CA Bordeaux, 4e ch. com., 1 avril 2025, n° 23/03430
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 01 AVRIL 2025
N° RG 23/03430 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NLOG
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 7]
c/
Monsieur [D] [S]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 mai 2023 (R.G. 2022F01577) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 17 juillet 2023
APPELANTE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 7], inscrite au RCS de Saint Malo sous le numéro 777 770 611, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4] - [Localité 7]
Représentée par Maître Olivier MAILLOT de la SELARL CABINET CAPORALE - MAILLOT - BLATT ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Nolwenn CORNILLET, avocat au barreau de SAINT MALO
INTIMÉ :
Monsieur [D] [S], né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 6], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1] - [Localité 3]
Représenté par Maître Stéphanie BERLAND de la SELEURL CABINET SBA, avocat au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Arnaud DEGIOVANNI, avocat au barreau de VANNES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 février 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
Greffier lors du prononcé : Monsieur François CHARTAUD
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
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EXPOSE DU LITIGE:
1- Par actes du 15 novembre 2018, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] a consenti à la Sarl [S] Logistique, créée le 2 novembre précédent, deux prêts professionnels, l'un de 42 000 euros au taux de 0,80% remboursable en 84 mensualités, et l'autre de 6 300 euros au taux de 0,00% remboursable en 60 mensualités.
Par acte sous seing privé du 15 novembre 2018, M. [S], gérant de la société, s'est porté caution solidaire des engagements de la Sarl [S] Logistique au titre du prêt de 42 000 euros, dans la limite de 21 000 euros pour une durée de 108 mois.
Par acte sous seing privé 5 octobre 2019, un autre prêt professionnel a été accordé par la même Caisse à la même société, pour un montant de 55 000 euros, au taux de 1% remboursable en 84 mensualités.
Par acte sous seing privé du même jour, M. [S] s'est porté caution solidaire des engagements de la Sarl [S] au titre de ce prêt, dans la limite de 25 000 euros et pour une durée de 108 mois.
Par jugement du 10 août 2020, le tribunal de commerce de Saint-Malo a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la Sarl [S] Logistique, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 20 avril 2021.
La Banque a déclaré ses créances entre les mains du liquidateur le 6 mai 2021, et, par courrier recommandé avec accusé de réception du même jour, a mis en demeure M. [S] de payer sous huitaine la somme globale de 46 000 euros au titre de son engagement de caution.
Par acte du 29 septembre 2022, la Banque a assigné M. [S] en sa qualité de caution devant le tribunal de commerce de Bordeaux pour le voir condamner au paiement de 21 000 euros au titre du premier prêt et 25 000 euros au titre du second prêt.
2- Par jugement du 25 mai 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a :
- débouté M. [D] [S] de sa demande de voir déclarer irrecevable l'action de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7],
- débouté M. [D] [S] de sa demande de voir prononcer la nullité des engagements de caution du 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019,
- débouté la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] de sa demande de voir condamner M. [D] [S] à lui régler la somme globale de 46 000 euros au titre de ses engagements de caution du 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019,
- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de M. [D] [S] de voir prononcer à l'encontre de la Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] la déchéance de la totalité des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la date de premier incident de paiement non régularisé de la société [S] Logistique SARL concernant les deux contrats de prêts professionnels souscrits les 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019,
- condamné la Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] à verser à M. [D] [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] aux entiers dépens,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration au greffe du 17 juillet 2023, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 7] a relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant M. [S].
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
3- Par conclusions déposées en dernier lieu le 27 janvier 2025, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] demande à la cour de :
Vu les articles 2288 et suivants du code civil,
Vu les articles L 332-1, L 333-1 et L333-2 du code de la consommation,
- débouter M. [D] [S] de I'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
'débouté M. [D] [S] de sa demande de voir déclarer irrecevable l'action de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] ,
'débouté M. [D] [S] de sa demande de voir prononcer la nullité des engagements de caution du 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019,
'dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de M. [D] [S] de voir prononcer à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] la déchéance de la totalité des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la date de premier incident de paiement non régularisé de la société [S] Logistique SARL concernant les deux contrats de prêts professionnel souscrit les 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :
'débouté la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] de sa demande de voir condamner M. [D] [S] à lui régler la somme globale de 46 000 euros au titre de ses engagements de caution du 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019,
'condamné la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] à verser à M. [D] [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
'condamné la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] aux entiers dépens,
'débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Statuant de nouveau :
- condamner M. [D] [S] à verser à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] la somme de 21 000 euros, avec intérêts aux taux légal à compter de la mise en demeure du 06 mai 2021, au titre de son engagement de caution,
- condamner M. [D] [S] à verser à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] la somme de 25 000 euros, avec intérêts aux taux légal à compter de la mise en demeure du 06 mai 2021, au titre de son engagement de caution,
- condamner M. [D] [S] à verser à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] la somme de 3 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [D] [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux de la présente procédure au profit de la SELARL Cabinet Caporale Maillot Blatt, Avocat à la Cour, sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
4- Par conclusions déposées en dernier lieu le 14 janvier 2025, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, M. [S] demande à la cour de :
Vu le jugement rendu contradictoirement en premier ressort par le tribunal de commerce de Bordeaux le 25 mai 2023 portant le numéro de répertoire général 2022F01577,
Vu les dispositions de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle modifiée par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998,
Vu les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l'article L 332-1 du code de la consommation en vigueur du 1er juillet 2016 au 1er janvier 2022,
Vu les dispositions de l'article L 333-1 du code de la consommation en vigueur du 1er juillet 2016 au 1er janvier 2022,
Vu les dispositions de l'article L 333-2 du code de la consommation en vigueur depuis le 1er juillet 2016,
Vu les dispositions de l'article L 343-6 du code de la consommation applicable en vigueur depuis le 1er juillet 2016,
Vu les dispositions de l'article L 731-2 du code de la consommation en vigueur depuis le 1er juillet 2016,
Vu les dispositions de l'article L 262-2 du code de l'action sociale et des familles en vigueur depuis le 1er janvier 2016,
Vu les dispositions de l'article L 313-22 du code monétaire et financier en vigueur du 11 décembre 2016 au 1er janvier 2022,
Vu les dispositions de l'article 951 du code civil en vigueur depuis le 1er janvier 2007,
Vu les dispositions de l'article 1304 du code civil en vigueur depuis le 1er octobre 2016,
Vu les dispositions de l'article 1353 du code civil en vigueur depuis le 1er octobre 2016,
Vu les dispositions de l'article 1355 du code civil en vigueur depuis le 10 février 2016,
Vu les dispositions de l'article 2301 du code civil en vigueur du 24 mars 2006 au 1er janvier 2022,
Vu les dispositions de l'article L 622-24 du code de commerce en vigueur depuis le 24 mai 2019,
Vu les dispositions de l'article L 622-26 du code de commerce en vigueur depuis le 1er juillet 2014,
Vu les dispositions de l'article R 622-24 du code de commerce en vigueur depuis le 1er juillet 2014,
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en vigueur depuis le 27 février 2022,
Vu les pièces produites aux débats,
Vu la jurisprudence,
- confirmer le jugement rendu contradictoirement en premier ressort par le tribunal de commerce de Bordeaux le 25 mai 2023 en ce qu'il a :
' débouté la « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » de sa demande de voir condamner M. [D] [S] à lui régler la somme globale de 46000 euros au titre de ses engagements de caution du 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019 condamné la « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » aux entiers dépens
- infirmer le jugement rendu contradictoirement en premier ressort par le tribunal de commerce de Bordeaux le 25 mai 2023 en ce qu'il a :
' débouté M. [D] [S] de sa demande de voir déclarer irrecevable l'action de la « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] »
' débouté M. [D] [S] de sa demande de voir prononcer la nullité des engagements de caution du 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019
' dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de M. [D] [S] de voir prononcer à l'encontre de la « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » la déchéance de la totalité des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la date de premier incident de paiement non régularisé de la SARL « [S] Logistique » concernant les deux contrats de prêts professionnel souscrit les 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019
' condamné la « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » au paiement de la somme de 2000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau,
- débouter la « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- déclarer recevable et bien fondé M. [D] [S] en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- dire et Juger irrecevable la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » en sa demande en paiement engagée à l'encontre de M. [D] [S] en raison du défaut de preuve d'une déclaration régulière de créances au passif de la SARL « [S] Logistique ».
