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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 2, 3 avril 2025, n° 23/02302

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 23/02302

3 avril 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 03/04/2025

N° de MINUTE :

N° RG 23/02302 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U47N

Jugement (RG 2022000313) rendu le 28 mars 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

Banque Populaire du Nord, SA coopérative de banque populaire à capital variable, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Philippe Vynckier, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉES

SARL Gad [Localité 3]

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]

Défaillante à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées le 12 juillet 2023 (à étude)

SELURL [X] [C], prise en la personne de Me [C] [X], agissant en qualité de liquidateur de la SAL Gad [Localité 3], désigné à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Lille métropole du 12 décembre 2023

ayant son siège social [Adresse 7]

[Localité 4]

Défaillante à qui l'assignation en intervention forcée a été délivrée le 17 janvier 2024 (à personne morale)

DÉBATS à l'audience publique du 21 janvier 2025 tenue par Stéphanie Barbot magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Caroline Vilnat, conseiller

ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 avril 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 17 décembre 2024

****

FAITS ET PROCEDURE

Par un acte sous seing privé 17 mars 2018, la société Gad [Localité 3] (la société Gad) a ouvert un compte bancaire dans les livres de la banque populaire du Nord (la banque).

Par ailleurs, la banque a consenti à la société Gad plusieurs prêts :

- le 11 janvier 2019, un prêt n° 08705047 (prêt n° 1) d'un montant de 50'000 euros, remboursable en 60 mensualités de 899,37 euros et assorti d'un taux d'intérêts de 1,75 % ;

- le 23 janvier 2019, un prêt n° 08705451 (prêt n° 2) d'un montant de 8 087 euros, remboursable en 24 mensualités de 345,97 euros assortis d'un taux d'intérêts de 1,70 % ;

- et en mai 2020, un prêt garanti par l'Etat, dit PGE, (prêt n° 3) de 50'000 euros, remboursable en 72 mois.

Le 8 novembre 2021, la banque a dénoncé le découvert enregistré sur le compte bancaire de la société Gad, puis clôturé ce compte.

Par une lettre du 6 octobre 2021, la banque a prononcé l'exigibilité des prêts en raison de la défaillance de la société Gad.

Le 4 janvier 2022, la banque a assigné la société Gad en paiement du solde débiteur du compte bancaire et des prêts précités.

Par un jugement du 28 mars 2023, le tribunal de commerce de Lille métropole a :

' rejeté les demandes de la banque tendant à la condamnation de la société Gad au paiement du solde débiteur de compte ;

' condamné la société Gad à payer à la banque les sommes de 6 295,59 euros au titre du prêt n° 08705047, avec intérêts au taux de 1,75 % à compter de la date de chacune des échéances impayées, et rejeté le surplus de la demande de la banque à ce titre ;

' condamné la société Gad à payer à la banque la somme de

1 765,14 euros au titre du prêt n° 08705451, avec intérêts au taux de 1,70 % à compter de la date de chacune des échéances impayées, et rejeté le surplus de la demande de la banque à ce titre ;

' condamné la société Gad à payer à la banque la somme de 371,04 euros au titre du PGE, avec intérêts au taux de 0,73 % à compter de la date de chacune des échéances impayées, et rejeté le surplus de la demande de la banque à ce titre ;

' condamné la société Gad à payer à la banque une indemnité procédurale de 1 000 euros ;

' rejeté toutes les autres demandes des parties ;

' condamné la société Gad aux dépens.

Le 17 mai 2023, la banque a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions lui portant préjudice.

Le 12 décembre 2023, la société Gad a été mise en liquidation judiciaire, la société [X] étant nommée en qualité de liquidateur.

