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Décisions

CA Rennes, 5e ch., 2 avril 2025, n° 22/03387

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Le Champion

Vice-président :

Mme Parent

Conseiller :

Mme Hauet

Avoué :

SCP Biard & Associes

Avocats :

Me Biard, Me Gaborit, SELARL MGA

TGI Saint-Nazaire, du 8 nov. 2012

8 novembre 2012

Par acte notarié du 26 octobre 1990, Mme [Z] veuve [S], aux droits de laquelle vient Mme [D] [S], a consenti au renouvellement d'un bail commercial au bénéfice de Mme [I] [T] épouse [E], commerçante.

Le bail, qui concerne un local à usage de commerce et d'habitation situé à [Localité 9] [Adresse 2], a été renouvelé le 24 juin 1998 puis le 25 juin 2007.

Lors du renouvellement du 25 juin 2007, les parties n'ont pas trouvé d'accord sur le montant du loyer du bail renouvelé.

Par acte d'huissier en date du 5 février 2010, Mme [I] [T] a fait assigner Mme [D] [S] devant le juge des loyers commerciaux.

Parallèlement, le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire a été saisi d'un litige entre les mêmes parties suite à la délivrance d'un commandement visant la clause résolutoire du bail qui avait été délivré à l'initiative de Mme [D] [S] le 17 décembre 2009.

Par jugement du 8 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire a annulé le commandement du 17 décembre 2009.

Par arrêt du 28 mai 2014, la cour d'appel de Rennes a confirmé que le bail n'était pas résilié par l'effet du commandement du 17 décembre 2009 et a ordonné une expertise sur la nature et l'importance des travaux à réaliser dans les locaux commerciaux.

Après le dépôt du rapport d'expertise, la cour d'appel a, par arrêt du 15 mars 2017, a débouté Mme [D] [S] de sa demande d'exécution de travaux et l'a condamnée à verser à sa locataire la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour trouble de la jouissance.

Par exploit du 15 décembre 2016, Mme [T] a demandé le renouvellement du bail commercial dont le terme était le 24 juin 2016.

Par exploit du 10 mars 2016, Mme [S] a notifié à Mme [T] un congé aux fins de refus de renouvellement excluant toute indemnité d'éviction pour motifs graves et légitimes.

Par jugement du 26 juillet 2018, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire s'est notamment déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire sur la fixation d'une indemnité d'occupation et le paiement de dommages et intérêts sollicités par Mme [S] et a fixé le loyer annuel du 25 juin 2007 au 25 juin 2016 à 4 150,78 euros.

Le dossier a été transmis par le greffe des loyers commerciaux au greffe de la section civile du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire.

En parallèle, par acte d'huissier en date du 5 décembre 2016, Mme [I] [T] a assigné Mme [D] [S] devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire pour contester le bien-fondé du refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes et pour solliciter une indemnité d'éviction.

Les deux affaires ont été jointes.

Par jugement mixte en date du 5 mars 2020, le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire a :

- dit Mme [D] [S] irrecevable à invoquer des motifs graves et légitimes à l'appui d'un refus de renouveler le bail conclu avec Mme [I] [T] venant à expiration le 24 juin 2016, sans indemnité d'éviction,

- dit que le bail est expiré depuis le 25 juin 2016, du fait du refus de renouvellement signifié par Mme [D] [S],

- dit que depuis cette date, Mme [I] [T] est redevable d'une indemnité d'occupation envers Mme [D] [S] fixée au montant de 4 150,78 euros à compter du 25 juin 2007 plus indexation conformément aux dispositions de l'article L.145-34 du code de commerce, l'indemnité étant payable aux mêmes termes et conditions que le bail qui est arrivé à échéance le 24 juin 2016,

- condamné, si besoin, Mme [I] [T] à verser les sommes échues à Mme [D] [S] au titre de l'indemnité d'occupation échue depuis le 25 juin 2016 jusqu'à la date du jugement et depuis jusqu'au versement de l'indemnité d'éviction due par Mme [D] [S] à Mme [I] [T],

- débouté Mme [D] [S] de toute demande d'intérêts sur les sommes dues par Mme [I] [T] au titre de l'indemnité d'occupation depuis l'achèvement du bail jusqu'au jugement,

- débouté Mme [D] [S] de ses plus amples demandes concernant le montant de l'indemnité d'occupation dues par Mme [I] [T],

- débouté Mme [D] [S] de sa demande tendant à voir condamner Mme [I] [T] à quitter les lieux sous un mois et de toute demande subséquente,

