CA Dijon, ch. soc., 27 mars 2025, n° 22/00570
DIJON
Arrêt
Autre
Association Départementale d'Aide aux Personnes Agées et aux Personnes de Handicap (ADAPAH)
C/
[L] [T]
Caisse CPAM DE LA HAUTE MARNE
C.C.C le 27/03/25 à:
- Me
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 27/03/25 à:
- Me
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 27 MARS 2025
MINUTE N°
N° RG 22/00570 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GAHP
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pole social du TJ de CHAUMONT, décision attaquée en date du 07 Juin 2022, enregistrée sous le n° 20/91
APPELANTE :
Association Départementale d'Aide aux Personnes Agées et aux Personnes de Handicap (ADAPAH)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Charlotte CRET de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Maître Charlotte VASSAL, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
[L] [T]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Damien WILHELEM de la SELARL WILHELEM CHAPUSOT BOURRON, avocat au barreau de HAUTE-MARNE
Caisse CPAM DE LA HAUTE MARNE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par M. [Z] [V] (chargée d'audience) en vertu d'un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 septembre 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme DIJOUX, Conseiller chargé d'instruire l'affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Fabienne RAYON, présidente de chambre,
Olivier MANSION, président de chambre,
Katherine DIJOUX-GONTHIER, conseillère,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Fabienne RAYON, Présidente de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Il convient, pour l'exposé des faits et de la procédure antérieure, de se reporter au jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Chaumont du 19 mai 2021 lequel, reconnaissant une faute inexcusable de l'association départementale d'aide aux personnes âgées et aux personnes de handicap (ADAPAH), à la suite de l'accident du travail survenu le 6 mars 2013 à sa salariée, Mme [T], a ordonné avant dire droit une expertise médicale pour évaluer les préjudices subis confiée au docteur [O].
L'expert judiciaire a clôturé son rapport le 31 août 2021.
Par jugement du 7 juin 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Chaumont a :
- débouté l'ADAPAH de sa demande de contre-expertise,
- condamné l'ADAPAH à verser à Mme [T] :
* 5 000 euros au titre des souffrances morales et physiques,
* 5 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
* 5 000 euros au titre du préjudice esthétique définitif,
* 30 250 euros au titre du déficit temporaire total et partiel,
* 36 050 euros au titre de l'assistance de tierce personne,
* 800 euros au titre des frais d'adaptation du logement,
* 5 000 euros au titre du préjudice sexuel,
* 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 50 % des condamnations prononcées,
- dit que la caisse avancera ces sommes à charge pour elle de se retourner contre l'employeur,
- condamné l'ADAPAH à supporter les dépens de l'instance ainsi que les frais d'expertise.
Par déclaration enregistrée le 5 août 2022, l'ADAPAH a relevé appel de cette décision.
L'ADAPAH a été placé en redressement judiciaire par jugement du tribunal judiciaire de Chaumont du 1er juin 2023.
Elle demande, aux termes de ses conclusions n° 3 adressées le 4 septembre 2024 à la cour, de :
- la recevoir en la personne de son représentant légal, Me [R], en sa qualité de mandataire judiciaire, et de la société [6], en sa qualité d'administrateur judiciaire, en leurs écritures, et les dire bien fondés,
- infirmer le jugement rendu le 7 juin 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Chaumont en toutes ses dispositions, en conséquence, statuant à nouveau,
à titre principal,
- recevoir l'intégralité de ses moyens et prétentions,
avant dire droit, sur la liquidation des préjudices de Mme [T] :
- déclarer que l'expert judiciaire, le docteur [O], dans son rapport du 31 août 2021 n'a pas respecté la mission qui lui avait été confiée par jugement en date du 19 mai 2021,
- déclarer que l'expert judiciaire, le docteur [O], n'a pas détaillé les lésions provoquées par l'accident de Mme [T] du 6 mars 2013, ni décrit les séquelles consécutives et ce seul accident,
- ordonner à tel expert qu'il plaira une contre-expertise,
subsidiairement,
- ramener à de plus justes proportions les indemnisations des préjudices de Mme [T] en lien avec son accident du travail du 6 mars 2013,
- débouter Mme [T] de sa demande indemnitaire au titre du DFT,
- débouter Mme [T] de sa demande indemnitaire au titre du préjudice sexuel,
- à titre infiniment subsidiaire, ramener à de plus justes proportions l'indemnisation du préjudice sexuel sans excéder 1 500 euros,
- débouter Mme [T] de sa demande indemnitaire au titre des frais d'adaptation du logement,
- débouter Mme [T] de sa demande indemnitaire de 5 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
- à titre infiniment subsidiaire, ramener à de plus justes proportions l'indemnisation du préjudice esthétique temporaire sans excéder 500 euros,
- débouter Mme [T] de sa demande indemnitaire au titre des souffrances endurées,
- réévaluer les souffrances endurées à 2/7,
- ramener à de plus justes proportions l'indemnisation des souffrances endurées sans excéder 3 000 euros,
- à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait retenir une évaluation à 5/7, ramener à de plus justes proportions l'indemnisation des souffrances endurées sans excéder 5 000 euros,
- débouter Mme [T] de sa demande indemnitaire au titre du besoin d'assistance d'une tierce personne à hauteur de 36 050 euros (sur une base de 25 euros/heure),
- ramener à de plus justes proportions l'indemnisation de Mme [T] au titre des besoins en tierce personne sans excéder 24 407,50 euros (sur une base de 13 euros/heure),
- débouter Mme [T] de sa demande indemnitaire de 5 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,
- ramener à de plus justes proportions l'indemnisation de son préjudice esthétique permanent, sans excéder 3 000 euros, conformément à la jurisprudence,
- débouter Mme [T] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,
- déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de la caisse de voir dire et juger que l'ADAPAH devra supporter la majoration de la rente,
en tout état de cause,
- déclarer qu'aucune somme ne pourra être mise à la charge de l'ADAPAH compte-tenu du redressement judiciaire en cours,
- déclarer qu'il appartient à la caisse de démontrer qu'elle a déclaré sa créance afin de pouvoir voir une somme inscrite au passif de sa procédure collective,
- dire n'y avoir lieu à l'article 700.
Aux termes de ses conclusions adressées le 18 avril 2024 à la cour, Mme [T] demande de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'ADAPAH à payer la somme de 5 000 euros au titre des souffrances physiques et morales et 2 000 euros au titre du préjudice sexuel,
statuant à nouveau,
- condamner l'ADAPAH à payer les sommes de :
* 50 000 euros au titre des souffrances morales et physiques,
* 10 000 euros au titre du préjudice sexuel,
- confirmer pour le surplus,
y ajoutant,
- condamner l'ADAPAH à payer 3 000 euros au titre de l'article 700 à hauteur d'appel,
- débouter l'ADAPAH de sa demande de contre-expertise,
- condamner l'ADAPAH aux dépens.
Aux termes de ses conclusions adressées le 14 août 2024 à la cour, la caisse demande de :
- constater qu'elle s'en remet à prudence de justice concernant l'existence de la faute inexcusable de l'employeur,
- dire et juger que les conséquences financières liées à la reconnaissance de la faute inexcusable seront supportées par l'ADAPAH, y compris en ce qui concerne la majoration maximale des indemnités et leur évolution en fonction du taux d'IPP retenu en cas d'aggravation de l'état de santé de la salariée,
- dire et juger que sa créance, découlant de la faute inexcusable de l'employeur, doit être inscrite définitivement au passif de l'entreprise,
- condamner l'ADAPAH aux entiers dépens de l'instance.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties et la définition par l'ADAPAH de la mission de contre-expertise sollicitée, à leurs dernières conclusions aux dates mentionnées ci-dessus.