Le 22 décembre 2023, la banque a déclaré ses créances au passif de cette procédure collective.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par ses uniques conclusions notifiées par la voie électronique le 26 juillet 2023, la banque demande à la cour de :

Vu les articles 1103 et 1104 du code civil,

Vu les articles 1342 et suivants du code civil,

Vu l'article L. 313-12 du code monétaire et financier,

' réformer en ce qu'il :

' rejette les demandes de condamnation de la société Gad au titre du solde débiteur du compte ;

' et ne condamne la société Gad qu'aux seules échéances échues et impayées avant la déchéance du terme au titre des trois prêts ;

' condamner la société Gad au paiement de la somme de 25 076,38 euros au titre du solde débiteur de son compte professionnel, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2021 ;

' condamner la société Gad au paiement des sommes suivantes :

' 37 929,28 euros au titre du prêt n° 08705047 [prêt n° 1], outre les intérêts au taux conventionnel de 1,75 % à compter du 8 novembre 2021 ;

' 1 765,14 euros au titre du prêt n° 08705451 [prêt n° 2], outre les intérêts au taux conventionnel de 1,70 % à compter du 8 novembre 2021 ;

' 50 529,89 euros au titre du PGE n° 08723830 [prêt n° 3], outre les intérêts au taux conventionnel de 0,73 % à compter du 8 novembre 2021 sur un principal de 50'496,08 euros ;

' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il condamne la société Gad au paiement d'une indemnité de procédure ;

Y ajoutant,

' condamner la société Gad au paiement d'une indemnité procédurale de 3 000 euros

en cause d'appel ;

' condamner la même aux dépens de première instance et d'appel.

La société Gad n'ayant pas constitué avocat, la banque lui a signifié sa déclaration d'appel et ses conclusions d'appel par un acte du 12 juillet 2023, déposé en l'étude du commissaire de justice.

Par un acte du 17 janvier 2024, remis à personne habilitée, la banque a assigné le liquidateur de la société Gad en intervention forcée, en lui signifiant sa déclaration d'appel et ses conclusions d'appel.

Ni la société Gad, débitrice, ni son liquidateur n'ont constitué avocat.

Le présent arrêt sera donc rendu par défaut.

***

Le 26 février 2025, par un message notifé par le RPVA à la banque - seule partie ayant constitué avocat -, la cour d'appel a, en application de l'article 442 du code de procédure civile :

- d'abord, rappelé qu'elle statue dans une instance en cours au sens de l'article L. 622-22 du code de commerce, de sorte qu'elle ne peut que fixer les créances éventuelles au passif de la procédure collective de la société Gad ;

- ensuite, invité l'appelante à présenter ses observations sur les points suivants :

* concernant le solde débiteur du compte : vu l'article L. 622-28, alinéa 1, du code de commerce, la cour d'appel envisage d'arrêter le cours des intérêts au taux légal à compter du jugement ouvrant la liquidation judiciaire, ce qui implique donc le rejet des intérêts à échoir à compter de ce jugement ;

* et concernant le prêt n° 08705451 : vu les articles L. 622-28, alinéa 1, L. 622-25 et R. 622-23, 2°, du code de commerce, la cour d'appel envisage de rejeter en totalité la créance d'intérêts accessoires à la créance principale déclarée à ce titre, en l'état de l'imprécision de la déclaration de créance de la banque quant aux intérêts accessoires à la créance principale déclarée à ce titre, les mentions de cette déclaration ne permettant ni de déterminer les modalités de calcul des intérêts échus jusqu'au jugement d'ouverture, ni celui des intérêts à échoir à compter de ce jugement, au sens de l'article R. 622-23 susvisé.

La banque n'a pas fait parvenir d'observations à la suite de cet avis.

MOTIVATION

A titre liminaire, il importe de préciser que l'instance était en cours lorsque la société Gad a été mise en liquidation judiciaire et a été régulièrement reprise par la mise en cause du liquidateur de cette société et la déclaration, par la banque, de chacune des créances en cause dans le présent litige.

Par conséquent, statuant à l'occasion d'une instance en cours régulièrement reprise, la présente cour d'appel ne pourra que fixer les éventuelles créances de la banque au passif de la liquidation judiciaire, conformément aux dispositions de l'article L. 622-22 du code de commerce.

1°- Sur le solde débiteur du compte

En droit, le contrat de crédit, comme tout contrat à durée indéterminée, peut être résilié à tout moment. Cependant, s'agissant des concours non occasionnels consentis aux entreprises, le législateur a prévu des dispositions protectrices spéciales à l'article L. 313-12 du code monétaire et financier (anciennement article 60 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984). Ce texte dispose que :

Tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l'établissement de crédit ou la société de financement fournit, sur demande de l'entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées. [...]

