CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 2 avril 2025, n° 19/02390
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Société d'exploitation résidence de tourisme (SAS)
Défendeur :
Bevi (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Coulange
Conseillers :
Mme Robin-Karrer, M. Patriarche
Avocats :
Me Cherfils, Me Prevost, Me Dupouy
***
La SOCIETE D'EXPLOITATION RESIDENCE DE TOURISME [Localité 4] dite SERTLC exploite la résidence de tourisme [Adresse 5] aux termes de plusieurs baux commerciaux conclus avec des investisseurs ayant réalisé une opération d'optimisation fiscale.
Ainsi, par acte sous seing privé en date du 28 juin 2006, la société BEVI a donné à bail commercial à la société MADEO EXPLOITATION aux droits de laquelle se trouve la société SOCIETE D'EXPLOITATION RESIDENCE DE TOURISME [Localité 4] dite SERTLC, un appartement de type T2 meublé et un parking, situé dans la résidence de tourisme classée trois étoiles [Adresse 1] à [Localité 4], pour une durée de neuf ans et deux mois, à compter du 23 mai 2006, destiné à la sous location meublée, moyennant un loyer annuel de 6.940 ' HT soit de 7.321,70 ' TTC.
Le bail s'est ensuite poursuivi par tacite prolongation.
Le 28 septembre 2015, la société SERTLC a signifié à la société BEVI une demande de renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2015 mais en demandant que le loyer soit dorénavant fixé à un montant annuel de 4.200 ' HT.
Le 23 décembre 2015, la société BEVI a signifié à la société SERTLC son acceptation du renouvellement du bail mais a demandé que le loyer soit fixé conformément au bail précédemment conclu soit à 8.448 ' par an.
Par acte d'huissier délivré le 7 avril 2016, la société BEVI a assigné à jour fixe, après y avoir été autorisée par ordonnance sur requête en date du 17 mars 2016, la société SERTLC devant le tribunal de grande instance de Marseille, au principal en résiliation du bail commercial aux torts exclusifs de la société SERTLC pour non respect de manière grave et répétée de son obligation de paiement et subsidiairement en expertise pour l'évaluation du loyer renouvelé à la date du 1er octobre 2015.
Considérant que le bailleur ayant accepté le renouvellement du bail commercial, peut demander la résiliation du bail renouvelé en invoquant des manquements antérieurs dès lors que ces derniers se poursuivent sous l'empire du nouveau bail et que le loyer du bail renouvelé doit être fixé au montant du loyer conventionnel tel que prévu avec ses révisions contractuelles alors que la société SERTLC n'apporte aucun élément aux débats pour justifier un autre prix, par jugement rendu le 28 juin 2016, le Tribunal:
Prononce la résiliation du bail commercial intervenu entre la société BEVI et la société SERTLC portant sur la location d'un appartement et d'un parking, situé dans la résidence'[Adresse 5] à [Localité 4], au torts de la société SERTLC, à la date du présent jugement soit à la date du 28 juin 2016 ;
Ordonne l'expulsion de la société SERTLC et de tous occupants de son chef des lieux loués, avec l'assistance de la force publique si besoin est ;
Fixe le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2015 jusqu'au 7 avril 2016 au montant du bail expiré ;
Condamné la société SERTLC à payer a la société BEVI :
* la somme de 703,99 ' représentant le loyer du mois de mars 2016, en deniers ou quittances ;
* le coût du commandement de payer délivré le 10 juin 2015 et les frais d'huissier engendrés par ce commandement soit 222,98 ' ;
Condamné la société SERTLC à payer à la société BEVI une indemnité d'occupation des lieux égale au montant du loyer qu'elle aurait dû payer si le bail n'avait été résilié jusqu`à son départ des lieux ;
Condamne la société SERTLC à payer à la société BEVI la somme de 1.500 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne l'exécution provisoire du jugement ;
Condamné la société SERTLC aux dépens dont distraction au profit de Maître Yann PREVOST, avocat.
Par déclaration au greffe en date du 8 juillet 2016, la SERTLC a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 12 octobre 2017, la présente cour :
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille en date du 28 juin 2016 en toutes ses dispositions sauf à préciser que le loyer du mois d'avril 2016 est également dû.
Condamne la société SERTLC à verser à la société Bevi la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.
