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Décisions

CA Angers, ch. civ. A, 1 avril 2025, n° 21/01239

ANGERS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Domofinance (SA), LTE (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Muller

Conseillers :

Mme Gandais, M. Wolff

Avocats :

Me Orsini, SCP Proxim Avocats

T. prox. La Flèche, du 22 avr. 2021, n° …

22 avril 2021

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Le 23 mai 2018, M. [L] a, aux termes d'un bon de commande n°26509, conclu avec la SAS LTE (ci-après le vendeur) hors établissement un contrat (ci-après le contrat principal) portant notamment sur la fourniture et la pose d'une centrale photovoltaïque en auto-consommation avec revente du surplus.

Le même jour, M. [L] et son épouse Mme [D] (ci-après M. et Mme [L] ou les clients) ont souscrit auprès de la SA Domofinance (la banque) un crédit affecté à cette opération (le contrat de crédit) d'un montant de 27 000 euros.

Afin d'obtenir l'annulation ou la résolution du contrat principal et du contrat de crédit, les clients ont fait assigner devant le tribunal de proximité de la Flèche le vendeur et la banque par actes d'huissier en date des 3 et 18 août 2020.

Par jugement en date du 22 avril 2021, le tribunal a :

- déclaré la présente action recevable ;

- débouté M. et Mme [L] de l'ensemble de leurs demandes ;

- débouté la SAS LTE de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- rappelé que l'exécution provisoire s'exerce de plein droit ;

- condamné in solidum M. et Mme [L] à payer à la SAS LTE et la SA Domofinance, chacune, une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. et Mme [L] aux dépens de l'instance.

Pour rejeter la demande de nullité du contrat principal pour non-respect des dispositions du code de la consommation, le premier juge a considéré que :

- s'agissant des caractéristiques essentielles du bien vendu, le bon de commande comporte de manière claire la désignation des matériels fournis, notamment la nature, la puissance et les caractéristiques de la centrale auto-consommation, le détail des éléments du kit équipant la centrale et la quantité de LED, avec un dessin de tous ces éléments, et la loi n'exige pas que la marque soit indiquée ;

- s'agissant du prix, la loi n'exige pas un coût détaillé élément par élément, a fortiori pour un kit, et le prix global est mentionné dans la partie 'Conditions de règlement' ; en outre, M. [L] a, en toute connaissance de cause puisque la rubrique relative au tarif de chaque élément n'était pas complétée, confirmé le bon de commande en laissant les opérations d'installation se réaliser, en se servant de l'installation depuis plus de deux ans, en réglant le crédit jusqu'en janvier 2021, en signant une attestation de réalisation des prestations sans réserve et en bénéficiant d'avantages fiscaux ;

- s'agissant du délai de livraison ou d'exécution de service, en premier lieu, des délais de livraisons sont inscrits à divers endroits du contrat, à savoir sous les engagements de la société où il est prévu un délai de deux à douze semaines, sachant que les travaux peuvent débuter après le délai de rétractation de 14 jours susceptible d'être raccourci à la demande du client, et au dos du contrat où il est indiqué que les délais donnés ne sont qu'indicatifs et ne peuvent dépasser 200 jours ; en second lieu, l'installation s'est terminée dans un délai inférieur à 12 semaines puisque M. [L] a signé une demande de déblocage des fonds après réception sans réserve le 15 juin 2018 et la mise en service a eu lieu le 27 août 2018, soit moins de 200 jours après la signature du contrat, alors qu'il savait qu'elle dépendait d'éléments extérieurs liés au contrat souscrit auprès de la société d'électricité et à l'obtention des autorisations administratives ; en troisième lieu, le service a été exécuté, aucune pièce ne démontrant que les leds n'ont pas été installés du fait du vendeur ; en quatrième lieu, M. [L] ne pouvait ignorer que la rubrique 'Délai de livraison' en haut du contrat sous ses coordonnées n'était pas complétée ; en dernier lieu, son argumentation confuse présentée a posteriori sur de prétendues éligibilités 'techniques', terme absent du contrat, est sans incidence sur les délais contractuels qui les incluent nécessairement et M. [L] a là aussi, en toute connaissance de cause, confirmé le bon de commande ;

- s'agissant du droit de rétractation, le bon de commande mentionne l'existence du droit de rétractation de 14 jours, bien qu'il se fonde sur des textes qui ne sont plus en vigueur mais codifiés à droit constant, et un modèle de bordereau de rétractation facilement détachable était joint ; de plus, aucun élément ne vient démontrer que M. [L] a manifesté dans ce délai son intention de se rétracter et, après avoir accepté sans réserve puis utilisé pendant plus de deux ans l'installation, il n'a demandé la nullité du contrat qu'à partir du 3 juillet 2019, soit au-delà d'une possible prorogation du délai d'un an prévu (sic) par l'article L. 221-20 du code de la consommation ; enfin, la déclaration préalable du 30 mai 2018 adressée par le vendeur à la mairie était conforme à l'article L. 221-10 du code de la consommation car elle ne concerne ni un paiement ni une contrepartie prohibée par ce texte, n'était pas destinée au consommateur, n'a abouti à un avis favorable du maire que le 8 juin 2008, soit postérieurement au délai de rétractation, et a été faite en vertu du mandat de représentation signé par le client au profit du vendeur pour l'accomplissement des démarches administratives ; enfin, l'article L. 221-25 du code de la consommation n'a pas vocation à s'appliquer à des contrats autres que ceux portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité et l'argumentation relative à la prétendue condition suspensive et au point de départ du délai de rétractation est sans objet et peu claire ;

- s'agissant du recours au médiateur, les clients n'ont jamais eu l'intention de recourir à un médiateur, ce en toute connaissance de cause, et ont décidé de rompre directement leurs engagements tout en continuant, de manière contradictoire voire inexplicable, à se servir de l'installation et à régler le crédit.

