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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. A, 3 avril 2025, n° 22/02471

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Chacornas (SA), Axa Assurances (SA), Heinrich (SARL)

Défendeur :

Chacornas (SA), Axa Assurances (SA), Heinrich (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Azouard

Conseillers :

Mme Huet, M. Liégeon

Avocats :

Me Deveze, Me Chabaud, Me L'Hostis, Me Levallois, Me Sergent, Me Lezer

TJ Nîmes, du 30 mai 2022, n° 19/00887

30 mai 2022

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. et Mme [L] ont fait construire une maison d'habitation d'une surface habitable d'origine de 150 m2 sis [Adresse 1] à [Localité 16].

Ils ont confié la maitrise d''uvre de conception à la société Nature et Habitat. Cette société a aussi assumé le dépôt du permis de construire.

Sont également intervenus à l'opération de construction M. [D] pour la maîtrise d''uvre, et des entreprises pour les différents lots dont la société Chacornas pour les menuiseries.

Concernant l'entreprise Chacornas, un marché de travaux a été régularisé entre les parties le 21 mars 2008, au terme duquel lui était confié le lot menuiseries intérieures et extérieures.

M. [T] [S] est intervenu pour les lasures des menuiseries extérieures en bois, en qualité de sous-traitant de la SARL Chacornas.

L'entreprise Charcornas est assurée auprès d'Axa France Iard selon contrat d'assurances multirisques artisan du bâtiment.

La société Habitat Sud est intervenue pour le lot gros 'uvre, maçonnerie, charpente et couverture suivant un marché de travaux du 17 avril 2007.

La SARL Heinrich est intervenue pour le lot électricité et le lot chauffage, suivant marché de travaux en date 28 Juin 2007.

Les époux [L] se plaignant de coulures de résine et d'infiltrations, une expertise amiable a été organisée, en mars 2012.

Le maitre d'ouvrage a refusé de signer le procès-verbal de réception.

Par acte des 15, 18, 21 et 4 mai 2012 les époux [L] ont assigné l'ensemble des intervenants à l'acte de construction en référé aux fins de désignation d'un expert judiciaire.

Selon ordonnance du 4 juillet 2012 le juge des référés du Tribunal de grande instance de Nîmes a ordonné une expertise et commis pour y procéder M. [J].

Selon ordonnance du 15 avril 2015 les opérations d'expertise ont été rendues communes et opposables à M. [S], peintre.

Le 25 septembre 2018 l'expert a déposé son rapport,

Par acte en date du 20, 21, 22, 25 février 2019, M. [N] [L] et Mme [B] [L] ont assigné la société Habitat Sud, M. [D], la société Heinrich, la société Chacormas, la société Axa et M. [S] devant le tribunal de grande instance de Nîmes, afin de voir à titre principal retenir l'existence d'une réception tacite en date du 2 septembre 2010 et de voir condamnés au visa des articles 1792 et suivants du code civil, in solidum la société Habitat Sud, M. [D], la société Heinrich, la société Chacormas, la société Axa et M. [S] à diverses indemnités en réparation des préjudices matériels et du préjudice de jouissance.

Le tribunal judiciaire de Nîmes, par jugement réputé contradictoire en date du 30 mai 2022, a :

- Constaté la réception tacite le 2 septembre 2009 avec réserves,

1° Sur le désordre concernant les menuiseries

- Déclaré Monsieur [W] [D] et Monsieur [S] responsables in solidum à ce titre sur le fondement de l'article 1792 du code civil,

- Condamné in solidum Monsieur [D] et Monsieur [S] à payer à Monsieur et Madame [L] au titre de la réparation du désordre relatif aux menuiseries la somme de 66 576,53 euros TTC,

- Dit que dans les rapports entre coobligés, le partage de responsabilité s'effectuera de la manière suivante :

* Monsieur [D] : 50 %

* Monsieur [S] : 50%

- Débouté Monsieur [D] de sa demande de garantie pour ce désordre à l'encontre de la société Chacornas et la société Axa,

2° Sur le désordre des infiltrations en toiture

- Débouté Monsieur et Madame [L] de leurs demandes au titre du désordre relatif aux infiltrations au niveau de la toiture,

