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Décisions

CA Agen, ch. civ., 2 avril 2025, n° 24/00574

AGEN

Arrêt

Autre

CA Agen n° 24/00574

2 avril 2025

ARRÊT DU

02 Avril 2025

ALR/CH

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N° RG 24/00574 -

N° Portalis DBVO-V-B7I-DHMB

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[U] [X]

C/

[H] [I]

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GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 108-2025

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Monsieur [U] [X]

né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 4]

de nationalité française,

domicilié : [Adresse 5]

[Localité 6]

représenté par Me François DELMOULY, SELARL AD LEX. avocat postulant au barreau D'AGEN et par Me Christophe DEJEAN, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

APPELANT d'un(e) Jugement du Tribunal de Commerce d'AGEN en date du 24 Avril 2024, RG 2022 04184

D'une part,

ET :

Maître [H] [I] es qualité de mandataire liquidateur de la SAS [X]

de nationalité française, Mandataire judiciaire

domicilié : [Adresse 7]

[Localité 4]

représenté par Me Erwan VIMONT,SCP LEX ALLIANCE, avocat au barreau d'AGEN

Monsieur [Y] [R]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

N'ayant pas constitué avocat

INTIMÉS

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 10 Février 2025 devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre,

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller

Anne Laure RIGAULT, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l'audience

Greffière : Catherine HUC

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

' '

'

EXPOSE DES FAITS

La SAS [X] exerçait une activité de «menuiseries, constructions métalliques, fabrication aluminium, verreries, façades métallerie, fabrication et pose de matériels à énergie renouvelable.

Par jugements successifs des 27 février 2019, du 19 juin 2019, le Tribunal de commerce d'Agen a ouvert une procédure de sauvegarde, convertie en procédure de redressement judiciaire, fixant au 27 février 2019 la date de cessation des paiements.

Par jugement du 10 octobre 2019, ce même tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS [X], désignant Maître [I] en qualité de qualité de liquidateur et ordonné une expertise, désignant M. [F] [B] pour examiner les comptes sociaux des exercices 2016, 2017 et 2018.

Par jugement distinct du 10 octobre 2009, le tribunal de commerce d'Agen a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS [9], holding de la SAS [X].

L'expert a déposé son rapport le 22 octobre 2021, dans lequel ont été relevées des fautes de gestion préjudiciables à la procédure collective, et de nombreux manquements des Professionnels du chiffre.

Sur la base du rapport judiciaire, M. [I], ès qualités, a retenu une augmentation du passif de 9.511.085 ' entre le 31 décembre 2016 et la date d'ouverture de la procédure collective.

Par actes délivrés le 26 juillet 2022 et 17 août 2022, M. [I], es-qualités de liquidateur de la SAS [X], a fait assigner M. [U] [X] et M. [Y] [R] devant le tribunal de commerce d'Agen afin de les voir condamner, in solidum, à lui payer la somme de 9.511.085 Euros représentant une partie de l'insuffisance d'actif, au motif qu'ils ont commis des fautes de gestion ayant aggravé le passif.

Par jugement rendu le 24 avril 2024 le tribunal de commerce d'Agen a :

Reçu la demande de M. [I], ès qualité, liquidateur de la SAS [X], M. [U] [X] et M. [Y] [R] dans leurs actions;

Dit que les articles L.651-1 et suivants du code de commerce sont applicables à l'affaire ;

Dit que le rapport de l'Expert, ordonné par le tribunal de commerce dans son jugement de mise en liquidation judiciaire de la SAS [X], est opposable à Messieurs [U] [X] et [Y] [R], ainsi qu'à l'ensemble des autres tiers ;

Dit que Messieurs [U] [X] et [Y] [R] sont bien des dirigeants de droit des sociétés SAS [X] et SAS [9];

Dit qu'il y a bien une aggravation du passif d'un montant de 9.511.085 ',

Condamné M. [U] [X] au paiement de la somme de 1.000.000 ' au profit de M. [I], ès qualité de liquidateur de la SAS [X]:

Condamné M. [Y] [R] au paiement de la somme de 50.000 ' au profit de M. [I], ès qualité de liquidateur de la SAS [X],

En ce qui concerne les dépens,

Condamné M. [U] [X] au paiement de la somme de 5.000' au titre de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'90% des dépens en ce compris les frais d'expertise pour un montant de 40.000 ' TTC ;

Condamné M. [Y] [R] au paiement de la somme de 1.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'à 10% des dépens en ce compris les frais d'expertise pour un montant de 40.000 ' TTC.