Suivant déclaration en date du 21 mai 2021, les clients, à qui ce jugement a été signifié le 30 avril 2021, en ont relevé appel en ce qu'il les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes, condamnés in solidum au paiement de sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnés aux dépens, intimant le vendeur et la banque.

Le vendeur, cité à personne habilitée le 2 août 2021 puis en l'étude de l'huissier le 23 septembre 2021 par actes contenant dénonce de la déclaration d'appel, des conclusions et pièces des appelants, n'a pas constitué avocat.

Une procédure de liquidation judiciaire ayant été ouverte le 21 décembre 2021 à son égard, son liquidateur, Me [O], a été appelé à la cause par les appelants selon assignation en intervention forcée en date du 27 juin 2022 ; citée à domicile, Me [O] n'a pas non plus constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 6 novembre 2024.

PRETENTIONS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions en date des :

- 2 juillet pour les appelants, signifiées le 23 août 2024 au liquidateur du vendeur,

- 6 juillet 2022 pour la banque, signifiées le lendemain au liquidateur du vendeur,

qui peuvent se résumer comme suit.

M. et Mme [L] demandent à la cour :

de les recevoir en leur appel, ainsi qu'en l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, déclarés fondés ; y faisant droit ;

d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes ;

a rappelé que l'exécution s'exerce de plein droit ;

les a condamnés à payer à la SAS LTE et à la SA Domofinance, chacune, une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

les a condamnés aux entiers dépens.

de les décharger de toutes les condamnations prononcées contre eux ;

de prononcer la jonction de la procédure enregistrée sous le N° RG 21/01239 avec celle qui a été engagée à leur requête à l'égard de Me [O], en sa qualité de mandataire judiciaire de la SAS LTE ;

à titre principal :

de juger que le bon de commande que la SAS LTE a fait signer à M. [L] est irrégulier, en application des dispositions des articles L. 221-5 et suivants, L. 111-1, R. 222-1 et suivants du code de la consommation ;

en conséquence, de prononcer la nullité du contrat de vente et de prestations de services y afférent ;

de fixer leur créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS LTE à hauteur de 27 000 euros, correspondant au prix de vente ;

à titre subsidiaire :

de juger que la SAS LTE a engagé sa responsabilité civile contractuelle ayant manqué à ses obligations contractuelles ;

en conséquence, de prononcer la résolution du contrat de vente et de prestation de services ;

de fixer leur créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS LTE à hauteur de 27 000 euros, correspondant au prix de vente ;

en tout état de cause :

de juger que la nullité et, en tout cas, la résolution du contrat de vente et de prestations de services provoque également la nullité et, en tout cas, la résolution du contrat de crédit affecté ;

en conséquence, de prononcer, la nullité du contrat de crédit affecté et, en tout cas, la résolution, en raison de la nullité du contrat de vente et, en tout cas, de sa résolution ;

de juger que la SA Domofinance a commis des fautes dans la remise des fonds et dans la commercialisation du crédit ;

en conséquence, de juger que la SA Domofinance ne pourra pas se prévaloir des effets de la nullité et, en tout cas, de la résolution du crédit affecté à leur égard en raison des fautes qu'elle a commises et des préjudices qu'elle leur a occasionnés ;

de juger que la SA Domofinance sera privée de sa créance de restitution et, conséquemment, la priver de cette créance ;

de condamner la SA Domofinance à leur rembourser le montant total des échéances qu'ils lui ont remboursées jusqu'au jour de la décision à intervenir ;

de condamner in solidum la SA Domofinance et Me [O], en qualité de mandataire liquidateur de la SAS LTE, à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

de condamner in solidum la SA Domofinance et Me [O], en qualité de mandataire liquidateur de la SAS LTE, aux dépens de première instance et d'appel.

La société Domofinance demande à la cour :

de confirmer en toutes ses dispositions le jugement pris par le tribunal de proximité de la Flèche le 22 avril 2021 ;

en cas de réformation du jugement,

à titre principal,

de juger n'y avoir lieu à nullité ou à résolution du contrat principal conclu le 23 mai 2018 entre la société LTE et M. [L] ;

de juger n'y avoir lieu à nullité ou à résolution du contrat de crédit conclu le 23 mai 2018 entre elle et M. et Mme [L] ;

de débouter M. et Mme [L] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

à titre subsidiaire, en cas de nullité ou de résolution des contrats,

de juger qu'elle n'a commis aucune faute dans le déblocage des fonds ;

de juger que M. et Mme [L] ne justifient d'aucun préjudice certain, direct et personnel qui résulterait directement d'une éventuelle faute de sa part ;

de condamner solidairement M. et Mme [L] à lui payer la somme de 27 000 euros au titre de l'obligation pour les emprunteurs de restituer le capital prêté diminué des remboursements effectués, et juger que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision ;

en conséquence, de débouter M. et Mme [L] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

de condamner la société LTE à lui payer la somme de 27 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

à titre plus subsidiaire, en cas de faute du prêteur et de préjudice des emprunteurs,

de condamner solidairement M. et Mme [L] à lui payer la somme de 27 000 euros au titre de l'obligation pour les emprunteurs de restituer le capital prêté diminué des remboursements effectués, et juger que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision ;

de condamner la société LTE à lui payer la somme de 27 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

de juger que le préjudice subi par M. et Mme [L] s'analyse comme une perte de chance de ne pas contracter, dont la probabilité est de l'ordre de 5 %, soit la somme maximum de 1 350 euros ;

d'ordonner la compensation entre les sommes mises à la charge de chacune des parties ;

à titre encore plus subsidiaire, en cas de débouté du prêteur de son droit à restitution du capital,

de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société LTE à la somme de 27 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

en toutes hypothèses :

de débouter M. et Mme [L] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

de juger que les éventuelles condamnations prononcées le seront en deniers et quittances ;

à titre principal, de condamner in solidum M. et Mme [L] à lui payer la somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel et aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Delahaie conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

à titre subsidiaire, de fixer sa créance au passif de la liquidation de la société LTE à la somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel et aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Delahaie conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, la cour relève que la demande de jonction formulée par les clients apparaît sans objet puisque l'assignation en intervention forcée du liquidateur judiciaire du vendeur a été enregistrée sous le numéro de recours de l'affaire principale, et non sous un numéro distinct.