3° Sur le désordre relatif au système de chauffage

- Déclaré la société Heindrich responsable à ce titre sur le fondement de l'article 1792 du code civil,

- Débouté Monsieur et Madame [L] de leur demande d'indemnisation au titre des travaux de remise en état du système de chauffage,

4° Sur les autres désordres sur le fondement de la responsabilité contractuelle

- Débouté Monsieur et Madame [L] de leur demande d'indemnisation au titre du traitement de la charpente, de l'absence de conformité de la cheminée et de la remontée d'humidité du coin du feu,

- Condamné Monsieur [D] à payer à Monsieur et Madame [L] la somme de 744,92 euros au titre de sa part de responsabilité pour la mise en conformité de l'assainissement autonome,

5° Sur les autres préjudices

- Condamné in solidum Monsieur [D] et Monsieur [S] à payer à Monsieur et Madame [L] la somme de 19'955,16 euros au titre du préjudice de jouissance concernant le désordre affectant les menuiseries,

- Dit que dans les rapports entre coobligés, le partage de responsabilité s'effectuera de la manière suivante :

* Monsieur [D]': 50 %

* Monsieur [S] : 50 %

- Condamné la société Heinrich à payer à Monsieur et Madame [L] la somme de 618,53 euros au titre du préjudice de jouissance concernant le désordre relatif au système de chauffage,

- Condamné Monsieur [D] à payer à Monsieur et Madame [L] la somme de 229,63 euros au titre du préjudice de jouissance concernant le désordre relatif à l'assainissement,

- Débouté Monsieur et Madame [L] de leur demande d'indemnisation au titre des pénalités de retard,

- Condamné in solidum Monsieur [D], Monsieur [S] et la société Heinrich à payer à Monsieur et Madame [L] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que la charge finale des dépens et celle de l'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront réparties au prorata des responsabilités retenues ci-dessus,

- Condamné in solidum Monsieur [D], Monsieur [S] et la société Heinrich in solidum aux dépens, comprenant les frais d'expertise';

- Dit que la charge finale des dépens et celle de l'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront réparties comme suit':

* Monsieur [D] : 46 %,

* Monsieur [S] : 45 %,

* la société Heinrich : 9 %,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- Admis les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement.

M. [T] [S], exerçant sous l'enseigne [S] Deco, a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 13 juillet 2022.

L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 22/2471.

Par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 10 janvier 2023, M. et Mme [L] ont sollicité la radiation du rôle de l'affaire sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile, puis par conclusions du 4 septembre 2023, ils se sont désistés de leur demande.

Par ordonnance du 10 octobre 2023, le conseiller de la mise en état a'constaté le désistement de l'incident.

Par ordonnance du'8 octobre 2024, la clôture de la procédure a été fixée au 16 janvier 2025, l'affaire a été appelée à l'audience du 4 février 2025 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 3 avril 2025.

EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

'

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 avril 2023, M. [T] [S], exerçant sous l'enseigne [S] Deco, appelant, demande à la cour de :

Vu l'assignation en ouverture de rapport d'expertise diligentée par Monsieur et Madame [L], signifiée au mois de février 2019 à M. [S] exerçant sous l'enseigne [S] Deco,

Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes le 30 mai 2022,

Vu l'appel diligenté par Monsieur [S] à l'encontre de cette décision le 13 juillet 2022,

Vu les présentes conclusions récapitulatives et en réponse au soutien d'appel de Monsieur [T] [S] et les pièces produites, telles qu'énoncées dans le corps du présent acte et rappelées dans le bordereau annexé,

Accueillant M. [S] de plus fort en son appel comme étant recevable et bien fondé,

- Rejeter l'argumentation des époux [L] et leur appel incident,

- Rejeter en outre les demandes contraires à celles de M. [S] présentées par les autres intimés et leur appel incident le concernant,

À titre principal :

Vu les dispositions de l'article 369 du code de procédure civile et celles des articles L622-21 et L.'622-22, L 622-24, L 622-25-1 et suivants, et L 643-11 du code de commerce,

Constatant que les époux [L] n'ont pas effectué de déclaration de créances entre les mains de Me [Y] au moins lors de la procédure de liquidation judiciaire de M. [S] exerçant sous l'enseigne [S] Deco,