En conséquence,
- débouter la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- dire et juger que la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » n'apporte pas la preuve d'une date sérieuse et certaine à laquelle M. [D] [S] se serait porté caution solidaire en garantie du contrat de prêt professionnel d'un montant de 42000 euros conclu en date du 9 novembre 2018 ainsi qu'en garantie du contrat de prêt professionnel d'un montant de 55000 euros conclu le 5 octobre 2019.
En conséquence,
- prononcer l'annulation des deux actes de caution solidaire en garantie du contrat de prêt professionnel d'un montant de 42000 euros conclu en date du 9 novembre 2018 ainsi qu'en garantie du contrat de prêt professionnel d'un montant de 55000 euros conclu le 5 octobre 2019 en raison du consentement vicié de M. [D] [S].
- débouter la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- dire et Juger que les deux engagements de cautionnement solidaire de M. [D] [S] en garantie des deux contrats de prêts professionnels souscrits les 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019 pour des montants respectifs de 21000 et 25000 euros sont manifestement disproportionnés au regard de ses biens et revenus à la date de ces deux engagements.
En conséquence,
- dire et juger que la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » sera déchue de son droit de se prévaloir de ces deux actes de cautionnement solidaire à l'encontre de M. [D] [S].
- dire et juger que la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » n'a pas respecté son obligation légale d'informer M. [D] [S] dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de la SARL « [S] Logistique » concernant les deux contrats de prêts professionnels souscrits les 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019.
En conséquence,
- déclarer la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » déchue de la totalité des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la date du premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de la SARL « [S] Logistique » concernant les deux contrats de prêts professionnels souscrits les 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019.
- dire et juger que la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » n'a pas respecté son obligation légale d'information annuelle auprès de M. [D] [S] concernant les deux contrats de prêts professionnels souscrits les 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019.
En conséquence,
- déclarer la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » déchue de la totalité de son droit aux pénalités et intérêts contractuels de retard et ce depuis la date du prétendu engagement de cautionnement solidaire de Madame [X] [I] concernant les trois contrats de crédits portant les numéros 10000370259, 10000370260 et 10000370261.
- dire et juger que les paiements effectués par le débiteur principal, la SARL « [S] Logistique » sont réputés, dans les rapports entre M. [D] [S] et la « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » affectés prioritairement au règlement principal de la dette.
- condamner la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » au paiement de la somme de 7000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause de première d'instance et d'appel par M. [D] [S].
- Condamner la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de Saint-Malo » aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Stéphanie Berland, Avocat inscrit au Barreau de Bordeaux conformément aux dispositions prévues à l'article 696 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 4 février 2025, et l'affaire renvoyée à l'audience du 18 février 2025.
MOTIFS DE LA DECISION:
Sur l'irrecevabilité soulevée à l'encontre de l'action de la banque:
Moyens des parties:
5- Formant appel incident de ce chef, M. [S], intimé, soutient de nouveau devant la cour d'appel l'irrecevabilité de l'action du Crédit Mutuel, en ce que ce créancier n'apporterait pas la preuve d'une déclaration de créance régulière au passif de la Sarl [S] Logistique.
Il invoque à l'appui de sa prétention les dispositions de l'article L. 622-24 du code de commerce, puis ouvre une discussion sur l'identité du signataire de la déclaration de créance et sa qualité de délégataire.
6- Le Crédit Mutuel réplique à ce dernier argument en produisant la délégation de pouvoirs de la signataire de la déclaration ainsi que les décisions d'admission de ses créances. La banque discute ensuite des dispositions de l'article 2314 du code civil relatives à la subrogation dans les droits des créanciers.
Réponse de la cour:
7- Il convient d'observer en liminaire que M. [S] précise expressément (ses conclusions, p. 6 in fine) qu'il « n'a jamais sollicité la décharge de ses engagements de caution au visa de cet article 2314 du code civil », de sorte que la discussion sur ce point est ici vaine. Au demeurant, ce texte, qui traite de la subrogation dans les droits du créancier, n'instaure pas une irrecevabilité des demandes du créancier à l'encontre de la caution.
L'article L. 624-24 du code de commerce invoqué par M. [S] prévoit l'obligation pour le créancier de déclarer auprès des organes de la procédure ses créances à l'encontre du débiteur, antérieures au jugement d'ouverture.
8- Pour autant, ce texte concerne uniquement les relations entre le créancier et son débiteur en sauvegarde, en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire.
9- Le texte invoqué par M. [S], qui ne soutient pas l'extinction ou la prescription de la créance, est indifférent à une action du créancier contre la caution, alors même qu'en l'espèce le principe et le montant de la dette envers le Crédit Mutuel de la société [S] Logistique ne sont nullement contestés par sa caution.
Aucun texte n'exige à peine d'irrecevabilité que le créancier déclare sa créance à la procédure collective du débiteur principal pour pouvoir engager une action contre la caution solidaire. Il suffit que ce débiteur principal n'ait pas payé sa dette, ce qui n'est pas contesté en l'espèce.
10- Ainsi, un hypothétique défaut de déclaration de sa créance ne serait en tout état de cause pas susceptible d'entraîner une irrecevabilité de l'action du créancier contre la caution, alors d'ailleurs que le Crédit Mutuel justifie au contraire de sa déclaration de créance régulière (ses pièces sous le n° 14).
11- Le moyen d'irrecevabilité est inopérant et doit être rejeté, comme l'a jugé le tribunal de commerce.