LES MOTIFS
Sur la demande de contre-expertise
L'ADAPAH soutient que l'ensemble des médecins ont conjointement constaté que Mme [T] souffre d'une pathologie dégénérative sans aucun lien avec son accident du travail, que pour autant l'expert a évalué les préjudices de la salariée en lien avec cette maladie dégénérative alors que les suites de l'accident se sont limitées à des douleurs cervicales, dorsales et lombaires ressenties le lendemain, qu'il n'a jamais été mis en évidence de lésions traumatiques, et qu'au vu des missions confiées à l'expert, il aurait dû se limiter dans son évaluation aux seules conséquences médicales de l'accident.
Elle ajoute que l'expert n'est pas tenu par les décisions de la caisse, alors qu'il a évalué les préjudices au regard des séquelles retenues par le praticien de la caisse à savoir jusqu'à la date de consolidation du 30 septembre 2018 et non au regard de sa propre analyse, et qu'il doit évaluer les préjudices subis par Mme [T] en lien direct et certain avec l'accident.
Elle argue que celle-ci souffre d'un état antérieur évaluant pour son propre compte dont les lésions sont sans lien avec son accident puisqu'elles ne sont pas traumatiques, et ne doivent pas être prise en compte dans l'évaluation des préjudices, elle demande en conséquence, une contre-expertise.
Mme [T] s'y oppose, faisant valoir que l'expert judiciaire a retenu à juste titre les répercussions considérables de l'accident, dès lors que les éventuelles prédispositions de la victime ne peuvent constituer un facteur limitant son indemnisation.
L'expertise judiciaire s'inscrit dans le cadre de l'administration de la preuve et d'une faculté pour le juge, définie à l'article 232 du code de procédure civile, lorsqu'une question de fait requiert les lumières d'un technicien.
Le rapport d'expertise constitue un élément de preuve qui ne lie pas le juge, au même titre que les autres pièces du dossier dont il est saisi.
La lecture du rapport établi le 31 août 2021 par le Docteur [O] permet de constater que cet expert a répondu aux différents chefs de mission qui lui avaient été confiés par le tribunal, et dont il a rappelé les termes en page 1 et 2/16, et que ses réponses aux questions posées dans la mission sont claires, précises et circonstanciées.
Il n'existe aucun motif justifiant la contre-expertise sollicitée, les critiques formulées par l'appelante portant à tort sur le défaut de précision par l'expert des lésions en lien avec l'accident du travail de Mme [T] et des séquelles traumatiques de cet accident, alors que ce dernier a bien pris en compte les séquelles antérieures à l'accident du travail (pathologie dégénérative à savoir pincement discal, discopathie dégénérative des étages C3C4C6 C7, protusion ostéophytique postéro latérale gauche C3C4, et intervention au niveau de l'épaule gauche ), et a précisé les séquelles en lien avec l'accident du travail, à savoir une poussée inflammatoire sur discopathie lombaire préexistantes et une poussée douloureuse cervicale sur atteinte dégénérative préexistante et documentée et ses conséquences physiques et morales.
De plus, l'appelante ne peut se prévaloir d'une absence d'analyse de l'expert en soutenant que ce dernier a évalué les préjudices subis par Mme [T] en tenant compte du dossier médical de la caisse et des arrêts et soins prescrits à la suite de l'accident, alors que l'imputablité desdits arrêts et soins n'a pas été contestée par l'appelante, et de toute façon l'examen de ces éléments médico-légaux fait partie de la mission de l'expert qui ne s'est pas contenté de ces documents, mais a procédé également à un examen clinique de la salariée.
Ainsi injustifié, ce chef de demande sera par conséquent rejeté par voie de confirmation du jugement.
Sur la liquidation des préjudices subis par Mme [T]
Selon l'article L. 452-3, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
Il résulte de ce texte, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2010-8 QPC du 18 juin 2010, qu'en cas de faute inexcusable, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés par le texte précité, à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.
En l'espèce, il est rappelé que le 6 mars 2016, Mme [T], aide à domicile, a été victime d'un accident du travail, le certificat médical initial faisant état de « cervicalgies/dorsalgies/lombalgies/irradiation épaule gauche, suite à port d'un malade.
L'expert judiciaire a retenu qu'elle présentait, au titre des lésions provoquées par cet accident : « une poussée inflammatoire sur discoparhie lombaire pré existantes et une poussée douloureuse cervicale sur atteinte dégénérative pré existante et documentée », en précisant que l'intervention au niveau de l'épaule gauche réalisée en 2020 sur Mme [T] n'était pas imputable aux conséquences de l'accident du travail du 06 mars 2013.
Compte tenu des prétentions de Mme [T] débattues contradictoirement, des offres présentées à titre subsidiaire par l'ADAPAH, des justificatifs produits et du rapport d'expertise médicale judiciaire susdit, la cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer comme suit les préjudices subis par la victime, née le 5 octobre 1968, et dont les lésions ont été déclarées consolidées par la caisse à la date du 30 septembre 2018.
Sur le déficit fonctionnel temporaire
Il s'agit du préjudice résultant de l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle jusqu'à sa consolidation et correspondant notamment à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante durant cette période, en ce inclus le préjudice d'agrément temporaire et un éventuel préjudice sexuel temporaire.
L'indemnisation prend en compte selon que la victime est plus ou moins handicapée; elle est proportionnellement diminuée lorsque l'incapacité temporaire est partielle.
Mme [T] revendique, partant d'une base de 1 000 euros par mois au titre du déficit temporaire total, une somme de 30 250 euros selon les quatre périodes distinguées par l'expert judiciaire qu'elle met en relation avec les termes des prescriptions médicales de l'époque, en considérant qu'il y a lieu de retenir :
- un déficit fonctionnel temporaire totale du 7 mars 2013 au 5 mars 2014, étant décrite sur cette période comme particulièrement invalide, marchant avec une canne, subissant une intervention en décembre 2013 et une immobilisation par corset;
- un déficit fonctionnel temporaire totale partiel de 75 % du 6 mars au 5 juin 2014 compte tenu de progrès observé suite à l'opération de décembre 2013 et d'une assistance retenue par l'expert réduite de 2 à 1 heure par jour;
- un déficit fonctionnel temporaire totale partiel de 50 % du 6 juin 2014 au 5 juin 2015 compte de la réduction de son besoin d'assistance à 45 mn par jour et le commémoratif des soins ne démontrant pas de modification notable;
- un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % du 7 juin 2015 au 30 septembre 2018 compte tenu d'un besoin d'assistance décrit par l'expert de 2 heures par semaine et du port d'électrodes sous cutanées, outre qu'elle présente, en plus de ses douleurs, des paresthésies des deux mains et des pieds.
L'ADAPAH s'oppose à l'indemnisation de ce poste de préjudice en l'absence de sa description par l'expert judiciaire qui l'a confondu avec son évaluation de la tierce personne.