Sur la nullité du contrat pour non-respect des dispositions du code de la consommation

Le contrat principal ayant été conclu le 23 mai 2018, les dispositions du code de la consommation applicables à ce contrat sont celles issues de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.

En droit, les articles L. 111-1, L. 221-5, L. 221-9 et L. 242-1 du code de la consommation en leurs versions applicables disposent notamment que :

'Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;

(...)

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.'

'Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;'

'Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.

(...)

Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.'

'Les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.'

Moyens des parties

Les clients soutiennent que :

- le bon de commande ne fait pas état des caractéristiques essentielles des biens et prestations de services car il n'y a aucune mention de la marque, du modèle et des références de la centrale auto-consommation, ni de ses caractéristiques techniques, il en va de même pour l'onduleur, la batterie de stockage et l'optimiseur et, s'agissant des leds, leur puissance et leur quantité exacte n'ont pas été indiquées, alors que ces caractéristiques doivent figurer sur le bon de commande, et non sur une plaquette commerciale sans valeur contractuelle ;

- le bon de commande qui ne concerne nullement un kit ne fait pas état du prix de vente global, mais seulement du montant du crédit dans le paragraphe « Conditions de règlement », et n'indique pas davantage le prix de chaque matériel, comme cela aurait dû être le cas aux emplacements prévus à cet effet dans le bon de commande, ni le coût horaire de la main d''uvre, de sorte qu'ils ont été privés de la possibilité de comparer les prix du matériel et de la prestation avec ceux d'autres fournisseurs ;

- M. [L] n'a pas non plus été informé de la date et du délai de livraison de l'installation photovoltaïque et des leds car la mention « délai de livraison » insérée en-dessous de la mention « adresse de livraison » n'a pas été remplie par le vendeur, tandis que la mention d'un délai « de deux à douze semaines » n'a pas de sens, les travaux ne pouvant débuter deux semaines après la signature du contrat compte tenu du délai de rétractation de 14 jours, et ne concerne d'ailleurs que la centrale auto-consommation ; en tout état de cause, il est stipulé aux conditions générales que le délai de livraison est donné à titre indicatif et ne peut dépasser une limite de 200 jours, ce qui est imprécis mais aussi abusif en ce que cette clause laisse le délai à la libre appréciation du vendeur ; ceci est d'autant plus vrai que le vendeur a soumis l'exécution du contrat à la condition de l'acceptation du dossier par ses services administratifs et techniques en apposant la mention 'sous réserve d'éligibilité du dossier - viable - équilibré ; auquel cas caduc' ; M. [L] ignorait donc la date à laquelle les travaux allaient débuter, la date à laquelle ils s'achèveraient et la date à laquelle l'installation serait mise en service ; toute référence à l'article L. 216-1 du code de consommation est inopérante puisqu'il est dérogé à ce texte pour les contrats conclus hors établissement ;

- M. [L] n'a pas non plus été informé de la possibilité de recourir au médiateur de la consommation en cas de litige entre les parties au contrat, l'absence de cette mention étant une cause de nullité du contrat, et n'a donc pu renoncer à ce droit dont il n'a pas été informé ;

- enfin, M. [L] n'a pas été informé des conditions ni du délai ni des modalités d'exercice de son droit de rétractation ; en effet, seules auraient dû être visées les dispositions des articles L. 221-5 et suivants et R. 221-1 et suivants du code de la consommation applicables au jour de la signature du bon de commande, alors qu'ont été visées aux conditions générales de vente les dispositions des articles L. 121-17 et suivants de l'ancien code de la consommation et dans le formulaire de rétractation celles des articles L. 121-21 à L. 121-26, ces textes prévoyant un délai de rétractation de sept jours, et non quatorze, et le vendeur ayant modifié leurs termes lorsqu'il les a reproduits au contrat ; par ces informations contradictoires erronées, le vendeur a fait croire à M. [L] que le délai dont il disposait pour se rétracter était de sept jours, d'autant qu'il a, dès le huitième jour, déposé à la mairie la déclaration préalable de travaux en violation de l'article L. 221-25 du code de la consommation ; en tout état de cause, le formulaire de rétraction inséré au bon de commande ne correspond pas au formulaire type de rétractation annexé à l'article R 221-1 du code de la consommation et, au surplus, n'était pas facilement détachable pour un consommateur profane car son découpage pour l'utiliser aurait amputé une partie essentielle du corps du contrat en faisant disparaitre les articles du code de la consommation et la mention 'Conditions d'annulation : Compléter et signer ce formulaire' et privé ainsi M. [L] de la preuve de son engagement contractuel avec le vendeur.