Sur la nullité alléguée des actes de cautionnement:
Moyens des parties:
12- Formant là aussi appel incident, M. [S] poursuit l'annulation des actes de caution en garantie des contrats de prêt du 9 novembre 2018 et du 5 octobre 2019.
Il fait valoir que le Crédit Mutuel n'apporte pas la preuve d'une date à laquelle il se serait porté caution pour ces deux prêts, et que, au visa d'un arrêt de la cour d'appel de Douai, la jurisprudence considère que les actes de caution ne comportant pas de datation sont irréguliers et doivent être annulés, en ce qu'il ne lui a pas été permis de connaître le point de départ de son engagement.
13- Le Crédit Mutuel oppose que c'est à juste titre que le tribunal de commerce a rejeté la demande en ce sens de M. [S]. Le créancier observe que l'arrêt du 5 octobre 2017 de la cour d'appel de Douai, invoqué par M. [S], a été cassé par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 15 mai 2019, qui a expressément rappelé que l'absence de date sur l'acte de cautionnement ou dans la mention manuscrite n'est pas une cause de nullité de cet acte.
Réponse de la cour,
14- Comme le soutient à bon droit le Crédit Mutuel, l'absence de date sur l'acte de cautionnement ou dans la mention manuscrite n'est pas une cause de nullité de cet acte.
15- Au surplus, le Crédit Mutuel établit que l'acte de cautionnement limité à 21 000 euros a bien été signé et daté de façon manuscrite du 15 novembre 2018 par M. [S] (sa pièce n° 5 p. 3), de même que celui limité à 25 000 euros a bien été signé et daté du 5 octobre 2019 par le même M. [S] (sa pièce n° 10, p. 3).
16- Ainsi, M. [S] ne pouvait ignorer les dates auxquelles il avait souscrit les engagements de caution en cause.
17- Le moyen de nullité doit être rejeté, comme l'a jugé le tribunal de commerce.
Sur la disproportion alléguée des cautionnements
18- Le Crédit Mutuel, appelant, conteste le moyen de disproportion retenu par le tribunal. La banque fait valoir des revenus déclarés de 25 000 euros, outre une épargne de 8 000 euros passés à 10 000 euros, sans charge d'emprunt ; que M. [S] est devenu nu-propriétaire d'un bien estimé à 140 000 euros, dont 84 000 euros pour la nue-propriété. Dans l'hypothèse où le caractère disproportionné du cautionnement serait retenu, le Crédit Mutuel soutient qu'il peut faire face à ses obligations actuellement, étant notamment le gérant de six sociétés, ainsi que le propriétaire d'une maison individuelle à [Localité 6].
19- M. [S] demande la confirmation de la décision ayant retenu la disproportion et invoque les dispositions des articles 2301 du code civil, L. 731-2 du code de la consommation, L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, et, finalement, l'article L. 332-1 du code de la consommation. Outre la contestation des arguments de la banque, il fait état de revenus de 26 700 euros pour l'année fiscale 2018, d'un emprunt de 10 000 euros souscrit le 30 juin 2015, de ses charges de loyer et de vie courante ; au titre de 2019, d'une déclaration de 22 100 euros, sans disposer d'un patrimoine immobilier, alors que l'emprunt de 10 000 euros était toujours en cours, d'un nouveau prêt d'honneur de 20 000 euros, outre un « passif bancaire » et le premier engagement pour 21 000 euros.
Réponse de la cour:
20- Il doit être précisé à titre liminaire que les contrats de cautionnement souscrits par M. [S] les 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019 restent régis par les dispositions en vigueur à la date de leur conclusion, antérieures à celles issues de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 applicables aux seuls contrats souscrits à compter du 1er janvier 2022, à l'exception des dispositions relatives à l'information des cautions.
21- Selon les dispositions de l'article L. 343-4 ancien du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et abrogé à compter du 1er janvier 2022 mais restant applicable aux faits de la cause en raison de la date du contrat, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
22- Il appartient à la caution de prouver qu'au moment de la conclusion du contrat, l'engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus. L'appréciation de la disproportion se fait objectivement, en comparant, au jour de l'engagement, le montant de la dette garantie aux biens et revenus de la caution, à ses facultés contributives.
Un cautionnement est disproportionné si la caution ne peut manifestement pas y faire face avec ses biens et revenus.
Sur l'engagement du 15 novembre 2018
23- Cet engagement au titre du prêt de 42 000 euros contracté par la Sarl [S] Logistique, est limité à 21 000 euros.
24- Le Crédit Mutuel produit une fiche de renseignements fournie par M. [S] le 28 août 2018 (sa pièce n° 6), soit moins de 3 mois avant l'engagement, dans laquelle la caution faisait état de revenus nets de 25 euros annuels et d'une épargne de 8 000 euros. M. [S] mentionnait l'existence de charges de loyer mensuelles de 735 euros. Il n'a pas fait état du prêt d'honneur dont il excipe aujourd'hui, et dont il échoue à justifier que la banque n'aurait pas pu l'ignorer.
25- Il apparaît que M. [S] a omis, et omet encore dans ses conclusions, de faire état de la valeur des parts qu'il possédait dans la société [S] Logistique. Au surplus, la banque établit que M. [S] a également omis de faire figurer dans la fiche le bien immobilier situé [Adresse 5] à [Localité 6], dont il est devenu nu-propriétaire par acte de donation-partage du 19 août 2017, pour une valeur de la nue-propriété estimée à 84 000 euros (pièces n° 30 et 31 du Crédit Mutuel).
L'engagement de caution conclu par une personne physique au profit d'un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes comme en l'espèce, n'a pas à vérifier l'exactitude.
26- Ainsi, aucune disproportion manifeste avec l'engagement ne résulte de l'examen des biens et revenus déclarés par la caution M. [S], l'engagement étant limité à 21 000 euros, montant inférieur aux seuls revenus annuels net de la caution.
27- Le jugement, qui a estimé le contraire, sera réformé.
Sur l'engagement du 5 octobre 2019
28- Cet engagement au titre du prêt de 55 000 euros contracté par la Sarl [S] Logistique, est limité à 25 000 euros.
29- Le Crédit Mutuel produit une nouvelle fiche de renseignements fournie par M. [S] le 18 septembre 2019 (sa pièce n° 6), contemporaine de l'engagement, dans laquelle la caution faisait état de revenus annuels nets de 25 000 euros et d'une épargne de 10 000 euros. Aucune charge n'était signalée, et notamment pas une charge de remboursement d'un prêt d'honneur, sans qu'il ne justifie davantage de son affirmation sur la connaissance que pouvait en avoir la banque.
De même, M. [S] ne justifie pas d'un « passif bancaire » de plus de 18 000 euros qu'il évoque.
En revanche, doit être pris en considération l'engagement limité à 21 000 euros du 15 novembre 2018 traité ci-dessus.
30- Là encore, M. [S] a omis de faire état dans sa fiche de la valeur des parts qu'il possédait dans la société [S] Logistique, ainsi que du bien immobilier en nue-propriété signalé ci-dessus.