- dit que Mme [I] [T] est maintenue dans les lieux aux clauses et conditions du bail conformément aux dispositions de l'article L.145-28 du code de commerce,

- débouté Mme [D] [S] de ses demandes tendant à voir condamner Mme [I] [T] à réaliser des travaux de remise en étant des locaux qui faisaient l'objet du bail arrivé à son terme le 24 juin 2016,

- débouté Mme [D] [S] de sa demande de dommages et intérêts formée contre Mme [I] [T],

- condamné Mme [D] [S] à verser à Mme [I] [T] la somme de 1 487,14 euros au titre du remboursement des sommes versées au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères,

- sursis à statuer sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile et sur le quantum de l'indemnité d'éviction due par Mme [D] [S] à Mme [I] [T],

- ordonné avant-dire droit une expertise aux fins d'évaluer le montant de cette indemnité et a désigné en qualité d'expert M. [J] [H].

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 2 décembre 2020 sur lequel les parties ont conclu.

Par jugement en date du 12 mai 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire a :

- fixé la clôture de l'instruction du dossier au 6 janvier 2022,

- dit que le fonds de commerce de Mme [I] [T] est transférable,

- fixé l'indemnité d'éviction due par Mme [D] [S] à Mme [I] [T] à 32 627,69 euros,

- condamné si besoin Mme [D] [S] à verser cette somme à Mme [I] [T],

- dit que Mme [D] [S] est débitrice de 1 487,14 euros envers Mme [I] [T] en matière de paiement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et l'a condamnée à verser cette somme si besoin,

- dit que Mme [I] [T] est débitrice de 9 096,77 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation restant dus à Mme [D] [S] pour la période du 25 juin 2007 au 24 décembre 2020 et l'a condamnée à verser cette somme si besoin,

- dit qu'il est opéré compensation entre les dettes réciproques des parties,

- condamné Mme [D] [S] aux dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

- dit que l'état des lieux de sortie sera réalisé par un huissier de justice mandaté par Mme [I] [T], Mme [D] [S] étant avisée au moins sept jours à l'avance de la date du constat et de la libération des lieux par Mme [T],

- dit que les frais de constat d'état des lieux de sortie seront partagés par moitié entre les parties,

- condamné Mme [D] [S] à verser à Mme [I] [T] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 31 mai 2022, Mme [I] [T] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 27 janvier 2023, elle demande à la cour d'appel de :

A titre principal,

- réformer le jugement du 12 mai 2022 et dire intransférable le fonds de commerce exploité au [Adresse 2] à [Localité 9],

- dire Mme [D] [S] redevable d'une indemnité d'éviction toutes causes de préjudice confondues d'un montant global de 99 227 euros sur la base des résultats 2019 à 2021 et au besoin l'y condamner,

A titre subsidiaire,

Dans l'hypothèse où la cour d'appel considérerait le fonds de commerce transférable,

- fixer l'indemnité d'éviction à la somme de 32 627,69 euros ou à 34 660,69 euros par référence aux exercices 2019 à 2021 et y condamner Mme [D] [S],

- débouter Mme [D] [S] de son appel incident,

- confirmer pour le surplus :

* la surface pondérée du fonds retenue en première instance,

* le versement d'une indemnité d'occupation telle que fixée par le jugement du 5 mars 2020 jusqu'au paiement effectif de l'indemnité d'éviction et par conséquent son départ des lieux,

* le versement par Mme [D] [S] de la somme de 1 487,14 euros au titre du remboursement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères,

* l'apurement des comptes tel que prévu par le jugement de première instance par le jeu de la compensation entre les créances respectives,

* l'établissement d'un état des lieux de sortie par huissier de justice, les frais étant partagés entre les parties, Mme [D] [S] bénéficiant d'un délai de prévenance de 7 jours avant l'établissement de cet état des lieux,

* la condamnation de Mme [D] [S] aux dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

* la condamnation de Mme [D] [S] au paiement d'une indemnité de

4 000 euros pour la procédure devant le tribunal judiciaire,

- condamner Mme [D] [S] aux dépens en cause d'appel outre le paiement de la somme de 4 500 euros en application de l'article 700 du code

de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel.