La banque soutient que :

- les caractéristiques essentielles, constituées de la puissance de l'installation, et de la nature des biens livrés figurent au bon de commande qui n'a pas à mentionner la marque des panneaux, ni le rendement de l'installation ; en outre, une brochure détaillant sur plusieurs pages ces caractéristiques a été remise aux consommateurs ; quoi qu'il en soit, M. [L] a, par l'apposition de sa signature en dessous de cette mention, reconnu avoir pris connaissance des conditions générales de vente figurant au dos du bon de commande dont il a reçu un exemplaire, donc du bilan énergétique comme indiqué aux conditions générales de vente ;

- aucun texte n'imposant de mentionner le prix unitaire de chaque composant de l'installation ni le prix de la main d'oeuvre, seul le prix global est exigé ; le contrat est conforme aux dispositions du code de la consommation dès lors qu'il précise que le prix de la centrale auto-consommation est de 18 700 euros, celui de la batterie de 1 300 euros et celui de l'optimiseur de 7 000 euros et que le montant du crédit est de 27 000 euros ;

- la mention du délai de livraison ou d'exécution de la prestation est présente sur le contrat principal qui indique un délai « de deux à douze semaines » et précise, au sein des conditions générales, que la livraison s'entend de la remise du matériel et son installation au domicile de l'acheteur, à l'exclusion des travaux de raccordement au réseau électrique et que le délai de livraison est donné à titre indicatif ; en toutes hypothèses, l'éventuelle absence du délai d'exécution n'entraîne pas la nullité du contrat et oblige seulement le vendeur à s'exécuter dans le mois de la signature du bon de commande selon l'article L. 216-1, alinéa 2, du code de la consommation, ce qu'il a fait ;

- le bon de commande ayant été signé le 23 mai 2018 et l'attestation de fin de travaux le 15 juin 2018, il s'est donc passé un laps de temps de 20 jours ouvrables, de sorte que le vendeur ne s'est aucunement exécuté avant la fin du délai de rétractation ; s'agissant du bordereau de rétractation, le code de la consommation exige seulement qu'il soit facilement détachable, ce qui est le cas, et le fait que son utilisation ampute partiellement le contrat ne le rend pas irrégulier, d'autant que son utilisation éventuelle par le consommateur a pour conséquence l'anéantissement pur et simple du contrat ; au surplus, il s'agit d'un argument de pure opportunité, les clients ne justifant aucunement avoir souhaité exercer leur droit de rétractation ;

- concernant la possibilité de recourir au médiateur du droit de la consommation, il s'agit là aussi d'un argument de pure opportunité puisque les clients ne démontrent pas leur intention de recourir à ce médiateur.

Sur ce, la cour :

En application des articles L. 111-1, L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation le contrat conclu hors établissement est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5 et comprend, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

- Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou du service concerné ;

- Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;

- En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

- La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI ;

- Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

Aux termes de l'article L. 242-1 du même code, ces dispositions d'ordre public selon l'article L. 111-8 sont prévues à peine de nullité du contrat, et ce, indépendamment de toute considération sur la bonne ou mauvaise foi du consommateur.

En l'espèce, le bon de commande litigieux versé aux débats fait état des éléments suivants :

- La société LTE s'engage à accomplir toutes les démarches administratives relatives à votre dossier, à savoir : déclaration préalable à la mairie / obtention de l'attestation Consuel / démarches réseaux,

- Délais de livraison : de deux à douze semaines,

- Centrale auto-consommation avec revente surplus :

modules photovoltaïques certifiés CE

nombre de modules : 14

puissance unitaire du module : 300 Wc

total puissance : 4.200 Wc,

comprenant :

kit d'intégration

coffret protection

disjoncteur

parafoudre

onduleur

mise à la terre des générateurs (norme NF 15-10),

- Batterie stockage,

- Optimiseur My Light Systeme,

- Led : quantité : 30-40,

- Conditions de règlement :

montant total du matériel : ' (non renseigné)

montant total main-d'oeuvre : ' (non renseigné)

montant au comptant : 0 '

acompte : 0 '

solde à l'installation : 0 '

si financement, établissement prêteur : Domofinance

montant du crédit : 27 000 '.

Il ressort du bon de commande que plusieurs biens commandés ne sont pas identifiables. En effet, s'agissant des panneaux photovoltaïques, le bon de commande ne précise pas la marque alors qu'elle constitue une caractéristique essentielle, ni le modèle ni les spécificités techniques, hormis la puissance, de sorte que les mentions figurant sur le bon ne permettent pas d'identifier les panneaux photovoltaïques commandés. Les autres matériels commandés ne sont également pas définis et identifiables puisque le bon de commande ne précise pas la marque de l'onduleur, de la batterie de stockage et des leds, seule la marque de l'optimiseur étant précisée. Ainsi, le bon de commande litigieux ne présente pas les caractéristiques essentielles des biens sur lesquels il porte, alors que celles-ci doivent figurer sur le bon de commande lui-même et non sur un document séparé telle qu'une plaquette commerciale ou publicitaire.

Aucune disposition légale ou réglementaire, y compris l'article L. 111-1 ci-dessus repris, n'exige de mention du prix détaillé des différents éléments composant le bien vendu, la seule mention du prix global étant suffisante. Cependant, en l'espèce, le bon de commande ne contient aucune mention relative au prix global de l'opération. En effet, seul le montant du crédit est précisé, à savoir un montant de 27 000 euros. Cette mention relative au montant du crédit ne peut remplacer celles, absentes, relatives au montant total du matériel et au montant total de la main d''uvre permettant de connaître le coût global de l'opération. En outre, lorsque, comme en l'espèce, le contrat de vente porte sur plusieurs biens différents, le prix de chacun d'eux doit être mentionné. Or, contrairement à ce que soutient la banque, il n'est aucunement précisé au bon de commande que le prix de la centrale auto-consommation est de 18 700 euros, celui de la batterie de 1 300 euros et celui de l'optimiseur de 7 000 euros, les rubriques dédiées au tarif du matériel et au tarif de la main d'oeuvre pour chacun de ces biens n'ayant pas été renseignées, tout comme celles qui se rapportent aux leds.