Si l'expert a effectivement regroupé l'évaluation du déficit fonctionnel temporaire avec les besoins d'intervention d'une tierce personne et n'a donné aucun niveau précis de déficit, la cour trouve néanmoins dans son rapport des éléments suffisants pour, à partir de ses éléments descriptifs, de sa discussion, de l'évolution retenue des besoins en tierce personne de Mme [T] avant sa consolidation, lui reconnaître un déficit fonctionnel temporaire et le classifier comme suit :
- une période de déficit fonctionnel temporaire total du 1er au 6 décembre 2013 (six jours) correspondant à l'hospitalisation,
- une période de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe IV correspondant à 75 % du 7 mars au 30 novembre 2013 (8 mois et 23 jours) et du 7 décembre 2013 au 5 mars 2014 (2 mois et 26 jours) correspondant à la marche difficile avec deux cannes, port du corset, suite post-opératoires, besoin d'assistance;
Puis, au vu notamment de la diminution progressive des besoins d'assistance décrite par l'expert, une période de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe III correspondant à 50 % du 6 mars au 5 juin 2014 (3 mois), de classe II correspondant à 25 % du 6 juin 2014 au 5 juin 2015 (12 mois) et de classe I correspondant à 10 % du 7 juin au 30 septembre 2018 (39 mois et 23 jours).
Soit sur la base d'une indemnisation de 1 000 euros par mois ou 33 euros par jour de déficit fonctionnel temporaire total, comme suit :
- DFTT de 6 j : 6j X 33 = 198 euros
- DFTP à 75% de 10 mois et 49 jours : 8 713 euros (750 euros X 10 + 24,75 x 49)
- DFTP à 50% de 3 mois : 1 500 euros (500 x 3)
- DFTP à 25% de 12 mois : 3 000 euros (250 x 12)
- DFTP à 10% de 39 mois et 23 jours : 3 976 euros (100 x 39 + 3,3 x 23)
soit un total de 17 387 euros la décision déférée étant infirmée en ce sens.
Sur les souffrances endurées
L'expert a retenu un taux de 5/7 en raison des souffrances résultant d'une part de la sciatalgie droite invalidante évoluant sur un mode chronique, en évoquant des douleurs neuropathiques touchant les deux membres inférieurs et la nécessité compte tenu de leur caractère chronique, de recourir à la pose d'un neuro stimulateur, et d'autre part des cervicalgies chroniques invalidantes ayant un retentissement sur la mobilité du rachis cervical et responsable de paresthésies de deux membres supérieurs, même si celles-ci évoluent en partie pour leur propre compte.
Mme [T] critique les premiers juges à qui il fait grief une cotation de son préjudice notablement inférieure à la réalité du préjudice subi et sollicite incidemment la réformation du jugement, en vue d'une indemnisation d'un montant de 50 000 euros compte tenu de la cotation de l'expert judiciaire correspondant à un niveau très important de douleurs en considération de leurs manifestations physiologiques mais également de leur impact moral très lourd.
L'ADAPAH soutient que les lésions constatées ayant pour origine l'accident sont simplement des poussées douloureuses et inflammatoires sur des lésions antérieures à l'accident et n'ont donc pas duré jusqu'à la consolidation, de sorte qu'il convient de retenir un taux de 2/7 au maximum et d'indemniser en d'allouer une indemnisation ne dépassant pas 3 000 euros.
Comme le fait observer l'appelante, l'intimée est mal venue de critiquer l'évaluation par les premiers juges de ce poste de préjudice dès lors qu'ils ont fait intégralement fait à sa demande d'indemnisation à hauteur de 5 000 euros et que, se limitant à cette critique injustifiée, elle ne donne pas la moindre explication sur sa nouvelle estimation de ses souffrances endurées.
Par ailleurs force est de constater que l'expert, tout en faisant et permettant de faire la distinction entre les souffrances des suites de l'accident initial et celles évoluant en partie pour leur propre compte des suites de l'état antérieur documenté, propose toutefois un taux qui les inclut toutes.
Aussi, au vu de la description des souffrances endurées par l'expert judiciaire, à l'exclusion de celles résultant d'un état antérieur évoluant pour son propre compte, ce préjudice doit être indemnisé à hauteur de 5 000 euros comme justement apprécié par le premier juge, le jugement étant par conséquent confirmé sur ce point.
Sur le préjudice esthétique temporaire
Le tribunal judiciaire a évalué ce poste de préjudice à la somme de 5 000 euros en prenant en compte le fait que Mme [T] devait porter un corset et que ces dispositifs médicaux étaient visibles pour les tiers, avec un impact social et personnel non négligeable.
L'ADAPAH soutient que la somme retenue est disproportionnée par rapport à la réalité du préjudice de la salariée, dont le lien avec l'accident entre le port d'un corset et des poussées douloureuses n'est pas évident.
La salariée fait valoir que la somme retenue est en adéquation avec la cotation de l'expert à 3/7.
La cour retient qu'au vu du taux retenu par l'expert 3/7, en raison de l'altération de l'apparence physique de la salariée correspondant au port du corset lequel relève des suites de l'accident, néanmoins durant une période limitée à quatre mois sur la période de plus de de cinq années précédant sa consolidation, ce préjudice doit être indemnisé à hauteur de 4 000 euros.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
Sur les besoins en tierce personne
Le poste de préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne à titre temporaire indemnise la perte d'autonomie de la victime la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans tout ou partie des actes de la vie quotidienne jusqu'à la date de consolidation.
Il est de jurisprudence constante que le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne pendant la maladie traumatique ne saurait être subordonné à la production de justifications des dépenses effectives (2e Civ., 20 juin 2013, n° 12-21.548, Bull. 2013, II, n° 127), ni réduit en cas d'assistance familiale (2e Civ., 24 septembre 2020, n° 19-21.317).
L'expert relève que la victime nécessitait ' une assistance qui a été assurée en grande partie par sa fille qui habitait avec elle au moment de l'accident' :
- à raison de 2 heures par jour pendant du 7 mars 2013 au 5 mars 2014;
- à raison de 1 heure par jour pendant la période du 6 mars 2014 au 5 juin 2014;
- à raison du 45 minutes pour la période du 7 juin 2014 au 5 juin 2015 ;
- à raison de 2 heures par semaine du 7 juin 2014 au 30 septembre 2018.
La société conteste le taux horaire retenu à hauteur de 25 euros par les premiers juges, estimant que le taux horaire doit être fixé à 13 euros pour une assistance non qualifiée.
La victime sollicite la confirmation de la somme allouée par les premiers juges de 36 050 euros (1 442 heures X 25 ).
Il convient de retenir, pour la juste indemnisation de ce préjudice, eu égard à la nature des tâches matérielles peu techniques accomplies par le tiers aidant (aide à la toilette, aux déplacements, à l'approvisionnement), un forfait horaire de 17 euros, en allouant par conséquent la somme de 24 515 euros (1 442 heures x 17), en infirmant par conséquent ce chef de jugement.
Sur l'aménagement du logement
L'ADAPAH soutient que la salariée ne produit aucune facture permettant de justifier le coût des travaux, et n'indique pas en quoi cet aménagement était en lien avec les séquelles de son accident. Elle ajoute que les travaux ayant été réalisés par l'office HLM, le coût n'a pas été supporté par la salariée.