31- C'est vainement que M. [S] soutient qu'il ne possédait pas un « patrimoine immobilier définitif » en ce que l'acte de donation-partage du 19 août 2017 comporterait « une clause de retour conventionnel ». En effet, cette clause n'affecte en rien la valeur des droits transmis au donataire. Il s'avère ainsi que M. [S], sur qui repose pourtant la charge de la preuve, n'a pas fourni l'ensemble des éléments sur la valeur de ses droits en nue-propriété au jour de la conclusion de l'engagement, ne permettant ainsi pas d'apprécier la réalité de sa situation patrimoniale.
L'engagement de caution conclu par une personne physique au profit d'un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes comme en l'espèce, n'a pas à vérifier l'exactitude.
32- Ainsi, aucune disproportion manifeste avec le nouvel engagement pour 25 000 euros, qui se cumule avec le précédent de 21 000 euros, ne résulte de l'examen ci-dessus des biens et revenus détenus par la caution M. [S] et énumérés ci-dessus.
33- Le jugement, qui a estimé le contraire, sera réformé.
Sur l'information de la caution et ses conséquences
34- L'intimé, M. [S], sans qu'il ne s'agisse d'un subsidiaire, forme encore appel incident de la disposition du jugement qui a dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de déchéance des pénalités ou intérêts de retard, en raison de la disproportion retenue par le tribunal.
Il soutient que la Caisse de Crédit Mutuel n'a pas respecté son obligation légale d'information du premier incident de paiement non régularisé de la société [S] Logistique pour les deux prêts de 2018 et 2019, et n'a pas non plus respecté son obligation annuelle d'information au titre de ces deux même prêts.
Il demande alors que la banque soit déchue de son droit aux pénalités et intérêts contractuels de retard depuis la date « du prétendu engagement de caution solidaire de Madame [X] [I] » (sic), et que les paiements effectués par le débiteur principal soient réputés affectés prioritairement au règlement principal de la dette.
35- La Caisse de Crédit Mutuel objecte que l'engagement de l'action contre la caution n'est pas due à des défauts préalables de paiement mais l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, et qu'elle n'était donc tenue d'aucune obligation à ce titre.
Elle déclare par ailleurs verser aux débats les lettres d'information annuelle adressées à M. [S], qui ne conteste pas les avoir reçues (ses pièces sous le n° 12). Elle ajoute qu'en tout état de cause, le prononcé d'une déchéance serait sans incidence au regard des sommes restant dues.
Réponse de la cour:
36- Aux termes de l'article 2302 du code civil, en vigueur depuis le 1er janvier 2022 mais immédiatement applicable aux contrats de cautionnement en cours, le créancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque année et à ses frais, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu'à celle de la communication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette. Le créancier professionnel est tenu, à ses frais et sous la même sanction, de rappeler à la caution personne physique le terme de son engagement ou, si le cautionnement est à durée indéterminée, sa faculté de résiliation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut être exercée.
37- De même, il résulte de l'article 2303 du code civil, également applicable, que le créancier professionnel est tenu d'informer toute caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement, à peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et celle à laquelle elle en a été informée. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette.
38- La preuve de l'exécution de l'obligation d'information incombe au créancier, à qui il incombe seulement de prouver qu'il a adressé à la caution l'information requise et non d'établir au surplus que la caution l'a reçue.
39- En l'espèce, les dispositions de l'article 2303 ci-dessus ne trouvent pas application, puisque c'est l'ouverture d'une liquidation judiciaire qui a conduit la banque à actionner M. [S], et non un défaut de paiement de la société [S] Logistique.
40- S'agissant de l'information annuelle due en application de l'article 2302 ci-dessus, le Crédit Mutuel produit la copie de lettres adressées à M. [S] les 12 mars 2019, 16 mars 2020, et 11 mars 2021 (ses pièces sous le n° 12)
Or, la seule production de la copie d'une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi.
41- Ainsi, le Crédit Mutuel, qui ne parvient pas à justifier d'avoir envoyé l'information annuelle à la caution, encourt la déchéance des intérêts et pénalités prévue par l'article 2302 ci-dessus.
42- Il s'avère cependant que cette déchéance se trouve ici sans objet. En effet, M. [S] s'est engagé pour des sommes limitées, respectivement, à 21 000 et 25 000 euros. Toutefois, la dette de la société [S] Logistique est nettement supérieure à ces sommes maximales, puisque restant de 37 264,46 euros pour le prêt de 42 000 euros, et de 54 317,24 euros pour le prêt de 55 000 euros. Ainsi, défalquer pénalités et intérêts contractuels, ou affecter au principal les paiements du débiteur, ne ramènerait pas les dettes de la société [S] Logistique sous les plafonds de 21 000 et 25 000 euros qui caractérisent l'engagement de la caution, de sorte qu'une telle opération serait sans effet pour elle.
Sur les demandes de la Caisse de Crédit Mutuel
43- Le Crédit Mutuel demande la condamnation de M. [S] à lui payer les sommes de 21 000 et 25 000 euros au titre de ses engagements de caution, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.
44- Aucune contestation supplémentaire n'est élevée par M. [S] sur les sommes ainsi demandées par le Crédit Mutuel.
Réponse de la cour,
45- Le créancier établit le fondement de ses demandes par l'ensemble des éléments de faits ci-dessus et les pièces qu'il produit, qui ne sont pas, ou pas utilement, contestés par M. [S].
46- Ainsi, il y a lieu de faire droit aux demandes du Crédit Mutuel
Sur les autres demandes
47- Partie tenue aux dépens de première instance et d'appel, dont recouvrement direct pour ceux d'appel par l'avocat qui en fait la demande, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, M. [S] paiera au Crédit Mutuel la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu entre les parties par le tribunal de commerce de Bordeaux le 25 mai 2023, SAUF en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande d'irrecevabilité et de sa demande de nullité de ses engagements de caution,
Et, statuant à nouveau pour le surplus,
Déboute M. [S] de ses demandes fondées sur une disproportion alléguée des cautionnements,
Dit que la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] encourt la déchéance de intérêts et pénalités, faute d'établir l'envoi de l'information annuelle de la caution,
Constate toutefois qu'il n'y a pas lieu à prononcer une telle déchéance, sans effet sur les sommes dues par la caution,
Condamne M. [S] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] la somme de 21 000 euros au titre de son engagement de caution pour la Sarl [S] Logistique par acte du 15 novembre 2018, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 mai 2021,
Condamne M. [S] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] la somme de 25 000 euros au titre de son engagement de caution pour la Sarl [S] Logistique par acte du 5 octobre 2019, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 mai 2021,
Condamne M. [S] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [S] aux dépens de première instance et d'appel, dont recouvrement direct pour ceux-ci par la Selarl Cabinet Caporale Maillot Blatt, avocat qui en fait la demande, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur François CHARTAUD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 01 AVRIL 2025
N° RG 23/03430 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NLOG
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 7]
c/
Monsieur [D] [S]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 mai 2023 (R.G. 2022F01577) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 17 juillet 2023
APPELANTE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 7], inscrite au RCS de Saint Malo sous le numéro 777 770 611, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4] - [Localité 7]
Représentée par Maître Olivier MAILLOT de la SELARL CABINET CAPORALE - MAILLOT - BLATT ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Nolwenn CORNILLET, avocat au barreau de SAINT MALO
INTIMÉ :
Monsieur [D] [S], né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 6], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1] - [Localité 3]
Représenté par Maître Stéphanie BERLAND de la SELEURL CABINET SBA, avocat au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Arnaud DEGIOVANNI, avocat au barreau de VANNES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 février 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
Greffier lors du prononcé : Monsieur François CHARTAUD
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE:
1- Par actes du 15 novembre 2018, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] a consenti à la Sarl [S] Logistique, créée le 2 novembre précédent, deux prêts professionnels, l'un de 42 000 euros au taux de 0,80% remboursable en 84 mensualités, et l'autre de 6 300 euros au taux de 0,00% remboursable en 60 mensualités.