Constatant que les époux [L] n'ont pas davantage appelé Me [Y] en cause dans le cadre de la procédure sur le fond du litige qu'ils ont initiée en ouverture de rapport d'expertise,

Constatant, de surcroît, que la procédure de liquidation judiciaire ouverte selon jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Nîmes en date du 29 10 2019 a été clôturée pour insuffisance d'actifs selon décision du même tribunal en date du 27 01 2021,

Constatant ainsi que les époux [L] sont irrecevables en leurs entières réclamations indemnitaires dirigées à l'encontre de M. [S],

- Réformer le jugement dont appel en ses entières dispositions concernant M. [S],

- Dire et juger les époux [L] irrecevables et, en tout état de cause, infondés en leurs entières demandes, telles que dirigées contre M. [S] à l'égard duquel une décision de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif a été rendue le 27 01 2021 purgeant définitivement le passif de son entreprise [S] Deco,

À titre très subsidiaire,

Vu les mentions du rapport d'expertise de M. [J],

Vu les dispositions de l'article 1792 du Code civil,

Constatant l'absence de démonstration de l'existence d'une faute commise par M. [S] exerçant sous l'enseigne [S] Deco dans la réalisation de son marché,

Réformant le jugement dont appel en ses entières dispositions concernant M. [S],

- Dire et juger les époux [L] infondés en leurs réclamations telles que dirigées à l'encontre de M. [S] exerçant sous l'enseigne [S] Deco,

- Débouter les époux [L] de leurs entières prétentions dirigées à son encontre ;

Encore plus subsidiairement,

Constatant que le reproche de M. [J] relatif à l'absence de brossage des menuiseries extérieures à l'aide d'un solvant n'a provoqué, selon lui, que les coulures de résine et qu'il s'agit en l'espèce d'un désordre purement esthétique,

Constatant que la responsabilité décennale de M. [S] exerçant sous l'enseigne [S] Deco n'est pas engagée,

Réformant le jugement dont appel en ses entières dispositions concernant M. [S],

- Débouter les époux [L] de toutes leurs prétentions dirigées à son encontre,

Infiniment subsidiairement,

Constatant que la faute retenue par M. [J] à l'encontre de M. [S] exerçant sous l'enseigne [S] Deco n'est pas de nature à engager sa responsabilité solidaire avec celle de M. [D] maître d''uvre,

Constatant que ladite faute n'est pas à l'origine du remplacement intégral des menuiseries bois par des menuiseries aluminium,

Constatant de plus fort que le remplacement intégral des menuiseries n'a pas été retenu à cause du seul problème de coulures de résine mais en raison de l'ensemble des malfaçons constatées, lesquelles ne sont nullement imputables à M. [S],

Réformant également le jugement dont appel en ses entières dispositions concernant M. [S],

- Décharger M. [S] exerçant sous l'enseigne [S] Deco de la condamnation solidaire prononcée à son encontre au titre des travaux de remplacement des menuiseries extérieures,

- Dire et juger que sa responsabilité dans le désordre retenu par M. [J] n'est que très minime, s'agissant de simples coulures de résine,

- Rejeter en conséquence toute demande de prise en charge des époux [L] au titre du remplacement intégral des menuiseries, telle que dirigée à l'encontre de M. [S],

- Rejeter toute réclamation des époux [L] telle que dirigée à son encontre au titre d'un préjudice de jouissance,

- Rejeter leur demande telle que dirigée à son encontre au titre des pénalités de retard,

- Rejeter la demande de M. [D] et de la société Chacornas d'être relevé et garanti par M. [S] au titre des condamnations prononcées respectivement à leur encontre,

En tout état de cause, au vu des faits de l'espèce,

Réformant le jugement dont appel au titre des frais irrépétibles et des dépens,

- Rejeter également toute réclamation des époux [L] telle que dirigée à son encontre au titre des frais irrépétibles et dépens de la procédure de première instance,

- Condamner en revanche, les époux [L] à payer à M. [S] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 janvier 2023, contenant appel incident, M. [N] [L] et Mme [B] [L], intimés, demandent à la cour de :