Par dernières conclusions notifiées le 25 octobre 2022, Mme [D] [S] demande à la cour d'appel de :

- débouter Mme [I] [T] de son appel principal,

- dire et juger recevable et bien fondé son appel incident,

- ainsi, réformer le jugement du 12 mai 2022 en fixant l'indemnité d'éviction à hauteur de 20 843 euros, au besoin l'y condamner,

- partager par moitié les dépens de première instance entre les parties et ce compris les frais de l'expertise judiciaire,

- dire et juger que chaque partie conserve à sa charge les frais non répétibles exposés en première instance,

- au surplus, confirmer le jugement entrepris,

- dire juger que les parties conserveront à leur charge les frais répétibles et non-répétibles exposés en cause d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour rappelle que la déclaration d'appel de Mme [T] est limitée au caractère transférable du fonds de commerce et au quantum de l'indemnité d'éviction de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner les autres dispositions à l'exception des dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens qui font l'objet d'un appel incident de la part de Mme [S].

- Sur la transférabilité du fonds de commerce

Mme [T] demande de réformer le jugement entrepris qui a considéré que le fonds de commerce était transférable en s'appuyant sur le rapport d'expertise alors que celui-ci est, selon elle, plus nuancé que ne l'a dit le premier juge.

Elle fait valoir que l'[Adresse 5] de [Localité 9], où se situe le fonds de commerce, est composée de trois secteurs :

- celui allant de la place du marché à la chapelle qui ne comporte que très peu de commerces et qui sont concentrés dans la zone autour du marché qui est bordée d'habitations. Elle considère que cette zone est distincte de son secteur d'exploitation de vente de prêt-à-porter.

- celui joignant au droit de l'[Adresse 6], la [Adresse 8]. Elle rappelle que son commerce se trouve dans cette portion. Elle décrit cette portion comme comportant des commerces variés et expose qu'à l'approche de la [Adresse 8], les commerces sont consacrés à l'alimentation. Elle ajoute que cette portion connaît une forte progression d'activités de services où les gens se rendent par nécessité et non pour flâner, ce qui réduit, selon elle, la zone dans laquelle un transfert peut s'effectuer et qu'elle entend voir être limitée à 100m aux abords de la [Adresse 8].

- celui qui commence [Adresse 8] pour se terminer près de la gare qui est un secteur quasi-exclusif de restaurants et de bar et qui n'apparaît pas adapté à son activité.

Elle en déduit que la zone de chalandise, qui présente un intérêt pour son activité, représente à peine un tiers de l'avenue, ce qui réduit à cette hauteur les possibilités de transfert de son fonds de commerce à proximité et uniquement dans un secteur débutant un peu après la chapelle pour se terminer 100m avant la [Adresse 8].

Elle critique les trois locaux présentées par la bailleresse au motif qu'ils ne sont pas adaptés à son activité. Elle expose que le seul local libre situé à proximité du secteur, dans une rue parallèle, ne comporte aucune réserve. Elle soutient que l'emplacement du fonds est essentiel en ce que sa clientèle est composée d'une partie d'habitués mais aussi de clients de passage compte tenu de la vocation touristique de [Localité 9].

Elle argue que Mme [S] est défaillante dans la charge de la preuve du caractère transférable du fonds.

Elle répond à Mme [S] qui soutient qu'aucune pièce n'étaye sa situation financière et donc un quelconque empêchement à une réinstallation dans un autre lieu, qu'elle a produit en cours d'expertise les résultats financiers lors de l'expertise outre le dernier bilan 2021. Elle ajoute que ses problèmes de santé compliquent tout financement d'une réinstallation sans connaître au préalable le montant de l'indemnité d'éviction et le moment de son versement.

Enfin, elle invoque le rapport d'expertise qui a considéré que le montant du loyer minimum à débourser pour un local similaire de 220 euros au m2 posait la question de la pérennité de l'entreprise dans le cas d'une augmentation de la charge de loyer et rappelle que le principe indemnitaire du preneur évincé est que la totalité de son préjudice doit être réparé.

Elle demande de considérer que le fonds est non transférable et d'en tirer toutes les conséquences financières sur l'indemnisation principale.

En réponse, Mme [S] rappelle que l'expertise a considéré que le fonds de commerce était supposé transférable et demande de confirmer le jugement qui a retenu ledit caractère transférable du fonds de commerce.

Elle reproche à Mme [T] d'effectuer un découpage artificiel de l'[Adresse 5] en trois secteurs qui seraient distincts et comporteraient un degré de commercialité différent sans étayer ces allégations.

Elle conteste la remise en cause de la commercialité de la place du marché alors que, selon elle, cet emplacement est de premier plan en ce qu'il est situé à quelques centaines de mètres de la place du front de mer et est très fréquenté par les touristes et les locaux en dehors des périodes de marché.

Elle indique ne pas comprendre en quoi la zone comprise au droit de l'[Adresse 6] et de la [Adresse 8] porterait atteinte à l'attractivité du commerce de prêt-à-porter en cas de transfert dans cette zone ou même dans la zone entre la [Adresse 8] et la gare alors même que Mme [T] reconnaît que ce secteur est à forte attractivité commerciale.

