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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 2, 3 avril 2025, n° 23/05348

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 23/05348

3 avril 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 03/04/2025

****

N° de MINUTE :

N° RG 23/05348 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VHFA

Jugement (N° 2023008156) rendu le 19 septembre 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

SELAS MJS Partners agissant par Maître [F] [I] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Menuiserie Nord PVC suivant jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 28 juin 2022

ayant son siège [Adresse 2]

Représentée par Me Guillaume Boureux, avocat constitué, substitué par Me Lauralee Lorette, avocats au barreau de Lille

INTIMÉES

SAS [R], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège [Adresse 4]

Représentée par Me Loïc Jarsaillon, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

SCP B.T.S.G.² agissant par Me [S] [X], en qualité de mandataire ad'hoc de la société Menuiserie Nord PVC désignée par ordonnance du président du tribunal de commerce de Lille métropole du 28 septembre 2023

ayant son siège [Adresse 1]

Représentées par Me Guillaume Boureux,avocat constitué, substitué par Me Lauralee Lorette, avocats au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 21 janvier 2025 tenue par Stéphanie Barbot magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Caroline Vilnat, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 avril 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 17 décembre 2024

****

FAITS ET PROCEDURE

La société [R], spécialisée dans la menuiserie en PVC à destination des professionnels et particuliers, était le fournisseur de la Menuiserie Nord PVC (la société débitrice), qui exerçait la même activité à destination des professionnels.

A l'occasion de leurs relations commerciales, la société [R] consentait à la société débitrice un « crédit fournisseur », donnant lieu à un « encours », dont le plafond, initialement fixé à la somme de 200 000 euros, a ensuite été augmenté à 400 000 euros.

C'est dans ces conditions que, par un contrat du 30 décembre 2020, dénommé « protocole d'accompagnement », la société débitrice a consenti à la société [R] un gage sans dépossession portant sur un automate horizontal à quatre têtes et modules de gestion de stock (l'automate).

Le 31 décembre 2020, ce gage a été publié sur le registre spécial tenu au greffe du tribunal de commerce de Lille métropole.

Le 21 mars 2022, la société Menuiserie Nord PVC (la société débitrice) a été mise en redressement judiciaire.

Le 17 mai 2022, la société [R] a déclaré au passif une créance de 395 436,99 euros, et ce à titre privilégié sur la somme de 200 000 euros au titre du gage précité.

Le 20 juin 2022, le plan de cession de la société débitrice, excluant l'automate gagé du périmètre de la cession, a été arrêté au profit de la société Portes-Eo, avec faculté de substitution au bénéfice de la société MGP Nord.

Le 28 juin 2022, la procédure collective de la société Menuiserie Nord PVC a été convertie en liquidation judiciaire, la société MJS Partners étant nommée en qualité de liquidateur.

Le 5 juillet 2022, la société [R] a saisi le juge-commissaire d'une demande d'attribution judiciaire du bien gagé, en application de l'article L. 642-20-1 du code de commerce.

Par une ordonnance du 18 avril 2023, exécutoire par provision, le juge-commissaire a notamment :

- déclaré recevable la demande de la société [R] ;

- ordonné l'attribution judiciaire de l'automate à la société [R] à hauteur de la somme de 65 000 euros ;

- et autorisé la société [R] à accéder au lieu était est stocké l'automate et à le reprendre à ses frais.

Le 28 avril 2023, le liquidateur et la société débitrice ont formé opposition à cette ordonnance. La société Portes-Eo et la société MGP Nord, qui s'est substituée à la première en tant que cessionnaire, sont intervenues volontairement à l'instance.

Le 1er juin 2023, la société [R] a fait exécuter l'ordonnance du 18 avril 2023.

Par un jugement du 19 septembre 2023, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- dit irrecevables les interventions volontaires, à titre accessoire, des sociétés Portes-Eo et MGP Nord ;

- débouté la société débitrice et son liquidateur de leur demande de communication du lieu de stockage de l'automate de soudage ;

- débouté les mêmes de leur « demande d'irrecevabilité à agir » de la société [R] ;

- confirmé en tous points l'ordonnance du juge-commissaire ;

- débouté la société débitrice et son liquidateur de leur demande tendant à voir fixer la valeur de l'automate soudeur à la somme de 106 200 euros HT ;

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;

- condamné la société débitrice et son liquidateur à payer à la société [R] une indemnité de procédure globale de 500 euros ;

- mis les dépens à la charge de la société débitrice et son liquidateur.

Par une ordonnance du 28 septembre 2023, la société BTSG² a été désignée en qualité de mandataire ad hoc de la société débitrice.

Le 1er décembre 2023, le liquidateur a relevé appel du jugement du 19 décembre 2023.

PRETENTIONS DES PARTIES

' Par leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 août 2024, la société Menuiserie Nord PVC, représentée par son mandataire ad hoc, son liquidateur et son mandataire ad hoc demandent à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris [en ses dispositions listées dans le dispositif des conclusions] ;

Statuant à nouveau :

- faire sommation à la société [R] d'avoir à indiquer à MJS Partners le lieu de stockage de l'automate de soudage, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard à compter de la signification à intervenir ;

* à titre principal :

Vu la demande de serment décisoire prévue par les articles 1384 et suivants du code civil,

- déclarer la société [R] irrecevable à agir ;

- rejeter la demande d'attribution judiciaire du gage formée par la société [R], ainsi que toutes ses demandes ;

- prononcer la mainlevée et la radiation du gage n° 2020GM000095 ID 339517856 au registre du greffe ;

- condamner la société [R] à restituer en parfait état de fonctionnement à MJS Partners, en qualité de liquidateur de la société Menuiserie Nord PVC, l'automate de soudage décrit en page 20 de l'inventaire du commissaire-priseur du 21 juin 2022, aux frais de la société [R], sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard à compter de la signification à intervenir ;

- en conséquence, autoriser la société MJS Partners, ès qualités, à reprendre possession de l'automate de soudage décrit en page 20 de l'inventaire du commissaire-priseur du 21 juin 2022, en tous lieux et en toutes mains où il se trouve, auprès de tous tiers, et aux frais de la société [R], en ce compris les frais d'enlèvement, de transport, de remontage et de constat, et l'y condamner ;