Mme [T] fait valoir que l'expert a retenu le bien fondé de la transformation de la salle de bain, et que les travaux ayant été faits bénévolement par son conjoint, elle ne peut fournir aucune facture, elle demande en conséquence une somme forfaitaire de 800 euros.
Mais d'une part l'expert se borne à reprendre les déclarations de Mme [T] sous ce poste de préjudice en indiquant : 'Md [T] nous a simplement précisé qu'elle a mis une douche à la place de sa baignoire' sans donner d'avis et d'autre part, force est de constater que Mme [T] ne produit pas même seulement un devis, au moins du matériel rendu nécessaire à ladite installation, pour rapporter la preuve du préjudice allégué.
Ce chef de demande doit par conséquent être rejeté, le jugement étant donc infirmé sur ce point.
Sur le préjudice esthétique définitif
Le tribunal judiciaire a évalué ce poste de préjudice à la somme de 5 000 euros en prenant en compte le taux fixé par l'expert de 2/7 et le fait que Mme [T] présentait plusieurs cicatrices et avait recours à la position antalgique.
L'ADAPAH soutient que la somme retenue est sans commune mesure avec les sommes habituellement allouées par la jurisprudence au vu du taux retenu de 2/7.
Mme [T] soutient que la somme retenue est en adéquation avec la cotation de l'expert à 2/7.
En considération de ces éléments, ce poste de préjudice doit être indemnisé à hauteur de 3 000 euros; le jugement étant donc infirmé sur ce point.
Sur le préjudice sexuel
Le préjudice sexuel comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle, pour la période postérieure à la date de consolidation.
En l'espèce, Mme [T] soutient que l'expert a confirmé un préjudice sexuel résultant d'une difficulté positionnelle et sollicite une indemnisation d'un montant de 10 000 euros.
Toutefois, ainsi que le lui objecte l'ADAPAH, l'expert judiciaire n'a aucunement confirmé l'existence d'un tel préjudice puisqu'il se borne à faire état de doléance, en indiquant sous ce poste que : 'Md [T] nous a fait part de difficultés positionnelles', sans même donner la moindre précision sur ces difficultés, que Mme [T] ne renseigne pas davantage au cours des débats à l'appui de sa demande dont il lui incombe de démontrer le bien fondé.
En conséquence, ce chef de demande doit être rejeté, le jugement étant par conséquent infirmé sur ce point.
Sur les demandes de la caisse
La caisse demande d'une part, de dire et juger que les conséquences financières liées à la reconnaissance de la faute inexcusable seront supportées par l'ADAPAH, y compris en ce qui concerne la majoration maximale des indemnités et leur évolution en fonction du taux d'IPP retenu en cas d'aggravation de l'état de santé de Mme [T] et d'autre part, de dire et juger que sa créance, découlant de la faute inexcusable de l'employeur, doit être inscrite définitivement au passif de l'entreprise.
L'ADAPAH soutient que la demande de la caisse de voir dire et juger qu'elle devra supporter la majoration de la rente est une demande nouvelle en cause d'appel qui est irrecevable puisque l'appel a été interjeté concernant un jugement de liquidation des préjudices, et la caisse n'a formulé aucune conclusion au cours de cette audience.
La caisse est taisante en réplique.
Aux termes de l'article 464 du code de procédure civile « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».
Selon l'article 565 du même code, « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges même si leur fondement juridique est différent ».
En l'espèce il ne ressort pas du jugement déféré que la caisse ait soumis cette demande au tribunal dans le jugement déféré ni qu'elle tende aux mêmes fins que celles qui lui été soumises, dans ledit jugement, limitées à la liquidation du préjudice défini à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, de sorte que nouvelle au sens de l'article 464 du code de procédure civile, elle sera déclarée irrecevable.
En revanche, il doit être fait application de plein droit des dispositions de l'article L. 452-3- 1 du code de la sécurité sociale lesquelles prévoient, que la réparation des préjudices du salarié, victime d'une faute inexcusable, est versée directement au bénéficiaire par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.
Toutefois, en application de L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction applicable, les créances nées antérieurement à l'ouverture de la procédure collective doivent être déclarées, même si elles ne sont pas établies par un titre.
Il en résulte que la créance de restitution de la caisse ayant pour origine la faute inexcusable de l'employeur est soumise à déclaration à son passif, dès lors que l'accident, qui date du 6 mars 2013, est antérieur à l'ouverture de la procédure collective de celui-ci, dont la procédure de redressement judiciaire est intervenue le 1er juin 2023
En l'espèce, la caisse justifie avoir déclaré sa créance « au titre des préjudices subis » par Mme [T] au passif du redressement judiciaire de la société courrier du 11 juillet 2023 distribuée le 12 juillet suivant au mandataire judiciaire.
Par conséquent, la caisse peut prétendre à récupérer les sommes dues à Mme [T] au titre de l'indemnisation allouée par la cour, en application de l'application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, et en ce compris les frais de l'expertise judiciaire dont elle aura fait l'avance, laquelle récupération s'opérera par la fixation de la créance au passif du redressement judiciaire de l'ADAPAH, à l'exclusion de toute condamnation de cette dernière.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions de première instance relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
La cour alloue en outre la somme complémentaire de 1 000 euros à Mme [T] pour les frais irrépétibles engagés en appel, que Me [R] es qualité de mandataire judiciaire de l'ADAPAH sera condamné à lui verser, lequel supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par décision contradictoire,
Déclare recevable l'intervention en cause d'appel de Me [R], en sa qualité de mandataire judiciaire de l'ADAPAH, et de la SELARL [6], en sa qualité d'administrateur judiciaire de l'ADAPAH ;
Déclare irrecevable la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne sur les conséquences financières liées à la majoration maximale des indemnités et leur évolution en fonction du taux d'IPP retenu en cas d'aggravation de l'état de santé de Mme [T] ;
Infirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Chaumont du 7 juin 2022 en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de contre-expertise de l'ADAPAH, fixé à 5 000 euros le montant du préjudice subi au titre des souffrances morales et physiques, condamné l'ADAPAH à verser 2 000 euros à Mme [T] au titre des frais irrépétibles, et condamné l'ADAPAH à supporter les dépens de l'instance ainsi que les frais d'expertise.
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;
Fixe l'indemnisation des autres préjudices personnels de Mme [T] comme suit :
- 17 387 euros au titre du déficit temporaire total et partiel,
- 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
- 24 515 euros au titre de l'assistance de tierce personne ;
- 3 000 euros au titre du préjudice esthétique définitif ;
Rejette les demandes de Mme [T] au titre au titre des frais d'adaptation du logement et du préjudice sexuel ;
Dit que l'ensemble des sommes dues à Mme [T] au titre de ces préjudices ainsi que des préjudices liés aux souffrances morales et physiques, totalisant 53 902 euros, seront versées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne ;
Fixe au passif de la procédure collective de l'ADAPAH la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne à la somme de 53 902 euros au titre des préjudices ainsi fixés, outre le coût de l'expertise judiciaire dont elle aura fait l'avance, qu'elle récupérera auprès de l'employeur, en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Y ajoutant,
Les dispositions de première instance relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
Condamne Me [R] es qualité de mandataire judiciaire de l'ADAPAH à verser la somme de 1 000 euros à Mme [T] en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en appel.
Condamne Me [R] es qualité de mandataire judiciaire de l'ADAPAH aux dépens d'appel.