Dit qu'il n'y a pas lieu à surseoir à l'exécution provisoire de la présente

Débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.

Liquidé les dépens dont frais de greffe pour le présent jugement à la somme de 94,34 '.

Par acte du 23 mai 2024, M. [U] [X] a déclaré former appel du jugement en désignant Me [H] [I], es-qualité de liquidateur de la SAS [X], et M. [Y] [R], en qualité de parties intimées et en indiquant que l'appel porte sur la totalité du dispositif du jugement, exceptées en ses dispositions relatives à M. [Y] [R].

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 janvier 2025, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoiries du 10 février 2025.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

Par dernières conclusions notifiées le 13 août 2024, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [U] [X] demande à la cour par application de l'article L. 652-1 et suivants du code de commerce, de :

Vu le jugement du tribunal de commerce d'Agen en date du 16 juillet 2019 fixant la date de cessation de paiements de la SAS [X] au 27 février 2019,

Vu le jugement du tribunal de commerce d'Agen en date du 14 octobre 2019 procédant à la désignation de M. [F] [B] avec pour mission «notamment définir les éventuelles responsabilités des intervenants, cadres, dirigeants, tiers, conseils en matière d'élaboration de contrôle ou de conseil des comptes sociaux des trois exercices visés»,

Vu la Jurisprudence de la chambre commerciale de la cour de cassation,

Vu l'assignation devant le tribunal de commerce d'Agen délivrée le 9 août 2022 par M. [I], ès qualités de mandataire liquidateur de la société [X] à l'encontre de la SAS [1], M. [N] [V] et de la SAS [10],

Vu le jugement du tribunal de commerce d'Agen en date du 24 avril 2024,

Déclarer recevable et bien-fondé M. [U] [X] en son appel du jugement du tribunal de commerce d'Agen du 24 avril 2024,

En conséquence,

Réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce d'Agen en date du 24 avril 2024,

Déclarer irrecevable et en tout cas mal fondé Maître [H] [I], ès qualités de mandataire liquidateur de la société [X], en sa demande de condamnation,

Débouter Maître [H] [I], en sa qualités de mandataire liquidateur de la Société [X], de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner Maître [H] [I], ès qualités, aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, M. [U] [X] fait valoir :

Il appartenait à Me [I] de communiquer toutes les procédures introduites devant le tribunal judiciaire d'Agen contre les professionnels du chiffre, cités dans le rapport de M. [B], à savoir l'expert-comptable et le commissaire aux comptes, et les condamnations de 7 608 868 ' sollicitées par Maître [I], devant ces juridictions, viennent se cumuler avec les demandes du présent litige, ce qui conduit à des doubles indemnisations d'un même préjudice,

Faute pour la société [9], holding de la société [X], qui exerçait la présidence et portant le pouvoir de direction et de contrôle de la société [X], d'être partie au litige, la procédure de comblement d'insuffisance d'actif initié à l'encontre de M. [X], à titre personnel, est mal fondée en droit. M. [X] ne peut être tenu d'une dette de la société [9] sur son patrimoine personnel,

La mission confiée à l'expert est entachée d'irrégularités puisqu'il s'agit d'un transfert des pouvoirs du juge, l'expert ne s'étant pas limité à des considérations techniques, mais s'étant livré à des considérations personnelles de sorte que l'expertise se trouve entachée d'irrégularités pour n'avoir, de surcroit, été soumise, ni à la contradiction de la société [9], ni à celle de M. [R].

M. [U] [X] n'a retiré aucune forme d'intérêt personnel, directe et, ni indirecte, ce qui ne caractérise pas une faute de gestion,

L'expertise ne rapporte pas la démonstration d'une faute personnelle de [U] [X] dès lors que la société [9] qui était le véritable dirigeant légal de l'entreprise n'est pas partie au débat ne fait pas l'objet de tels griefs.