- juger que la société MJS Partners, ès qualités, pourra se faire assister de tout huissier pour constater la reprise de la machine et de tout technicien aux fins de remontage de la machine, aux frais de la société [R] ;

- juger qu'un constat de reprise sera dressé par tout huissier choisi par MJS Partners, ès qualités, aux frais de la société [R] ;

- se réserver la liquidation de l'astreinte ;

* subsidiairement, si la cour jugeait la société [R] recevable à

agir :

- rejeter la demande d'attribution judiciaire du gage formée par la société [R], ainsi que toutes ses demandes ;

- prononcer la mainlevée et la radiation du gage n°2020GM000095 ID 339517856 au registre du greffe ;

- condamner la société [R] à restituer en parfait état de fonctionnement à MJS Partners, ès qualités, l'automate de soudage décrit en page 20 de l'inventaire du commissaire-priseur du 21 juin 2022, aux frais de la société [R], sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard à compter de la signification à intervenir ;

- en conséquence, autoriser la société MJS Partners, ès qualités, à reprendre possession de l'automate de soudage décrit en page 20 de l'inventaire du commissaire-priseur du 21 juin 2022, en tous lieux et en toutes mains où il se trouve, auprès de tous tiers, et aux frais de la société [R], en ce compris les frais d'enlèvement, de transport, de remontage et de constat, et l'y condamner ;

- juger que la société MJS Partners, ès qualités, pourra se faire assister de tout huissier pour constater la reprise de la machine et de tout technicien aux fins de remontage de la machine, aux frais de la société [R] ;

- juger qu'un constat de reprise sera dressé par tout huissier choisi par MJS Partners, ès qualités, aux frais de la société [R] ;

- se réserver la liquidation de l'astreinte ;

* à titre infiniment subsidiaire, si la cour d'appel retenait l'opposabilité du gage :

Vu l'offre de la société Portes-Eo acceptée par la société

[R] ;

Vu l'offre du 19 juin 2023 émise par MGP/ Portes-Eo à destination de la liquidation judiciaire ;

- juger que les conditions de mise en 'uvre du gage n'ont pas été respectées et que la société [R] a mis en 'uvre le gage en violation du protocole, de manière abusive et avec déloyauté préjudiciant à la procédure collective ;

- rejeter la demande d'attribution judiciaire du gage formée par la société [R], ainsi que toutes ses demandes ;

- condamner la société [R] à restituer en parfait état de fonctionnement à MJS Partners, ès qualités, l'automate de soudage décrit en page 20 de l'inventaire du commissaire-priseur du 21 juin 2022, aux frais de la société [R], sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard à compter de la signification à intervenir ;

- en conséquence, autoriser la société MJS Partners, ès qualités, à reprendre possession de l'automate de soudage décrit en page 20 de l'inventaire du commissaire-priseur du 21 juin 2022, en tous lieux et en toutes mains où il se trouve, auprès de tous tiers, et aux frais de la société [R], en ce compris les frais d'enlèvement, de transport, de remontage et de constat, et l'y condamner ;

- juger que la société MJS Partners, ès qualités, pourra se faire assister de tout huissier pour constater la reprise de la machine et de tout technicien aux fins de remontage de la machine, aux frais de la société [R] ;

- juger qu'un constat de reprise sera dressé par tout huissier choisi par MJS Partners, ès qualités, aux frais de la société [R] ;

- se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- ordonner la mainlevée du gage n°2020GM000095 ID 339517856 au registre du greffe sous condition préalable d'un paiement de 88 500 euros HT en paiement du prix de la machine gagée ;

* à titre reconventionnel et dans tous les cas :

- fixer la valeur de l'automate soudeur, objet de la demande, à un montant de 88 500 euros HT, soit 106 200 euros TTC ;

- condamner la société [R] à payer à MJS Partners, ès qualités, une indemnité de procédure de 5 000 euros, ainsi qu'aux dépens.

' Par ses conclusions notifiées par la voie électronique le 27 mai 2024, la société [R] demande à la cour de :

- débouter la société MN PVC, agissant par son administrateur ad hoc, et son liquidateur de l'ensemble de leurs demandes ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf celle afférente à l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant de nouveau,

- condamner la société MN PVC, agissant par son administrateur ad hoc, et son liquidateur au paiement d'une indemnité procédurale de 3 000 euros, au titre de la procédure de première instance ;

* subsidiairement, en cas d'infirmation de l'attribution judiciaire du gage : ordonner l'attribution conventionnelle du gage à son profit ;

* en tout état de cause : condamner la société MN PVC, agissant par son administrateur ad hoc, et son liquidateur au paiement d'une indemnité de procédure de 5 000 euros au titre de l'instance d'appel, ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais des instances devant le juge-commissaire et le tribunal de commerce.

A l'audience, et par un message notifié par la voie électronique le 21 janvier 2025, la cour a invité les parties à faire valoir leurs observations, en application de l'article 442 du code de procédure civile, sur le point

suivant : préciser le fondement juridique de la demande des appelantes tendant à ce que, « en tout état de cause », soit fixée la valeur de l'automate objet du litige.

Le 29 janvier 2025, les appelantes ont notifié leur note en délibéré.

Le 30 janvier 2025, la société [R] a notifié sa note en délibéré.

MOTIVATION

A titre liminaire, il sera relevé que les conclusions des appelantes sont faites non seulement au nom du liquidateur de la société Menuiserie Nord PVC, mais aussi au nom de :

- « la société Menuiserie Nord PVC (...) agissant par la société BTSG² (...) ès qualités de mandataire ad hoc de la société Menuiserie Nord

PVC » ;

- et « la société BTSG² (...) ès qualités de mandataire ad hoc de la société Menuiserie Nord PVC. »

Ces deux formulations, équivalentes, ne désignent pas deux parties distinctes, mais une seule : la société mandatée pour représenter la société débitrice. Seule la seconde dénomination, précitée, sera utilisée dans le présent arrêt.

Par ailleurs, aucune des parties ne critique le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les interventions volontaires des société MGN Nord et Portes-Eo. Ce chef de dispositif ne peut donc qu'être confirmé.