La Greffière Le Président
Juliette GUILLOTIN Fabienne RAYON
C/
[L] [T]
Caisse CPAM DE LA HAUTE MARNE
C.C.C le 27/03/25 à:
- Me
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 27/03/25 à:
- Me
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 27 MARS 2025
MINUTE N°
N° RG 22/00570 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GAHP
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pole social du TJ de CHAUMONT, décision attaquée en date du 07 Juin 2022, enregistrée sous le n° 20/91
APPELANTE :
Association Départementale d'Aide aux Personnes Agées et aux Personnes de Handicap (ADAPAH)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Charlotte CRET de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Maître Charlotte VASSAL, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
[L] [T]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Damien WILHELEM de la SELARL WILHELEM CHAPUSOT BOURRON, avocat au barreau de HAUTE-MARNE
Caisse CPAM DE LA HAUTE MARNE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par M. [Z] [V] (chargée d'audience) en vertu d'un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 septembre 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme DIJOUX, Conseiller chargé d'instruire l'affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Fabienne RAYON, présidente de chambre,
Olivier MANSION, président de chambre,
Katherine DIJOUX-GONTHIER, conseillère,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Fabienne RAYON, Présidente de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Il convient, pour l'exposé des faits et de la procédure antérieure, de se reporter au jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Chaumont du 19 mai 2021 lequel, reconnaissant une faute inexcusable de l'association départementale d'aide aux personnes âgées et aux personnes de handicap (ADAPAH), à la suite de l'accident du travail survenu le 6 mars 2013 à sa salariée, Mme [T], a ordonné avant dire droit une expertise médicale pour évaluer les préjudices subis confiée au docteur [O].
L'expert judiciaire a clôturé son rapport le 31 août 2021.
Par jugement du 7 juin 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Chaumont a :
- débouté l'ADAPAH de sa demande de contre-expertise,
- condamné l'ADAPAH à verser à Mme [T] :
* 5 000 euros au titre des souffrances morales et physiques,
* 5 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
* 5 000 euros au titre du préjudice esthétique définitif,
* 30 250 euros au titre du déficit temporaire total et partiel,
* 36 050 euros au titre de l'assistance de tierce personne,
* 800 euros au titre des frais d'adaptation du logement,
* 5 000 euros au titre du préjudice sexuel,
* 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 50 % des condamnations prononcées,
- dit que la caisse avancera ces sommes à charge pour elle de se retourner contre l'employeur,
- condamné l'ADAPAH à supporter les dépens de l'instance ainsi que les frais d'expertise.
Par déclaration enregistrée le 5 août 2022, l'ADAPAH a relevé appel de cette décision.
L'ADAPAH a été placé en redressement judiciaire par jugement du tribunal judiciaire de Chaumont du 1er juin 2023.
Elle demande, aux termes de ses conclusions n° 3 adressées le 4 septembre 2024 à la cour, de :
- la recevoir en la personne de son représentant légal, Me [R], en sa qualité de mandataire judiciaire, et de la société [6], en sa qualité d'administrateur judiciaire, en leurs écritures, et les dire bien fondés,
- infirmer le jugement rendu le 7 juin 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Chaumont en toutes ses dispositions, en conséquence, statuant à nouveau,
à titre principal,
- recevoir l'intégralité de ses moyens et prétentions,
avant dire droit, sur la liquidation des préjudices de Mme [T] :
- déclarer que l'expert judiciaire, le docteur [O], dans son rapport du 31 août 2021 n'a pas respecté la mission qui lui avait été confiée par jugement en date du 19 mai 2021,
- déclarer que l'expert judiciaire, le docteur [O], n'a pas détaillé les lésions provoquées par l'accident de Mme [T] du 6 mars 2013, ni décrit les séquelles consécutives et ce seul accident,
- ordonner à tel expert qu'il plaira une contre-expertise,
subsidiairement,
- ramener à de plus justes proportions les indemnisations des préjudices de Mme [T] en lien avec son accident du travail du 6 mars 2013,
- débouter Mme [T] de sa demande indemnitaire au titre du DFT,
- débouter Mme [T] de sa demande indemnitaire au titre du préjudice sexuel,
- à titre infiniment subsidiaire, ramener à de plus justes proportions l'indemnisation du préjudice sexuel sans excéder 1 500 euros,
- débouter Mme [T] de sa demande indemnitaire au titre des frais d'adaptation du logement,
- débouter Mme [T] de sa demande indemnitaire de 5 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
- à titre infiniment subsidiaire, ramener à de plus justes proportions l'indemnisation du préjudice esthétique temporaire sans excéder 500 euros,
- débouter Mme [T] de sa demande indemnitaire au titre des souffrances endurées,
- réévaluer les souffrances endurées à 2/7,
- ramener à de plus justes proportions l'indemnisation des souffrances endurées sans excéder 3 000 euros,
- à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait retenir une évaluation à 5/7, ramener à de plus justes proportions l'indemnisation des souffrances endurées sans excéder 5 000 euros,
- débouter Mme [T] de sa demande indemnitaire au titre du besoin d'assistance d'une tierce personne à hauteur de 36 050 euros (sur une base de 25 euros/heure),
- ramener à de plus justes proportions l'indemnisation de Mme [T] au titre des besoins en tierce personne sans excéder 24 407,50 euros (sur une base de 13 euros/heure),
- débouter Mme [T] de sa demande indemnitaire de 5 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,
- ramener à de plus justes proportions l'indemnisation de son préjudice esthétique permanent, sans excéder 3 000 euros, conformément à la jurisprudence,
- débouter Mme [T] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,
- déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de la caisse de voir dire et juger que l'ADAPAH devra supporter la majoration de la rente,
en tout état de cause,
- déclarer qu'aucune somme ne pourra être mise à la charge de l'ADAPAH compte-tenu du redressement judiciaire en cours,
- déclarer qu'il appartient à la caisse de démontrer qu'elle a déclaré sa créance afin de pouvoir voir une somme inscrite au passif de sa procédure collective,
- dire n'y avoir lieu à l'article 700.
Aux termes de ses conclusions adressées le 18 avril 2024 à la cour, Mme [T] demande de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'ADAPAH à payer la somme de 5 000 euros au titre des souffrances physiques et morales et 2 000 euros au titre du préjudice sexuel,
statuant à nouveau,
- condamner l'ADAPAH à payer les sommes de :
* 50 000 euros au titre des souffrances morales et physiques,
* 10 000 euros au titre du préjudice sexuel,
- confirmer pour le surplus,
y ajoutant,
- condamner l'ADAPAH à payer 3 000 euros au titre de l'article 700 à hauteur d'appel,
- débouter l'ADAPAH de sa demande de contre-expertise,
- condamner l'ADAPAH aux dépens.
Aux termes de ses conclusions adressées le 14 août 2024 à la cour, la caisse demande de :
- constater qu'elle s'en remet à prudence de justice concernant l'existence de la faute inexcusable de l'employeur,
- dire et juger que les conséquences financières liées à la reconnaissance de la faute inexcusable seront supportées par l'ADAPAH, y compris en ce qui concerne la majoration maximale des indemnités et leur évolution en fonction du taux d'IPP retenu en cas d'aggravation de l'état de santé de la salariée,
- dire et juger que sa créance, découlant de la faute inexcusable de l'employeur, doit être inscrite définitivement au passif de l'entreprise,
- condamner l'ADAPAH aux entiers dépens de l'instance.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties et la définition par l'ADAPAH de la mission de contre-expertise sollicitée, à leurs dernières conclusions aux dates mentionnées ci-dessus.