Le fait que les comptes sociaux ne présentent ni une image fidèle, ni sincère d'une société ne constitue pas un des cinq types de fautes déterminées par l'article L651-1 du code de commerce,

La preuve du lien de causalité entre la faute de M. [X] et sa contribution à l'état de cessation des paiements n'est pas démontrée,

La date de cessation des paiements est définitivement fixée au 27 février 2019, et toute action en remontement de passif est prescrite, puisque non introduite dans le délai d'un an tel qu'issu de l'article L631 ' 8 alinéas 5 du code de commerce,

Le passif doit être exigible et exigé et non uniquement exigible,

Il ne peut être opposé à la société [X] d'avoir poursuivi une activité déficitaire sur les exercices 2016, 2017 et 2018 alors que le jugement fixe au 27 février 2019 la date de cessation des paiements.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA, 12 novembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément par application de l'article 455 du code de procédure civile, Me [H] [I], ès qualités, demande à la cour par application des articles L651-1 et suivants du code de commerce, de :

Rejetant toutes conclusions contraires,

Confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Agen en date du 24 avril 2024 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a :

Reçu la demande de M. [I] es qualités, liquidateur de la SAS [X], M. [U] [X] et [Y] [R] dans leur actions;

Dit que les articles L651-1 et suivants du code de commerce sont applicables à l'affaire ;

Dit que le rapport de l'expert, ordonné par le tribunal de commerce dans son jugement de mise en liquidation judiciaire de la SAS [X] est opposable à Messieurs [U] [X] et [Y] [R], ainsi qu'à l'ensemble des tiers ;

Dit que Messieurs [U] [X] et [Y] [R] sont bien des dirigeants de droit des sociétés SAS [X] et SAS [9] ;

Dit qu'il y a bien une aggravation du passif d'u montant de 9.511.085' ;

Condamné M. [U] [X] au paiement de la somme de 1.000.000' au profit de M. [I] es qualité ;

Condamné M. [Y] [R] au paiement de la somme de 50.000' au profit de M. [I] es qualité ;

Condamné M. [U] [X] au paiement de la somme de 5.000' au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à 90% des dépens en ce compris les frais d'expertise ;

Condamné M. [Y] [R] au paiement de la somme de 1.000' au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à 10% des dépens en ce compris les frais d'expertise pour un montant de 40.000';

Dit qu'il n'y a pas lieu à surseoir à l'exécution provisoire de la présente décision.

Y ajoutant :

Condamner tout succombant au paiement de la somme de 15.000' au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, M. [I], es qualités, fait valoir :

L'article L652 ' 1 du code de commerce dont se prévaut l'appelant a été abrogé par la réforme de 2008,

M. [U] [X] est dirigeant de droit, en sa qualité de président du directoire de la SAS [9], société holding détenant 99 % de la SAS [X], société dont il est également le directeur. Il est mentionné en qualité de dirigeant sur le KBIS de la SAS [X].

M. [R], qui est dirigeant de droit en sa qualité de membre du directoire de la SAS [9], est responsable finance et comptabilité depuis 2015 du groupe [X],

Le rapport d'expertise judiciaire de M. [B] est régulier, comme répondant aux dispositions de l'article L621 ' 4 alinéa 3 du code de commerce,

Le rapport d'expertise démontre les fautes de gestion imputable à M. [X] et à M. [R] (absence de mise en place d'une structure de gestion, utilisation de fausses factures et avoirs, recours aux sessions de créance auprès du [11]), la poursuite de l'activité déficitaire,

Ces fautes ont contribué à l'insuffisance d'actif (fixé à 25 419 076 ' au 11 juillet 2022), et à 15 907 991 ' lors de la clôture de l'exercice 2016), soit un préjudice pour la procédure collective de 9 511 085 ',

la responsabilité du dirigeant est susceptible d'être engagée indifféremment de son intérêt personnel. M. [U] [X], dirigeant et associé de la holding, avait un intérêt personnel puisqu'une convention d'animation avait été signée entre la SAS [X] et la holding pour une rémunération de 1056 000 'TTC par an.

L'action diligentée contre les professionnels du chiffre ne peut permettre à l'appelant de s'exonérer des manquements par lui commis dans la gestion de la SAS [X].