Vu le rapport de l'expert judiciaire,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu les articles 1792 et suivants du Code civil,

- Rejeter la demande de Monsieur [S] de voir déclarer irrecevable les demandes des concluants pour les motifs ci-dessus exposés,

- Juger que Monsieur [S] n'a pas déclaré par fraude l'intégralité de son passif au liquidateur et la procédure initiée à son encontre par les concluants alors qu'il a été assigné in bonis,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'une réception tacite des travaux,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de Monsieur [W] [D], et prononcé une condamnation, in solidum, avec Monsieur [T] [S] au titre des désordres affectant les menuiseries et les préjudices qui en résultent,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de Monsieur [W] [D] et prononcé une condamnation à son encontre au titre de l'assainissement et du préjudice qui en résulte,

- Recevoir l'appel incident des concluants,

- Réformer le jugement dont appel :

- Fixer la date de la réception tacite des travaux au tacite 2 septembre 2010,

- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a limité le montant de la condamnation au titre des désordres affectant les menuiseries et en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire des concluants au titre du chauffage, du retard dans le chantier et des préjudices subis,

- Condamner, au visa des articles 1792 du Code civil, in solidum, Monsieur [W] [D], la SARL Chacornas, la SARL Heinrich, la CIE Axa et Monsieur [T] [S] à payer aux concluants les sommes de :

* 37 500 euros au titre des pénalités de retard,

* 84 400 euros au titre du préjudice de jouissance pour la période du 2 Septembre 2010 au 30 septembre 2018, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir,

- Débouter Monsieur [W] [D], la SARL Chacornas, la SARL Heinrich, et la CIE Axa de leurs demandes, fins et conclusions,

- Débouter Monsieur [W] [D] de son appel incident,

Y ajoutant,

- Condamner, in solidum, Monsieur [W] [D], la SARL Chacornas, la SARL Heinrich et Monsieur [T] [S] à payer aux concluants la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de la procédure d'appel.

En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 avril 2023, M. [W] [D], intimé, demande à la cour de :

Par déboutement de toutes prétentions contraires,

Par application des dispositions de l'article 1792 du Code civil,

Par application des dispositions de l'article 1240 du Code civil, du droit d'appeler en garantie et de l'article L 124-3 du code des assurances régissant l'action directe,

I ' Infirmer le jugement en ce qu'il :

Sur le désordre concernant les menuiseries

- Déclare Monsieur [W] [D] et Monsieur [S] responsables in solidum à ce titre sur le fondement de l'article 1792 du code civil,

- Condamne in solidum Monsieur [D] et Monsieur [S] à payer à Monsieur et Madame [L] au titre de la réparation du désordre relatif aux menuiseries la somme de 66 576,53 euros TTC,

- Dit que dans les rapports entre coobligés, le partage de responsabilité s'effectuera de la manière suivante :

* Monsieur [D] : 50 %

* Monsieur [S] : 50 %

- Déboute Monsieur [D] de sa demande de garantie pour ce désordre à l'encontre de la société Chacornas et la société Axa,

Sur les autres préjudices

- Condamne in solidum Monsieur [D] et Monsieur [S] à payer à Monsieur et Madame [L] la somme de 19 955,16 euros au titre du préjudice de jouissance concernant le désordre affectant les menuiseries,

- Dit que dans les rapports entre coobligés, le partage de responsabilité s'effectuera de la manière suivante :

* Monsieur [D] : 50 %

* Monsieur [S] : 50 %

- Condamne in solidum Monsieur [D], Monsieur [S] et la société Heinrich à payer à Monsieur et Madame [L] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que la charge finale des dépens et celle de l'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront réparties au prorata des responsabilités retenues ci-dessus,

- Condamne in solidum Monsieur [D], Monsieur [S] et la société Heinrich in solidum aux dépens, comprenant les frais d'expertise,

- Dit que la charge finale des dépens et celle de l'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront réparties comme suit :

* Monsieur [D] : 46 %,

* Monsieur [S] : 45 %,

* la société Heinrich : 9 %.

