Livv
Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 1 avril 2025, n° 23/01789

ROUEN

Ordonnance

Autre

CA Rouen n° 23/01789

1 avril 2025

N° RG 23/01789 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JL4Q

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ORDONNANCE DU 1er AVRIL 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

21/04501

Tribunal judiciaire de Rouen du 10 février 2023

DEMANDEUR A L'INCIDENT :

Monsieur [S] [D]

né le 27 novembre 1957 à [Localité 9]

[Adresse 5]

[Localité 6]

représenté et assisté par Me Jean-Baptiste LELANDAIS de la SELARL JBL AVOCAT, avocat au barreau de Rouen

DEFENDEURS A L'INCIDENT :

SA IMMO DE FRANCE NORMANDIE

RCS du Havre 437 705 080

[Adresse 2]

[Localité 9]

représentée et assistée par Me Laurent LEPILLIER de la SELARL LEPILLIER BOISSEAU, avocat au barreau du Havre plaidant par Me BOISSEAU

Syndicat de copropriétaires immeuble [Adresse 8] à [Localité 9]

représenté par son syndic SA IMMO DE FRANCE NORMANDIE

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée et assistée par Me Sandrine ULRICH, avocat au barreau de Rouen

* * * *

Mme WITTRANT, présidente de la mise en état à la 1ère chambre civile, assistée de Mme CHEVALIER, greffier,

Après avoir entendu les parties en leurs observations lors de l'audience publique du 4 février 2025, l'affaire a été mise en délibéré, pour décision être rendue ce jour.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [S] [D] est propriétaire d'un appartement (lot n°306) d'une cave (lot n°311) et d'un parking (lot n°19) au sein de la copropriété de l'immeuble [Adresse 8] sis [Adresse 4] à [Localité 9], dont le syndic est le cabinet Immo de France Normandie, régulièrement désigné en cette qualité par l'assemblée générale des copropriétaires réunie le 23 novembre 2020.

Par acte d'huissier en date du 7 décembre 2021, le syndicat de copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8] a fait assigner M. [D] devant le tribunal judiciaire de Rouen afin d'obtenir sa condamnation à l'exécution de travaux d'étanchéité sous astreinte et au paiement de charges de copropriété et de dommages et intérêts.

Par jugement du 10 février 2023 et jugement rectificatif du 22 mars 2023, le tribunal judiciaire de Rouen a :

- condamné M. [D] à payer, en deniers ou quittances, au syndicat de copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8], la somme de 1 179,15 euros au titre des charges de copropriété impayées, augmentées des frais nécessaires au recouvrement, arrêtées au 1er novembre 2021, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 juin 2021,

- ordonné l'anatocisme en application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamné M. [D] à laisser exécuter les travaux d'étanchéité sur son balcon selon devis [V] du 16 septembre 2021 pour 1 269,38 euros correspondant à l'enlèvement du carrelage, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision,

- condamné M. [D] à payer au syndicat de copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

- condamné M. [D] à payer au syndicat de copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la présente décision,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire,

- condamné M. [D] au paiement des entiers dépens de l'instance.

Par déclaration reçue au greffe le 24 mai 2023, M. [D] a interjeté appel de la décision.

Par acte d'huissier du 26 septembre 2024, la Sa Immo de France Normandie a été attraite à la procédure par M. [D].

Par ordonnance du 19 mars 2024, le conseiller de la mise en état saisi par

M. [D] a :

- rejeté la demande tendant à voir écarter des débats les conclusions et pièces communiquées par M. [S] [D] le 13 février 2024,

- débouté M. [S] [D] de sa demande de sursis à statuer,

- débouté le syndicat de copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné M. [S] [D] aux dépens du présent incident, avec distraction au profit de Me Sandrine Ulrich,

- condamné M. [S] [D] à payer au syndicat de copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

EXPOSE DE L'INCIDENT

Par conclusions d'incident notifiées le 26 août 2024 puis dernières le 4 février 2025, M. [S] [D] demande au conseiller de la mise en état de :

- le déclarer recevable et bien fondé en sa demande en intervention forcée de la Sa Immo de France Normandie,

- le déclarer recevable et bien fondé en son incident,

y faisant droit :