LES MOTIFS
Sur la demande de contre-expertise
L'ADAPAH soutient que l'ensemble des médecins ont conjointement constaté que Mme [T] souffre d'une pathologie dégénérative sans aucun lien avec son accident du travail, que pour autant l'expert a évalué les préjudices de la salariée en lien avec cette maladie dégénérative alors que les suites de l'accident se sont limitées à des douleurs cervicales, dorsales et lombaires ressenties le lendemain, qu'il n'a jamais été mis en évidence de lésions traumatiques, et qu'au vu des missions confiées à l'expert, il aurait dû se limiter dans son évaluation aux seules conséquences médicales de l'accident.
Elle ajoute que l'expert n'est pas tenu par les décisions de la caisse, alors qu'il a évalué les préjudices au regard des séquelles retenues par le praticien de la caisse à savoir jusqu'à la date de consolidation du 30 septembre 2018 et non au regard de sa propre analyse, et qu'il doit évaluer les préjudices subis par Mme [T] en lien direct et certain avec l'accident.
Elle argue que celle-ci souffre d'un état antérieur évaluant pour son propre compte dont les lésions sont sans lien avec son accident puisqu'elles ne sont pas traumatiques, et ne doivent pas être prise en compte dans l'évaluation des préjudices, elle demande en conséquence, une contre-expertise.
Mme [T] s'y oppose, faisant valoir que l'expert judiciaire a retenu à juste titre les répercussions considérables de l'accident, dès lors que les éventuelles prédispositions de la victime ne peuvent constituer un facteur limitant son indemnisation.
L'expertise judiciaire s'inscrit dans le cadre de l'administration de la preuve et d'une faculté pour le juge, définie à l'article 232 du code de procédure civile, lorsqu'une question de fait requiert les lumières d'un technicien.
Le rapport d'expertise constitue un élément de preuve qui ne lie pas le juge, au même titre que les autres pièces du dossier dont il est saisi.
La lecture du rapport établi le 31 août 2021 par le Docteur [O] permet de constater que cet expert a répondu aux différents chefs de mission qui lui avaient été confiés par le tribunal, et dont il a rappelé les termes en page 1 et 2/16, et que ses réponses aux questions posées dans la mission sont claires, précises et circonstanciées.
Il n'existe aucun motif justifiant la contre-expertise sollicitée, les critiques formulées par l'appelante portant à tort sur le défaut de précision par l'expert des lésions en lien avec l'accident du travail de Mme [T] et des séquelles traumatiques de cet accident, alors que ce dernier a bien pris en compte les séquelles antérieures à l'accident du travail (pathologie dégénérative à savoir pincement discal, discopathie dégénérative des étages C3C4C6 C7, protusion ostéophytique postéro latérale gauche C3C4, et intervention au niveau de l'épaule gauche ), et a précisé les séquelles en lien avec l'accident du travail, à savoir une poussée inflammatoire sur discopathie lombaire préexistantes et une poussée douloureuse cervicale sur atteinte dégénérative préexistante et documentée et ses conséquences physiques et morales.
De plus, l'appelante ne peut se prévaloir d'une absence d'analyse de l'expert en soutenant que ce dernier a évalué les préjudices subis par Mme [T] en tenant compte du dossier médical de la caisse et des arrêts et soins prescrits à la suite de l'accident, alors que l'imputablité desdits arrêts et soins n'a pas été contestée par l'appelante, et de toute façon l'examen de ces éléments médico-légaux fait partie de la mission de l'expert qui ne s'est pas contenté de ces documents, mais a procédé également à un examen clinique de la salariée.
Ainsi injustifié, ce chef de demande sera par conséquent rejeté par voie de confirmation du jugement.
Sur la liquidation des préjudices subis par Mme [T]
Selon l'article L. 452-3, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
Il résulte de ce texte, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2010-8 QPC du 18 juin 2010, qu'en cas de faute inexcusable, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés par le texte précité, à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.
En l'espèce, il est rappelé que le 6 mars 2016, Mme [T], aide à domicile, a été victime d'un accident du travail, le certificat médical initial faisant état de « cervicalgies/dorsalgies/lombalgies/irradiation épaule gauche, suite à port d'un malade.
L'expert judiciaire a retenu qu'elle présentait, au titre des lésions provoquées par cet accident : « une poussée inflammatoire sur discoparhie lombaire pré existantes et une poussée douloureuse cervicale sur atteinte dégénérative pré existante et documentée », en précisant que l'intervention au niveau de l'épaule gauche réalisée en 2020 sur Mme [T] n'était pas imputable aux conséquences de l'accident du travail du 06 mars 2013.
Compte tenu des prétentions de Mme [T] débattues contradictoirement, des offres présentées à titre subsidiaire par l'ADAPAH, des justificatifs produits et du rapport d'expertise médicale judiciaire susdit, la cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer comme suit les préjudices subis par la victime, née le 5 octobre 1968, et dont les lésions ont été déclarées consolidées par la caisse à la date du 30 septembre 2018.
Sur le déficit fonctionnel temporaire
Il s'agit du préjudice résultant de l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle jusqu'à sa consolidation et correspondant notamment à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante durant cette période, en ce inclus le préjudice d'agrément temporaire et un éventuel préjudice sexuel temporaire.
L'indemnisation prend en compte selon que la victime est plus ou moins handicapée; elle est proportionnellement diminuée lorsque l'incapacité temporaire est partielle.
Mme [T] revendique, partant d'une base de 1 000 euros par mois au titre du déficit temporaire total, une somme de 30 250 euros selon les quatre périodes distinguées par l'expert judiciaire qu'elle met en relation avec les termes des prescriptions médicales de l'époque, en considérant qu'il y a lieu de retenir :
- un déficit fonctionnel temporaire totale du 7 mars 2013 au 5 mars 2014, étant décrite sur cette période comme particulièrement invalide, marchant avec une canne, subissant une intervention en décembre 2013 et une immobilisation par corset;
- un déficit fonctionnel temporaire totale partiel de 75 % du 6 mars au 5 juin 2014 compte tenu de progrès observé suite à l'opération de décembre 2013 et d'une assistance retenue par l'expert réduite de 2 à 1 heure par jour;
- un déficit fonctionnel temporaire totale partiel de 50 % du 6 juin 2014 au 5 juin 2015 compte de la réduction de son besoin d'assistance à 45 mn par jour et le commémoratif des soins ne démontrant pas de modification notable;
- un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % du 7 juin 2015 au 30 septembre 2018 compte tenu d'un besoin d'assistance décrit par l'expert de 2 heures par semaine et du port d'électrodes sous cutanées, outre qu'elle présente, en plus de ses douleurs, des paresthésies des deux mains et des pieds.
L'ADAPAH s'oppose à l'indemnisation de ce poste de préjudice en l'absence de sa description par l'expert judiciaire qui l'a confondu avec son évaluation de la tierce personne.