Par acte sous seing privé du 15 novembre 2018, M. [S], gérant de la société, s'est porté caution solidaire des engagements de la Sarl [S] Logistique au titre du prêt de 42 000 euros, dans la limite de 21 000 euros pour une durée de 108 mois.
Par acte sous seing privé 5 octobre 2019, un autre prêt professionnel a été accordé par la même Caisse à la même société, pour un montant de 55 000 euros, au taux de 1% remboursable en 84 mensualités.
Par acte sous seing privé du même jour, M. [S] s'est porté caution solidaire des engagements de la Sarl [S] au titre de ce prêt, dans la limite de 25 000 euros et pour une durée de 108 mois.
Par jugement du 10 août 2020, le tribunal de commerce de Saint-Malo a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la Sarl [S] Logistique, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 20 avril 2021.
La Banque a déclaré ses créances entre les mains du liquidateur le 6 mai 2021, et, par courrier recommandé avec accusé de réception du même jour, a mis en demeure M. [S] de payer sous huitaine la somme globale de 46 000 euros au titre de son engagement de caution.
Par acte du 29 septembre 2022, la Banque a assigné M. [S] en sa qualité de caution devant le tribunal de commerce de Bordeaux pour le voir condamner au paiement de 21 000 euros au titre du premier prêt et 25 000 euros au titre du second prêt.
2- Par jugement du 25 mai 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a :
- débouté M. [D] [S] de sa demande de voir déclarer irrecevable l'action de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7],
- débouté M. [D] [S] de sa demande de voir prononcer la nullité des engagements de caution du 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019,
- débouté la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] de sa demande de voir condamner M. [D] [S] à lui régler la somme globale de 46 000 euros au titre de ses engagements de caution du 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019,
- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de M. [D] [S] de voir prononcer à l'encontre de la Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] la déchéance de la totalité des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la date de premier incident de paiement non régularisé de la société [S] Logistique SARL concernant les deux contrats de prêts professionnels souscrits les 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019,
- condamné la Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] à verser à M. [D] [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] aux entiers dépens,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration au greffe du 17 juillet 2023, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 7] a relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant M. [S].
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
3- Par conclusions déposées en dernier lieu le 27 janvier 2025, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] demande à la cour de :
Vu les articles 2288 et suivants du code civil,
Vu les articles L 332-1, L 333-1 et L333-2 du code de la consommation,
- débouter M. [D] [S] de I'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
'débouté M. [D] [S] de sa demande de voir déclarer irrecevable l'action de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] ,
'débouté M. [D] [S] de sa demande de voir prononcer la nullité des engagements de caution du 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019,
'dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de M. [D] [S] de voir prononcer à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] la déchéance de la totalité des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la date de premier incident de paiement non régularisé de la société [S] Logistique SARL concernant les deux contrats de prêts professionnel souscrit les 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :
'débouté la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] de sa demande de voir condamner M. [D] [S] à lui régler la somme globale de 46 000 euros au titre de ses engagements de caution du 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019,
'condamné la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] à verser à M. [D] [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
'condamné la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] aux entiers dépens,
'débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Statuant de nouveau :
- condamner M. [D] [S] à verser à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] la somme de 21 000 euros, avec intérêts aux taux légal à compter de la mise en demeure du 06 mai 2021, au titre de son engagement de caution,
- condamner M. [D] [S] à verser à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] la somme de 25 000 euros, avec intérêts aux taux légal à compter de la mise en demeure du 06 mai 2021, au titre de son engagement de caution,
- condamner M. [D] [S] à verser à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] la somme de 3 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [D] [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux de la présente procédure au profit de la SELARL Cabinet Caporale Maillot Blatt, Avocat à la Cour, sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
4- Par conclusions déposées en dernier lieu le 14 janvier 2025, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, M. [S] demande à la cour de :
Vu le jugement rendu contradictoirement en premier ressort par le tribunal de commerce de Bordeaux le 25 mai 2023 portant le numéro de répertoire général 2022F01577,
Vu les dispositions de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle modifiée par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998,
Vu les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l'article L 332-1 du code de la consommation en vigueur du 1er juillet 2016 au 1er janvier 2022,
Vu les dispositions de l'article L 333-1 du code de la consommation en vigueur du 1er juillet 2016 au 1er janvier 2022,
Vu les dispositions de l'article L 333-2 du code de la consommation en vigueur depuis le 1er juillet 2016,
Vu les dispositions de l'article L 343-6 du code de la consommation applicable en vigueur depuis le 1er juillet 2016,
Vu les dispositions de l'article L 731-2 du code de la consommation en vigueur depuis le 1er juillet 2016,
Vu les dispositions de l'article L 262-2 du code de l'action sociale et des familles en vigueur depuis le 1er janvier 2016,
Vu les dispositions de l'article L 313-22 du code monétaire et financier en vigueur du 11 décembre 2016 au 1er janvier 2022,
Vu les dispositions de l'article 951 du code civil en vigueur depuis le 1er janvier 2007,
Vu les dispositions de l'article 1304 du code civil en vigueur depuis le 1er octobre 2016,
Vu les dispositions de l'article 1353 du code civil en vigueur depuis le 1er octobre 2016,
Vu les dispositions de l'article 1355 du code civil en vigueur depuis le 10 février 2016,
Vu les dispositions de l'article 2301 du code civil en vigueur du 24 mars 2006 au 1er janvier 2022,
Vu les dispositions de l'article L 622-24 du code de commerce en vigueur depuis le 24 mai 2019,
Vu les dispositions de l'article L 622-26 du code de commerce en vigueur depuis le 1er juillet 2014,
Vu les dispositions de l'article R 622-24 du code de commerce en vigueur depuis le 1er juillet 2014,
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en vigueur depuis le 27 février 2022,
Vu les pièces produites aux débats,
Vu la jurisprudence,
- confirmer le jugement rendu contradictoirement en premier ressort par le tribunal de commerce de Bordeaux le 25 mai 2023 en ce qu'il a :
' débouté la « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » de sa demande de voir condamner M. [D] [S] à lui régler la somme globale de 46000 euros au titre de ses engagements de caution du 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019 condamné la « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » aux entiers dépens
- infirmer le jugement rendu contradictoirement en premier ressort par le tribunal de commerce de Bordeaux le 25 mai 2023 en ce qu'il a :
' débouté M. [D] [S] de sa demande de voir déclarer irrecevable l'action de la « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] »
' débouté M. [D] [S] de sa demande de voir prononcer la nullité des engagements de caution du 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019
' dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de M. [D] [S] de voir prononcer à l'encontre de la « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » la déchéance de la totalité des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la date de premier incident de paiement non régularisé de la SARL « [S] Logistique » concernant les deux contrats de prêts professionnel souscrit les 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019
' condamné la « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » au paiement de la somme de 2000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau,
- débouter la « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- déclarer recevable et bien fondé M. [D] [S] en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- dire et Juger irrecevable la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » en sa demande en paiement engagée à l'encontre de M. [D] [S] en raison du défaut de preuve d'une déclaration régulière de créances au passif de la SARL « [S] Logistique ».
