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Décisions

Cass. 3e civ., 3 avril 2025, n° 23-19.248

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Entreprise Luciani (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

Mme Bironneau

Avocats :

SAS Buk Lament-Robillot, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés

Noumea, ch. com., du 27 avril 2023

27 avril 2023

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 27 avril 2023), la société [Adresse 3], pour la réalisation d'une opération immobilière, a confié le marché terrassement, voiries et réseaux divers (VRD) à la société Pose système épuration (PSE), qui a sous-traité les travaux de terrassement à la société Entreprise Luciani (la société Luciani).

2. L'ensemble des factures émises par la société Luciani a été réglé par la société [Adresse 3], à l'exception de la retenue de garantie de 5 %.

3. La société Luciani a assigné la société [Adresse 3] en paiement de la retenue de garantie.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. La société Luciani fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes relatives à l'existence d'une réception et en paiement d'une somme correspondant à la restitution de la retenue de garantie assortie des intérêts capitalisés, alors « que la réception tacite peut résulter de toutes circonstances de nature à établir que le maître de l'ouvrage a entendu prendre possession de l'ouvrage et en payer le prix, même en présence de non-conformités de nature à justifier des réserves ; qu'en se bornant pour écarter toute réception tacite, à faire référence au rapport de conformité de 2015 et à considérer que le décompte général définitif établi le 30 septembre 2013 ne suffisait pas à établir que la réception des travaux était intervenue et que le présent litige sur la retenue de garantie contredirait l'idée même que la SCI [Adresse 3] ait pu approuver les travaux réalisés par l'entrepreneur principal et reconnu leur conformité, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la réception tacite des travaux de terrassement de la voirie et des plates-formes du centre commercial et de la résidence [Adresse 4] ne résultait pas d'une part, du fait que la société [Adresse 3] avait payé l'intégralité de ses factures, d'autre part du fait que la société [Adresse 3] avait cédé tous les lots du programme immobilier et que la société Super U [Adresse 3] avait débuté son activité dans le centre commercial objet des travaux de terrassement en 2016 et, enfin, du fait que des travaux de VRD de la résidence [Adresse 4], confiés à la société Entreprise Luciani le 9 février 2015 sur le même emplacement et dont la réalisation n'était possible qu'une fois les travaux de terrassement des plateformes achevés, avaient eux-mêmes fait l'objet d'une réception, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles des articles 1792-6 du code civil et 2 de loi n° 71-584 du 16 juillet 1971. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792-6 du code civil :

5. En application de ce texte, la réception peut être tacite si la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter cet ouvrage est établie, avec ou sans réserves.

6. Pour rejeter la demande en paiement de la société Luciani, l'arrêt, après avoir énoncé que la libération de la retenue de garantie par le maître de l'ouvrage à un sous-traitant est subordonnée à la réception des travaux, retient que, selon le rapport de conformité de travaux établi en février 2015 par le maître d'œuvre, la réception n'avait pas pu être prononcée dans l'attente de la transmission des récolements des travaux pour s'assurer de leur conformité et que le litige contredit l'idée même que la société [Adresse 3] aurait approuvé les travaux réalisés par l'entrepreneur principal et reconnu leur conformité, de sorte qu'aucune réception tacite de l'ouvrage ne peut être admise.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la réception tacite des travaux de terrassement de la voirie et des plates-formes du centre commercial et de la résidence [Adresse 4] ne résultait pas du paiement par la société [Adresse 3] des factures et de la cession de tous les lots du programme immobilier, laquelle supposait une prise de possession préalable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée ;

Condamne la société [Adresse 3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;