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Décisions

CA Agen, ch. civ., 2 avril 2025, n° 24/00616

AGEN

Arrêt

Autre

CA Agen n° 24/00616

2 avril 2025

ARRÊT DU

02 avril 2025

DB/CH

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N° RG 24/00616 -

N° Portalis DBVO-V-B7I-DHRY

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Ste Coopérative BANQUE POPULAIRE OCCITANE

C/

[R] [Y] [O] [D], [I] [D]

------------------

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 110-2025

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Société Coopérative BANQUE POPULAIRE OCCITANE

RCS DE [Localité 12] 560 801 300

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Lynda TABART, avocat au barreau du LOT

APPELANTE d'un jugement du tribunal judiciaire de Cahors en date du 17 Mai 2024, RG 22/00882

D'une part,

ET :

Monsieur [R] [Y] [O] [D]

né le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 10]

de nationalité française, éducateur,

domicilié : [Adresse 1]

[Localité 7]

représenté par Me Paulette SUDRE, avocat au barreau du LOT

Monsieur [I] [D]

né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 9]

domicilié : [Adresse 8]

[Localité 6]

N'ayant pas constitué avocat,

INTIMÉS

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 10 février 2025 devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre,

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience

Anne Laure RIGAULT, Conseiller

Greffière : Catherine HUC

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

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FAITS :

La SCI [I] a été constituée selon statuts enregistrés le 23 mai 2007 entre [I] [D] et [R] [D].

Elle a pour objet social l'acquisition, l'administration et la gestion de tous immeubles.

Les parts sociales sont réparties ainsi :

- [I] [D] : 99 parts,

- [R] [D] : 1 part.

Par acte authentique du 18 octobre 2007, la Banque Populaire Occitane (BPO) a prêté à la SCI [I] la somme de 220 000 Euros remboursable en 240 échéances mensuelles de 1 468,83 Euros, au taux de 4,50 % l'an, destinée à financer l'acquisition de locaux à usage mixte situés [Adresse 11] à Cahors.

Le privilège du prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle ont été inscrits sur l'immeuble acquis pour garantir le remboursement de l'emprunt.

Suite à la défaillance de la SCI [I] et à l'absence de régularisation malgré mise en demeure, la déchéance du terme a été prononcée le 27 juin 2013, le solde de la créance de la BPO étant de 201 487,92 Euros.

Sur saisie immobilière de l'immeuble et après adjudication par jugement rendu le 18 mars 2016, la BPO a perçu la somme de 82 194 Euros.

Par acte du 18 janvier 2018, en l'absence de paiement du solde de sa créance, la BPO a fait assigner la SCI [I] devant le tribunal de grande instance de Cahors en sollicitant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

Par jugement rendu le 10 avril 2018, le tribunal de grande instance de Cahors a prononcé la liquidation judiciaire de la SCI [I], fixé la date de cessation provisoire des paiements au 20 novembre 2015, et désigné Me [H] [W] en qualité de liquidateur.

La BPO a déclaré au passif sa créance d'un montant de 148 056,29 Euros à titre chirographaire.

Elle a été admise sans contestation.

Par lettres recommandées du 18 août 2022, la BPO a mis en demeure les associés de la SCI de lui régler, en fonction de la répartition du capital social :

- [I] [D] : 160 544,54 Euros,

- [R] [D] : 1 621,66 Euros.

A défaut de paiement, par actes délivrés le 30 novembre 2022, la BPO a fait assigner MM. [D] devant le tribunal judiciaire de Cahors afin de les voir condamner à lui payer les sommes restant dues, soit en principal 163 363,61 Euros pour [I] [D] et 1 650,15 Euros pour [R] [D], sur le fondement de l'action contre les associés des articles 1857 et 1858 du code civil.

Par jugement rendu le 17 mai 2024, le tribunal judiciaire de Cahors a :

- constaté que par acte d'huissier de justice du 16 avril 2021, Me [H] [W], mandataire judiciaire, a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Cahors M. [I] [D] et M. [R] [D] en contribution aux pertes de la SCI [I],

- constaté que cette action engagée par Me [H] [W], en qualité de liquidateur de la SCI [I], sur le fondement de l'article 1832 du code civil, concerne la créance dont se prévaut la Banque Populaire Occitane et que la procédure enregistrée sous le n° RG 21/248 est pendante devant la même juridiction,

- déclaré la Banque Populaire Occitane BPO irrecevable en son action dirigée contre M. [R] [D] et M. [I] [D] en raison de leur qualité d'associés de la SCI [I], aux fins de condamnation en paiement de la créance déclarée dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la SCI [I] au titre du prêt consenti par la Banque Populaire Occitane de 220 000 Euros le 18/10/2007,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la Banque Populaire Occitane aux entiers dépens,

- condamné la Banque Populaire Occitane à payer à M. [R] [D] la somme de 1 500 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a estimé que, dès lors que Me [W] avait, en 2021, assigné les associés de la SCI [I] devant le tribunal judiciaire de Cahors pour les voir contribuer aux pertes en application des articles 1832, 1844-1, 1857 du code civil et L. 641-9 du code de commerce, et qu'il a seul qualité pour agir au nom de la société en liquidation, la BPO ne pouvait agir d'elle-même à cette même fin.