L'ensemble de ces omissions ne permettent pas au consommateur de comparer diverses offres, ni de s'engager en toute connaissance de cause puisqu'il ne dispose pas de toutes les informations.

Par ailleurs, s'agissant du délai dans lequel le professionnel s'engage à livrer le bien ou exécuter le service, le bon de commande indique un délai de livraison de deux à douze semaines et prévoit, dans ses conditions générales de vente, que 'La livraison s'entend par la remise du matériel et son installation au domicile de l'acheteur, à l'exclusion de travaux de raccordement au réseau public d'électricité - ou aux réseaux eploités par des Entreprises Locales de Distribution (E.L.D.). Le délai de livraison figurant au recto du présent contrat est donné à titre indicatif et ne peut dépasser une limite de 200 jours à compter de la prise d'effet du contrat ». Outre l'imprécision du délai figurant au recto du bon de commande quant à son point de départ et le fait qu'il ne s'applique pas à toutes les prestations contractuelles, le délai d'accomplissement des démarches administratives n'étant pas indiqué, son caractère indicatif va à l'encontre des prévisions de l'article L. 111-1 3° en supprimant tout engagement du vendeur à livrer les biens et/ ou services à une date ou un délai précis. Il s'agit d'une cause de nullité du contrat, les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus à distance et hors établissement dérogeant à celles, générales, de l'article L. 216-1, alinéa 2, du même code.

Concernant le formulaire de rétractation, présenté au verso en bas de la 1ère page des conditions générales de vente, il convient de relever, tout d'abord, qu'il fait référence à des dispositions du code de la consommation qui n'existaient plus au moment de la signature du bon de commande, de sorte que les clients ont pu être induits en erreur. L'exercice du droit de rétraction s'est donc trouvé entravé. Par ailleurs, ce formulaire n'est pas conforme au modèle de formulaire de rétractation annexé au code de la consommation exigé par l'article L. 221-5 du code de la consommation. En effet, il contient la formule 'Je soussigné(e), déclare annuler la commande N°' alors que la formule qui doit être utilisée est la suivante 'Je/nous (*) vous notifie/notifions (*) par la présente ma/notre (*) rétractation du contrat portant sur la vente du bien (*)/pour la prestation de services (*)' puisqu'il s'agit d'une rétractation et non d'une annulation. En outre, le formulaire indique que le délai de rétractation court à compter du jour de la commande, alors qu'il est de jurisprudence constante que le contrat ayant pour objet à la fois la fourniture de prestation de services et la livraison de biens doit être qualifié de contrat de vente (Civ 1ère, 12 juillet 2023, n°21-25.671). Tel est le cas en l'espèce puisque le contrat proposé porte sur la livraison de panneaux photovoltaïques et divers biens ainsi que sur une prestation de service d'installation et de mise en service. Conformément à l'article L. 221-18 du code de la consommation, le délai de rétractation court, pour les contrats de vente à compter du jour de la réception des biens commandés. Le consommateur a tout de même la possibilité d'exercer son droit de rétractation à compter du jour de la conclusion du contrat.

Ainsi, en indiquant au sein du formulaire de rétraction des informations erronées, le vendeur n'a pas respecté les dispositions d'ordre public du code de la consommation relatives au droit de rétractation.

Enfin, le bon de commande ne fait aucune mention sur la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation, mention exigée par l'article R. 111-1 du code de la consommation, à peine de nullité du contrat.

Le contrat principal étant affecté de nombreuses irrégularités contraires aux dispositions du code de la consommation, il encourt l'annulation.

Sur la confirmation de l'acte nul

Moyens des parties

Les clients font valoir que les deux conditions cumulatives auxquelle est soumise la confirmation d'un acte nul, à savoir un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice et l'intention de le réparer, ne sont pas réunies. Ils contestent les éléments pris en compte par le tribunal pour considérer que la nullité a été couverte dès lors que, faute d'avoir été informés du délai de rétractation de 14 jours et de son point de départ, ils en ont été privés, que les travaux n'étaient pas terminés à la date de l'attestation de fin de travaux du 15 juin 2018 qui ne fait d'ailleurs état que de pose, et non de mise en service, et qui mentionne 'LED en attente', que la fiche de réception des travaux dont chaque partie produit un exemplaire différent, celui en possession de la banque ayant été rectifié (sur la date du bon de commande) et complété (sur les travaux) pour les besoins de la cause, que le vendeur n'a pas respecté ses engagements financiers en matière d'économies d'énergie ni installé les leds et qu'ils n'ont eu d'autre choix que de laisser commencer les travaux et d'exécuter le contrat de crédit. Ils précisent que la connaissance des vices du contrat s'apprécie au jour de la signature du bon de commande et qu'à cette date, M. [L] ignorait totalement ses droits et les irrégularités commises, la reproduction des dispositions du code de la consommation dans les conditions générales de vente étant insuffisante à cet égard.

La banque soutient que plusieurs éléments traduisent l'exécution volontaire du contrat en connaissance de cause, à savoir l'absence de rétractation dans le délai légal, la prise de possession du bien avec notamment signature d'une attestation de fin de travaux, l'utilisation du bien avec notamment ratification d'un contrat de rachat de l'énergie avec EDF et revente de l'électricité produite, et le règlement des échéances du prêt.

Sur ce, la cour :

Aux termes de l'article 1182 du code civil, l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. La volonté de couvrir les vices affectant une convention peut ainsi être établie par l'exécution volontaire de celle-ci par la partie pouvant invoquer la cause de nullité relative, lorsqu'elle le fait en connaissance du ou des vices.