- constater la nullité de plein droit du contrat de syndic de la Sa Immo de France Normandie,

- prononcer la nullité de l'assignation et constater que le tribunal n'est pas régulièrement saisi,

- renvoyer au fond pour que la cour d'appel puisse statuer sur les demandes reconventionnelles,

- prononcer la nullité de l'assignation et constater que le tribunal n'est pas régulièrement saisi,

- débouter le syndicat de copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] et [Adresse 3] à [Localité 9], représenté par son syndic en exercice, de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la Sa Immo de France Normandie de toutes ses demandes,

- condamner in solidum le syndicat de copropriétaires de l'immeuble sis

[Adresse 4] et [Adresse 3] à [Localité 9], représenté par son syndic en exercice, et la Sa Immo de France Normandie à lui verser une indemnité de

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

A titre liminaire, il rappelle soulever l'irrecevabilité de l'action du syndicat de copropriétaires consécutivement à la nullité de l'assignation pour le défaut de qualité du cabinet Immo de France Normandie à représenter le syndicat de copropriétaires qui résulte du caractère rétroactif de l'annulation du mandat de syndic.

Sur la recevabilité de l'assignation en intervention forcée du cabinet Immo de France, il prétend que le refus du syndicat de copropriétaires de communiquer une copie de la convention de compte du compte séparé constitue un fait de nature à justifier l'assignation en intervention forcée du cabinet Immo de France Normandie à l'incident pour obtenir la communication de cette convention de compte.

Il allègue que la convention de compte communiquée démontre que le contrat de syndic que le cabinet Immo de France Normandie détenait de l'assemblée générale du 14 janvier 2015 est nul de plein droit.

A titre subsidiaire, si l'intervention forcée du cabinet Immo de France Normandie était considéré comme irrecevable, il soutient que le cabinet précité doit être débouté de ses demandes, dès lors qu'il a refusé de faire droit à la demande de communication de pièce.

Sur la compétence du conseiller de la mise en état à constater la nullité de plein droit du contrat de syndic, précisant que l'exception de procédure est une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure qui affecte la validité de la procédure, la fin de non-recevoir étant une irrégularité qui touche au droit d'agir, il expose qu'il résulte de l'article 117 du code de procédure civile que le défaut de pouvoir du représentant d'une personne morale constitue une irrégularité de fond qui peut être combattue par une exception de procédure. Ainsi, il considère qu'en défense à la demande d'un copropriétaire poursuivi par le syndicat de copropriétaires en paiement de charges de copropriété, le juge de la mise en état est compétent pour constater la nullité de plein droit du contrat de syndic aux fins de prononcer la nullité de l'assignation introductive d'instance et faire déclarer irrecevable l'action du syndic des copropriétaires.

Sur la nullité de plein droit du contrat de syndic, il estime que tout copropriétaire est recevable à faire valoir la nullité de plein droit du contrat de syndic qui ne verse pas sans délai sur le compte bancaire séparé toutes les sommes ou valeurs reçues au nom ou sur le compte du syndicat ou qu'il ne verse pas sans délai sur le compte séparé rémunéré les cotisations au fonds de travaux prévu à l'article 14-2.

Par conclusions d'incident notifiées le 27 septembre 2024, le syndicat de copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8] demande au conseiller de la mise en état, au visa des articles 18-1 de la loi du 10 juillet 1965, 9-1 et 33 du décret du

17 mars 1967, de :

- déclarer irrecevable et mal fondé M. [D],

- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [D] au paiement d'une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner M. [D] au règlement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [D] aux entiers dépens dont distraction faite au profit de Me Sandrine Ulrich.

Il soutient que la liste des pièces que peut demander le copropriétaire et le moment où il peut solliciter cette communication est encadrée par la loi du 10 juillet 1965 et le décret du 17 mars 1967, et fait valoir que les pièces sollicitées par

M. [D] ne font pas partie des pièces dont il peut solliciter la communication.

Par conclusions d'incident notifiées le 13 janvier 2025, la Sa Immo de France Normandie demande au conseiller de la mise en état, au visa des articles 554 du code de procédure civile, de :

- juger son intervention forcée irrecevable,

en tout état de cause,

- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [D] à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner M. [D] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [D] aux entiers dépens.