Sauf dispense de préavis légale, prévues dans deux cas (en cas de situation irrémédiablement compromise du débiteur, ou de comportement gravement répréhensible de ce dernier), ou dispense conventionnelle - dispenses non en cause en l'espèce -, ce texte oblige le prêteur à respecter un préavis de 60 jours avant de réduire ou d'interrompre son concours. Le but est de prévenir tout abus du prêteur dans la mise en oeuvre d'un droit discrétionnaire et de permettre au débiteur de faire face à la situation nouvelle.

Par conséquent, tout concours à durée indéterminée consenti par un établissement de crédit à une entreprise ne peut donc être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours (Com. 2 mars 2010, n° 09-10.435).

Il n'est pas permis de contourner cette règle en soutenant, notamment, que le crédit indéterminé est devenu à durée déterminée durant la période de préavis (Com. 20 sept. 2023, n° 22-15878, publié).

Même la convention conclue entre les parties ne peut dispenser la banque de la forme écrite pour réduire ou interrompre des concours (Com. 10 juin 1997, n° 95-14966, publié).

La rupture doit être notifiée en termes non équivoques signifiant clairement au débiteur de la décision de la banque de ne plus accorder de crédit (V. par ex. : Com. 18 mai 1993, n° 91-17675, publié ; Com. 2 nov. 1994, n° 92-17190). Le banquier doit mettre en demeure son client de rembourser le crédit non échu. En revanche, l'article L. 313-12 n'exige pas que le banquier motive, dans la lettre de notification, sa décision de mettre fin au concours à durée indéterminée (Com. 22 févr. 2005, n° 02-12199). Ainsi, ce qui est voulu, via l'exigence d'un écrit, c'est que le client n'ait aucun doute sur la cessation du concours et sur la nécessité pour lui de rechercher un autre banquier susceptible d'accorder le crédit supprimé, et non de vérifier la justification, par le banquier, de sa décision de rompre les concours.

Pendant le préavis de 60 jours, le banquier doit maintenir son concours, sauf s'il démontre se trouver dans l'un des deux cas de dispense de préavis.

Si la rupture de crédit est intervenue sans préavis, l'établissement de crédit doit être condamné au rétablissement du crédit et l'établissement de crédit engage sa responsabilité. La sanction du non-respect du préavis, légalement prévue, consiste en la nullité de la rupture du concours.

Par ailleurs, concernant les effets de l'ouverture d'une liquidation judiciaire, l'article L. 641-11-1, I, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, édicte un principe de continuation des contrats en cours, formulé comme suit :

Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture ou du prononcé d'une liquidation judiciaire.

Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif.

S'il existait, encore récemment, des hésitations quant à l'incidence de l'ouverture d'une liquidation judiciaire sur une convention d'ouverture de compte bancaire (v. not. Com., 13 déc. 2016, n° 14-16037), la Cour de cassation les a levées en énonçant que 'le compte courant étant un contrat en cours, sa résiliation ne peut résulter de l'ouverture de la liquidation judiciaire. La clôture du compte, qui n'est donc pas intervenue, n'en rend pas le solde exigible et la caution n'en est pas tenue' (sommaire de Com. 11 sept. 2024, n° 23-12.695, publié).

La continuation du contrat en cours oblige donc la banque à faire fonctionner le même compte afin de permettre le maintien de l'activité du débiteur. Néanmoins, en pratique, un 'solde provisoire' est arrêté au jour du jugement d'ouverture (à 0 heure), solde que le banquier doit déclarer au passif, s'agissant d'une créance antérieure soumise, en tant que telle, à l'article L. 622-24 du code de commerce (Com. 5 nov. 2003, n° 00-20122).

S'agissant des intérêts afférents à ce solde débiteur, la banque ne peut en revanche les déclarer, et ce, en application du principe de l'arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels édicté à l'article L. 622-28 du code de commerce. Toute créance déclarée à ce titre doit donc être rejetée, dès lors que ce n'est que par exception à ce principe, dans le cas des emprunts d'une durée d'un an et plus, que les intérêts continuent à courir et doivent être déclarés au passif (en tant qu'intérêts à échoir), afin que leur montant soit opposable à la procédure collective.