En l'espèce, si M. [L] a accepté l'exécution du contrat principal et utilisé la centrale photovoltaïque une fois installée, aucun élément ne permet d'affirmer qu'il a eu connaissance des vices affectant le contrat principal. Au contraire, il convient de relever que la facture émise le 15 juin 2018, soit le jour de la signature de la fiche de réception des travaux, n'indique toujours pas la marque des panneaux photovoltaïques et des autres matériels commandés. En outre, il ne peut être reproché à M. [L] de ne pas avoir exercé son droit de rétractation alors qu'il disposait d'informations erronées s'agissant de ce droit. Enfin, il ne peut être considéré que le paiement des échéances du prêt constitue une volonté de couvrir les vices affectant le contrat principal dès lors que ce règlement ne vient pas en exécution du contrat principal mais du contrat de prêt.

Dans ces conditions, le contrat principal n'a pas pu être confirmé.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [L] de l'intégralité de leurs demandes, le contrat principal en date du 23 mai 2018 devant être annulé.

Sur les conséquences de l'annulation du contrat principal

D'une part, conformément aux dispositions des articles L. 311-30 du code de la consommation, le contrat de prêt accessoire à la convention principale doit être annulé de plein droit, la décision de première instance étant infirmée en ce sens.

D'autre part, l'annulation d'un contrat entraîne de plein droit la remise des choses dans l'état où elles se trouvaient avant la souscription du contrat annulé.

L'annulation du contrat principal du 23 mai 2018 implique, en conséquence, des restitutions réciproques. La créance de M. [L] au titre de la restitution du prix de vente de 27 000 euros, régulièrement déclarée à la procédure collective, doit être inscrite au passif du vendeur pour ce montant. Aucune demande n'est présentée au titre des conditions de reprise des matériels par le vendeur en liquidation judiciaire.

Pour sa part, la banque doit restituer l'ensemble des sommes perçues en exécution du contrat de prêt, c'est-à-dire le montant total des échéances mensuelles de 299,79 euros chacune réglées par les clients au jour du présent arrêt, et a droit, sauf faute de sa part, à la restitution du capital emprunté.

Sur la faute de la banque

Moyens des parties

Les clients affirment que la banque se devait de vérifier la régularité et l'exécution de la vente avant la remise des fonds et de faire preuve de prudence et vigilance dans le déblocage des fonds.

Ils indiquent que la banque a commis une faute en débloquant les fonds alors que le contrat de vente ne permettait pas de connaître le matériel ni les prestations de service qu'elle finançait. Ils ajoutent que la banque a débloqué les fonds en présence d'un contrat de crédit incomplet et illisible, les coordonnées et le cachet du vendeur étant absents et la fiche de renseignements et d'explications ne comportant aucune information. Ils soulignent qu'il appartenait à la banque, liée au vendeur par une convention d'agrément autorisant ce dernier à vendre les produits financiers de celle-ci moyennant une rémunération correspondant à un pourcentage du montant du crédit souscrit, de vérifier la régularité du bon de commande avant de remettre les fonds à son mandataire-intermédiaire de crédit. Ils considèrent que la banque a manqué à son obligation en versant les fonds malgré les irrégularités flagrantes du bon de commande et qu'à ce titre, elle doit être privée de sa créance de restitution.

Ils soutiennent qu'il appartenait également à la banque de s'assurer que l'installation était opérationnelle, raccordement compris, avant le déblocage des fonds conformément à l'article L. 312-48 du code de la consommation, ce qu'elle n'a pas fait puisque les fonds ont été débloqués avant la mise en service et alors que les leds n'avaient pas été fournis et installés. Ils soutiennent que les fonds devaient être débloqués après la mise en service, et non après la simple pose du matériel, puisque les travaux de raccordement, s'ils étaient effectués par un tiers, n'étaient pas exclus du financement. Ils précisent qu'ils n'ont jamais signé de procès-verbal de réception ou de fin de travaux attestant de la mise en service de l'installation et de la livraison des leds ni d'appel de fonds ou de demande de financement autorisant la banque à régler le prix au vendeur. De surcroît, ils affirment que l'attestation de fin de travaux et la fiche de réception des travaux ne permettaient pas à la banque de remettre les fonds dès lors que ces documents étaient imprécis et ambigus, d'autant que la fiche de réception des travaux en sa possession est différente de l'exemplaire du vendeur qui ne mentionnait pas le matériel réceptionné et a donc été falsifiée. Ils font également observer que cette fiche n'a été signée que par M. [L], et non par Mme [L], pourtant co-signataire du contrat de crédit et devant donner son consentement au déblocage des fonds pour commencer l'exécution du crédit et le remboursement des mensualités.

Ils ajoutent que la banque n'a pas vérifié avant le déblocage de fonds si l'installation ne présentait pas de désordres et fonctionnait correctement, ce qui n'était pas le cas, la pose des panneaux photovoltaïques en intégration de toiture étant entachée de malfaçons qui remettent en cause sa solidité. Ils considèrent que la banque était en mesure de s'apercevoir de l'inachèvement de la vente et de ses irrégularités, d'une part, en raison de la brièveté du délai entre la signature du bon de commande et la remise des fonds, d'autre part, en réclamant au vendeur le certificat de non-opposition aux travaux, l'attestation de conformité de l'installation électrique, l'attestation du Consuel, le courrier d'Enedis confirmant le raccordement de l'installation, le contrat de rachat du surplus de l'électricité produite et le procès-verbal de réception des travaux sans réserve.

Ils estiment que, du seul fait de la banque, ils sont propriétaires d'une installation qui :

- est affectée de désordres nécessitant des travaux de reprise,

- n'est pas rentable pour ne pas avoir été positionnée en fonction de l'ensoleillement,

- leur a été imposée financièrement car ils n'ont pas eu la possibilité de se rétracter dans le délai légal,

- ne correspond pas à leurs attentes en termes d'économies d'électricité, ni même à l'usage attendu d'un bien semblable.