Par avis du 31 décembre 2024, le ministère public a requis la confirmation du jugement frappé d'appel.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS :

La déclaration d'appel et les conclusions initiales de la partie appelante ont été signifiées à M. [R], par actes respectifs du 30 juillet 2024 selon acte remis à l'étude, et du 16 août 2024, selon acte remis à étude, lui indiquant que faute pour lui de constituer avocat dans un délai de 15 jours, elle s'exposait à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire, rappelant également les dispositions de l'article 909 du code de procédure civile.

Les conclusions de Maître [I], ès qualité, ont été signifiées le 28 novembre 2024 à M. [Y] [R], selon acte remis à l'étude.

M. [Y] [R] n'a pas constitué avocat, il sera donc statué par arrêt par défaut conformément aux dispositions de l'article 473 du code de procédure civile.

La cour ne doit, par application de l'article 472, alinéa 2, du code de procédure civile, faire droit à la demande de celui-ci que dans la mesure où elle l'estime régulière, recevable et bien fondée, et en examinant les motifs accueillis par le jugement, la cour retient les éléments de fait constatés par le premier juge à l'appui de ces motifs.

Observation liminaire.

Selon l'article 562 du code de procédure civile, en sa version applicable aux faits, à savoir antérieurement au 1er septembre 2024, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Selon l'article 954 alinéas 3 et 6 du code de procédure civile en sa version applicable aux faits, à savoir antérieurement 1er septembre 2024, « 'la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion'.La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ».

En l'espèce, la cour relève que :

L'acte d'appel du 23 mai 2024 mentionne que l'appel porte sur la totalité du dispositif du jugement, exceptées en ses dispositions relatives à M. [Y] [R],

Le dispositif des conclusions de l'appelant ne mentionne pas une demande d'infirmation des dispositions du jugement relatives à M. [R],

M. [R], non comparant, n'a pas conclu, de sorte qu'il est réputé s'approprier les motifs de la décision dont appel.

Il se déduit de ces principes et de ces éléments que la cour n'est pas saisie d'une demande de réformation concernant M. [Y] [R], les dispositions du jugement le concernant, sont confirmées.

Sur l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif

Selon l'article L 651-2 du Code de Commerce « Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. »

Pour que l'action initiée par le liquidateur judiciaire puisse prospérer, il faut que soient établis :

- une insuffisance d'actif,

- une ou plusieurs fautes de gestion imputables aux dirigeants, antérieure à l'ouverture de la procédure collective,

- un lien de causalité entre la ou les fautes commises et l'insuffisance d'actif.

Il est rappelé également que :

Le montant de l'insuffisance d'actif est déterminé sans tenir compte des dettes postérieures au jugement d'ouverture,

Le montant de la somme mise à la charge du dirigeant est déterminé en fonction de la gravité des fautes commises, de la proportion dans laquelle elles ont contribué à l'insuffisance d'actif, de sa situation personnelle et de ses facultés contributives,

La poursuite d'autres intervenants et d'autres dirigeants n'exonère pas le dirigeant de sa responsabilité dans l'action pour insuffisance d'actif.

En l'espèce, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif est fondée sur l'article L651-2 de code de commerce, de sorte que les développements de l'appelant sur l'application de l'article L652 ' 1 du code de commerce, et notamment sur la nécessité de justifier de son intérêt personnel dans l'exploitation déficitaire de la société, sont sans emport puisque ledit article a été abrogé par l'ordonnance du 18 décembre 2008.

Sur l'opposabilité du rapport d'expertise de M. [B].

C'est par des motifs pertinents, non utilement critiqués par l'appelant, lequel reprend devant la cour les moyens et arguments justement écartés, que les premiers juges ont dit que le rapport d'expertise s'imposait aux parties, et notamment à M [X].

