catequip du 28 octobre 2020, ce courrier ne respectant pas au surplus les prescriptions de l'article 25 du contrat tel que modifié par l'avenant n°2 du 18 mai 2018.

La SAS Catequip réplique que la SARL Foodaix n'a pas été empêchée d'exercer son activité puisqu'elle a bien perçu des commissions entre avril mai 2018 et avril 2019, que le re-proche relatif à l'absence de communication des tarifs, qui dépend exclusivement de son four-nisseur, ne lui est pas imputable, que la liste des prix lui a été communiquée le 30 mars 2019, qu'il n'est pas démontré en quoi le prétendu retard dans la communication des prix lui a causé un quelconque préjudice.

Elle invoque à l'encontre de la SARL Foodaix, la violation de la clause de non-concurrence puisqu'elle a exercé une activité de salariée auprès d'un concurrent direct de la SAS Catequip et l'absence d'activité.

Sur ce, s'agissant du retard dans la communication des tarifs qui n'a eu lieu que le 30 mars 2019, il convient de rappeler qu'aux termes du protocole d'accord entre les parties, ce retard n'a pas eu de conséquence sur l'activité de la SARL Foodaix, qui a été indemnisée, par le versement des sommes de 60 000 euros puis de 70 000 euros minimum pour la période du 1er mai au 30 avril 2019, soit exactement la période pendant laquelle la SARL Foodaix pré-tend avoir été empêchée d'exercer son activité.

Par ailleurs, au-delà de l'indemnisation minimum perçue, les courriels produits par la SARL Foodaix ne caractérisent nullement des faits imputables au mandant l'ayant empêchée d'exercer son activité, étant observé en outre qu'un sous agent, a pu exercer son activité de prospection de clientèle pour laquelle lui-même et la SARL Foodaix (commissions indirectes), conformément au contrat, ont perçu des commissions.

Le grief n'est pas fondé.

Postérieurement au jugement de première instance la SAS Catequip a mis fin au con-trat, pour faute grave du mandataire, avec un préavis d'un mois, par lettre recommandée avec accusé de réception, remise finalement par acte d'huissier du 26 novembre 2020.

La SARL Foodaix n'est pas fondée à prétendre que ce courrier ne respecterait pas les prescriptions du contrat quand l'article 25 du contrat, modifié par le protocole d'accord, sti-pule qu'en " cas de faute grave rendant impossible le maintien du lien contractuel et dans ce cas seulement, le mandant peut mettre fin au contrat après un préavis de trente jours notifié par lettre recommandée avec accusé de réception dénonçant le caractère fautif d'une action de l'agent commercial avec injonction de se conformer à ses obligations, si la lettre recommandée est restée sans effet à l'expiration du délai de trente jours. (') En conséquence d'un élément essentiel de la transaction intervenue ce jour entre les parties, Catequip s'engage à ne pas mettre fin au contrat avant le 30 décembre 2020 sauf circonstances prévues aux termes de l'article L 134-13 du code de commerce ".

Il en résulte que la SAS Catequip pouvait mettre fin au contrat avant le 30 décembre 2020 sous préavis d'un mois, sous réserve d'invoquer une faute grave au sens de l'article L. 134-13 du code de commerce et la SARL Foodaix n'est pas fondée à invoquer un préavis supérieur à celui prévu aux termes de cette stipulation contractuelle.

La faute grave au sens de ce texte est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel. Il appartient au mandant d'en rapporter la preuve.

La lettre de résiliation reproche à la SARL Foodaix de ne pas avoir exécuté le mandat à compter du moi de mai 2019 concomitamment au versement de la somme de 70 000 euros prévue au protocole, que le montant des commissions de la SARL Foodaix avait considéra-blement baissé et était dû en majeure partie aux montants des commissions indirectes obtenues par d'autres agents commerciaux.

Sur ce point, il est rappelé que La SAS Foodaix ne peut se prévaloir de l'absence de communication des tarifs, ceux-ci ayant été communiqués le 31 mars 2019, pas plus que de leur incomplétude alléguée, en l'absence de preuve de tout démarchage de clientèle pendant la période considérée.