Enfin, s'il s'agit d'une créance antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, le montant de la créance à admettre est celui existant au jour de ce jugement. Il s'ensuit qu'en cas de contestation de la créance déclarée, c'est à cette date que le juge-commissaire, puis la cour d'appel, doivent se placer pour statuer sur son admission, sans pouvoir tenir compte d'événements postérieurs susceptibles d'influer sur la somme qui sera ultérieurement distribuée par le liquidateur (Com. 5 juill. 2023, n° 22-10104, publié).

En l'espèce, la banque demande la condamnation de la société Gad à lui payer la somme de 25 076,38 euros au titre du solde débiteur de son compte professionnel, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2021.

A l'appui, la banque indique avoir notifié à la société Gad la dénonciation du découvert autorisé à durée indéterminée par une lettre du 12 mars 2021, lui demandant le remboursement du solde débiteur du compte dans un délai de 60 jours (p. 5 de ses conclusions).

Ce faisant, la banque reconnaît implicitement que le découvert enregistré sur le compte bancaire de la société débitrice GAD s'analyse en un concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, consenti à une entreprise, au sens de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, et que la rupture de ce concours lui imposait de délivrer d'une 'notification écrite' avec le respect d'un délai de préavis de 60 jours.

Et de leur côté, les intimés, non comparant, ne contestent pas l'existence de ce découvert autorisé.

La banque justifie avoir envoyé à la société Gad une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 mars 2021, l'informant de ce qu'elle n'était plus disposée à maintenir le découvert qu'elle lui avait consenti et lui demandant, en conséquence, de rembourser intégralement ce concours dans un délai de 60 jours, à défaut de quoi le compte serait clôturé.

Si cette lettre vaut donc notification préalable, en application de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, force est néanmoins de relever que la banque reconnaît elle-même n'avoir pas retrouvé l'accusé de réception de cette lettre qui, au surplus, a été adressée au [Adresse 1] à [Localité 3], cependant que la société Gad a transféré son siège social à une autre adresse (au [Adresse 2] à [Localité 3]), en publiant ce transfert au RCS à compter du 10 février 2021 (v. ses conclusions, p. 5, § 7). Il n'est donc pas démontré que la société Gad aurait reçu cette lettre.

En outre, au vu de leurs termes, desquels il ne ressort pas l'intention non équivoque de la banque de mettre un terme au découvert autorisé, aucune des autres lettres qu'elle a envoyées à la société Gad, respectivement les 22 juin, 6 août et 6 octobre 2021, à l'ancienne comme à la nouvelle adresse de son siège social, ne peut s'analyser en une notification écrite avec préavis, telle que l'exige l'article L. 313-12.

En conclusion, la banque ne justifiant pas, via sa lettre du 8 novembre 2021, que la société Gad aurait reçu la notification prévue par ce dernier texte avant de clôturer le compte et de mettre fin à ce concours, elle ne pouvait exiger le paiement du solde débiteur à partir de cette date.

Cela étant, cette irrégularité s'avère, en réalité, sans portée en l'espèce, dans la mesure où, le compte bancaire de la société Gad ayant été clôturé le 8 novembre 2021, aucune nouvelle opération n'a, par hypothèse, pu y être enregistrée depuis cette date et jusqu'au jugement ouvrant la liquidation judiciaire de cette société. Et ni cette dernière ni son liquidateur, qui n'ont pas constitué avocat en appel, ne démontrent qu'un paiement quelconque serait intervenu afin d'apurer, fût-ce partiellement, ce solde débiteur.

Dans ces conditions, à la date du jugement d'ouverture, la créance de la banque au titre du solde débiteur du compte est égale au montant existant au jour de la clôture du compte intervenue le 8 novembre 2021, soit

25 076,38 euros, correspondant au solde arrêté au 25 octobre 2021.

Dans le dispositif de ses conclusions d'appel, la banque demande la somme de 25 076,38 euros au titre du solde débiteur de son compte professionnel, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2021, date de la mise en demeure délivrée à la société Gad.