1°- Sur la sommation formulée par les appelants

Les appelantes forment une demande liminaire tendant à ce qu'il soit fait sommation à la société [R] d'indiquer au liquidateur le lieu de stockage de l'automate litigieux, sous astreinte, en faisant valoir, à l'appui, que :

- la société [R] a repris l'automate gagé en exécution de l'ordonnance du juge-commissaire, nonobstant le recours formé contre cette décision ;

- il est à craindre que la machine ne soit déplacée à l'étranger ;

- en outre, il est nécessaire de localiser ce bien en cas de réformation du jugement, faute de quoi il sera impossible de le récupérer, et elles n'ont aucune garantie quant à la bonne conservation de la machine par la société [R] ;

- l'intimée n'apporte aucune garantie sur la possibilité de restituer la machine en nature ou par équivalent.

L'intimée demande le rejet de cette demande, en faisant valoir que :

- l'ordonnance, confirmée par le jugement entrepris, était assortie de l'exécution provisoire ;

- la crainte exprimée par les appelantes repose sur de pures conjectures et spéculations ;

- l'article L. 110-10 du code des procédures civiles d'exécution comme l'article L. 642-20-1 du code de commerce, qui permettent, pour l'un, de rétablir les droits du liquidateur « en nature ou par équivalent » et, pour l'autre, de restituer le bien ou sa valeur, garantissent les droits des appelantes en cas de réformation du jugement.

Réponse de la cour :

La sommation formée par les appelantes ne peut être déconnectée des autres demandes formées en l'espèce. En effet, elle ne présente un intérêt que si la demande d'attribution judiciaire du gage formée par la société [R] est rejetée puisque, dans ce cas, le liquidateur serait autorisé à reprendre l'automate gagé, ce qui suppose qu'il soit localisé. A l'inverse, s'il est jugé que l'appréhension de cet automate est régulière, il n'y a aucune raison de faire sommation au créancier gagiste d'indiquer au liquidateur de la débitrice le lieu où se situe ce bien.

Il sera donc statué sur le bien-fondé de cette demande de sommation qu'après l'examen de la recevabilité et du bien-fondé de la demande d'attribution judiciaire du gage.

2°- Sur la recevabilité de la demande d'attribution de gage formée par la société [R]

Les appelantes font valoir que la société [R] n'a pas intérêt à agir. En effet :

- il résulte de ses propres conditions générales de vente que cette société est couverte par un contrat d'assurance au titre des factures fondant sa créance ;

- c'est pourquoi, en première instance, il lui a été fait sommation d'avoir à justifier des paiements qu'elle a reçus de son assureur, en vain ; il lui est fait itérative sommation en ce sens ;

- en outre, en première instance, elles ont déféré à la société [R] un serment décisoire au visa des articles 1358 et suivants du code civil. Ce serment lui est de nouveau déféré « en ce qui concerne les paiements reçus de [l'assureur] au titre de la créance qu'elle revendique sur la société Menuiserie Nord PVC » (p. 17). Si la société [R] ne défère pas à ce serment, la juridiction ne pourra que juger que cette société ne justifie pas d'un intérêt à agir, dès lors qu'elle a été désintéressée par son assureur, et la mainlevée du gage devra être ordonnée.

La société [R], intimée objecte que :

- elle a prouvé sa qualité de créancier. Sa créance, déclarée, n'a pas été contestée ;

- il appartient au liquidateur d'apporter la preuve des faits sur lesquels il entend s'appuyer, en application de l'article 9 du code de procédure civile. Or, il déduit d'un extrait des conditions générales de ventes, dont on ignore de quel contrat elles proviennent et à quelle date elles sont applicables, une affirmation non prouvée relative à une intervention de « l'assureur-crédit ». Ce seul élément ne signifie pas ipso facto que l'assureur ait pris en charge sa créance ;

- les appelantes, défaillantes dans l'administration de la preuve, tentent de renverser la charge de la preuve, en déférant un serment décisoire dans leurs conclusions, sans le reprendre dans le dispositif de ces conclusions.

Réponse de la cour :

Le serment décisoire est un mode de preuve qui permet, lorsqu'un plaideur le prête à propos de certains faits du litige, de clore ce dernier par la présomption selon laquelle la parole reflète la vérité. Il est utilisé lorsqu'une partie allègue un fait qu'il ne peut pas prouver et que la partie adverse conteste, et a pour effet de terminer le litige de façon définitive et absolue.

Déférer le serment signifie demander à l'adversaire d'affirmer de façon solennelle la réalité ou, au contraire, l'inexistence d'un fait concluant pour la solution du litige.

Aux termes de l'article 1385 du code civil, « Le serment décisoire peut être déféré sur quelque espèce de contestation que ce soit et en tout état de cause. »

L'article 1385-1 précise, toutefois, que « le serment décisoire ne peut être déféré que sur un fait personnel à la partie à laquelle on le défère. »

Le juge doit ainsi vérifier que la demande porte sur un fait personnel, lequel s'entend d'un fait connu de la partie à laquelle le serment est déféré et qui est le fruit de ses agissements.

Le serment décisoire n'est pas de droit lorsqu'une partie le demande. Le juge apprécie souverainement la nécessité et la pertinence de déférer le serment au regard de la résolution du litige, sous la seule réserve de motiver sa décision (v. par ex. : 3e Civ., 10 mars 1999, n° 97-15474, publié). Le juge peut refuser d'ordonner le serment si celui-ci ne met pas fin au litige d'une façon définitive et absolue (Civ. 1re, 6 juin 1972, n°71-10481). Et si les faits visés par le serment sont indifférents à la solution du litige, la délation de serment s'avère sans intérêt, ce qui justifie le rejet de la demande de serment (Soc. 8 avr. 1998, n° 96-40062).

L'article 317 du code de procédure civile prévoit que « la partie qui défère le serment énonce les faits sur lesquels elle le défère. »

La demande de serment doit être claire et précise. Le juge peut, au besoin, rendre plus claire la formule du serment proposé, à condition de ne pas trahir la pensée de la partie qui le défère (2e Civ. 13 mars 1974, n° 72-13.736).

