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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 2 avril 2025, n° 22/10999

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 22/10999

2 avril 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 02 AVRIL 2025

N° 2025 / 087

N° RG 22/10999

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ23Y

SCI DOXEVA

C/

[T] [N]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Sandra JUSTON

Me Alexandra BEAUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de GRASSE en date du 29 Juin 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/01797.

APPELANTE

S.C.I. DOXEVA

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis [Adresse 2] [Localité 1]

représentée par Me Sandra JUSTON, membre de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Thibault POZZO DI BORGO, avocat au barreau de NICE

INTIMÉE

Madame [T] [N]

née le 11 Mars 1940 à [Localité 6], demeurant [Adresse 3] [Adresse 5] [Localité 4]

représentée par Me Alexandra BEAUX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Avril 2025.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Avril 2025, signé par Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère pour le président empêché et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La copropriété l'IMMEUBLE MÉDITERRANÉE sise [Adresse 3] a pour syndic le cabinet EUROPAZUR.

La société civile DOXEVA et Mme [T] [N] sont chacune propriétaire d'un appartement dans cette copropriété, la première au premier étage, la seconde au deuxième étage.

Dénonçant l'installation par Mme [T] [N] d'un store au droit de la façade qui lui causerait des nuisances, la société civile DOXEVA a, par acte d'huissier en date du 8 avril 2021, assigné Mme [T] [N] devant le Tribunal judiciaire de GRASSE aux fins de condamnation.

Par jugement rendu le 29 juin 2022, le Tribunal:

PRONONCE la révocation de l'ordonnance de clôture du 3 mars 2022 et prononce celle-ci à la date du 25 mai 2022 ;

DEBOUTE la société civile DOXEVA de l'intégralité de ses demandes ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la société civile DOXEVA représentée par son gérant en exercice à payer à Mme [T] [N] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la société civile DOXEVA représentée par son gérant en exercice aux entiers dépens de l'instance ;

ORDONNE l'exécution provisoire.

Par déclaration au greffe en date du 13 juillet 2022, la société civile DOXEVA a interjeté appel de cette décision.

Elle sollicite:

JUGER la société DOXEVA recevable et fondée en son appel,

REFORMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de GRASSE en date du 29 juin 2022 en ses entières dispositions,

Statuant à nouveau,

CONDAMNER Mme [N] à retirer le store installé sur la façade de l'immeuble MEDITERRANEE, situé [Adresse 3] à [Localité 4],

JUGER qu'à défaut d'exécution volontaire dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, Mme [N] y sera contrainte par le versement d'une astreinte de 150 euros par jour de retard,

CONDAMNER Mme [N] à verser à la société DOXEVA la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER Mme [N] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris le coût du procès-verbal de constat du 1er octobre 2020 et du procès-verbal de constat du 8 février 2021.

A l'appui de son recours, elle fait valoir:

- que lors de l'AG du 21 septembre 2017, Mme [N] a été autorisée à installer un store sous conditions, notamment qu'aucune nuisance ne provienne de l'installation et ne provoque une gêne aux appartements voisins, que les services administratifs donnent leur accord (ce qui n'est pas le cas)

- qu'en septembre 2018, Mme [N] a installé un store, qui du fait de la transformation de sa terrasse en véranda, se projette non sur cette terrasse mais au dessus des parties communes privant l'appartement du dessous dont elle est propriétaire de lumière et de soleil,

- qu'en outre ce store porte atteinte à l'aspect extérieur de l'immeuble, en infraction au règlement de copropriété qui rappelle que chaque copropriétaire peut jouir de ses parties privatives à la condition de ne pas nuire aux droits des autres copropriétaires,

- que tout ceci a été constaté par des procès verbaux d'huissier des 1er octobre 2020 et 8 février 2021, et résulte des nombreuses attestations versées aux débats,

- que ce store génère un préjudice de jouissance, un trouble du voisinage mais également une dépréciation de la valeur du bien,

- que la perte d'ensoleillement est causé par le store et pas par la végétation comme l'a retenu le tribunal.

Mme [N] conclut:

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

débouter la société DOXEVA des fins de son appel,

Condamner la société DOXEVA à verser à Mme [N] la somme de 2500' au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient:

- qu'elle a été autorisé par l'AG du 21 septembre 2017 à effectuer des travaux privatifs consistant en l'installation d'un store, installé en septembre 2018, sans nécessité d'autorisation administrative,

- que cette décision de l'AG est définitive,

- que l'appelante se prévaut d'un trouble anormal de voisinage et d'une atteinte à la jouissance paisible, mais ces demandes s'inscrivent en contravention avec les décisions rendues par l'AG,

- que l'appelante a acquis son bien en 2018 et qu'il faudra attendre l'été 2020 pour qu'elle allègue de prétendus troubles,

- que ses tardives attestations manifestement de circonstances n'établissent pas davantage le trouble anormal de voisinage invoqué,

- qu'à partir du moment où la modification prétendue à l'aspect extérieur de l'immeuble a été autorisée en AG à la majorité requise, ce qui est le cas en l'espèce, il ne saurait être revenu sur cette autorisation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande principale

Sur le trouble anormal de voisinage

Il résulte de l'article 1240 du code civil que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le droit du propriétaire de jouir de sa chose est absolu, sauf usage prohibé par les lois et règlements, pour autant le propriétaire qui est à l'origine d'un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte.

L'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Pour rapporter la preuve du trouble anormal de voisinage qu'elle allègue et qui consiste en une privation d'ensoleillement de son appartement par le déploiement du store de l'appartement de l'intimée, l'appelante verse aux débats deux constats d'huissier du 1er octobre 2020 et du 8 février 2021, qui ne sont constitués que de photographies, insucceptibles comme l'a retenu le premier juge, de rendre compte d'une véritable et anormale perte de luminosité de l'appartement de l'appelante, ayant été prises en automne et en hiver avec un ensoleillement spécifique à ces saisons, à un moment précis de la journée et dans un environnement marqué par la présence d'une végétation haute et importante, également susceptible de réduire l'exposition à la lumière.

Les cinq attestations versées aux débats, toutes datées du 4 avril 2022, qui se contentent de relater une baisse de luminosité et d'ensoleillement suite au déploiement du store de la voisine de l'appartement du dessus, n'établissent pas davantage le caractère anormal du trouble du voisinage allégué.

Ce caractère anormal ne saurait résulter d'un avis de valeur établi le 12 juillet 2021 par un agent immobilier à la demande de l'appelante, qui n'a pu, par une unique visite, apprécier valablement de ce caractère anormal qu'il relate.

En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté tout trouble anormal du voisinage.

Sur la dénaturation de l'harmonie de l'immeuble

Il résulte de l'article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965 que ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant :

b)l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci.

Ainsi, si tant est qu'il puisse être retenu que l'installation d'un store par la seule copropriétaire Mme [N] puisse porter atteinte à l'aspect extérieur de l'immeuble, ce qui n'est nullement établi, cette atteinte peut être autorisée en assemblée générale avec la majorité requise, ce qui est le cas en l'espèce.

En outre, il ne peut sérieusement être soutenu que l'ombre porté par ce store sur la voie d'accès, dont il n'est pas établi qu'elle soit commune, constitue une emprise sur une partie commune de cet immeuble.

Aussi, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la société DOXEVA de l'intégralité de ses demandes.

Sur les autres demandes

La société DOXEVA est condamnée à 2 500' au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 juin 2022 par le Tribunal judiciaire de GRASSE,

Y ajoutant

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la société civile DOXEVA à régler à Mme [N] la somme de 2500' sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile,

CONDAMNE la société civile DOXEVA aux entiers dépens de l'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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