En effet, les chiffres relatifs au montant de ses commissions pendant cette période n'ont rien de commun avec ceux réalisés précédemment et s'élèvent à 3 967 euros pour la pé-riode de mai à décembre 2019 et 2 383 euros pour la période de janvier à septembre 2020.

La SARL Foodaix ne dément pas ces chiffres ni le fait qu'ils représentent les com-missions indirectes, c'est-à-dire celles obtenues en raison du chiffre d'affaires réalisé par d'autres commerciaux sur lesquels la SAS Foodaix percevait une commission conformément à l'annexe 3 du contrat d'agent commercial.

Il en résulte que la SARL Foodaix ne démontre pas avoir réalisé le démarchage de la clientèle qui lui était attribuée, obligation essentielle du mandat d'agent commercial, ce qui constitue une faute grave rendant impossible le maintien du lien contractuel.

En outre il est reproché à la dirigeante de la SARL Foodaix d'exercer une activité de salariée chez un concurrent direct. Si la SARL Foodaix conteste que sa dirigeante soit salariée de l'entreprise concurrente et indique que celle-ci exerce les mêmes fonctions que pour la SAS Catequip, il n'en demeure pas moins que cette activité n'a pas fait l'objet d'un accord du mandant et constitue un manquement à l'obligation de loyauté tel que prévu à l'article L. 134-3 du code de commerce repris dans le contrat de mandat.

La résiliation, prononcée conformément aux stipulations contractuelles est valide et exclu tout droit à indemnité de rupture pour la SARL Foodaix, qui est déboutée de l'ensemble de ces demandes.

2. Sur le paiement de commissions :

La SARL Foodaix soutient qu'elle est en droit de percevoir des commissions sur son activité postérieure à mai 2019 jusqu'au 31 décembre 2020, calculées sur la base de la commis-sion de 70 000 euros minimum prévue par le protocole sur 19 mois soit 110 833 euros, majorée de 10% qui correspond à la progression de son chiffre d'affaires réalisé pour Catequip de 2014 à 2015.

Cependant, c'est de manière erronée que la SARL Foodaix considère que la rémuné-ration minimum de 70 000 euros lui était due alors qu'aux termes du protocole cette somme n'était versée qu'au regard de la période du 1er mai 2018 au 30 avril 2019 et qu'il n'est nulle-ment dans l'intention des parties de proroger cette rémunération au-delà du 30 avril 2019, les relations entre cocontractants devant reprendre conformément au contrat d'origine, sauf faute grave de l'un ou l'autre des contractants.

Faute pour la SARL Foodaix d'avoir exercé une activité suffisante pour générer des commissions autres qu'indirectes comme rappelé ci-dessus, elle n'est pas fondée à revendiquer le paiement de commissions et elle est déboutée de cette demande.

3. Sur la procédure abusive :

La SAS Catequip réclame la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en exposant qu'elle a été attraite deux fois devant une juridiction en deux ans pour l'exécution du même contrat, sans qu'aucun courrier de mise en demeure ne lui soit adressé préalablement à l'assignation, sans justifier ses prétentions et alors qu'elle avait cessé ses activités depuis plusieurs mois, ce qui caractérise la mauvaise foi de l'appelante.

Or la seule absence de mise en demeure ne peut caractériser la mauvaise foi, ni le fait d'exercer une action, même à deux reprises, sur des fondements et des griefs différents au sujet du contrat d'agent commercial.

L'abus du droit d'agir en justice ou d'exercer une voie de recours qui était ouverte, n'est pas établi et la SAS Catequip est déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement déféré est confirmé sur les chefs soumis à la cour, sauf à y ajouter que la résiliation du contrat d'agent commercial est intervenue le 26 décembre 2020.

La SARL Foodaix, partie perdante, est condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 11 septembre 2020,

Y ajoutant,

Constate que la résiliation du contrat a eu lieu au 26 décembre 2020,

Déboute la SARL Foodaix de toutes ses demandes,

Déboute la SAS Catequip de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne la SARL Foodaix aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'ar-ticle 699 du code de procédure civile,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SARL Foodaix à payer à la SAS Catequip la somme de 3 000 euros.

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