En conséquence,
- débouter la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- dire et juger que la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » n'apporte pas la preuve d'une date sérieuse et certaine à laquelle M. [D] [S] se serait porté caution solidaire en garantie du contrat de prêt professionnel d'un montant de 42000 euros conclu en date du 9 novembre 2018 ainsi qu'en garantie du contrat de prêt professionnel d'un montant de 55000 euros conclu le 5 octobre 2019.
En conséquence,
- prononcer l'annulation des deux actes de caution solidaire en garantie du contrat de prêt professionnel d'un montant de 42000 euros conclu en date du 9 novembre 2018 ainsi qu'en garantie du contrat de prêt professionnel d'un montant de 55000 euros conclu le 5 octobre 2019 en raison du consentement vicié de M. [D] [S].
- débouter la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- dire et Juger que les deux engagements de cautionnement solidaire de M. [D] [S] en garantie des deux contrats de prêts professionnels souscrits les 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019 pour des montants respectifs de 21000 et 25000 euros sont manifestement disproportionnés au regard de ses biens et revenus à la date de ces deux engagements.
En conséquence,
- dire et juger que la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » sera déchue de son droit de se prévaloir de ces deux actes de cautionnement solidaire à l'encontre de M. [D] [S].
- dire et juger que la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » n'a pas respecté son obligation légale d'informer M. [D] [S] dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de la SARL « [S] Logistique » concernant les deux contrats de prêts professionnels souscrits les 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019.
En conséquence,
- déclarer la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » déchue de la totalité des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la date du premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de la SARL « [S] Logistique » concernant les deux contrats de prêts professionnels souscrits les 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019.
- dire et juger que la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » n'a pas respecté son obligation légale d'information annuelle auprès de M. [D] [S] concernant les deux contrats de prêts professionnels souscrits les 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019.
En conséquence,
- déclarer la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » déchue de la totalité de son droit aux pénalités et intérêts contractuels de retard et ce depuis la date du prétendu engagement de cautionnement solidaire de Madame [X] [I] concernant les trois contrats de crédits portant les numéros 10000370259, 10000370260 et 10000370261.
- dire et juger que les paiements effectués par le débiteur principal, la SARL « [S] Logistique » sont réputés, dans les rapports entre M. [D] [S] et la « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » affectés prioritairement au règlement principal de la dette.
- condamner la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de [Localité 7] » au paiement de la somme de 7000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause de première d'instance et d'appel par M. [D] [S].
- Condamner la société coopérative de crédit dénommée « Caisse de Credit Mutuel de Saint-Malo » aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Stéphanie Berland, Avocat inscrit au Barreau de Bordeaux conformément aux dispositions prévues à l'article 696 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 4 février 2025, et l'affaire renvoyée à l'audience du 18 février 2025.
MOTIFS DE LA DECISION:
Sur l'irrecevabilité soulevée à l'encontre de l'action de la banque:
Moyens des parties:
5- Formant appel incident de ce chef, M. [S], intimé, soutient de nouveau devant la cour d'appel l'irrecevabilité de l'action du Crédit Mutuel, en ce que ce créancier n'apporterait pas la preuve d'une déclaration de créance régulière au passif de la Sarl [S] Logistique.
Il invoque à l'appui de sa prétention les dispositions de l'article L. 622-24 du code de commerce, puis ouvre une discussion sur l'identité du signataire de la déclaration de créance et sa qualité de délégataire.
6- Le Crédit Mutuel réplique à ce dernier argument en produisant la délégation de pouvoirs de la signataire de la déclaration ainsi que les décisions d'admission de ses créances. La banque discute ensuite des dispositions de l'article 2314 du code civil relatives à la subrogation dans les droits des créanciers.
Réponse de la cour:
7- Il convient d'observer en liminaire que M. [S] précise expressément (ses conclusions, p. 6 in fine) qu'il « n'a jamais sollicité la décharge de ses engagements de caution au visa de cet article 2314 du code civil », de sorte que la discussion sur ce point est ici vaine. Au demeurant, ce texte, qui traite de la subrogation dans les droits du créancier, n'instaure pas une irrecevabilité des demandes du créancier à l'encontre de la caution.
L'article L. 624-24 du code de commerce invoqué par M. [S] prévoit l'obligation pour le créancier de déclarer auprès des organes de la procédure ses créances à l'encontre du débiteur, antérieures au jugement d'ouverture.
8- Pour autant, ce texte concerne uniquement les relations entre le créancier et son débiteur en sauvegarde, en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire.
9- Le texte invoqué par M. [S], qui ne soutient pas l'extinction ou la prescription de la créance, est indifférent à une action du créancier contre la caution, alors même qu'en l'espèce le principe et le montant de la dette envers le Crédit Mutuel de la société [S] Logistique ne sont nullement contestés par sa caution.
Aucun texte n'exige à peine d'irrecevabilité que le créancier déclare sa créance à la procédure collective du débiteur principal pour pouvoir engager une action contre la caution solidaire. Il suffit que ce débiteur principal n'ait pas payé sa dette, ce qui n'est pas contesté en l'espèce.
10- Ainsi, un hypothétique défaut de déclaration de sa créance ne serait en tout état de cause pas susceptible d'entraîner une irrecevabilité de l'action du créancier contre la caution, alors d'ailleurs que le Crédit Mutuel justifie au contraire de sa déclaration de créance régulière (ses pièces sous le n° 14).
11- Le moyen d'irrecevabilité est inopérant et doit être rejeté, comme l'a jugé le tribunal de commerce.