II ' Statuant à nouveau :

- Débouter Monsieur et Madame [L] de l'intégralité des demandes dirigées contre Monsieur [W] [D] au titre des désordres affectant les menuiseries extérieures et les préjudices consécutifs,

Subsidiairement,

- Condamner in solidum la société Chacornas et son assureur Axa France IARD à relever et garantir intégralement Monsieur [W] [D] des condamnations qui seraient prononcées à son encontre en réparation des désordres affectant les menuiseries extérieures, des préjudices consécutifs et de l'ensemble des frais et dépens de l'instance,

En tout état de cause,

- Condamner in solidum la société Chacornas et son assureur Axa France IARD à payer à Monsieur [W] [D] la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

III ' En tout état de cause :

- Rejeter les appels incidents et les demandes de condamnations formées par Monsieur et Madame [L] à l'encontre de Monsieur [D],

- Subsidiairement, Condamner in solidum la société Chacornas et son assureur Axa France IARD, Monsieur [T] [S] et la société Heinrich à garantir Monsieur [W] [D] de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et dépens.

En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 avril 2023, la SA Chacornas, intimée, demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil,

Vu les dispositions des article 1134 et 1147 du Code civil,

Vu le rapport d'expertise judiciaire [J],

Vu les pièces,

A titre principal,

- Confirmer le jugement du 30 mai 2022 en ce qu'il ne retient pas la responsabilité de la société Chacornas,

A titre subsidiaire,

- Limiter la condamnation de la société Chacornas à la seule fenêtre infiltrante qui présente les critères d'un désordre de nature décennale, pour un montant de 1.908'euros,

- Condamner la Compagnie Axa France IARD, Monsieur [D], Monsieur [S], la société Habitat sud et la société Heinrich à relever et garantir intégralement la société Chacornas de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

- Débouter les époux [L] de leur appel incident,

- Débouter Monsieur [D] de son appel incident et de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la société Chacornas,

En toute hypothèse,

- Condamner la partie succombante à verser à la société Chacornas une somme de 4.000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 avril 2023, la SA Axa France IARD, intimée, demande à la cour de :

Tenant l'appel interjeté,

A titre principal,

- Confirmer la décision déferrée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- Condamner les succombants au paiement, au bénéfice de la compagnie Axa, de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- Juger qu'il n'y a eu aucune réception,

- Juger que les désordres n'ont aucun caractère décennal,

En conséquence,

Sur le fondement de l'article 1792 du code civil,

- Débouter les consorts [L] de toutes leurs demandes dirigées à l'encontre de la compagnie Axa, en sa qualité d'assureur décennal de l'entreprise Chacornas,

Plus subsidiairement encore,

- Fixer la réception judiciaire au 2 septembre 2009,

Si les désordres affectant les menuiseries relevaient de la garantie décennale,

Selon les conclusions de l'expert,

- Juger que la responsabilité de l'entreprise Chacornas ne saurait être retenue au-delà de la somme de 1 908 euros au titre du remplacement d'une menuiserie,

- Juger que la compagnie Axa ne saurait dès lors être tenue à garantie pour une somme supérieure,

- Juger que le préjudice de jouissance ne saurait être supérieur à la somme de 371,22 euros, calculé sur la base de 200 euros/jour, sur 138 mois et selon les pourcentages proposés par l'expert : 1,37%,

- Juger la compagnie Axa bien fondée à opposer la franchise incluse dans le contrat souscrit, à hauteur de 1'200 euros,

En toute hypothèse,

- Débouter les époux [L] de leur appel incident,

- Débouter les demandeurs de toute demande de condamnation solidaire,

- Débouter M. [D] de son appel incident et par voie de conséquence de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la compagnie Axa,

- En tout état de cause, condamner les époux [L] au paiement d'un article 700 de 3'000'euros, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 novembre 2022, la SARL Heinrich, intimée, demande à la cour de :

Vu l'article 1792 du code civil,

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- Allouer à la société Heinrich 2'500'euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner tout succombant aux dépens.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour observe que le jugement dont appel ne fait l'objet d'aucune critique en termes de prétentions aux dispositifs des écritures des parties en ce qu'il a débouté M. et Mme [L] de leurs demandes au titre du désordre relatif aux infiltrations au niveau de la toiture, et en ce qu'il a débouté M. et Mme [L] de leurs demandes d'indemnisation au titre du traitement de la charpente, de l'absence de conformité de la cheminée et de la remontée d'humidité du coin du feu.