Au vu de la déclaration de créance produite par la banque, cette somme principale et ces intérêts ont été régulièrement déclarés au passif de la liquidation judiciaire de la société Gad, le 22 décembre 2023.

Cependant, dans la mesure où il n'est pas démontré que la convention de compte courant ait précisé la durée pendant laquelle les fonds ont été mis à disposition, ni les modalités de son remboursement, ce découvert bancaire ne constitue pas un prêt d'une durée égale ou supérieure à un an et se trouve donc soumis à la règle de l'arrêt du cours des intérêts prévue par l'article L. 622-28 du code de commerce, ainsi que la cour d'appel l'a relevé d'office dans l'avis notifié à la banque le 26 février 2025.

Dès lors, la banque ne peut réclamer les intérêts à échoir à compter du jugement ouvrant la liquidation judiciaire de la société Gad.

La créance au titre du solde débiteur du compte doit donc être fixée à la somme de 25 076,38 euros en principal, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2021 et jusqu'au 12 décembre 2023 (à 0 heure).

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

2°- Sur les prêts

Les établissements bancaires prévoient souvent, dans les conventions de prêt, même non soumises au code de la consommation, des clauses de déchéance du terme, notamment en cas de défaillance de l'emprunteur dans son obligation de remboursement, ces clauses prévoyant le plus souvent la délivrance préalable d'une notification, voire d'une mise en demeure. La déchéance du terme rend l'obligation immédiatement exigible.

Si la mise en demeure est demeurée sans effet, la déchéance du terme est acquise à l'expiration de ce délai, sans obligation pour la banque de procéder à sa notification (1re Civ. 10 nov. 2021, n° 19-24386).

Par ailleurs, en cas de liquidation judiciaire, les prêts consentis avant le jugement d'ouverture ne sont pas des contrats en cours au sens de l'article L. 622-13 du code de commerce, applicable en sauvegarde et redressement judiciaire, qui a pour équivalent l'article L. 641-11-1, I, du même code, en cas de liquidation judiciaire (Com. 9 févr. 2016, n° 14-23219, publié).

Cependant, selon l'article L. 643-1 de ce code, le jugement ouvrant ou prononçant une liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues. Il s'ensuit que le jugement de liquidation judiciaire entraîne, de plein droit, la déchéance du terme du prêt à l'égard de l'emprunteur principal (v. not. Com. 15 juin 2011, n° 10-18850, publié).

Tel qu'énoncé ci-dessus, l'article L. 622-28, alinéa 1er, édicte un principe d'arrêt du cours des intérêts, mais prévoit une exception s'agissant des prêts conclus pour une durée égale ou supérieure à un an.

Pour être opposable à la procédure collective, les intérêts à échoir dont le cours n'est pas arrêtés doivent être déclarés au passif, selon les modalités prévues à l'article L. 622-25, alinéa 1, du code de commerce, complété par l'article R. 622-23, 2°, de ce code, qui prévoit que la déclaration de créance contient 'les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté.'

Dans ce cas, deux modes de déclaration des intérêts à échoir sont admis :

- soit le montant des intérêts à échoir peut être calculé, et alors la déclaration peut contenir ce montant déjà calculé, sans à en prévoir les modalités de calcul (Com. 2 nov. 2016, n° 15-10161 ; Com. 7 nov. 2018, n° 17-22.194, publié) ;

- soit ces intérêts ne peuvent pas être calculés, et alors la déclaration doit comporter leurs modalités de calcul. Il a déjà été jugé que ne valent pas déclaration régulière des intérêts les expressions telles que « intérêts à parfaire » (Com. 13 nov. 2007, n° 06-16696) ou encore « outre intérêts » (Com. 17 oct. 2018, n° 17-17268). Si le taux d'intérêt est mentionné, mais que les modalités de calcul ne sont pas précisés, dans la déclaration elle-même ou par renvoi exprès de celle-ci à un document joint indiquant ces modalités, cela ne vaut pas déclaration des intérêts dont le cours n'était pas arrêté (Com. 23 nov. 2022, n° 21-14116 ; Com. 5 févr. 2023, n° 22-12310).