Dit que les dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit des avocats de la cause en application de l'article 699 du code de procédure civile, seront mis à la charge de la société
SERTLC.
La société SERTLC a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Retenant que pour fixer le montant du loyer du bail renouvelé, l`arrêt dit que le loyer du bail renouvelé doit être fixé au montant conventionnel tel que prévu avec ses révisions contractuelles, dès lors que la société SERTLC n'apporte aucun élément aux débats pour justifier un autre prix et qu'en statuant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, si le loyer du bail renouvelé correspondait à la valeur locative, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, par arrêt du 29 novembre 2018, la cour de cassation:
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2015 jusqu'au 7 avril 2016, au montant du bail expiré et condamne la societe SERTCL à payer à la société Bevi la somme de 703.99 euros représentant le loyer du mois de mars 2015 en deniers ou quittances, le coût du commandement de payer délivré le 10 juin 2015 et les frais d'huissier engendrés par ce commandement, l'arrêt rendu le 12 octobre 2017, entre les parties par la cour d'appel d'Aix-en-Provence;
remet, en conséquence sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée;
Condamné la société SERTCL aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Une déclaration de saisine du 11 février 2019 était transmise au greffe de la présente cour par la société SERTLC.
Suivant arrêt avant dire droit du 30 janvier 2020, la présente cour a ordonné une expertise avec pour mission de fournir tous les éléments d'appréciation sur la valeur locative des lieux loués.
Le rapport d'expertise était déposé le 16 septembre 2021 et chiffrait la valeur locative à la date du 1er octobre 2015 à la somme de 6 220' HT par an pour les lots de la société BEVI.
La SERTLC sollicite:
Accueillir la concluante en ses moyens, fins et conclusions,
Y faisant droit :
Infirmer le Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE du 28 juin 2016 en ce qu'il a :
- fixé le loyer du bail renouvelé le 1 er octobre 2015 au montant du bail expiré,
- condamné la SERTLC à payer à la société BEVI un loyer mensuel de 703.99 euros,
Statuant à nouveau,
Fixer le loyer du bail renouvelé à la valeur locative à compter du 1 er octobre 2015, soit la somme annuelle HT HC de 6.220,00 euros,
Condamner la Société BEVI à rembourser à la SERTLC la somme de 1.570,19 euros, trop versée au titre du loyer du bail renouvelé et de l'indemnité d'occupation, pour la période du 1 er octobre 2015 au 21 septembre 2016,
Condamner la Société BEVI à payer à la SERTLC la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
La condamner aux entiers dépens en ce compris les honoraires de l'Expert judiciaire pour la somme de 3.647,32 euros, ceux d'appel distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés aux offres de droit.S.T.R.D.A.
A l'appui de son recours, elle fait valoir:
- que le bailleur a récupéré les locaux le 22 septembre 2016,
- que les locaux donné à bail l'ayant été en vue d'une destination exclusive d'exploitation de résidence de tourisme avec une changement de destination commerciale non réalisable sans travaux de réaménagement importants ou d'équipement coûteux, qu'ainsi ils relèvent du régime de la monovalence, de sorte que le loyer du bail renouvelé ne peut donc être plafonné mais doit au contraire être fixé à la valeur locative, ce qui a été retenu par l'arrêt avant dire droit du 30 janvier 2020,
- que le loyer doit être fixé à la valeur locative en application de l'article L145-33 du code de commerce, en l'espèce inférieur au loyer du bail expiré,
- qu'elle a donc payé un trop perçu qui doit lui être restitué.
La société BEVI conclut:
DECLARER recevable mais mal fondé les prétentions de la société SERTLC ;
DEBOUTER la Société SERTLC de ses demandes fins et conclusions ;
A titre principal et Avant dire droit :
ORDONNER un complément d'expertise portant sur la détermination de la valeur locative en fonction de la méthode dite classique de comparaison ou tout autre méthode que la Cour ou l'expert jugera opportune ;
DESIGNER tel expert qu'il plaira à la Cour avec pour mission de :
- compléter le rapport d'expertise judiciaire déposé par Mme [G] [K] ;
- fournir tous les éléments d'appréciation sur la valeur locative des lieux loués au regard des éléments mentionnés aux articles L. 145-33 et R. 145-3 à R. 145-7 du code de commerce ;
FIXER la consignation que la SERTLC devra régler à titre de provision à valoir sur les frais et honoraires de l'expert ;
A titre subsidiaire :
DONNER ACTE à la société BEVI de son accord pour le paiement de la somme de 1.570,19 euros trop versé par la SERTLC pour la période du 1 er octobre 2015 au 21 septembre 2016 ;
En tout état de cause,
DEBOUTER la SERTLC de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la société SERTLC à régler à la SARL BEVI la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
CONDAMNER la société SERTLC aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Yann PREVOST, Avocat aux offres de droit.