L'article 319 du code de procédure civile précise les conditions dans lesquelles le serment est ordonné par le juge :

Le jugement qui ordonne le serment fixe les jour, heure et lieu où celui-ci sera reçu. Il formule la question soumise au serment et indique que le faux serment expose son auteur à des sanctions pénales.

Lorsque le serment est déféré par une partie, le jugement précise en outre que la partie à laquelle le serment est déféré succombera dans sa prétention si elle refuse de le prêter et s'abstient de le référer.

Dans tous les cas, le jugement est notifié à la partie à laquelle le serment est déféré ainsi que, s'il y a lieu, à son mandataire.

La délation de serment établit les faits que celui-ci concerne (3e Civ., 12 janv. 1972, n° 70-13.707). Le serment déféré s'impose au juge (1re Civ., 14 nov. 1995, n° 93-20.645) et la partie qui prête le serment sera crue en sa parole, ce qui mettra fin au litige. A l'inverse, le refus de prêter le serment est analysé en un refus de nier le fait allégué par la partie adverse et que cette dernière ne peut démontrer, ce qui conduit à la perte du procès pour son auteur, à condition toutefois que ce refus puisse s'analyser comme une admission tacite du droit de la partie adverse (2e Civ., 19 mars 1969, publié).

En l'espèce, les conditions générales, jointes aux factures ayant donné lieu à la déclaration de créance de la société [R], comportent un article 8 ainsi libellé :

La facture est couverte par la compagnie Euler à [Localité 3], c'est une preuve de la confiance que cette société place en vous.

C'est de cette seule mention, vague et imprécise, que les appelantes déduisent que la société [R] aurait perçu des paiements de la part de son assureur, ce qui aurait éteint la créance garantie par le gage litigieux et déclarée au passif.

Or, les appelantes auraient pu obtenir la preuve des paiements qu'elles allèguent en s'adressant directement à l'assureur de la société [R], de sorte qu'elles ne sont pas empêchées de prouver les paiements qu'elles invoquent.

En tout état de cause, leur demande de serment n'est pas formulée de manière claire et précise dans leurs conclusions d'appel, alors que ces paiements se rapportent à des factures clairement identifiées et à une période de temps susceptible d'être délimitée grâce à ces factures.

Au surplus, force est de constater que ces prétendus paiements seraient le fait non de la société [R] et concerneraient un contrat conclu entre la société [R] et cet assureur, distinct du contrat litigieux, conclu entre la première et la société Menuiserie Nord PVC.

Le serment demandé ne porte donc pas sur « un fait personnel à la partie à laquelle on le défère », au sens de l'article 1385-1 du code civil.

Il résulte de tout ce qui précède que la demande de serment décisoire formée par les appelantes doit être rejetée, par voie d'ajout au jugement entrepris, les premiers juges ne l'ayant pas examinée, bien qu'ils en fussent saisis.

Par voie de conséquence, doit être rejetée la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société [R]. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

3°- Sur le bien-fondé de la demande d'attribution judiciaire du gage formée par la société [R]

Les appelantes s'opposent à cette demande aux motifs que les conditions de l'attribution judiciaire du gage édictées dans le protocole d'accompagnement du 30 décembre 2020 ne sont pas réunies. En effet :

- selon ce contrat, le gage était conditionné et ne pouvait être activé que dans les conditions fixées à l'article 1, et son article 6 soumettait la mise en oeuvre du gage à une procédure spécifique. Le gage ne pouvait donc être mis en oeuvre que si étaient cumulativement réunies les conditions suivantes : le dépassement de l'encours fournisseur de 400 000 euros et la délivrance d'une mise en demeure d'avoir à régulariser la situation dans un délai de 30 jours (v. p. 20 des conclusions). La société [R] ne pouvait solliciter l'attribution judiciaire du gage que dans les conditions prévues dans ce protocole ;

- or, en l'espèce, les conditions d'exigibilité et de mise en oeuvre du gage ne sont pas réunies, et la procédure d'activation du gage n'a pas été respectée. A preuve, cette société a déclaré une créance d'un montant inférieur au seuil d'exigibilité du gage, fixé à 400 000 euros, et elle n'a pas non plus dénoncé l'augmentation du plafond de l'encours fournisseur - elle ne pouvait d'ailleurs pas le faire, faute de dépassement du seuil précité, qui constitue une « condition d'activation du gage et/ou de dénonciation de l'encours fournisseur » (p. 22 in fine) ;

- la société [R] ne pouvait se prévaloir de l'attribution judiciaire du gage, même judiciairement, dès lors qu'elle ne tirait pas son gage de la loi, mais d'un protocole conditionnant cette attribution au respect de plusieurs conditions qui ont été publiées au greffe et n'ont pas été respectées ;

- même si l'attribution du gage a été demandée sur le fondement de l'article L. 642-20-1 du code de commerce, les premiers juges auraient dû vérifier les conditions d'application afin d'éviter toute mise en oeuvre abusive du gage ;

- contrairement à ce que soutient subsidiairement la société [R], sa déclaration de créance ne vaut pas dénonciation au sens du contrat, compte tenu de l'objet d'une telle déclaration. En outre, cette interprétation remettrait en cause le principe de continuation des contrats en cours, édicté à l'article L. 622-13 du code de commerce. Ainsi, ni le critère relatif à la dénonciation de l'augmentation du plafond de l'encours, ni celui relatif au dépassement de cet encours ne sont remplis ;

- le processus d'activation du gage n'a pas été respecté et ne peut plus l'être en l'état. Le gage était conditionné en vertu du protocole, et ses conditions ont été reprises lors de sa publication au greffe. Il n'est donc possible ni de les amender, ni de les ignorer, ni d'y déroger, en application de la force obligatoire des contrats (p. 24) ;

- les conditions entourant la mise en oeuvre du gage ne cèdent pas en cas de procédure collective. Le protocole, qui tient lieu de loi aux parties et que celles-ci doivent exécuter de bonne foi, ne prévoit pas que le gage deviendra immédiatement exigible en cas d'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société Menuiserie Nord PVC. La mise en liquidation judiciaire de cette dernière ne peut modifier les conditions du gage, telles qu'elles ont été publiées. Retenir l'inverse reviendrait à changer la sûreté et à octroyer à la société [R] un droit et un avantage dont elle ne dispose pas, au détriment de la liquidation judiciaire et de ses créanciers (p. 25).