Pour confirmer ce chef de jugement, il suffira successivement de rappeler et de rajouter que:

L'expertise a été ordonnée, sur réquisition du ministère public, par jugement du 10 octobre 2019 du tribunal de commerce d'Agen, lors du prononcé de la liquidation judiciaire de la SAS [X], pour examiner les comptes sociaux de la société au titre des exercices 2016, 2017 2018,

L'expertise s'inscrit dans le cadre des dispositions de l'article L621-4 alinéa 3 du Code de commerce lequel dispose: «Dans le même jugement, sans préjudice de la possibilité de nommer un ou plusieurs experts en vue d'une mission qu'il détermine, le tribunal désigne deux mandataires de justice qui sont le mandataire judiciaire et l'administrateur judiciaire, dont les fonctions sont respectivement définies à l'article L. 622-20 et à l'article L. 622-1. Il peut, d'office ou à la demande du ministère public, ou du débiteur et après avoir sollicité les observations du débiteur si celui-ci n'a pas formé la demande, désigner plusieurs mandataires judiciaires ou plusieurs administrateurs judiciaires.»,

Ces dispositions ne sont pas de nature à méconnaitre les droits de la défense, le principe de la contradiction ni celui de l'égalité des armes (Com. QPC 1er février 2021 D. 2011).

Les règles issues du code de procédure civile et applicables aux expertises n'ont pas vocations à s'appliquer à l'expertise issue de l'article L621-4 du Code de Commerce (Com. 22 mars 2016 n°14-19.915),

Le principe du contradictoire a été respecté et exercé par M. [X] en sa qualité de directeur général de la SAS [X] et de sa qualité de président du directoire et de représentant permanent de la société [9].

Sur la qualité de dirigeant de droit de M. [U] [X]

Selon l'article L 651-1 du code de commerce «Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux dirigeants d'une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective, ainsi qu'aux personnes physiques représentants permanents de ces dirigeants personnes morales, aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée et aux entrepreneurs individuels relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V. »

Selon l'article L 227-7 du code de commerce, applicable aux SAS, lorsqu'une personne morale est nommée président ou dirigeant d'une société par actions simplifiée, les dirigeants de ladite personne morale sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civiles et pénales que s'ils étaient président ou dirigeant en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu'ils dirigent ».

Les statuts de la SAS [X] précisent en leur article 17 que «Le Directeur Général dispose des mêmes pouvoirs que le Président, sous réserve des limitations éventuellement fixées par la décision de nomination ou par une décision ultérieure. Le Directeur Général dispose du pouvoir de représenter la Société à l'égard des tiers ».

En sa qualité de président du directoire de la SAS [9], société holding détenant 99 % de la SAS [X], et en sa qualité de directeur général (au terme de l'assemblée générale du 17 septembre 2015, mention reprise sur l'extrait Kbis) de la SAS [X], M. [U] [X] est dirigeant de droit.

Le jugement, qui a rappelé la qualité de dirigeant de droit de M. [X], est confirmé.

La cour précise que cette circonstance que la société [9] n'ait pas été appelée à la cause est sans emport tant sur la qualité de dirigeant de droit de M. [X] que sur l'appréciation de ses fautes de gestion dans l'accroissement de l'insuffisance d'actif.

Il est encore précisé que le dirigeant assigné en responsabilité n'est pas recevable à critiquer le sort différent réservé à d'autres dirigeants (Cass, com. 12 juin 2019, n°17-23.176).

Sur l'insuffisance d'actif

L'insuffisance d'actif est la différence entre l'actif réalisé est le passif admis.

Selon l'état des créances en date du 18 mai 2021, les créances nées avant le jugement d'ouverture hors AGS ont été admises par le juge commissaire pour la somme de 27.017.196 '. Les créances déclarées postérieurement à l'ouverture de la procédure s'élèvent à 14.059.535,26 '. L'actif de la procédure collective s'élève à la somme de 1.598.120,71 '.

La liquidation judiciaire de la SAS [X] fait ressortir une insuffisance d'actif de 25.419.076 '.

Sur la base du rapport judiciaire, le passif de la SAS [X] au 31 décembre 2016 s'élève à la somme de 15.907.991 ', et à la somme de 25.419.076 ' à la date d'ouverture de la procédure collective.

Il s'en déduit une augmentation du passif de 9.511.085 ' entre le 31 décembre 2016 et la date d'ouverture de la procédure collective.

Le jugement qui a retenu l'aggravation du passif pour cette somme est confirmé.

Sur les fautes de gestion et le lien de causalité avec l'aggravation de l'insuffisance d'actif.