Sur la nullité alléguée des actes de cautionnement:
Moyens des parties:
12- Formant là aussi appel incident, M. [S] poursuit l'annulation des actes de caution en garantie des contrats de prêt du 9 novembre 2018 et du 5 octobre 2019.
Il fait valoir que le Crédit Mutuel n'apporte pas la preuve d'une date à laquelle il se serait porté caution pour ces deux prêts, et que, au visa d'un arrêt de la cour d'appel de Douai, la jurisprudence considère que les actes de caution ne comportant pas de datation sont irréguliers et doivent être annulés, en ce qu'il ne lui a pas été permis de connaître le point de départ de son engagement.
13- Le Crédit Mutuel oppose que c'est à juste titre que le tribunal de commerce a rejeté la demande en ce sens de M. [S]. Le créancier observe que l'arrêt du 5 octobre 2017 de la cour d'appel de Douai, invoqué par M. [S], a été cassé par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 15 mai 2019, qui a expressément rappelé que l'absence de date sur l'acte de cautionnement ou dans la mention manuscrite n'est pas une cause de nullité de cet acte.
Réponse de la cour,
14- Comme le soutient à bon droit le Crédit Mutuel, l'absence de date sur l'acte de cautionnement ou dans la mention manuscrite n'est pas une cause de nullité de cet acte.
15- Au surplus, le Crédit Mutuel établit que l'acte de cautionnement limité à 21 000 euros a bien été signé et daté de façon manuscrite du 15 novembre 2018 par M. [S] (sa pièce n° 5 p. 3), de même que celui limité à 25 000 euros a bien été signé et daté du 5 octobre 2019 par le même M. [S] (sa pièce n° 10, p. 3).
16- Ainsi, M. [S] ne pouvait ignorer les dates auxquelles il avait souscrit les engagements de caution en cause.
17- Le moyen de nullité doit être rejeté, comme l'a jugé le tribunal de commerce.
Sur la disproportion alléguée des cautionnements
18- Le Crédit Mutuel, appelant, conteste le moyen de disproportion retenu par le tribunal. La banque fait valoir des revenus déclarés de 25 000 euros, outre une épargne de 8 000 euros passés à 10 000 euros, sans charge d'emprunt ; que M. [S] est devenu nu-propriétaire d'un bien estimé à 140 000 euros, dont 84 000 euros pour la nue-propriété. Dans l'hypothèse où le caractère disproportionné du cautionnement serait retenu, le Crédit Mutuel soutient qu'il peut faire face à ses obligations actuellement, étant notamment le gérant de six sociétés, ainsi que le propriétaire d'une maison individuelle à [Localité 6].
19- M. [S] demande la confirmation de la décision ayant retenu la disproportion et invoque les dispositions des articles 2301 du code civil, L. 731-2 du code de la consommation, L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, et, finalement, l'article L. 332-1 du code de la consommation. Outre la contestation des arguments de la banque, il fait état de revenus de 26 700 euros pour l'année fiscale 2018, d'un emprunt de 10 000 euros souscrit le 30 juin 2015, de ses charges de loyer et de vie courante ; au titre de 2019, d'une déclaration de 22 100 euros, sans disposer d'un patrimoine immobilier, alors que l'emprunt de 10 000 euros était toujours en cours, d'un nouveau prêt d'honneur de 20 000 euros, outre un « passif bancaire » et le premier engagement pour 21 000 euros.
Réponse de la cour:
20- Il doit être précisé à titre liminaire que les contrats de cautionnement souscrits par M. [S] les 15 novembre 2018 et 5 octobre 2019 restent régis par les dispositions en vigueur à la date de leur conclusion, antérieures à celles issues de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 applicables aux seuls contrats souscrits à compter du 1er janvier 2022, à l'exception des dispositions relatives à l'information des cautions.
21- Selon les dispositions de l'article L. 343-4 ancien du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et abrogé à compter du 1er janvier 2022 mais restant applicable aux faits de la cause en raison de la date du contrat, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
22- Il appartient à la caution de prouver qu'au moment de la conclusion du contrat, l'engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus. L'appréciation de la disproportion se fait objectivement, en comparant, au jour de l'engagement, le montant de la dette garantie aux biens et revenus de la caution, à ses facultés contributives.
Un cautionnement est disproportionné si la caution ne peut manifestement pas y faire face avec ses biens et revenus.
Sur l'engagement du 15 novembre 2018
23- Cet engagement au titre du prêt de 42 000 euros contracté par la Sarl [S] Logistique, est limité à 21 000 euros.
24- Le Crédit Mutuel produit une fiche de renseignements fournie par M. [S] le 28 août 2018 (sa pièce n° 6), soit moins de 3 mois avant l'engagement, dans laquelle la caution faisait état de revenus nets de 25 euros annuels et d'une épargne de 8 000 euros. M. [S] mentionnait l'existence de charges de loyer mensuelles de 735 euros. Il n'a pas fait état du prêt d'honneur dont il excipe aujourd'hui, et dont il échoue à justifier que la banque n'aurait pas pu l'ignorer.
25- Il apparaît que M. [S] a omis, et omet encore dans ses conclusions, de faire état de la valeur des parts qu'il possédait dans la société [S] Logistique. Au surplus, la banque établit que M. [S] a également omis de faire figurer dans la fiche le bien immobilier situé [Adresse 5] à [Localité 6], dont il est devenu nu-propriétaire par acte de donation-partage du 19 août 2017, pour une valeur de la nue-propriété estimée à 84 000 euros (pièces n° 30 et 31 du Crédit Mutuel).
L'engagement de caution conclu par une personne physique au profit d'un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes comme en l'espèce, n'a pas à vérifier l'exactitude.
26- Ainsi, aucune disproportion manifeste avec l'engagement ne résulte de l'examen des biens et revenus déclarés par la caution M. [S], l'engagement étant limité à 21 000 euros, montant inférieur aux seuls revenus annuels net de la caution.
27- Le jugement, qui a estimé le contraire, sera réformé.
Sur l'engagement du 5 octobre 2019
28- Cet engagement au titre du prêt de 55 000 euros contracté par la Sarl [S] Logistique, est limité à 25 000 euros.
29- Le Crédit Mutuel produit une nouvelle fiche de renseignements fournie par M. [S] le 18 septembre 2019 (sa pièce n° 6), contemporaine de l'engagement, dans laquelle la caution faisait état de revenus annuels nets de 25 000 euros et d'une épargne de 10 000 euros. Aucune charge n'était signalée, et notamment pas une charge de remboursement d'un prêt d'honneur, sans qu'il ne justifie davantage de son affirmation sur la connaissance que pouvait en avoir la banque.
De même, M. [S] ne justifie pas d'un « passif bancaire » de plus de 18 000 euros qu'il évoque.
En revanche, doit être pris en considération l'engagement limité à 21 000 euros du 15 novembre 2018 traité ci-dessus.
30- Là encore, M. [S] a omis de faire état dans sa fiche de la valeur des parts qu'il possédait dans la société [S] Logistique, ainsi que du bien immobilier en nue-propriété signalé ci-dessus.