Elle soutient:
- que les locaux donné à bail ne sont pas monovalents, en effet ils peuvent être affectés à une autre destination sans travaux importants,
- que l'arrêt avant dire droit n'a pas autorité de la chose jugée sur ce point,
- que l'expert a appliqué la méthode hôtelière inadaptée puisque les locaux ne sont pas monovalents et que l'exploitation d'une résidence de tourisme n'est pas comparable avec l'exploitation d'un hôtel, ce qui a pour conséquence de fixer un loyer très inférieur au loyer contractuellement fixé en 2005,
- que l'expert malgré ses demandes a écarté la méthode par comparaison, ne répondant pas ainsi à sa mission.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 04 février 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
En application de l'article R145-10 du code de commerce, sont monovalents les locaux qui ne peuvent avoir qu'une seule utilisation, en raison de leur construction et qui ne peuvent être affectés à un autre usage sans travaux importants et coûteux.
En l'espèce, les locaux sont composés d'appartement destinés à une location dans une résidence de tourisme.
L'activité de locations meublée constitue strictement la même activité.
En revanche, l'activité hôtelière nécessiterait la création d'aménagements coûteux pour installer des espaces communs aux clients de l'hôtel et leur offrir des services et prestations qui n'existent pas dans une résidence de tourisme.
En outre, une résidence composée d'appartements aménagés en vu d'une location est un établissement spécifique dont la transformation en une activité voisine nécessiterait des travaux considérables.
Enfin, pour bénéficier de l'avantage fiscal élément central de l'opération, il faut louer en résidence de tourisme, de sorte que dans l'esprit des parties ces locaux ont toujours été monovalents.
En conséquence, les locaux donnés à bail à usage de résidence meublée doivent être considérés comme monovalents.
Ainsi, l'expert a appliqué la bonne méthode ce qui exclut tout complément d'expertise dont la SERTLC est déboutée.
Les locaux donnés à bail étant monovalents le loyer du bail renouvelé ne peut être plafonné et doit être fixé à la valeur locative en application de l'article L145-33 du code de commerce, à savoir à la somme de 6 220' HT HC annuel, comme retenu par l'expert judiciaire.
Aussi, la société BEVI est condamnée à rembourser à la SERTLC la somme de 1570,19' trop versée au titre du loyer du bail renouvelé et de l'indemnité d'occupation, pour la période du 1er octobre 2015 au 21 septembre 2016.
Sur les autres demandes
La société BEVI est condamnée aux entiers dépens en ce compris les honoraires de l'expert judiciaire pour la somme de 3 647,32' avec distraction au profit de Me CHERFILS, avocat.
Il n'y a pas lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
CONFIRME le jugement rendu le 28 juin 2016 par le Tribunal de grande instance de MARSEILLE,
SAUF en ce qu'il:
Fixe le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2015 jusqu'au 7 avril 2016 au montant du bail expiré ;
Condamne la société SERTLC à payer à la société BEVI la somme de 703,99 ' représentant le loyer du mois de mars 2016, en deniers ou quittances ;
Statuant à nouveau
FIXE le loyer du bail renouvelé à la valeur locative à compter du 1er octobre 2015, soit la somme annuelle HT HC de 6.220,00 euros, telle que retenue par l'expert judiciaire
CONDAMNE la Société BEVI à rembourser à la SERTLC la somme de 1.570,19 euros, trop versée au titre du loyer du bail renouvelé et de l'indemnité d'occupation, pour la période du 1er octobre 2015 au 21 septembre 2016,
Y ajoutant
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile,
CONDAMNE la société BEVI aux entiers dépens en ce compris les honoraires de l'expert judiciaire pour la somme de 3 647,32' avec distraction au profit de Me CHERFILS, avocat.