Estimant qu'une intervention forcée d'une société en cause d'appel doit être jugée irrecevable dans la mesure où les pièces produites par l'ensemble des parties démontrent que le demandeur, puis appelant, disposait dès la première instance de tous les éléments nécessaire pour apprécier l'opportunité d'appeler à la procédure cette société, elle soutient qu'en l'espèce M. [D] l'a assignée en intervention forcée devant le conseiller de la mise en état alors qu'il ressort des actes de procédure dénoncés que dès l'origine du litige M. [D] a sollicité que soit constatée la nullité du mandat de syndic pour défaut d'ouverture d'un compte bancaire au nom du syndicat de copropriétaires dans les trois mois de sa désignation, mais qu'aucune demande n'a jamais été formée par M. [D] à son encontre à titre personnel.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 4 février 2025.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'intervention forcée

Conformément à l'article 331 du code de procédure civile, un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal. Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement. Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense.

L'article 555 du même code dispose que les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnations, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

En l'espèce, la Sa Immo de France Normandie n'a pas été appelée à la procédure devant le tribunal de sorte qu'elle n'était pas partie à l'instance engagée le

7 décembre 2021. Elle n'était attraite devant le premier juge qu'ès qualités de syndic du syndicat de copropriétaires.

M. [D] ne démontre pas l'évolution du litige qui serait susceptible de justifier l'intervention forcée en cause d'appel par des faits nouveaux. Le syndic exerce ses fonctions de longue date, soit depuis 1998. Le litige entre le syndicat et le copropriétaire se poursuit dans des conditions constantes puisque d'une part devant le premier juge, M. [D] invoquait la nullité du contrat de syndic, d'autre part, il a sollicité dès ses premières conclusions notifiées le 24 août 2023 l'irrecevabilité de l'action du syndicat pour nullité de plein droit du contrat de syndic.

Même si dans l'assignation délivrée le 26 septembre 2024, il forme une demande à l'encontre de la Sa Immo de France Normandie de production de la convention du compte bancaire séparé ouvert au nom du syndicat de copropriétaires, cette prétention ne correspond pas à l'évolution du litige, ni en fait ni en droit.

En conséquence, cette action en intervention forcée est irrecevable.

Sur les demandes de la Sa Immo France Normandie

Pour demander le paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive, la Sa Immo France Normandie ne caractérise pas le préjudice qui serait né d'une faute causale commise par

M. [D]. Elle sera déboutée de ce chef.

M. [D] succombe à l'incident. Il sera condamné à supporter les dépens de l'incident supportés par cette société et à payer à la Sa Immo France Normandie la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de l'action du syndicat de copropriétaires

L'article 789 du code de procédure civile dans sa version applicable à l'espèce, par renvoi à l'article 907, dispose que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance.

Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.

Pour voir prononcer la nullité de l'acte introductif d'instance délivré par le syndicat de copropriétaires à son encontre le 7 décembre 2021, M. [D] se prévaut devant le conseiller de la mise en état de la nullité de plein droit du contrat de syndic de la Sa Immo de France Normandie, entraînant l'impossibilité pour le syndic de représenter le syndicat de copropriétaires.

Il convient de faire application des dispositions susvisées et compte tenu des questions posées et de la nécessité d'analyser le contrat litigieux, l'affaire est renvoyée devant la cour d'appel.

Il sera procédé à une disjonction de cet incident.

PAR CES MOTIFS

statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe,

Sur l'action dirigée contre la Sa Immo France Normandie

Déclare irrecevable l'action en intervention forcée engagée par M. [S] [D] à l'encontre de la Sa Immo France Normandie,

Condamne M. [S] [D] à payer à la Sa Immo France Normandie la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [S] [D] aux dépens supportés par la Sa Immo France Normandie,

Sur la recevabilité de l'action du syndicat de copropriétaires

Ordonne la disjonction de l'incident,

Renvoie l'affaire devant la cour d'appel pour plaidoiries à l'audience du 15 octobre 2025 à 14h,

Réserve les dépens.

Le greffier, La présidente de la mise en état,

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site