Elle rappelle qu'elle avait fourni onze références de locaux commerciaux disponibles dans le même périmètre de chalandise que celui de Mme [T] lors de l'expertise.

Elle conteste le fait qu'un commerce de prêt-à-porter ne peut se trouver à proximité d'un commerce de bouche en arguant que les stations balnéaires offrent des zones de chalandise comportant à la fois des lieux de détente comme les restaurants et cafés et de consommations diverses comme les magasins de souvenirs ou de prêt-à-porter et relève que l'[Adresse 5] comporte cette mixité.

Elle réfute le fait que la clientèle ne peut supporter un déplacement de commerce à quelques centaines de mètres en exposant que la clientèle touristique fréquente, en toute hypothèse, le coeur de la ville, et que la clientèle d'habitués pourra découvrir un nouveau lieu situé dans un même périmètre de chalandise.

Elle reproche à Mme [T] de soutenir que son maintien dans les lieux est uniquement guidé par un motif financier, dans l'attente du versement de l'indemnité d'éviction alors que l'expert avait relevé que Mme [T] pouvait retrouver un local faiblement supérieur représentant une augmentation de 170 euros par mois. Elle ajoute qu'en tout état de cause, l'indemnité relative à la perte du droit au bail inclus dans l'indemnité d'éviction a pour objet de réparer ce préjudice financier.

Selon l'article L.145-14 du code de commerce, le refus de renouvellement signifié par le bailleur met fin au bail commercial mais ouvre droit, sauf exception, au profit du locataire, à une indemnité d'éviction qui comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

Usuellement, les conséquences de l'éviction s'apprécient in concreto au regard de la possibilité pour le locataire de conserver son fonds de commerce sans perte de clientèle importante, auquel cas l'indemnisation prend la forme d'une indemnité de transfert, ou de la perte du fonds de commerce, auquel cas l'indemnisation prend la forme d'une indemnité de remplacement.

Il est constant qu'il incombe au bailleur d'établir la nature transférable du fonds de commerce.

L'expert a indiqué 'la clientèle est locale, la réinstallation doit donc être proche.

Le fonds est supposé transférable, l'indemnité principale sera équivalente au droit au bail.

Actuellement, les locaux de réinstallation ne sont pas identifiés, le bailleur n'a pas fait de proposition mais le fonds est transférable, la clientèle est identique si la localisation est proche'.

Il résulte du dire n°1 et du dire récapitulatif du conseil de la bailleresse que celle-ci a mentionné trois locaux commerciaux en location dont deux sont situés dans la même rue, l'un situé au [Adresse 3] d'une surface de 70m2 pour 1 200 euros et l'autre vise à la même adresse, un autre local au [Adresse 4] d'une surface de 35m2 pour un loyer mensuel de 900 euros et enfin un local de 40m2 avec un loyer de 800 euros par mois à proximité de sorte que Mme [T] ne peut soutenir qu'il n'y a quasiment pas de locaux disponibles dans le même secteur et ce d'autant que l'un de ces locaux a une surface équivalente au sien.

Mme [T] soutient que pour conserver sa clientèle, le seul secteur à prendre en considération est celui qui débute après la chapelle pour se terminer 100m avant la [Adresse 8] soit un secteur extrêmement réduit qui n'a d'ailleurs pas été retenu par l'expert, celui-ci ayant uniquement indiqué que la réinstallation devait être proche.

Mme [T] distingue l'[Adresse 5] en trois secteurs distincts mais la cour ne peut que constater qu'elle ne produit aucun élément à l'appui de ces affirmations. Au contraire, il apparaît que les différentes zones qu'elle liste comportent toutes des commerces ayant des activités différentes dont certaines sont en progression d'activités comme le reconnaît l'appelante. Par ailleurs, Mme [T] ne démontre pas en quoi, dans une station balnéaire où les zones de chalandise comportent effectivement tant des commerces de bouche que de consommations ou des lieux de détente comme les cafés et restaurants comme cela est le cas dans l'[Adresse 5], un déplacement sur une portion de la même avenue entraînerait une perte de clientèle composée pour partie de touristes et pour partie de résidents.