M. et Mme [L] ne forment pas non plus appel incident du jugement déféré à la cour en ce qu'il les a déboutés de leur demande d'indemnisation au titre des travaux de remise en état du système de chauffage, seul le montant de l'indemnisation allouée en réparation du préjudice de jouissance à ce titre étant critiquée.

Enfin le jugement ne fait pas non plus l'objet de critique en ce qu'il a condamné M. [D] à payer à M. et Mme [L] la somme de 744,92 euros au titre de sa part de responsabilité pour la mise en conformité de l'assainissement autonome, ni en ce qu'il a condamné M. [D] au paiement de la somme de 229,63 euros en réparation du préjudice de jouissance concernant le désordre relatif à l'assainissement.

La cour n'est pas saisie de ces questions définitivement tranchées par le jugement du 30 mai 2022.

Sur l'irrecevabilité des demandes des époux [L] à l'encontre de M. [T] [S]':

En première instance M. [S] qui était défaillant, par jugement réputé contradictoire, a été reconnu responsable de plein droit sur le fondement de 1792 in solidum avec M. [D] du désordre affectant toutes les menuiseries.

Devant la cour M. [S] invoque l'irrecevabilité des demandes des époux [L] à son encontre aux motifs que':

- selon jugement tribunal de commerce de Nîmes du 16 mars 2011 publié au BODACC le 24 mars 2011 il a été mis en redressement judiciaire,

- selon jugement tribunal de commerce de Nîmes du 28 février 2012 publié au BODACC le 3 août 2012 un plan de continuation a été adopté,

- selon jugement tribunal de commerce de Nîmes du 29 octobre 2019 il a été placé en liquidation judiciaire,

- selon jugement tribunal de commerce de Nîmes du 27 janvier 2021 il a été mis en liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif,

- l'instance introduite par les époux [L] en application de l'article L622-21 du code de commerce (applicable aux procédures de redressement judiciaire article L 631-14 du code de commerce) a donc été interrompue, et ils auraient dû déclarer leur créance à la liquidation de M. [S] et mettre en cause le liquidateur,

- le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur (article L 643-11 du code de commerce).

Les époux [L] opposent qu'il y a eu fraude de M. [S] dans la mesure où ce dernier était in bonis quand il a été assigné à personne au fond par acte du 25 février 2019 et qu'il lui appartenait dès lors de déclarer à son mandataire liquidateur l'intégralité de son passif et de l'informer de la procédure en cours puisqu'il a été assigné avant la mise en liquidation judiciaire.

Si comme le soutient M. [S] l'instance introduite est interrompue par l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire il est aussi constant qu'en application de l'article L 622-22 du code de commerce le débiteur régulièrement assigné puis qui fait l'objet d'une procédure collective doit en informer les créanciers et qu'en outre en application de l'article L 622-6 dudit code, «'Dès l'ouverture de la procédure, il est dressé un inventaire du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent. Cet inventaire, remis à l'administrateur et au mandataire judiciaire, est complété par le débiteur par la mention des biens qu'il détient susceptibles d'être revendiqués par un tiers. Le débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée y fait en outre figurer les biens détenus dans le cadre de l'activité à raison de laquelle la procédure a été ouverte qui sont compris dans un autre de ses patrimoines et dont il est susceptible de demander la reprise dans les conditions prévues par l'article Le débiteur remet à l'administrateur et au mandataire judiciaire, pour les besoins de l'exercice de leur mandat, la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours. Il les informe des instances en cours auxquelles il est parti.'»

En l'espèce il ressort des pièces de la procédure que M. [S] était in bonis tant lorsqu'il a été assigné tant dans le cadre de la procédure en référé expertise, étant précisé qu'il a participé aux opérations d'expertise, que lorsqu'il a été assigné au fond à personne le 25 février 2019, si bien qu'il lui appartenait non seulement d'informer ses créanciers de sa mise en liquidation judiciaire le 29 octobre 2019 mais également d'aviser le mandataire liquidateur désigné par le jugement du tribunal de commerce de la procédure en cours diligentée à son encontre, ce qu'il ne justifie pas avoir fait.

