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Décisions

CA Rennes, 5e ch., 2 avril 2025, n° 24/05154

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 24/05154

2 avril 2025

5ème Chambre

ARRÊT N°-110

N° RG 24/05154 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VFTM

(Réf 1ère instance : 24/00539)

CROUAN RESTAURATION S.A.S.

C/

S.A.R.L. YACHTING CLUB DE [Localité 5]

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 AVRIL 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 Février 2025

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 02 Avril 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

CROUAN RESTAURATION S.A.S. Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Philippe RIOU de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.A.R.L. YACHTING CLUB DE [Localité 5] immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le numéro 478 326 309, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Benoît BOMMELAER de la SELARL CVS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Florent LUCAS de la SELARL CVS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

La société Yachting Club de [Localité 5] est titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine public maritime consentie le 26 avril 2007 pour une durée de 29 ans et 7 mois à compter du 1er juin 2008 par le Grand port maritime de [6] en vue du stationnement d'une barge avec quatre passerelles d'accès au [Adresse 7].

Selon acte sous seing privé du 14 juin 2011, la société Yachting Club de [Localité 5] a donné à bail à la société Crouan restauration des locaux sur cette barge définis en annexe 1 pour une durée jusqu'au 31 décembre 2037, à destination de l'activité de 'bar, restauration traditionnelle, organisation de réception et événement en tous genres', moyennant un loyer annuel de

147 875 euros hors taxes hors charges, payable trimestriellement d'avance.

Se plaignant d'un défaut de paiement du loyer malgré un commandement de payer visant la clause résolutoire du 13 novembre 2023, la société Yachting Club de [Localité 5] a fait assigner en référé la société Crouan restauration suivant acte de commissaire de justice du 17 avril 2024.

Par ordonnance de référé en date du 8 août 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes a :

- rejeté 1'exception de litispendance,

- renvoyé la demanderesse à mieux se pourvoir devant le juge de la mise en état si elle souhaite obtenir une provision,

- constaté la résiliation du bail,

- ordonné l'expulsion de la société Crouan restauration et celle de tous occupants de son chef au besoin avec l'aide de la force publique et le cas échéant d'un serrurier dans le délai de 8 jours à compter de la signification de l'ordonnance,

- condamné la société Crouan restauration à payer à la société Yachting Club de [Localité 5] :

* une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* une indemnité provisionnelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges à compter du 1er juillet 2024 et jusqu'à libération complète des lieux,

- rejeté le surplus de la demande,

- condamné la société Crouan restauration aux dépens y compris le coût du

commandement du 13 novembre 2023.

Le 10 septembre 2024, la société Crouan restauration a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 12 novembre 2024, elle demande à la cour de :

- réformer l'ordonnance de référé du 8 août 2024 en ce qu'elle a :

* rejeté 1'exception de litispendance,

* renvoyé la demanderesse à mieux se pourvoir devant le juge de la mise en état si elle souhaite obtenir une provision,

* constaté la résiliation du bail,

* ordonné son expulsion et celle de tous occupants de son chef au besoin avec l'aide de la force publique et le cas échéant d'un serrurier dans le délai de 8 jours à compter de la signification de l'ordonnance,

* l'a condamnée à payer à la société Yachting Club de [Localité 5] :

- une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- une indemnité provisionnelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges à compter du 1er juillet 2024 et jusqu'à libération complète des lieux,

* l'a condamnée aux dépens y compris le coût du commandement du 13 novembre 2023,

- débouter la société Yachting Club de [Localité 5] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Yachting Club de [Localité 5] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 9 décembre 2024, la société Yachting Club de [Localité 5] demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Nantes le 8 août 2024 dans toutes ses dispositions,

- fixer sa créance au passif de la société Crouan restauration à la somme de 2 083,35 euros correspondant aux dépens et à la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Crouan restauration à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés dans le cadre de la présente instance,

- condamner la société Crouan restauration aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société Crouan Restauration fait valoir que, par décision du 18 septembre 2024, elle a été placée en redressement judiciaire et que les organes de la procédure ne sont pas dans la cause.

Elle conclut au rejet de l'ensemble des demandes formées contre elle, car en application de l'article L 622-21 du code de commerce, l'ordonnance constatant la résiliation du bail ne peut qu'être anéantie.

La société Yachting Club de [Localité 5] indique qu'elle ne cherche pas à poursuivre l'exécution de cette ordonnance, qu'elle n'a tenté aucun acte d'exécution depuis le 11 septembre 2024.

Elle observe que la société Crouan restauration a interjeté appel, huit jours avant l'ouverture d'une procédure collective, que l'exécution de l'ordonnance a bien été suspendue.

Elle s'en remet à l'appréciation de la cour sur la constatation de la résiliation du bail.

Elle sollicite en tout état de cause, la confirmation de l'ordonnance sur les sommes qui lui ont été allouées, afin de faire fixer sa créance au passif de la société Crouan restauration.

Elle souligne que les organes de la procédure collective n'étant pas dans la cause, la cour ne peut pas statuer sur l'appel.

Il n'est pas contesté et il est en tout état de cause justifié que la société Crouan Restauration a été placée en redressement judiciaire, par jugement du tribunal de commerce de Nantes en date du 9 septembre 2024, le tribunal désignant par ailleurs :

- la Selarl Thevenot Partners, en la personne de maître [N] [P], en qualité d'administrateur,

- Me [Y] de la Selarl [Y] MJ-O en qualité de mandataire judiciaire.

La société Yachting Club de [Localité 5] informée de la procédure collective n'a pas appelé en la cause les organes de cette procédure.

L'article L 622-21 alinéa 1 du code de commerce dispose :

Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

L'action introduite par le bailleur, avant le jugement d'ouverture d'une procédure collective contre le preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges afférentes à une occupation antérieure à ladite procédure, ne peut plus être poursuivie après ce jugement dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée (cass 3è civ.26 mars 2020 n° 19-10.223). La société Yachting Club de [Localité 5] ne peut poursuivre une telle demande.

L'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article L 622-21 du code de commerce. (Cass. Com. 19 sept. 2018, n° 17-13.210).

L'ordonnance est donc infirmée en toutes ses dispositions, en ce compris la condamnation à indemnité d'occupation provisionnelle.

La cour déclare la société Yachting Club de [Localité 5] irrecevable en ses demandes.

Cette dernière est déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens de première instance et d'appel, qui restent à sa charge.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Infirme l'ordonnance déférée ;

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevables les demandes formées par la société Yachting Club de [Localité 5] ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société Yachting Club de [Localité 5] aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier La Présidente

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