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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 2 avril 2025, n° 20/07176

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 20/07176

2 avril 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 02 AVRIL 2025

N° 2025 / 098

N° RG 20/07176

N° Portalis DBVB-V-B7E-BGDBY

Syndicat des copropriétaires

[Adresse 6]

C/

[N] [B]

[T] [R]

[E] [S]

S.A.S. FONCIA GRAND BLEU

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Emmanuelle BRICE-TREHIN

Me Alain-David POTHET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 13 Juillet 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/03613.

APPELANTE

Syndicat des copropriétaires [Adresse 6] sis à [Localité 5][Adresse 2]

pris en la personne de son syndic en exercice la société FONCIA GRAND BLEU, S.A.S. sise [Adresse 3] à [Localité 7], elle-même prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège

représenté et plaidant par Me Emmanuelle BRICE-TREHIN, membre de la SELARL STEMMER-BRICE-FOUR, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Madame [N] [B]

assistée de son mandataire judiciaire à la protection des majeurs

Maître [T] [R]

Mandataire judiciaire à la protection des majeurs, es-qualité de mandataire spécial de Mme [N] [B]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/008054 du 13/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

représentés par Me Pierre-Yves IMPERATORE, membre de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Geoffrey BARTHELEMY, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Madame [E] [S]

née le 27 Avril 1975 à [Localité 4] (76), demeurant [Adresse 1] - [Localité 5]

représentée et plaidant par Me Alain-David POTHET, membre de la SELAS CABINET POTHET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

PARTIE INTERVENANTE

S.A.S. FONCIA GRAND BLEU

prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 3] [Localité 7]

représentée par Me Emmanuelle BRICE-TREHIN, membre de la SELARL STEMMER-BRICE-FOUR, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Février 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Avril 2025.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Avril 2025, signé par Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère pour le président empêché et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Suivant acte conclu les 21 et 23 février 1984 au temps de son mariage avec [P] [S], Madame [N] [B] a fait l'acquisition des lots n° 42, 62 et 90 d'un immeuble en copropriété dénommé [Adresse 6], sis [Adresse 2] à [Localité 5] (département du Var).

Les époux ont divorcé suivant jugement rendu le 18 juillet 1984.

Par acte notarié du 15 décembre 2008, [P] [S] a fait donation à leur fille unique [E] de la moitié indivise en pleine propriété des biens susdits, lesquels dépendaient de l'indivision post-communautaire des ex-époux, mariés sous le régime de la communauté universelle.

Madame [B] a cependant continué de régler seule les charges de copropriété.

Par lettre du 5 mai 2014, le syndic a demandé à Madame [E] [S] de régulariser un arriéré de charges.

Par actes délivrés le 7 mars 2016, le syndicat des copropriétaires a assigné Mesdames [N] [B] et [E] [S] à comparaître devant le tribunal d'instance de Fréjus pour les entendre solidairement condamner à lui payer une créance de charges. Le demandeur a par la suite mis en cause Monsieur [T] [R] en sa qualité de curateur de Madame [B], tandis que Madame [S] a appelé en garantie la société FONCIA GRAND BLEU en sa qualité de syndic de l'immeuble.

La juridiction saisie s'est déclarée matériellement incompétente en raison du montant de la demande au profit du tribunal de grande instance de Draguignan, devenu le tribunal judiciaire, devant lequel le syndicat a actualisé sa demande en paiement à la somme principale de 12.187,30 euros au titre des charges échues entre le 1er octobre 2013 et le 5 septembre 2018 et des frais de recouvrement, outre celle de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Entre-temps, Madame [B] avait cédé à sa fille l'intégralité de ses droits indivis sur les lots de copropriété selon acte notarié de partage reçu le 5 septembre 2018.

Aux termes d'un jugement rendu le 13 juillet 2020, le tribunal, faisant droit à l'exception de nullité soulevée par [E] [S], a annulé les assemblées générales des copropriétaires tenues les 2 août 2013, 25 juillet 2014 et 28 juillet 2015 portant approbation des comptes, et débouté en conséquence le syndicat de ses demandes en paiement. Pour statuer en ce sens, les premiers juges ont retenu que l'intéressée n'avait pas été convoquée à ces assemblées, alors qu'il résultait des mentions de l'acte de donation du 15 décembre 2008 que le syndic avait été régulièrement informé du transfert de propriété intervenu à son profit.

Le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 30 juillet 2020 au greffe de la cour.

Par acte du 19 janvier 2021, Madame [E] [S] a formalisé un appel provoqué à l'encontre de la société FONCIA GRAND BLEU.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions récapitulatives et conjointes notifiées le 21 mars 2023, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] et son syndic en exercice la société FONCIA GRAND BLEU font valoir :

- qu'aucune faute n'a été commise dans la gestion du compte individuel des intimées,

- que la preuve d'une notification conforme à l'article 6 du décret du 17 mars 1967 n'est pas rapportée,

- qu'ils ignoraient l'existence d'une indivision jusqu'en 2014,

- que Madame [S] a été régulièrement convoquée aux assemblées générales à compter de celle du 28 juillet 2015,

- et que les comptes des exercices précédents ont été de nouveau approuvés par délibérations adoptées le 22 juillet 2021, désormais définitives.