Par acte du 11 juin 2024, la Banque Populaire Occitane a déclaré former appel du jugement en désignant [R] [D] et [I] [D] en qualité de parties intimées et en indiquant que l'appel porte sur l'entier dispositif du jugement, qu'elle cite dans son acte d'appel.

La clôture a été prononcée le 8 janvier 2025 et l'affaire fixée à l'audience de la Cour du 10 février 2025.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Par dernières conclusions notifiées le 10 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la société coopérative Banque Populaire Occitane présente l'argumentation suivante :

- Elle fonde son action, non sur l'article 1844-1 du code civil, qui ne peut être engagée que par le liquidateur, mais sur les articles 1857 et suivants du même code, en vertu de sa qualité de tiers à la SCI [I].

- Il s'agit d'actions différentes qui n'ont pas le même fondement.

- Sa créance n'avait pas à être déclarée à la liquidation judiciaire personnelle de M. [D] prononcée le 17 décembre 2012.

- Une éventuelle inopposabilité de sa créance à la procédure collective de [R] [D] ne fait pas obstacle à son assignation en qualité d'associé postérieure à laclôture de cette procédure.

- Sa créance a été admise définitivement par le juge commissaire à hauteur de 148 974, 29Euros.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

- réformer le jugement sur les points de son appel,

- débouter [R] [D] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner [I] [D] à lui payer la somme de 163 363,61 Euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamner [R] [D] à lui payer la somme de 1 650,15 Euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- les condamner à lui payer la somme de 2 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

*

* *

Par dernières conclusions notifiées le 30 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [R] [D] présente l'argumentation suivante :

- Me [W], es-qualité de liquidateur, a engagé une procédure de contribution aux pertes à son égard par acte du 16 avril 2021, intégrant la créance de la BPO, qui a abouti un jugement rendu le 17 mai 2024 le condamnant à payer à Me [W] la somme de 1 484, 60 Euros représentant 1 % des pertes.

- Il a exécuté cette décision et il ne peut être condamné une nouvelle fois.

- Il a lui-même été placé en liquidation judiciaire, avec son épouse, selon jugement du tribunal de commerce de Cahors du 17 décembre 2012, la procédure étant clôturée pour insuffisance d'actif le 2 décembre 2019.

- L'article L. 643-11 du code de commerce s'oppose à la reprise des poursuites à son encontre du fait d'une créance trouvant son origine dans le contrat du 18 octobre 2007, soit une créance antérieure à sa liquidation judiciaire.

- La BPO n'a déclaré aucune créance à son passif alors que la déchéance du terme est intervenue le 27 juin 2013.

- Subsidiairement, la somme due doit être calculée sur 175 363,64 Euros (montant fixé lors de la procédure de saisie immobilière par jugement du 20 novembre 2015) - 82 231,34 Euros (prix de vente perçu) = 93 132,30 Euros.

Au terme de ses conclusions, il demande à la Cour de :

- confirmer le jugement,

- déclarer la Banque Populaire Occitane irrecevable et en toute hypothèse mal fondée en ses demandes et l'en débouter,

- la condamner à lui payer la somme de 2 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et mettre les dépens à sa charge,

- subsidiairement,

- de rejeter la base de calcul,

- d'ordonner que la base de calcul, compte tenu de la prescription quinquennale des intérêts, de l'absence de mise en demeure, du rejet de l'indemnité forfaitaire et des frais irrépétibles non justifiés, ne peut excéder 93 132,30 Euros,

- de dire qu'il ne peut lui être réclamé une somme excédant 931,32 Euros,

- de rejeter la demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile.

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[I] [D] n'a pas constitué avocat.

La Banque Populaire Occitane lui a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions d'appelante par acte du 21 août 2024 déposé en l'étude de l'huissier après passage à son domicile [Adresse 8].

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MOTIFS :

1) Sur l'action de la BPO à l'encontre de [R] [D] :

En premier lieu, selon les articles L. 622-24, L. 641-33 et R. 622-21 du code de commerce, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, à l'exception des salariés, adressent leurs créances au mandataire judiciaire dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture.