Si l'expert a effectivement regroupé l'évaluation du déficit fonctionnel temporaire avec les besoins d'intervention d'une tierce personne et n'a donné aucun niveau précis de déficit, la cour trouve néanmoins dans son rapport des éléments suffisants pour, à partir de ses éléments descriptifs, de sa discussion, de l'évolution retenue des besoins en tierce personne de Mme [T] avant sa consolidation, lui reconnaître un déficit fonctionnel temporaire et le classifier comme suit :
- une période de déficit fonctionnel temporaire total du 1er au 6 décembre 2013 (six jours) correspondant à l'hospitalisation,
- une période de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe IV correspondant à 75 % du 7 mars au 30 novembre 2013 (8 mois et 23 jours) et du 7 décembre 2013 au 5 mars 2014 (2 mois et 26 jours) correspondant à la marche difficile avec deux cannes, port du corset, suite post-opératoires, besoin d'assistance;
Puis, au vu notamment de la diminution progressive des besoins d'assistance décrite par l'expert, une période de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe III correspondant à 50 % du 6 mars au 5 juin 2014 (3 mois), de classe II correspondant à 25 % du 6 juin 2014 au 5 juin 2015 (12 mois) et de classe I correspondant à 10 % du 7 juin au 30 septembre 2018 (39 mois et 23 jours).
Soit sur la base d'une indemnisation de 1 000 euros par mois ou 33 euros par jour de déficit fonctionnel temporaire total, comme suit :
- DFTT de 6 j : 6j X 33 = 198 euros
- DFTP à 75% de 10 mois et 49 jours : 8 713 euros (750 euros X 10 + 24,75 x 49)
- DFTP à 50% de 3 mois : 1 500 euros (500 x 3)
- DFTP à 25% de 12 mois : 3 000 euros (250 x 12)
- DFTP à 10% de 39 mois et 23 jours : 3 976 euros (100 x 39 + 3,3 x 23)
soit un total de 17 387 euros la décision déférée étant infirmée en ce sens.
Sur les souffrances endurées
L'expert a retenu un taux de 5/7 en raison des souffrances résultant d'une part de la sciatalgie droite invalidante évoluant sur un mode chronique, en évoquant des douleurs neuropathiques touchant les deux membres inférieurs et la nécessité compte tenu de leur caractère chronique, de recourir à la pose d'un neuro stimulateur, et d'autre part des cervicalgies chroniques invalidantes ayant un retentissement sur la mobilité du rachis cervical et responsable de paresthésies de deux membres supérieurs, même si celles-ci évoluent en partie pour leur propre compte.
Mme [T] critique les premiers juges à qui il fait grief une cotation de son préjudice notablement inférieure à la réalité du préjudice subi et sollicite incidemment la réformation du jugement, en vue d'une indemnisation d'un montant de 50 000 euros compte tenu de la cotation de l'expert judiciaire correspondant à un niveau très important de douleurs en considération de leurs manifestations physiologiques mais également de leur impact moral très lourd.
L'ADAPAH soutient que les lésions constatées ayant pour origine l'accident sont simplement des poussées douloureuses et inflammatoires sur des lésions antérieures à l'accident et n'ont donc pas duré jusqu'à la consolidation, de sorte qu'il convient de retenir un taux de 2/7 au maximum et d'indemniser en d'allouer une indemnisation ne dépassant pas 3 000 euros.
Comme le fait observer l'appelante, l'intimée est mal venue de critiquer l'évaluation par les premiers juges de ce poste de préjudice dès lors qu'ils ont fait intégralement fait à sa demande d'indemnisation à hauteur de 5 000 euros et que, se limitant à cette critique injustifiée, elle ne donne pas la moindre explication sur sa nouvelle estimation de ses souffrances endurées.
Par ailleurs force est de constater que l'expert, tout en faisant et permettant de faire la distinction entre les souffrances des suites de l'accident initial et celles évoluant en partie pour leur propre compte des suites de l'état antérieur documenté, propose toutefois un taux qui les inclut toutes.
Aussi, au vu de la description des souffrances endurées par l'expert judiciaire, à l'exclusion de celles résultant d'un état antérieur évoluant pour son propre compte, ce préjudice doit être indemnisé à hauteur de 5 000 euros comme justement apprécié par le premier juge, le jugement étant par conséquent confirmé sur ce point.
Sur le préjudice esthétique temporaire
Le tribunal judiciaire a évalué ce poste de préjudice à la somme de 5 000 euros en prenant en compte le fait que Mme [T] devait porter un corset et que ces dispositifs médicaux étaient visibles pour les tiers, avec un impact social et personnel non négligeable.
L'ADAPAH soutient que la somme retenue est disproportionnée par rapport à la réalité du préjudice de la salariée, dont le lien avec l'accident entre le port d'un corset et des poussées douloureuses n'est pas évident.
La salariée fait valoir que la somme retenue est en adéquation avec la cotation de l'expert à 3/7.
La cour retient qu'au vu du taux retenu par l'expert 3/7, en raison de l'altération de l'apparence physique de la salariée correspondant au port du corset lequel relève des suites de l'accident, néanmoins durant une période limitée à quatre mois sur la période de plus de de cinq années précédant sa consolidation, ce préjudice doit être indemnisé à hauteur de 4 000 euros.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
Sur les besoins en tierce personne
Le poste de préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne à titre temporaire indemnise la perte d'autonomie de la victime la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans tout ou partie des actes de la vie quotidienne jusqu'à la date de consolidation.
Il est de jurisprudence constante que le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne pendant la maladie traumatique ne saurait être subordonné à la production de justifications des dépenses effectives (2e Civ., 20 juin 2013, n° 12-21.548, Bull. 2013, II, n° 127), ni réduit en cas d'assistance familiale (2e Civ., 24 septembre 2020, n° 19-21.317).
L'expert relève que la victime nécessitait ' une assistance qui a été assurée en grande partie par sa fille qui habitait avec elle au moment de l'accident' :
- à raison de 2 heures par jour pendant du 7 mars 2013 au 5 mars 2014;
- à raison de 1 heure par jour pendant la période du 6 mars 2014 au 5 juin 2014;
- à raison du 45 minutes pour la période du 7 juin 2014 au 5 juin 2015 ;
- à raison de 2 heures par semaine du 7 juin 2014 au 30 septembre 2018.
La société conteste le taux horaire retenu à hauteur de 25 euros par les premiers juges, estimant que le taux horaire doit être fixé à 13 euros pour une assistance non qualifiée.
La victime sollicite la confirmation de la somme allouée par les premiers juges de 36 050 euros (1 442 heures X 25 ).
Il convient de retenir, pour la juste indemnisation de ce préjudice, eu égard à la nature des tâches matérielles peu techniques accomplies par le tiers aidant (aide à la toilette, aux déplacements, à l'approvisionnement), un forfait horaire de 17 euros, en allouant par conséquent la somme de 24 515 euros (1 442 heures x 17), en infirmant par conséquent ce chef de jugement.
Sur l'aménagement du logement
L'ADAPAH soutient que la salariée ne produit aucune facture permettant de justifier le coût des travaux, et n'indique pas en quoi cet aménagement était en lien avec les séquelles de son accident. Elle ajoute que les travaux ayant été réalisés par l'office HLM, le coût n'a pas été supporté par la salariée.
Mme [T] fait valoir que l'expert a retenu le bien fondé de la transformation de la salle de bain, et que les travaux ayant été faits bénévolement par son conjoint, elle ne peut fournir aucune facture, elle demande en conséquence une somme forfaitaire de 800 euros.