Ils ajoutent que leur préjudice financier est d'autant plus caractérisé que le vendeur a été placé en liquidation judiciaire, de sorte qu'ils ne récupèreront jamais le prix de vente alors qu'ils auront l'obligation de restituer le matériel au mandataire liquidateur. Ils considèrent que leur préjudice ne constitue pas une perte de chance et que la sanction applicable est la privation de la créance de restitution de la banque, ce qui n'entraînera aucun enrichissement de leur part dès lors qu'ils auront l'obligation de restituer le matériel.

La banque rappelle qu'elle n'est pas le mandataire du vendeur et ne peut être tenue responsable des éventuels agissements fautifs de ce dernier.

Elle estime ne pas avoir commis de faute dans la délivrance des fonds dès lors qu'elle les a remis au vu d'une attestation de l'emprunteur lui demandant d'y procéder. Elle précise ainsi que M. [L] a signé le 15 juin 2018 une fiche de réception des travaux indiquant que la réception est intervenue sans réserve et demandant le déblocage des fonds et qu'elle n'avait pas à effectuer d'autres vérifications, notamment à se déplacer pour s'assurer de la bonne exécution des travaux. Elle ajoute que les clients qui ont réceptionné sans réserve les travaux ne sont plus recevables à soutenir à son détriment que certaines prestations n'ont pas été réalisées. Concernant le raccordement de l'installation, elle précise que le vendeur s'est pas engagé à le réaliser puisque la société Enedis dispose d'un monopole légal pour ce raccordement et que son coût n'est pas inclus dans le montant de la commande, ni financé par le contrat de crédit, mais supporté par le vendeur sur ses deniers personnels. Elle considère que l'attestation de travaux est suffisamment précise puisqu'elle contient les références du dossier de crédit ainsi que l'identité et la signature des parties et renvoie au contrat principal par la désignation des travaux exécutés et le numéro du bon de commande.

Elle affirme qu'il ne lui appartient pas de contrôler la régularité formelle du bon de commande, ni de se prononcer sur l'opportunité de l'opération financée, étant tenue au principe de non-immixtion qui lui interdit de s'immiscer dans les affaires personnelles et les choix de ses clients. Elle indique que la fiche de renseignements en sa possession llui donnait l'ensemble des éléments nécessaires sur le profil des emprunteurs et leur capacité d'emprunt au vu de leurs ressources et de leurs charges.

Elle soutient qu'en tout état de cause, les clients ne justifient d'aucun préjudice certain, direct et personnel qui résulterait d'une éventuelle faute de sa part puisque l'installation est finalisée et fonctionnelle. Elle fait remarquer que, si elle était privée de son droit à restitution, cela aboutirait à ce que les clients bénéficient d'une installation fonctionnelle gratuite. Elle estime donc que, s'il est jugé qu'elle a commis une faute dans le déblocage des fonds, cette faute doit s'analyser en une perte de chance de ne pas contracter et que, le contrat ayant été intégralement exécuté avec une utilisation de l'installation depuis de nombreuses années, la probabilité que les clients ne concluent pas le contrat principal doit être évaluée au maximum à 5 %.

Sur ce, la cour :

Le prêteur qui a versé des fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

Il résulte des éléments versés aux débats que la banque a commis ces deux fautes.

Le contrat principal est affecté de plusieurs causes de nullité visibles pour la banque professionnelle agissant régulièrement dans le cadre de contrats conclus hors établissement, à savoir les informations et dispositions erronées relatives au droit de rétraction, l'absence d'identification des matériels commandés, l'absence de mention du prix total de l'opération, l'absence de délai de livraison précis et l'absence de mention relative au médiateur de la consommation.

Ainsi, en libérant les fonds sans avoir su détecter ces irrégularités pourtant apparentes pour elle, la banque a commis une faute.

Ensuite, la banque soutient avoir délivré les fonds au vu d'une fiche de réception des travaux signée par M. [L] et rédigée comme suit :

'Je soussigné (le client, Nom, Prénom) [L] [X], après avoir procédé à la visite des travaux exécutés, déclare que l'installation (livraison et pose) est terminée ce jour et correspond au bon de commande n°26509 du 23/05/2018

Et aux travaux suivants : Kit auto-consommation.

En conséquence de quoi :

- Je prononce la réception des travaux sans réserve avec effet à la date du 15/06/2018.

- Je demande à Domofinance d'adresser à l'entreprise, le délai légal de rétractation étant expiré, un règlement de 27.000 ' correspondant au financement de cette opération.',

étant relevé que la date du bon de commande comporte une surcharge au niveau du jour.

Les clients produisent, pour leur part, une fiche de réception des travaux signée par M. [L], identique excepté en ce qu'elle mentionne comme date de bon de commande le '20/05/2018', sans surcharge, et ne précise pas les travaux effectués, la ligne correspondante ayant été laissée en blanc, ce qui tend à démontrer que l'exemplaire en possession de la banque a été rectifié et complété après la signature de M. [L], sans qu'il puisse pour autant en être déduit que la banque en a eu connaissance, ni a fortiori qu'elle y a participé.

Les clients produisent également une attestation de fin de travaux signée par M. [L] indiquant :

'Je soussigné Mr [L] [X], demeurant à [Adresse 10] déclare par la présente lettre, que les travaux de pose de modules photovoltaïques, ainsi que d'une solution Mylight, d'une batterie de stockage et de LED, ont bien été réalisés, en bonne et due forme, en date du 15/06/2018 relatif au contrat souscrit avec la société L.T.E.',

suivi de la mention manuscrite 'LED en attente'.