Aux termes de l'article L. 622-26 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, les créances et non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur.

En l'espèce, la créance détenue par la BPO à l'encontre de [R] [D], tenu indéfiniment du passif social de la SCI [I] à raison de sa part, constituait une créance éventuelle dont la mise en jeu était subordonnée à une préalable et vaine poursuite de cette société, conformément à l'article 1858 du code civil.

Cette créance est née du contrat de prêt consenti à la SCI [I], de sorte qu'elle est antérieure à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de [R] [D] prononcée le 3 septembre 2012 par le tribunal de commerce de Cahors et à sa liquidation judiciaire prononcée le 17 décembre 2012 par le même tribunal.

Par conséquent, elle aurait dû être déclarée au redressement judiciaire de [R] [D] ou à sa liquidation judiciaire (Com 30 juin 2004 n° 02-15345).

Or, il est constant qu'elle ne l'a pas été de sorte qu'elle était inopposable à [R] [D] pendant le cours de cette procédure.

En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 643-11 du code de commerce, le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur.

La créance de la BPO n'entre pas dans les exceptions à ce texte prévues aux alinéas suivants.

Par conséquent, la BPO n'a pas recouvré d'action après la clôture de la liquidation judiciaire de [R] [D] pour insuffisance d'actif, prononcée le 2 décembre 2019.

Par suite, pour ces motifs, le jugement qui a déclaré irrecevable l'action en paiement intentée par la BPO à l'encontre de [R] [D] doit être confirmé.

L'équité permet d'allouer à [R] [D] la somme de 2 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

2) Sur l'action de la BPO à l'encontre de [I] [D] :

Aux termes du premier alinéa de l'article 1857 du code civil, à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements.

Selon l'article 1858 du même code, les créanciers peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

Dans le cas où la société est soumise à une procédure de liquidation judiciaire, la déclaration de la créance à la procédure dispense le créancier d'établir que le patrimoine social est insuffisant pour le désintéresser (Cass., ch. mixte 18 mai 2007 n° 05-10413).

En l'espèce, le tribunal a déclaré l'action intentée à l'encontre de [I] [D] irrecevable au motif que, par acte du 16 avril 2021, Me [W], es-qualité de liquidateur de la SCI [I], a assigné MM. [D] devant le tribunal judiciaire de Cahors afin de les voir condamner à contribuer aux pertes, à hauteur de leurs parts sociales, en invoquant les dispositions des articles 1832, 1844-1 et 1857 du code civil et L. 641-9 du code de commerce.

Me [W] a, effectivement, seul qualité pour agir contre les associés au nom de la SCI [I] en liquidation judiciaire en fixation de leur contribution aux pertes sociales (Com 03 mai 2018 n° 15-20348).

Cependant, l'action de Me [W] est intentée au nom de tous les créanciers afin de faire contribuer les associés, à hauteur de leurs parts, à la totalité des pertes, et les fonds ainsi recueillis ont vocation à être distribués à l'ensemble des créanciers.

Elle est distincte de l'action reconnue aux tiers par l'article 1858 du code civil qui leur permet de poursuivre directement, auprès des associés, le montant de leurs créances.

Par conséquent, cette action doit être admise et le jugement infirmé.

Cependant, dès lors que par jugement définitif du 20 novembre 2015, la demande de la BPO portant sur une indemnité de 17 618,84 Euros, a été rejetée, cette somme doit être déduite du montant dû qui sera arrêté ainsi : 99 % de (165 013,75 - 17 618,84 = 147 394,91) = 145 920,96 Euros.

Enfin, l'équité n'impose pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la banque.

PAR CES MOTIFS :

- la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par arrêt rendu par défaut prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

- INFIRME le jugement SAUF en ce qu'il a :

- déclaré la Banque Populaire Occitane BPO irrecevable en son action dirigée contre M. [R] [D],

- condamné la Banque Populaire Occitane à payer à M. [R] [D] la somme de 1 500 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- STATUANT A NOUVEAU sur les points infirmés,

- DECLARE l'action intentée par la société coopérative Banque Populaire Occitane à l'encontre de [I] [D] recevable ;

- CONDAMNE [I] [D] à payer à la société coopérative Banque Populaire Occitane la somme de 145 920,96 Euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2022, au titre de sa contribution, en qualité d'associé de la SCI [I], à la dette envers cette banque ;

- Y ajoutant,

- CONDAMNE la société coopérative Banque Populaire Occitane à payer à [R] [D], en cause d'appel, la somme de 2 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société coopérative Banque Populaire Occitane ;

- CONDAMNE [I] [D] aux dépens de 1ère instance et d'appel qui pourront être recouvrés directement par Me Sudre pour ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Catherine HUC, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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