Ils demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

- de débouter les intimées de l'ensemble de leurs moyens de défense,

- à titre principal, de condamner solidairement [N] [B] et [E] [S] à payer au syndicat la somme principale de 12.187,30 euros au titre des charges échues entre le 1er octobre 2013 et le 5 septembre 2018 et des frais de recouvrement, outre intérêts de droit à compter d'une mise en demeure du 8 novembre 2013,

- à titre subsidiaire, de les condamner à payer la somme de 11.376,40 euros au titre des charges exigibles à compter de l'exercice 2014/2015,

- à titre infiniment subsidiaire, de les condamner à payer la somme de 7.929,35 euros au titre des charges exigibles à compter de l'exercice 2015/2016,

- en tout état de cause, de les condamner in solidum à payer au syndicat la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- et de mettre à leur charge les entiers dépens, outre une indemnité de 4.000 euros au profit de chacun d'entre eux en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 20 avril 2021, Madame [E] [S] conclut principalement à la confirmation du jugement déféré, faisant valoir :

- qu'il résulte des mentions contenues dans l'acte de donation du 15 décembre 2008, faisant foi jusqu'à inscription de faux, que le transfert de propriété a bien été notifié au syndic par le notaire,

- qu'il incombait au syndic de vérifier la situation juridique des lots, et de faire désigner un mandataire commun à l'effet de représenter l'indivision,

- et qu'elle est en droit de contester par voie d'exception la validité des décisions prises par les assemblées générales auxquelles elle n'a pas été convoquée.

Subsidiairement, elle demande à la cour :

- de condamner la société FONCIA GRAND BLEU à la relever et garantir de toutes sommes mises à sa charge sur le fondement de sa responsabilité quasi-délictuelle, ainsi qu'à lui verser une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- de rejeter la demande en paiement d'un solde antérieur de 8.863,13 euros non détaillé sur le relevé de compte produit par le syndicat,

- et de l'exonérer des charges imputables à la faute de Madame [B].

En tout état de cause, elle réclame paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles, outre ses entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 28 janvier 2021, Madame [N] [B], assistée de son curateur Monsieur [T] [R], fait assomption de cause avec sa fille pour solliciter à titre principal la confirmation du jugement.

Subsidiairement, elle demande à la cour de condamner la société FONCIA GRAND BLEU à la relever et garantir de toutes sommes mises à sa charge.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande à être relevée et garantie par Madame [S] en exécution d'une clause de l'acte de partage.

En tout état de cause, elle réclame paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles, outre ses entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 janvier 2025.

DISCUSSION

Sur la contestation des assemblées générales portant approbation des comptes :

Il est admis en droit qu'un copropriétaire poursuivi pour le paiement de charges puisse invoquer par voie d'exception l'inopposabilité - et non la nullité - des décisions de l'assemblée générale portant approbation des comptes lorsqu'il n'a pas été régulièrement convoqué.

L'article 32 du décret du 17 mars 1967 prévoit à cet effet que le syndic doit établir et tenir à jour une liste de tous les copropriétaires avec l'indication des lots qui leur appartiennent.

L'article 6 de ce même texte dispose que tout transfert de propriété d'un lot ou d'une fraction de lot doit être notifié sans délai au syndic, soit par les parties, soit par le notaire ayant reçu l'acte, soit encore par l'avocat ayant obtenu une décision en ce sens. A défaut, ce transfert est inopposable au syndicat.

En l'espèce, l'acte notarié du 15 décembre 2008, par lequel [P] [S] a fait donation à sa fille [E] de la moitié indivise en pleine propriété des lots de copropriété en cause, indique qu'il sera procédé à cette notification par les soins du notaire soussigné. Cependant une telle mention, faisant état d'une formalité à venir, ne fait pas foi de son accomplissement comme le soutient justement l'appelant. Aucune preuve de cette notification n'ayant été produite aux débats, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le syndic avait été régulièrement informé du transfert de propriété.

Dès lors, Madame [E] [S] ne peut invoquer un défaut de convocation aux assemblées générales pour conclure à l'inopposabilité - ni a fortiori à la nullité - des délibérations portant approbation des comptes, et par suite au rejet de la demande en paiement du syndicat.

En tout état de cause, il convient de relever qu'elle a été personnellement convoquée aux assemblées à compter de la notification au syndic de l'acte de partage, et que les comptes des exercices 2012/2013 à 2018/2019, couvrant l'ensemble de la période concernée par la demande en paiement, ont été de nouveau approuvés lors de l'assemblée du 22 juillet 2021.