Même si rien n'établit que la banque a eu connaissance de cette attestation de fin de travaux et de la réserve qu'elle comporte concernant les leds, il apparaît qu'elle a libéré les fonds sans certitude de la complète exécution du contrat. En effet, la fiche de réception des travaux en sa possession ne permettait pas de s'assurer de la complète exécution du contrat. La mention 'Kit auto-consommation' y figurant ne se rapporte qu'à une partie des travaux prévus au contrat qui portait également sur la livraison et la pose d'autres éléments tels que l'optimiseur, la batterie de stockage et les leds. La fiche en question n'indique pas si les démarches administratives ont été effectuées par le vendeur, si l'attestation du Consuel a été obtenue et si les démarches réseaux ont été effectuées alors que ces prestations incombaient contractuellement au vendeur. La mise en service de l'installation n'avait d'ailleurs pas eu lieu à la date de l'attestation de fin de travaux, un courrier de la société Enedis en date du 23 août 2018 l'annonçant pour le 27 août 2018. La banque a donc libéré les fonds avant la mise en service de l'installation. Elle ne justifie pas avoir entrepris des diligences particulières auprès des clients ou du vendeur pour s'assurer de la complète exécution du contrat qui n'était pas certaine à la seule lecture de la fiche de réception des travaux. Ainsi, il ne peut qu'être constaté que la banque a commis une faute dans la délivrance des fonds.

S'agissant du préjudice, les clients versent aux débats un compte-rendu de contrôle partiel de l'installation photovoltaïque effectué par un technicien de la société Electron vert qui fait état d'erreurs lors de l'installation des panneaux photovoltaïques en précisant notamment qu'un risque de fuite n'est pas à exclure en raison de la présence de nombreux trous sur la structure GSE, que la notice du montage du système GSE n'a pas été respectée et que l'emplacement des panneaux solaires implique un ombrage non négligeable ayant des répercussions sur le rendement énergétique. Ainsi, en raison des manquements de la banque, le prix a été réglé dans son intégralité au vendeur alors que l'installation ne peut être considérée comme totalement fonctionnelle.

En outre, lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat principal de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal (1re Civ., 10 juillet 2024, pourvoi n° 22-24.754, publié).

Les clients subissent, en conséquence, un préjudice en lien de causalité directe avec la faute de la banque, consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès du vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente du matériel dont ils ne sont plus propriétaires et qu'ils n'ont pas vocation à conserver.

La banque doit donc être privée intégralement de son droit à restitution du capital emprunté.

Sur la demande subsidiaire de dommages et intérêts de la banque à l'encontre du vendeur

Moyens des parties

La banque considère, pour le cas où elle serait déboutée de sa demande de restitution du capital, que l'origine des nullités du contrat principal et du contrat de crédit se trouve dans un agissement fautif du vendeur qui doit donc réparer le préjudice qu'elle subit par sa faute, à savoir l'impossibilité de récupérer les sommes prêtées.

Sur ce, la cour :

En l'espèce, il doit être souligné que l'impossibilité pour la banque d'obtenir restitution du capital emprunté ne résulte pas directement de l'invalidation du bon de commande et du contrat de crédit affecté, laquelle a normalement pour corollaire des restitutions réciproques dans les rapports entre cocontractants, mais de son comportement fautif dans la libération des fonds empruntés et du manquement à son obligation de vérification minimale de la régularité de la convention financée.

Les nombreuses irrégularités affectant le contrat principal proposé par le vendeur auraient dû être détectées par la banque et, si cette dernière n'avait pas débloqué les fonds sans s'assurer de l'exécution complète des prestations commandées, les clients n'auraient pas subi le préjudice dont ils obtiennent réparation par la dispense de restituer le capital emprunté.

Dans ces conditions, la demande subsidiaire de la banque tendant à la fixation de sa créance de dommages et intérêts au passif du vendeur à la somme de 27 000 euros ne peut qu'être rejetée, quand bien même cette créance a été régulièrement déclarée à la procédure collective.

Sur les demandes accessoires

Il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum les clients à payer au vendeur et à la banque, chacun, une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnés aux dépens de l'instance.

Partie perdante, la banque sera seule condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à verser aux clients en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens, une somme fixée à 3 000 euros en considération de l'équité et de la situation respective des parties. En effet, la procédure collective ouverte à l'égard du vendeur interdit de condamner celui-ci ou son liquidateur au paiement de tels frais et dépens et de fixer une créance non déclarée par les clients à ces titres.

Si la banque a, pour sa part, déclaré une créance au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la procédure collective du vendeur, l'équité et la situation respective des parties commandent de ne pas faire droit à sa demande subsidiaire de fixation de cette créance.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme dans les limites de sa saisine le jugement du tribunal de proximité de la Flèche en date du 22 avril 2021 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Annule le bon de commande souscrit le 23 mai 2018 par M. [L] auprès de la société LTE ;

Fixe la créance de M. [L] au passif de la procédure collective de la société LTE à la somme de 27 000 (vingt-sept mille) euros au titre de la restitution du prix de vente ;

Constate la nullité de plein droit du prêt accessoire souscrit le 23 mai 2018 par M. et Mme [L] auprès de la société Domofinance ;

Condamne la société Domofinance à restituer à M. et Mme [L] le montant total des échéances qu'ils ont acquittées au jour du présent arrêt en exécution du contrat de prêt annulé ;

Déboute la société Domofinance de sa demande de restitution du capital emprunté à l'encontre de M. et Mme [L] et de sa demande subsidiaire de dommages et intérêts à l'encontre de la société LTE ;

Rejette l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la SA Domofinance ;

Condamne la société Domofinance à verser à M. et Mme [L] ensemble la somme de 3 000 (trois mille) euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les demandes au même titre, d'une part, de M. et Mme [L] à l'encontre de Me [O] en qualité de mandataire liquidateur de la société LTE, d'autre part, de la société Domofinance ;

Condamne la société Domofinance aux dépens de première instance et d'appel.

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