Si la déclaration a été faite pour un montant global à échoir, le juge peut soit admettre la créance pour ce montant global, soit préciser les modalités de calcul des intérêts (Com. 12 juill. 2016, n° 14-28900 ; Com. 28 févr. 2018, n° 16-24867).

En l'espèce, la société Gad ayant été mise en liquidation judiciaire, les prêts que lui a consentis la banque sont nécessairement devenus exigibles.

Dès lors, la seule question soumise à la cour consiste à déterminer si cette exigibilité est survenue avant le jugement ouvrant la liquidation judiciaire, ou par l'effet de ce jugement en application de l'article L. 643-1 précité.

Les trois prêts souscrits par la société Gad contiennent une clause de déchéance du terme :

- l'article 11, intitulé 'exigibilité', des prêts 1 et 2 est ainsi rédigé :

Toutes les sommes dues en principal, intérêts échus et non payés, frais et accessoires par l'emprunteur, seront exigibles [...] dans l'un des cas suivants :

- non-paiement d'une échéance à bonne date ;

[...]

La créance de la banque sera exigible dans l'un ou l'autre des cas ci-dessus énoncés, de plein droit, huit (8) jours après notification adressée à l'emprunteur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans qu'il soit besoin de mise en demeure ou d'autres formalités [...].

Au cas où la somme prêtée deviendrait immédiatement exigible et où le contrat serait résilié de plein droit dans les conditions prévues à l'article 'exigibilité', le capital restant dû portera également jusqu'à la date du règlement effectif intérêt à un taux fie égal au dernier taux contractuel applicable au jour de la déchéance du terme majoré de trois points.

En outre, sauf en cas de décès et dans le cas d'incendie ou de catastrophe naturelle prévu ci-dessous, la banque peut demnader une indemnité dont le montant est fixé à 8 % des sommes dues au titre du capital restant dû, des intérpets échus et non versés et, le cas échéant, des intérêts de retard.

- et la clause dénommée 'exigibilité' du prêt n° 3 (le PGE) est libellée en ces termes :

L'emprunteur sera déchu du terme et la somme prêtée en principal et intérêts ainsi que toutes sommes dues au preteur à quelque titre que ce soit deviendront immédialement exigibles sans sommation, mise en demeure ou formalité judiciaire préalable, si bon semble au prêteur, quinze jours après l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception avec avis de réception ;

- à défaut de paiement exact à bonne date d'une seule échéance ou d'une somme quelconque due par l'emprunteur au titre du prêt ;

[...]

Les sommes ainsi devenues exigibles seront productives d'intérêts au taux conventionnel du prêt majoré de trois points. Lesdites intérêts se capitaliseront de plein droit au bout d'une année entière, conformément à l'article 1342-2 du code civil.

La banque justifie avoir adressé à la société Gad deux mises en demeure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au titre des trois prêts, la première du 6 août 2021 à l'ancienne adresse du siège social, la seconde du 6 octobre 2021 à la nouvelle adresse de ce siège. Ces lettres précisaient le nombre et le montant total des échéances impayées pour chacun de ces prêts et octroyaient à la société Gad un délai pour payer l'intégralité des sommes dues au titre de chacun des prêts, sous peine du prononcé de la déchéance du terme.

La société Gad ou son liquidateur ne prouvant pas que les sommes réclamées auraient été payées dans le délai contractuellement fixé pour chacun des prêts, c'est à bon droit que la banque s'est prévalue de la déchéance du terme par une lettre envoyée à la débitrice le 8 novembre 2021. Ainsi, l'intégralité des sommes dues au titre des prêts étaient déjà exigibles à cette date.

- Sur la créance afférente au prêt 1 (n° 08705047) :

La banque se prévaut d'une créance de 37 929,28 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 1,75 % à compter du 8 novembre 2021.

En vertu de l'article L. 622-28 du code de commerce, ce prêt ayant été conclu pour une durée supérieure à un an, moyennant un taux d'intérêts de 1,75 %, ces intérêts conventionnels ont continué de courir après le jugement de liquidation judiciaire de la société Gad.

Dans sa déclaration de créance du 22 décembre 2023, la banque a déclaré à ce titre la somme totale de 39 165,89 euros, incluant les termes échus et impayés, le capital restant dû, les intérêts échus au jour du ' redressement judiciaire', l'indemnité forfaitaire de 8%, et les intérêts au taux conventionnel de 1,75 % jusqu'au règlement total.