Sur la mise en cause de la responsabilité du syndic :

Il résulte des motifs qui précèdent que le syndic n'a pas commis de faute en s'abstenant de convoquer Madame [E] [S] aux assemblées générales.

Il ne peut davantage lui être reproché d'avoir omis de provoquer la désignation d'un mandataire commun en application de l'article 23 de la loi de 1965, alors qu'il ignorait l'existence d'une indivision. En effet Madame [N] [B], qui avait conclu seule l'acte d'achat au temps de son mariage, s'était toujours présentée par la suite comme l'unique propriétaire des lots en cause.

Enfin, aucune opposition au paiement du prix ne pouvait être formée par le syndic en suite de la notification de l'acte de partage, dès lors que celui-ci n'opérait aucune mutation à titre onéreux au sens de de l'article 20-I de la loi du 10 juillet 1965.

La société FONCIA GRAND BLEU ne saurait donc être condamnée à relever et garantir les copropriétaires des sommes mises à leur charge, ni à leur verser des dommages-intérêts.

Sur la créance de charges :

Le syndicat des copropriétaires produit l'ensemble des relevés généraux de dépenses, des appels de provisions et des états de répartition des charges, permettant aux copropriétaires poursuivis de connaître la quote-part qui leur est réclamée au titre de chacun des postes de dépenses et des exercices concernés par sa demande.

Contrairement à ce qui est soutenu par l'intimée, le relevé de compte ne comporte aucun solde antérieur qui ne soit pas détaillé (cf pièce n° 12 produite par l'appelant).

D'autre part, il est indifférent qu'une partie des charges réclamées (au demeurant non chiffrée par Madame [S]) soit imputable à la faute de Madame [B], dès lors que le règlement de copropriété stipule une clause de solidarité entre les indivisaires.

Déduction faite des frais de recouvrement qui seront examinés infra, la créance de charges proprement dite, provisoirement arrêtée au 5 septembre 2018, doit être fixée à la somme de 10.656,41 euros, les intérêts moratoires au taux légal courant à compter de cette même date.

Sur les frais de recouvrement :

L'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 met à la charge du copropriétaire défaillant les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque, ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du débiteur.

D'autre part le contrat de syndic, conforme au contrat-type prévu à l'article 29 du décret du 17 mars 1967, prévoit des honoraires forfaitaires à la charge du seul propriétaire défaillant en cas de mise en demeure, relance, frais de constitution d'hypothèque ou de mainlevée, dépôt d'une requête en injonction de payer, constitution du dossier transmis à l'auxiliaire de justice et suivi du dossier transmis à l'avocat (uniquement en cas de diligences exceptionnelles dans ces deux derniers cas).

En revanche, ne sont pas compris dans les frais de recouvrement envisagés par l'article 10-1 précité les dépens énumérés par l'article 695 du code de procédure civile, qui doivent donner lieu à un compte distinct, et les honoraires d'avocat relevant de l'article 700.

En l'espèce, doivent être mis à la charge des copropriétaires défaillants :

- les frais de mise en demeure et de relance (230 '),

- les frais de renseignements hypothécaires (81 '),

- les frais de constitution du dossier transmis à l'avocat (300 '),

Soit au total la somme de 611 euros.

Sur la demande accessoire en dommages-intérêts :

Le refus abusif de paiement des charges, qui a privé durablement le syndicat d'une partie de la trésorerie nécessaire à la gestion et à l'entretien de l'immeuble, a causé à la collectivité des copropriétaires un préjudice distinct du simple retard qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur la contribution à la dette :

L'acte de partage conclu le 5 septembre 2018, intervenu dans le cadre d'un protocole d'accord transactionnel, stipule que Madame [E] [S] assumera seule toutes les conséquences de la présente procédure sans recours contre Madame [N] [B]. En conséquence, la première nommée devra relever et garantir la seconde de toutes les condamnations prononcées au profit du syndicat des copropriétaires et du syndic, tant en principal qu'en dommages-intérêts, frais et dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :

Rejette l'exception de nullité des délibérations de l'assemblée générale,

Rejette les demandes dirigées contre le syndic,

Condamne solidairement Mesdames [N] [B] et [E] [S] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 10.656,41 euros au titre des charges de copropriété échues entre le 1er octobre 2013 et le 5 septembre 2018 et celle de 611 euros au titre des frais de recouvrement relevant de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, outre intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2018,

Les condamne in solidum à verser au syndicat la somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts,

Condamne en outre les intimées aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à verser au syndicat des copropriétaires et à la société FONCIA GRAND BLEU une somme de 2.500 euros au profit de chacun d'entre eux en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [E] [S] à relever et garantir Madame [N] [B] de l'intégralité des condamnations qui précèdent.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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