Enfin, s'agissant de l'aspect financier, le premier juge a justement relevé qu'il existerait une différence de 2 092 euros annuels entre le loyer minimum que Mme [T] devrait débourser pour un local similaire d'une surface identique et le prix actuel et qu'avec un résultat bénéficiaire médian de 24 000 euros avec le loyer annuel, le résultat bénéficiaire de Mme [T] avec le nouveau loyer théorique estimé serait de 21 908 euros. Il en a déduit, à bon droit, que l'exploitation du fonds de commerce n'est pas compromise à ces conditions, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par l'appelante aux termes de ses écritures.

Au vu de ces éléments, le jugement qui a considéré que le fonds de commerce de Mme [T] est transférable, sera confirmé.

- Sur le quantum de l'indemnité d'éviction

Il n'y a pas lieu d'examiner la demande principale de Mme [T] relative au quantum de l'indemnité d'éviction fixée en cas d'absence de transfert du fonds.

Mme [T] sollicite, à titre subsidiaire dans l'hypothèse où la cour considère le fonds de commerce transférable, de fixer l'indemnité d'éviction à la somme de 32 627,69 euros conformément au jugement et à l'expertise ou à 34 660,69 euros par référence aux exercices 2019 à 2021.

Elle demande de retenir le chiffrage retenu par le jugement.

Mme [S] relève que le premier juge a pris en considération ses observations pour retenir une surface pondérée de 33,05m2. Elle demande de reprendre le calcul de l'expert au titre de la perte du droit au bail tout en rectifiant le loyer envisagé à 7 271 euros et non 8 848,40 euros au motif que le prix minimum au m2 constaté pour des locaux similaires est de 220 euros x 33,05m2 = 7 271 euros. Elle en déduit que l'économie actuelle s'établit comme suit : 7 271 euros - 5 178,72 euros (montant du loyer actuel) =

2 092,28 euros.

Elle propose d'appliquer le coefficient multiplicateur retenu par l'expert judiciaire de 5,759 pour valoriser la perte du droit au bail à la somme de :

2 092,68 euros x 5,759 = 12 049,44 euros.

Elle acquiesce au montant de l'indemnité de déménagement, de trouble de l'exploitation, des frais de publicité et des frais de réinstallation retenu par le jugement.

Elle demande de voir fixer l'indemnité d'éviction à la somme de 20 843 euros. Elle rappelle toutefois que l'indemnité d'éviction doit être évaluée au moment où le juge se prononce et relève que Mme [T] s'est abstenue de produire les bilans des exercices postérieurs à la date du 31 décembre 2019.

L'expert a indiqué que le prix minimum du loyer dans la surface de chalandise concernée était de 220 euros au m2. Les parties s'accordent sur la surface pondérée à retenir pour 33,05m2 au lieu de 40,22m2 mentionnée par l'expertise de sorte que le loyer à envisager pour la surface pondérée est de 220 x 33,05 = 7 271 euros.

Le loyer actuel est de 5 178,72 euros, ce qui n'est pas contesté.

Il doit en être déduit que l'économie actuelle s'élève à 7 271 - 5 178,72 =

2 092,28 euros.

Le coefficient multiplicateur retenu par l'expert de 5,759 n'étant pas contesté par les parties, la valorisation de la perte du droit au bail s'établit de la manière suivante : 2 092,28 euros x 5,759 = 12 049,44 euros.

Le jugement qui a retenu une valorisation de la perte du droit au bail à hauteur de 21 133,69 euros comme l'expertise sera réformé. En effet, la cour relève que les premiers juges ont repris le calcul de l'expert qui avait retenu une surface pondérée de 40,22m2 alors qu'ils avaient considéré que la surface pondérée était de 33,05m2.

Les parties s'accordent pour voir confirmer le jugement sur les frais de déménagement (1 500 euros), les troubles d'exploitation (5 494 euros), les frais de publicité (1 000 euros) et les frais de réinstallation (800 euros).

L'indemnité d'éviction sera fixée à la somme de :

- perte du droit au bail : 12 049,44 euros,

- frais de déménagement : 1 500 euros,

- troubles d'exploitation : 5 494 euros,

- frais de publicité : 1 000 euros,

- Frais de réinstallation : 800 euros,

soit au total la somme de 20 843,44 euros. Le jugement sera réformé sur le montant de l'indemnité d'éviction.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant en son appel, Mme [T] sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel et sera condamnée aux entiers dépens d'appel. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Statuant dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement sur le montant de l'indemnité d'éviction due par Mme [D] [S] à Mme [I] [T] épouse [E] ;

Statuant à nouveau,

Fixe l'indemnité d'éviction due par Mme [D] [S] à Mme [I] [T] épouse [E] à la somme de 20 843,44 euros ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [I] [T] épouse [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Condamne Mme [I] [T] épouse [E] aux entiers dépens d'appel.

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