Cette créance n'étant contestée ni dans son montant principal ni dans ses accessoires, il convient de la fixer pour le montant invoqué par la banque, sans qu'il soit possible d'y condamner la société Gad, qui a été mise en liquidation judiciaire pendant l'instance d'appel, et ce conformément aux dispositions de l'article L. 622-22 du code de commerce.

- Sur la créance afférente au prêt 2 (n° 08705451) :

La banque invoque une créance de 1 765,14 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 1,70 % à compter du 8 novembre 2021.

Concernant ce prêt, la banque a déclaré au passif la somme de 1 765,14 euros en principal, cette somme englobant les échéances échues depuis le 28 août 2021, 'outre les intérêts du 08/11/2021 jusqu'à la date effective du paiement : mémoire', sans préciser le taux d'intérêt appliqué.

Ainsi que la cour d'appel l'a relevé d'office, en mettant la banque en mesure de présenter ses observations sur ce point, ce prêt conclu pour une durée supérieure à une année a certes continué de produire des intérêts au taux conventionnel après le jugement d'ouverture en application de l'article L. 622-28 du code de commerce, mais eu égard à l'imprécision de la mention de la déclaration de créance relative aux intérêts déclarés, cette déclaration ne vaut pas déclaration d'intérêts échus jusqu'au jugement d'ouverture ni déclaration des intérêts à échoir conforme aux exigences de l'article R. 622-23 du code de commerce.

La créance correspondant à ce prêt sera donc fixée au passif à concurrence de la seule somme de 1 765,14 euros, la demande d'intérêts conventionnels étant rejetée.

- Sur la créance afférence au prêt 3 (PGE n° 08723830) :

La banque allègue une créance de 50 529,89 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 0,73 % à compter du 8 novembre 2021 sur un principal de 50'496,08 euros.

Dans sa déclaration du 22 décembre 2023, elle a déclaré, à ce titre, une créance totale de 51 258,04 euros, incluant les termes échus et impayés, le capital restant dû, les intérêts échus au jour du « redressement judiciaire », outre les intérêts au taux conventionnel de 1,75 % « jusqu'au règlement total », c'est-à-dire les intérêts à échoir.

Les intérêts ayant été régulièrement déclarés et la créance ne faisant l'objet d'aucune contestation, elle sera fixée au passif conformément à ce que demande la banque, puisque, tel qu'indiqué précédemment, aucune condamnation ne peut être prononcée à l'égard de la société Gad, désormais en liquidation judiciaire.

En définitive, il convient d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

3°- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La succombance de la société débitrice justifie la condamnation de son liquidateur aux dépens de première instance et d'appel et la réformation du jugement en ce qu'il a alloué une indemnité de procédure à cette société.

Par ailleurs, l'équité commande de rejeter la demande d'indemnité procédurale formée par la banque.

PAR CES MOTIFS

- INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Et statuant à nouveau,

- Fixe les créances de la société Banque populaire du Nord au passif de la liquidation judiciaire de la société Gad de la manière suivante :

' créance afférente au solde débiteur du compte bancaire professionnel : 25 076,38 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2021 et jusqu'au 12 décembre 2023

(à 0 heure) ;

' créance afférente au prêt n° 08705047 : 37 929,28 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 1,75 % à compter du 8 novembre 2021 ;

' créance afférente au prêt n° 08705451 :1 765,14 euros ;

' créance afférente au PGE n° 08723830 : 50 529,89 euros, outre les intérêts au taux de 0,73 % à compter du 8 novembre 2021 sur la somme de 50'496,08 euros ;

- Rejette la créance d'intérêts à échoir à compter du 12 décembre 2023, déclarée par la société Banque populaire du Nord au titre du prêt n° 08705451 ;

- Condamne la société [X], en qualité de liquidateur de la société Gad, aux dépens de première instance et d'appel ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée en première instance par la société Gad, ainsi que la demande formée par la société Banque populaire du Nord.

Le greffier

Marlène Tocco

La présidente

Stéphanie Barbot

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