La société [R], intimée, fait valoir, à titre principal, que :

- elle a agi sur le fondement de l'article L. 642-20-1 du code de commerce, et n'a donc pas demandé l'attribution conventionnelle en propriété, en dehors de toute procédure collective sur la base d'un droit de rétention régulièrement inscrit et opposable à la liquidation judiciaire (p. 8) ;

- elle remplit les conditions édictées par ce texte : elle est un créancier gagiste ayant déclaré sa créance, peu important que celle-ci n'ait pas encore été admise, et le liquidateur n'a pas mis en oeuvre la procédure de retrait du gage dans les conditions de l'article L. 641-3 du code de commerce ;

- l'attribution judiciaire du bien gagé au créancier gagiste qui en fait la demande est de droit, en application de l'article L. 642-20-1 précité. La seule exigence légale est que la créance ait été déclarée.

Subsidiairement, elle soutient que :

- l'article 1 du protocole prévoit une alternative d'exigibilité de la dette en employant les termes « et/ou », de sorte que deux cas se présentent : soit l'encours fournisseur est dépassé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, soit il y a une « dénonciation de l'augmentation de l'encours du plafond fournisseur de 200 000 euros » ;

- or, il résulte de l'article L. 622-25-1 du code de commerce que sa déclaration de créance, qui est assimilée à une demande en justice, vaut mise en demeure et, par la même, « dénonciation » au sens du contrat. A partir de là, la société débitrice avait 30 jours pour ramener son encours à 200 000 euros ;

- en dépit de la règle de l'interdiction du paiement des créances antérieures, l'article L. 641-3 permet au juge-commissaire d'autoriser le liquidateur à payer les créances antérieures pour retirer le gage, mais ce dispositif n'a pas été mis en oeuvre.

La société [R] en conclut qu'elle pouvait valablement mettre en oeuvre la procédure d'attribution judiciaire du gage et, à défaut, « l'attribution conventionnelle du gage » (p. 11).

Réponse de la cour :

Le gage est une sûreté mobilière, au sens de l'article 2329 du code civil, qui confère au créancier gagiste un droit de préférence (article 2330).

L'article 2333 de ce code le définit comme :

[...] une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs.

Les créances garanties peuvent être présentes ou futures ; dans ce dernier cas, elles doivent être déterminables.

L'article 2336 du même code précise que :

Le gage est parfait par l'établissement d'un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature.

Il existe deux types de gages : le gage avec dépossession et le gage sans dépossession. Dans cette dernière hypothèse, il résulte de la combinaison des articles 2337 et 2338 du code civil, et de l'article 1 du décret n° 2006-1804 du 23 décembre 2006, pris pour l'application de l'article 2338, applicable en la cause (devenu l'article R. 521-1 du code de commerce), que le gage est opposable aux tiers par la publicité qui en est faite sur un registre spécial, le « registre des sûretés mobilières et autres opérations connexes », tenu au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel le constituant du gage est immatriculé ou a son siège.

En principe, à défaut de paiement de la dette garantie, le créancier gagiste dispose de deux options pour faire valoir son droit de préférence :

- soit, il peut faire ordonner la vente judiciaire du bien gagé, selon les modalités prévues par le code des procédures civiles d'exécution , en application de l'article 2346 du code civil ;

- soit, il peut demander l'attribution judiciaire du bien gagé, afin « que le bien lui demeu[re] en paiement », ainsi que le prévoit l'article 2374 du même code.

Lorsque le débiteur est soumis à une procédure collective, des règles particulières s'appliquent. En particulier, en cas de liquidation judiciaire, la faculté d'attribution judiciaire du bien gagé est soumise aux dispositions de l'article L. 642-20-1, alinéa 2, du code de commerce, qui dispose que :

A défaut de retrait du gage ou de la chose légitimement retenue dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article L. 641-3, le liquidateur doit, dans les six mois du jugement de liquidation judiciaire, demander au juge-commissaire l'autorisation de procéder à la réalisation. Le liquidateur notifie l'autorisation au créancier quinze jours avant la réalisation.

Le créancier gagiste, même s'il n'est pas encore admis, peut demander au juge-commissaire, avant la réalisation, l'attribution judiciaire. Si la créance est rejetée en tout ou en partie, il restitue au liquidateur le bien ou sa valeur, sous réserve du montant admis de sa créance.

En cas de vente par le liquidateur, le droit de rétention est de plein droit reporté sur le prix. L'inscription éventuellement prise pour la conservation du gage est radiée à la diligence du liquidateur.

- Ce texte reprend pour l'essentiel le contenu de l'ancien article L. 642-25, issu de la loi de sauvegarde de 2005, aujourd'hui abrogé et qui reprenait lui-même l'article 159 de la loi du 25 janvier 1985, devenu codifié à l'ancien l'article L. 622-21 du code de commerce. En application de l'article 159 de la loi de 1985, il a notamment été jugé que :

- en dépit des principes d'arrêt des poursuites individuelles et des voies d'exécution, le créancier gagiste peut, à défaut de paiement, demander l'attribution judiciaire de son gage et, si le débiteur est soumis à une procédure de redressement judiciaire, il dispose à nouveau de cette faculté après le jugement prononçant la liquidation judiciaire (Com. 28 mai 1996, n° 94-16269, publié) ;

- le créancier qui a omis de déclarer, dans le délai légal de déclaration des créances, le privilège garantissant sa créance ne peut ensuite demander l'attribution du gage (Com. 1er févr. 2000, n° 97-17772) ;

- le créancier gagiste recouvrant la faculté de demander l'attribution judiciaire du gage après le jugement prononçant la liquidation judiciaire, doit former une demande nouvelle devant le juge-commissaire (Com. 14 oct. 1997, n° 95-10423, publié).

En l'espèce, il ressort des mentions de l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 18 avril 2023 que la requête aux fins d'attribution du gage formée par la société [R] se fonde sur l'article L. 642-20-1 précité.