Mais d'une part l'expert se borne à reprendre les déclarations de Mme [T] sous ce poste de préjudice en indiquant : 'Md [T] nous a simplement précisé qu'elle a mis une douche à la place de sa baignoire' sans donner d'avis et d'autre part, force est de constater que Mme [T] ne produit pas même seulement un devis, au moins du matériel rendu nécessaire à ladite installation, pour rapporter la preuve du préjudice allégué.
Ce chef de demande doit par conséquent être rejeté, le jugement étant donc infirmé sur ce point.
Sur le préjudice esthétique définitif
Le tribunal judiciaire a évalué ce poste de préjudice à la somme de 5 000 euros en prenant en compte le taux fixé par l'expert de 2/7 et le fait que Mme [T] présentait plusieurs cicatrices et avait recours à la position antalgique.
L'ADAPAH soutient que la somme retenue est sans commune mesure avec les sommes habituellement allouées par la jurisprudence au vu du taux retenu de 2/7.
Mme [T] soutient que la somme retenue est en adéquation avec la cotation de l'expert à 2/7.
En considération de ces éléments, ce poste de préjudice doit être indemnisé à hauteur de 3 000 euros; le jugement étant donc infirmé sur ce point.
Sur le préjudice sexuel
Le préjudice sexuel comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle, pour la période postérieure à la date de consolidation.
En l'espèce, Mme [T] soutient que l'expert a confirmé un préjudice sexuel résultant d'une difficulté positionnelle et sollicite une indemnisation d'un montant de 10 000 euros.
Toutefois, ainsi que le lui objecte l'ADAPAH, l'expert judiciaire n'a aucunement confirmé l'existence d'un tel préjudice puisqu'il se borne à faire état de doléance, en indiquant sous ce poste que : 'Md [T] nous a fait part de difficultés positionnelles', sans même donner la moindre précision sur ces difficultés, que Mme [T] ne renseigne pas davantage au cours des débats à l'appui de sa demande dont il lui incombe de démontrer le bien fondé.
En conséquence, ce chef de demande doit être rejeté, le jugement étant par conséquent infirmé sur ce point.
Sur les demandes de la caisse
La caisse demande d'une part, de dire et juger que les conséquences financières liées à la reconnaissance de la faute inexcusable seront supportées par l'ADAPAH, y compris en ce qui concerne la majoration maximale des indemnités et leur évolution en fonction du taux d'IPP retenu en cas d'aggravation de l'état de santé de Mme [T] et d'autre part, de dire et juger que sa créance, découlant de la faute inexcusable de l'employeur, doit être inscrite définitivement au passif de l'entreprise.
L'ADAPAH soutient que la demande de la caisse de voir dire et juger qu'elle devra supporter la majoration de la rente est une demande nouvelle en cause d'appel qui est irrecevable puisque l'appel a été interjeté concernant un jugement de liquidation des préjudices, et la caisse n'a formulé aucune conclusion au cours de cette audience.
La caisse est taisante en réplique.
Aux termes de l'article 464 du code de procédure civile « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».
Selon l'article 565 du même code, « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges même si leur fondement juridique est différent ».
En l'espèce il ne ressort pas du jugement déféré que la caisse ait soumis cette demande au tribunal dans le jugement déféré ni qu'elle tende aux mêmes fins que celles qui lui été soumises, dans ledit jugement, limitées à la liquidation du préjudice défini à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, de sorte que nouvelle au sens de l'article 464 du code de procédure civile, elle sera déclarée irrecevable.
En revanche, il doit être fait application de plein droit des dispositions de l'article L. 452-3- 1 du code de la sécurité sociale lesquelles prévoient, que la réparation des préjudices du salarié, victime d'une faute inexcusable, est versée directement au bénéficiaire par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.
Toutefois, en application de L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction applicable, les créances nées antérieurement à l'ouverture de la procédure collective doivent être déclarées, même si elles ne sont pas établies par un titre.
Il en résulte que la créance de restitution de la caisse ayant pour origine la faute inexcusable de l'employeur est soumise à déclaration à son passif, dès lors que l'accident, qui date du 6 mars 2013, est antérieur à l'ouverture de la procédure collective de celui-ci, dont la procédure de redressement judiciaire est intervenue le 1er juin 2023
En l'espèce, la caisse justifie avoir déclaré sa créance « au titre des préjudices subis » par Mme [T] au passif du redressement judiciaire de la société courrier du 11 juillet 2023 distribuée le 12 juillet suivant au mandataire judiciaire.
Par conséquent, la caisse peut prétendre à récupérer les sommes dues à Mme [T] au titre de l'indemnisation allouée par la cour, en application de l'application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, et en ce compris les frais de l'expertise judiciaire dont elle aura fait l'avance, laquelle récupération s'opérera par la fixation de la créance au passif du redressement judiciaire de l'ADAPAH, à l'exclusion de toute condamnation de cette dernière.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions de première instance relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
La cour alloue en outre la somme complémentaire de 1 000 euros à Mme [T] pour les frais irrépétibles engagés en appel, que Me [R] es qualité de mandataire judiciaire de l'ADAPAH sera condamné à lui verser, lequel supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par décision contradictoire,
Déclare recevable l'intervention en cause d'appel de Me [R], en sa qualité de mandataire judiciaire de l'ADAPAH, et de la SELARL [6], en sa qualité d'administrateur judiciaire de l'ADAPAH ;
Déclare irrecevable la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne sur les conséquences financières liées à la majoration maximale des indemnités et leur évolution en fonction du taux d'IPP retenu en cas d'aggravation de l'état de santé de Mme [T] ;
Infirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Chaumont du 7 juin 2022 en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de contre-expertise de l'ADAPAH, fixé à 5 000 euros le montant du préjudice subi au titre des souffrances morales et physiques, condamné l'ADAPAH à verser 2 000 euros à Mme [T] au titre des frais irrépétibles, et condamné l'ADAPAH à supporter les dépens de l'instance ainsi que les frais d'expertise.
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;
Fixe l'indemnisation des autres préjudices personnels de Mme [T] comme suit :
- 17 387 euros au titre du déficit temporaire total et partiel,
- 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
- 24 515 euros au titre de l'assistance de tierce personne ;
- 3 000 euros au titre du préjudice esthétique définitif ;
Rejette les demandes de Mme [T] au titre au titre des frais d'adaptation du logement et du préjudice sexuel ;
Dit que l'ensemble des sommes dues à Mme [T] au titre de ces préjudices ainsi que des préjudices liés aux souffrances morales et physiques, totalisant 53 902 euros, seront versées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne ;
Fixe au passif de la procédure collective de l'ADAPAH la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne à la somme de 53 902 euros au titre des préjudices ainsi fixés, outre le coût de l'expertise judiciaire dont elle aura fait l'avance, qu'elle récupérera auprès de l'employeur, en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Y ajoutant,
Les dispositions de première instance relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
Condamne Me [R] es qualité de mandataire judiciaire de l'ADAPAH à verser la somme de 1 000 euros à Mme [T] en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en appel.
Condamne Me [R] es qualité de mandataire judiciaire de l'ADAPAH aux dépens d'appel.
La Greffière Le Président
Juliette GUILLOTIN Fabienne RAYON