31- C'est vainement que M. [S] soutient qu'il ne possédait pas un « patrimoine immobilier définitif » en ce que l'acte de donation-partage du 19 août 2017 comporterait « une clause de retour conventionnel ». En effet, cette clause n'affecte en rien la valeur des droits transmis au donataire. Il s'avère ainsi que M. [S], sur qui repose pourtant la charge de la preuve, n'a pas fourni l'ensemble des éléments sur la valeur de ses droits en nue-propriété au jour de la conclusion de l'engagement, ne permettant ainsi pas d'apprécier la réalité de sa situation patrimoniale.
L'engagement de caution conclu par une personne physique au profit d'un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes comme en l'espèce, n'a pas à vérifier l'exactitude.
32- Ainsi, aucune disproportion manifeste avec le nouvel engagement pour 25 000 euros, qui se cumule avec le précédent de 21 000 euros, ne résulte de l'examen ci-dessus des biens et revenus détenus par la caution M. [S] et énumérés ci-dessus.
33- Le jugement, qui a estimé le contraire, sera réformé.
Sur l'information de la caution et ses conséquences
34- L'intimé, M. [S], sans qu'il ne s'agisse d'un subsidiaire, forme encore appel incident de la disposition du jugement qui a dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de déchéance des pénalités ou intérêts de retard, en raison de la disproportion retenue par le tribunal.
Il soutient que la Caisse de Crédit Mutuel n'a pas respecté son obligation légale d'information du premier incident de paiement non régularisé de la société [S] Logistique pour les deux prêts de 2018 et 2019, et n'a pas non plus respecté son obligation annuelle d'information au titre de ces deux même prêts.
Il demande alors que la banque soit déchue de son droit aux pénalités et intérêts contractuels de retard depuis la date « du prétendu engagement de caution solidaire de Madame [X] [I] » (sic), et que les paiements effectués par le débiteur principal soient réputés affectés prioritairement au règlement principal de la dette.
35- La Caisse de Crédit Mutuel objecte que l'engagement de l'action contre la caution n'est pas due à des défauts préalables de paiement mais l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, et qu'elle n'était donc tenue d'aucune obligation à ce titre.
Elle déclare par ailleurs verser aux débats les lettres d'information annuelle adressées à M. [S], qui ne conteste pas les avoir reçues (ses pièces sous le n° 12). Elle ajoute qu'en tout état de cause, le prononcé d'une déchéance serait sans incidence au regard des sommes restant dues.
Réponse de la cour:
36- Aux termes de l'article 2302 du code civil, en vigueur depuis le 1er janvier 2022 mais immédiatement applicable aux contrats de cautionnement en cours, le créancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque année et à ses frais, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu'à celle de la communication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette. Le créancier professionnel est tenu, à ses frais et sous la même sanction, de rappeler à la caution personne physique le terme de son engagement ou, si le cautionnement est à durée indéterminée, sa faculté de résiliation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut être exercée.
37- De même, il résulte de l'article 2303 du code civil, également applicable, que le créancier professionnel est tenu d'informer toute caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement, à peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et celle à laquelle elle en a été informée. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette.
38- La preuve de l'exécution de l'obligation d'information incombe au créancier, à qui il incombe seulement de prouver qu'il a adressé à la caution l'information requise et non d'établir au surplus que la caution l'a reçue.
39- En l'espèce, les dispositions de l'article 2303 ci-dessus ne trouvent pas application, puisque c'est l'ouverture d'une liquidation judiciaire qui a conduit la banque à actionner M. [S], et non un défaut de paiement de la société [S] Logistique.
40- S'agissant de l'information annuelle due en application de l'article 2302 ci-dessus, le Crédit Mutuel produit la copie de lettres adressées à M. [S] les 12 mars 2019, 16 mars 2020, et 11 mars 2021 (ses pièces sous le n° 12)
Or, la seule production de la copie d'une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi.
41- Ainsi, le Crédit Mutuel, qui ne parvient pas à justifier d'avoir envoyé l'information annuelle à la caution, encourt la déchéance des intérêts et pénalités prévue par l'article 2302 ci-dessus.
42- Il s'avère cependant que cette déchéance se trouve ici sans objet. En effet, M. [S] s'est engagé pour des sommes limitées, respectivement, à 21 000 et 25 000 euros. Toutefois, la dette de la société [S] Logistique est nettement supérieure à ces sommes maximales, puisque restant de 37 264,46 euros pour le prêt de 42 000 euros, et de 54 317,24 euros pour le prêt de 55 000 euros. Ainsi, défalquer pénalités et intérêts contractuels, ou affecter au principal les paiements du débiteur, ne ramènerait pas les dettes de la société [S] Logistique sous les plafonds de 21 000 et 25 000 euros qui caractérisent l'engagement de la caution, de sorte qu'une telle opération serait sans effet pour elle.
Sur les demandes de la Caisse de Crédit Mutuel
43- Le Crédit Mutuel demande la condamnation de M. [S] à lui payer les sommes de 21 000 et 25 000 euros au titre de ses engagements de caution, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.
44- Aucune contestation supplémentaire n'est élevée par M. [S] sur les sommes ainsi demandées par le Crédit Mutuel.
Réponse de la cour,
45- Le créancier établit le fondement de ses demandes par l'ensemble des éléments de faits ci-dessus et les pièces qu'il produit, qui ne sont pas, ou pas utilement, contestés par M. [S].
46- Ainsi, il y a lieu de faire droit aux demandes du Crédit Mutuel
Sur les autres demandes
47- Partie tenue aux dépens de première instance et d'appel, dont recouvrement direct pour ceux d'appel par l'avocat qui en fait la demande, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, M. [S] paiera au Crédit Mutuel la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu entre les parties par le tribunal de commerce de Bordeaux le 25 mai 2023, SAUF en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande d'irrecevabilité et de sa demande de nullité de ses engagements de caution,
Et, statuant à nouveau pour le surplus,
Déboute M. [S] de ses demandes fondées sur une disproportion alléguée des cautionnements,
Dit que la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] encourt la déchéance de intérêts et pénalités, faute d'établir l'envoi de l'information annuelle de la caution,
Constate toutefois qu'il n'y a pas lieu à prononcer une telle déchéance, sans effet sur les sommes dues par la caution,
Condamne M. [S] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] la somme de 21 000 euros au titre de son engagement de caution pour la Sarl [S] Logistique par acte du 15 novembre 2018, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 mai 2021,
Condamne M. [S] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] la somme de 25 000 euros au titre de son engagement de caution pour la Sarl [S] Logistique par acte du 5 octobre 2019, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 mai 2021,
Condamne M. [S] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 7] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [S] aux dépens de première instance et d'appel, dont recouvrement direct pour ceux-ci par la Selarl Cabinet Caporale Maillot Blatt, avocat qui en fait la demande, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur François CHARTAUD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président