Il est établi par les pièces versées aux débats - et d'ailleurs non contesté par les appelantes - que la société [R] remplit toutes les conditions édictées à l'article L. 642-20-1. En effet :

- le gage sans dépossession a été publié, avant le jugement d'ouverture, sur le registre spécial, avec les mentions suivantes (v. pièce n° 2 des appelantes) :

Somme : 200 000 euros sauf mémoire

Type de bien : matériels, mobiliers et produits à usage professionnel non visés dans les autres catégories.

Acte constitutif de la sûreté en date du 3/2/2020. Exigibilité : en cas de dépassement de l'encours fournisseur de 400 000 euros et/ou dénonciation de l'augmentation du plafond de l'encours fournisseur de 200 000 euros.

Au profit de : SAS [R] [...]

Contre : Menuiserie Nord PVC [...].

La régularité de cette publication ne faisant l'objet d'aucune contestation, ce gage est opposable aux tiers et, partant, à la liquidation judiciaire de la société débitrice ;

- le liquidateur n'a pas fait usage de la faculté de retrait du bien gagé, prévue à l'article L. 641-3, alinéa 2, du code de commerce ;

- le bien gagé a été exclu du périmètre du plan de cession arrêté le 20 juin 2022 ;

- la société débitrice se trouve désormais en liquidation judiciaire ;

- et la société [R] a, dans le délai légal, déclaré sa créance au passif de la procédure collective à concurrence de la somme de 395 436,99 euros, dont celle de 200 000 euros à titre privilégié, en vertu du gage sans dépossession publié le 31 décembre 2022. Elle a donc déclaré la sûreté dont elle est titulaire.

Ainsi, au vu des conclusions des parties, la question soumise à la cour consiste à déterminer si, en cas de mise en liquidation judiciaire du débiteur, la demande d'attribution judiciaire du gage est subordonnée au seul respect des conditions de l'article L. 642-20-1, alinéa 2, ou si ces conditions doivent, le cas échéant, se combiner avec celles, plus contraignantes, stipulées dans le contrat constitutif du gage. En d'autres termes, l'article L. 642-20-1 doit-il évincer les stipulations particulières du contrat dès lors que le débiteur est soumis à une procédure de liquidation judiciaire.

Afin de trancher cette question, il importe d'examiner les termes du contrat litigieux, afin de déterminer si les conditions qui y sont stipulées sont susceptibles de s'articuler avec les dispositions de l'article L. 642-20-1.

Le contrat du 30 décembre 2022 précise qu'il a été conclu à la suite de l'accord de la société débitrice et de la société [R] pour «ajuster» le plafond de « l'encours crédit-fournisseur » consenti par cette dernière, afin de l'augmenter de 200 000 à 400 000 euros, en contrepartie d'un gage sans dépossession.

Son article 1, intitulé « créance garantie : encours fournisseurs ' augmentation du plafond de l'encours de 200 K ' à 400 K ' », est libellé en ces termes (soulignements de la cour d'appel) :

' dette garantie en principal : 200'000 ' [DEUX CENT MILLE EUROS]

' exigibilité : en cas de dépassement de l'encours fournisseurs de 400'000 ' et/ou de dénonciation de l'augmentation du plafond de l'encours fournisseurs de

200'000 '

' intérêts : néant

Selon les articles 2 (dénommé « déclaration de gage ») et 3 (« objet du gage »), la société débitrice a, en garantie de cette créance précitée, affecté au profit de la société [R], à titre de gage, un automate de soudage, alors valorisé à la somme de 200 000 euros, l'article 2.2 précisant que :

Le constituant conservera les biens gagés jusqu'à complet désintéressement du créancier à son siège indiqué ci-dessus au titre de la créance visée.

L'article 6, intitulé « mise en jeu du gage », stipule que (caractères gras appliqués par la cour d'appel) :

6.1. Cas de mise en 'uvre du gage

Le plafond de l'encours fournisseur a été porté conventionnellement de la somme de 200'000 ' à la somme de 400'000 '.

En cas de dépassement non autorisé du plafond de l'encours fournisseur au-delà de la somme de 400'000 ', [R] [le créancier gagiste] pourra mettre en 'uvre MNPVC [la société débitrice] d'avoir à régulariser la stipulation et de ramener l'encours fournisseur à celui autorisé dans un délai maximum de 30 jours à compter de la réception de la mise en demeure.

Si la mise en demeure restée infructueuse passée le délai de 30 jours, [R] pourra notifier par lettre recommandée à MNPVC la dénonciation de l'augmentation conventionnelle de l'encours fournisseur pour ramener ce dernier à 1 montant plafonné à 200'000 '.

À compter de la réception de cette mise en demeure, MNPVC disposera d'un délai de 30 jours pour ramener le montant de son encours fournisseur à la somme de 200'000 '.

Faute pour MNPVC de ramener le montant de son encours fournisseur à la somme de 200'000 ' a maxima, le créancier sera fondé à activer la procédure de gage défini à l'article 6.2.

6. 2. Activation du gage

Aux fins d'activation du gage, la valeur de réalisation des bien gagés sera déterminée par un commissaire-priseur désigné d'un commun accord par les parties et, à défaut d'accord sur le choix du commissaire-priseur, par le président du tribunal de commerce de Lille Métropole.

La valorisation retenue par le commissaire-priseur sera notifiée par [R] à MNPVC. A compter de cette notification, MNPVC disposera d'un délai de 10 jours pour offrir aux créanciers en contrepartie de la mainlevée du gage le paiement du prix équivalent à la valorisation des biens gagés, dans la limite toutefois de la dette due aux créanciers en raison de la diminution du plafond de l'encours fournisseur à 1 montant de 200'000 '.

À défaut pour MNPVC d'offrir ce paiement dans le délai précité, le créancier sera fondé alors à exercer toutes ses prérogatives de créancier gagiste et, à ce titre de :

' faire procéder à la vente publique des biens gagés 8 jours après une simple signification faite par huissier au débiteur, conformément aux articles L. 521-3 du code de commerce et 2346 du code civil ;

' demander l'attribution judiciaire du gage conformément aux articles L. 521-3 du code de commerce et 2347 du code civil ;

dans ces cas, si la valeur des bien gagés, déterminée comme il précède ou telle qu'elle résultera de la vente publique, excède le montant de la dette exigible résiduelle garantie, la différence sera versée aux constituants du gage.