Le rapport d'expertise judiciaire de M. [B], non utilement critiqué, démontre trois fautes de gestion :

L'absence de mise en place d'une structure de gestion et l'existence de difficultés financières dès 2016 ainsi que des variations importantes du poste « Créances Clients »,

L'existence de ruptures de séquence dans la numérotation des factures dont le nombre est significatif ;

La remise à zéro mensuel de la numérotation de la facturation engendrant un risque important de dissimulation de chiffres d'affaires;

La mise en 'uvre d'un système de fausses factures et de faux avoirs ayant eu pour effet de présenter des résultats sans cohérence avec la réalité de la situation financière de la société [X] pour des montants très signi'catifs sur les exercices 2016, 2017 et 2018.

En effet, les créances clients à la clôture de l'exercice correspondaient essentiellement à des opérations facturées au cours du dernier trimestre de l'année (63% des créances à la clôture au 31 décembre 2016, 90% des créances à la clôture au 31 décembre 2017, 57% des créances à la clôture au 31 décembre 2018) et le système d'avoirs mis en place (pour des montants de l'ordre de 15.428.292' TTC sur les trois exercices avec un impact sur le chiffre d'affaires de -12.892.650 ') venait éteindre tout ou partie ces créances clients.

La reconstitution par l'expert judiciaire des résultats nets a permis de constater :

une majoration du résultat net de l'exercice clos au 31 décembre 2016 de 3.142.938 ' au moins qui devrait afficher une perte de - 2.984.568' au lieu d'un bénéfice de +158.370',

une majoration du résultat net de l'exercice clos au 31 décembre 2017de 2.238.658 ' au moins qui devrait afficher une perte de - 1.896.729 ' au moins au lieu d'un bénéfice de + 431.929',

une minoration du résultat net de l'exercice clos au 31 décembre 2018 de 5.441.901 ' au moins qui devrait afficher ne perte de - 5.459.964' au lieu d'une perte de - 10.901.865 ',

L'édition de fausses factures et des avoirs correspondants a entrainé une majoration du résultat net de nature à faire apparaitre un bénéfice au lieu d'importantes pertes.

L'utilisation de fausses factures a permis d'obtenir des financements à court terme auprès du [11] pour un montant de 1.500.000 ', matérialisés par des billets de trésorerie en contrepartie desquels ont été cédées des fausses créances pour une somme similaire (1568782.10 '), puisqu'émises sur des projets factices (factures à l'attention de la SCI [8] aux montants respectifs de 96.083,40 ' et de 192.537,54' et de la Ville de [Localité 12] pour un montant de 1.281.161,16 ').

Le rapport d'expertise judiciaire révèle que ces fautes de gestion ont conduit tant à l'existence de l'activité déficitaire qu'à sa poursuite, aggravant par là même le passif.

La cour relève que si M. [X] tente d'écarter des débats le rapport judiciaire, il ne conteste nullement la réalité des constats.

L'absence de comptabilité reflétant l'activité réelle de l'entreprise, les fausses factures, contrebalancées par de faux avoirs et le recours aux cessions de fausses créances pour maintenir les encours bancaires ont permis de maintenir artificiellement la société en vie en masquant les difficultés financières rencontrées et en poursuivant une activité largement déficitaire depuis 2016.

La gravité et l'intentionnalité de ces actes de M. [U] [X] excluent la qualification d'une simple négligence et caractérisent des fautes de gestion.

Partant, c'est à bon droit que le tribunal a retenu que les fautes de gestion de M. [U] [X], dirigeant de droit, détenteur de 77 % du capital de la société holding [9], société mère de la SAS [X], ont contribué à l'insuffisance d'actif, à son aggravation puis à l'état de cessation des paiements et à la liquidation de la SAS [X].

Le jugement est confirmé de ce chef.

Compte tenu de la multiplicité et de la gravité des fautes ainsi retenues, le jugement est également confirmé pour avoir fixé à la somme de 1 000 000 ' la contribution de M. [U] [X] dans l'insuffisance d'actif de la SAS [X].

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le jugement est confirmé en ses dispositions sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, succombant, M. [U] [X] est condamné aux dépens d'appel et à verser à Me [I], es qualités, la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt par défaut prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 avril 2024 par le tribunal de commerce d'Agen ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [U] [X] à payer à [H] [I], es-qualités de liquidateur de la SAS [X], la somme de 7 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [U] [X] aux dépens de l'appel.

Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Catherine HUC, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, Le Président,

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