La cour déduit des clauses ci-dessus reproduites que l'article 1 du contrat doit se lire en contemplation de l'article 6, et qu'il en résulte qu'il était de la commune intention des parties que la société [R] ne puisse exercer ses droits de créancier gagiste, et donc notamment demander l'attribution judiciaire du gage (et non l'attribution « conventionnelle » de celui-ci, comme l'écrit l'intimée) que dans ces deux hypothèses :

- soit en cas de dépassement du plafond de 400 000 euros ;

- soit au moyen de la dénonciation, par la société [R], de l'« augmentation de plafond d'encours fournisseur de 200 000 euros », cette périphrase désignant le nouvel encours autorisé à hauteur de

400 000 euros.

Ces conditions contractuelles sont d'ailleurs expressément rappelées dans la publication du gage opérée sur le registre spécial.

La « dénonciation » ainsi prévue par le contrat ne pouvait toutefois intervenir que si étaient réunies les conditions fixées à l'article 6.1 du contrat, qui réglemente précisément la procédure de « mise en oeuvre du gage » et dont il résulte clairement que le déclenchement de cette procédure était subordonné à plusieurs types de conditions :

- une condition de fond, préalable, tenant au « dépassement non autorisé du plafond de l'encours fournisseur au-delà de la somme de 400 000 euros », ainsi que le rappelle très explicitement l'alinéa 2 ;

- puis des conditions de forme (la délivrance d'une première, puis d'une seconde mise en demeure), à l'issue desquelles seulement « le créancier sera[it] fondé à activer la procédure de gage. »

Il s'ensuit que, quelle que soit l'hypothèse applicable, il était de l'intention des parties que le gage ne pût être activé que si « l'encours fournisseur » excédait la somme de 400 000 euros.

Or, il est constant, et d'ailleurs non contesté par la société [R], que ce seuil n'a jamais été dépassé en l'espèce. La créance que cette société a déclarée au passif est d'ailleurs d'un montant moindre. Dans ces conditions, il est inopérant, pour ce créancier, de se prévaloir de ce que sa déclaration de créance vaudrait mise en demeure, un tel moyen se rattachant aux conditions de forme, subséquentes, édictées à l'article 6.1, et non à la condition de fond, préalable, tenant au dépassement du seuil contractuellement prévu.

De tout ce qui précède, il résulte que les conditions auxquelles les parties avaient, d'un commun accord, subordonné la demande d'attribution judiciaire du gage ne sont pas incompatibles avec celles édictées par l'article L. 642-20-1 et peuvent, au contraire, se cumuler avec elles.

Il s'ensuit que c'est à tort que la société [R] demande l'attribution judiciaire de ce gage en considération des seules conditions fixées par ce texte. Juger le contraire aboutirait à remettre en cause la force obligatoire du contrat de gage par le seul effet du jugement ouvrant ou prononçant la liquidation judiciaire du débiteur, ou à le dénaturer, en en faisant une application partielle pour ne mettre en oeuvre que les clauses prévoyant la constitution d'un gage, à l'exclusion de celles subordonnant la mise en oeuvre concrète du droit de préférence que confère ce gage.

En conclusion, faute de réunion des conditions conventionnellement fixées pour que la société [R] puisse demander l'attribution judiciaire du gage, cette demande ne peut qu'être rejetée.

Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.

Par ailleurs, dès lors que la société [R] a, en vertu de l'exécution provisoire attachée à la décision de première instance, déjà repris l'automate objet du protocole du 30 décembre 2020, il convient d'accueillir les demandes subséquentes des appelantes et qui, à l'exception de la demande de sommation évoquée au point 1 du présent arrêt, ne font l'objet d'aucune critique par l'intimée, à savoir :

- la sommation faite au créancier d'avoir à indiquer au liquidateur le lieu de stockage de l'automate, sous astreinte, cette mesure étant de nature à permettre l'exécution du présent arrêt. Le jugement sera donc infirmé de ce chef ;

- à la condamnation de ce créancier à restituer l'automate au liquidateur, sous astreinte, mais sans qu'il y ait lieu de se réserver la liquidation de cette astreinte, dans les conditions fixées au dispositif du présent arrêt ;

- à autoriser le liquidateur à reprendre possession de l'automate, comme il sera précisé au dispositif du présent arrêt ;

- à dire que le liquidateur pourra se faire assister de tout huissier pour constater la reprise de la machine et de tout technicien aux fins de remontage de la machine, aux frais de la société [R] ;

- à prévoir qu'un constat de reprise sera dressé par tout huissier choisi par le liquidateur, aux frais de la société [R].

4°- Sur la demande de mainlevée et de radiation du gage formée par les appelantes

Ainsi que le relève à juste titre l'intimée (p. 11), les appelantes ne précisent nullement le fondement de cette demande.

En l'occurrence, il n'est pas contesté que le contrat de gage existe, seule sa mise en oeuvre effective étant paralysée par le non-respect des conditions contractuelles stipulées sur ce point.

Outre la circonstance qu'en droit commun le constituant ne peut exiger la radiation de l'inscription qu'après le paiement de la dette (article 2339 du code civil), c'est en tout état de cause à bon droit que l'intimée fait observer que l'article L. 642-20-1, alinéa 3, dispose que :

En cas de vente par le liquidateur, le droit de rétention est de plein droit reporté sur le prix. L'inscription éventuellement prise pour la conservation du gage est radiée à la diligence du liquidateur.

Or, le liquidateur n'allègue ni ne justifie remplir les conditions prévues par ces dernières dispositions légales pour exiger la radiation de l'inscription du gage.

Cette demande sera donc rejetée.

5°- Sur la demande de fixation de la valeur de l'automate

Les appelantes :

' dans leurs conclusions, ne développent aucune argumentation à cette demande, pourtant formée « à titre reconventionnel et en tout état de cause » ;

' et dans leur note en délibéré du 29 janvier 2025, soutiennent qu'il appartient à la cour, saisie de l'intégralité du litige, de fixer la valeur de l'automate à un double titre :

- à titre principal, en cas de rejet de la demande de rejet de la demande d'attribution judiciaire du gage, il est demandé la restitution de la machine sous astreinte. Si cette restitution s'avérait impossible du fait de la société [R], la réparation se fera par équivalent, en application de l'article 1352 du code civil ;

- subsidiairement, si la demande d'attribution de gage était accueillie, la fixation de cette valeur est nécessaire en application de l'article L. 642-20-1 du code de commerce, qui traite des restitutions propres aux procédures collectives.

La société [R] fait valoir :

' dans ses conclusions (p. 15), que la valeur de l'automate dépendant de la procédure collective a été arrêtée par le commissaire-priseur et que cette valeur a été entérinée par le tribunal dans son jugement arrêtant le plan de cession ;

' et dans sa note en délibéré du 30 janvier 2025 :

- sur le moyen principal des appelants, qu'il n'appartient pas à la cour, en tant que juridiction, d'évaluer la valeur d'un bien, qui doit être fixé soit d'un commun accord entre les parties, soit à dire d'expert. En l'espèce, la valeur du bien gagé a été fixée à la demande du juge-commissaire par l'intermédiaire du commissaire-priseur. Tout autre élément non prouvé ne peut être pris en compte ;

- et sur le moyen subsidiaire des appelantes, que l'article L. 642-20-1 du code de commerce ne laisse pas à la cour d'appel le pouvoir de fixer la valeur du bien gagé.

Réponse de la cour :

A titre liminaire, il convient de rappeler que la cour d'appel avait invité les parties à lui faire parvenir leurs observations, en application de l'article 442 du code de procédure civile, pour le 30 janvier 2025 à 10 heures.

Les appelantes, demanderesses à l'évaluation de l'automate, ont notifié leur note en délibéré le 29 janvier 2025 à 10h25, soit mois de vingt-quatre heures avant la date limite d'envoi des notes en délibéré.

Dans ces conditions, bien que la note en délibéré de la société [R] ait été notifiée le 30 janvier 2025 à 11h10, soit avec un retard d'un peu plus d'une heure par rapport à l'horaire fixé par la cour, la loyauté des débats et le principe de la contradiction justifient de l'accueillir.

En revanche, il y a lieu de déclarer irrecevable la seconde note en délibéré notifiée par les appelantes le 31 janvier 2025, soit après la date limite fixée par la cour, et sans nouvelle autorisation donnée en ce sens par la cour.

Dès lors que, pour les motifs ci-dessus explicités, la cour d'appel accueille les prétentions des appelantes, en rejetant la demande d'attribution judiciaire du gage formée par la société [R] et en ordonnant à cette dernière de restituer l'automate qu'elle a appréhendé nonobstant la procédure d'appel en cours, il ne peut être préjugé que cette société sera dans l'impossibilité d'exécuter cette restitution en nature.

La demande d'évaluation formée par les appelantes sera donc rejetée, par voie de confirmation du jugement entrepris de ce chef.

6°- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant pour l'essentiel, la société [R] sera condamnée aux dépens et au paiement d'une indemnité procédurale.

PAR CES MOTIFS

- Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il :

' dit irrecevables les interventions volontaires à titre accessoire des sociétés MGN Nord [et] Portes-Eo ;

' déboute les sociétés Menuiserie Nord PVC et MJS Partners de leur « demande d'irrecevabilité à agir » de la société [R] ;

' et déboute les sociétés Menuiserie Nord PVC et MJS Partners de leur demandent tendant à la fixation de la valeur de l'automate de soudage ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- Rejette la demande de serment décisoire formée par la société MJS Partners, en qualité de liquidateur de la société Menuiserie Nord PVC, et la société BTSG², en qualité de mandataire ad hoc de la société Menuiserie Nord PCV ;

- Rejette la demande d'attribution judiciaire du gage formée par la société [R] ;

- Fait sommation à la société [R] d'indiquer à la société MJS Partners, en qualité de liquidateur de la société Menuiserie Nord PVC, le lieu de stockage de l'automate de soudage décrit en page 20 de l'inventaire du commissaire-priseur du 21 juin 2022, au plus tard dans un délai de 24 heures à compter de la signification du présent arrêt, sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 2 000 euros par jour de retard, pendant une durée de trois mois ;

- Condamne la société [R] à restituer, à ses frais et en parfait état de fonctionnement, à la société MJS Partners, ès qualités, l'automate de soudage ci-dessus désigné, au plus tard dans un délai de cinq jours à compter de la signification du présent arrêt, sous peine, passé de délai, d'une astreinte de 2 000 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois ;

- Dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation des astreintes ci-dessus ordonnées ;

- Autorise la société MJS Partners, ès qualités, à reprendre possession de l'automate de soudage en tous lieux et en toutes mains où il se trouve, auprès de tous tiers, et aux frais de la société [R], en ce compris les frais d'enlèvement, de transport, de remontage et de constat ;

- Dit que la société MJS Partners, ès qualités, pourra se faire assister de tout huissier pour constater la reprise de l'automate de soudage et de tout technicien aux fins de remontage de la machine, aux frais de la société [R] ;

- Dit qu'un constat de reprise sera dressé par tout huissier choisi par MJS Partners, ès qualités, aux frais de la société [R] ;

- Rejette la demande des sociétés MJS Partners BTSG², ès qualités, tendant à la mainlevée du gage et à la radiation de l'inscription de ce gage sur le registre spécial ;

- Déclare recevables les notes en délibéré respectivement notifiées par les parties les 29 et 30 janvier 2025 ;

- Déclare irrecevable la note en délibéré notifiée le 31 janvier 2025 par la société MJS Partners, ès qualités, et la société BTSG², en qualité de mandataire ad hoc de la société Menuiserie Nord PVC ;

- Rejette la demande des sociétés MJS Partners et BTSG², ès qualités, tendant à ce que la cour d'appel fixe la valeur de l'automate ;

- Condamne la société [R] aux dépens de première instance et d'appel ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société [R] et la condamne à payer la société MJS Partners, en qualité de liquidateur de la société Menuiserie Nord PVC, la somme de 5 000 euros.

Le greffier

Marlène Tocco

La présidente

Stéphanie Barbot

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