Par conséquent les demandes des époux [L] à l'encontre de M. [S] seront déclarées recevables.

Sur la réception tacite des travaux':

Il sera rappelé que la réception est définie à l'article 1792-6 alinéa 1 du code civil comme l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve.

A défaut de réception expresse, la réception peut être tacite ce qui suppose, la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage révélée par la prise de possession de l'ouvrage et le paiement de la quasi-totalité des travaux, étant précisé que lorsque la prise de possession diffère dans le temps du paiement intégral du montant des travaux, la date de la réception tacite correspond à celle du dernier événement.

En l'espèce il est constant qu'il n'y a pas eu de réception expresse des travaux et le jugement dont appel a fixé la réception tacite au 2 septembre 2009 considérant que s'il y a eu un refus de signer le procès-verbal de réception le 17 juillet 2009, l'expert judiciaire conclut que l'immeuble était en état d'être réceptionné au 2 septembre 2009 et que le maître de l'ouvrage en a pris possession et a payé les travaux.

Les époux [L] s'accordent sur l'existence d'une réception tacite mais affirment que celle-ci a eu lieu le 2 septembre 2010 car c'est à cette date qu'ils ont pris possession des lieux et se sont acquittés du solde des travaux.

Cette analyse est partagée par M. [D] qui soutient que c'est le 2 septembre 2010 que M. et Mme [L] ont pris la parfaite possession des lieux après s'être intégralement acquittés du solde des marchés de travaux et des honoraires de l'architecte.

La société Axa Assurances, assureur de l'entreprise Chacornas, soutient à titre principal qu'il n'y a pas de réception tacite de l'ouvrage dans la mesure où les époux [L] ont refusé de signer le procès-verbal de réception, ont clairement dit en cours d'expertise qu'ils ont pris possession des lieux à contre c'ur et qu'il n'y a pas de volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage. A titre subsidiaire elle demande que si l'existence d'une réception devait être confirmée, que sa date soit fixée au 2 septembre 2009.

Il ressort des pièces de la procédure que le maître d''uvre d'exécution a soumis à la signature des entreprises Chacornas et Heinreich le 17 juillet 2009 un procès-verbal de réception comprenant quelques réserves que les maîtres de l'ouvrage ont refusé de signer considérant que le chantier n'était pas terminé, et que le 11 septembre 2009 a été établi un procès-verbal de réception pour le lot gros-'uvre maçonnerie et pour le lot charpente réalisés par la SARL Habitat du Sud, que les maître de l'ouvrage ont également refusé de signer.

Il apparait toutefois à la lecture du rapport d'expertise judiciaire qu'à la date du 2 septembre 2009 l'ouvrage était en l'état d'être reçu et que les époux [L] s'étaient acquittés du paiement des factures correspondant aux travaux réalisés, et le fait que les époux [L] ne se soient installés effectivement dans les lieux que fin août 2010 ne signifie pas que la réception a eu lieu à cette date, dans la mesure où le fait d'avoir un immeuble en l'état d'être réceptionné et le paiement des travaux valent présomption de réception tacite de l'ouvrage.

Par conséquent le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a considéré que la date de réception tacite de l'ouvrage était le 2 septembre 2009.

Sur les désordres':

Sur les désordres affectant les menuiseries':

Sur la nature du désordre, le tribunal judiciaire sur la base du rapport d'expertise retient qu'au-delà d'un problème esthétique, à savoir des coulures de résine et des plissures de la lasure, il existe un problème d'infiltrations et une dégradation avancée des équipements et il qualifie ce désordre de décennal

Sur les responsabilités le tribunal retient que le rôle de l'entreprise Chacormas s'est limité à fournir les menuiseries, sans que l'expert ne relève une responsabilité à l'encontre de l'entreprise que la lasure a été appliquée par M. [S], lequel n'aurait pas suivi les prescriptions techniques.

Le tribunal retient aussi que M. [D] avait un rôle dépassant celui d'un économiste de la construction puisqu'il devait notamment suivre le chantier très régulièrement et que son activité étant en lien avec le désordre et en l'absence de cause étrangère il est aussi responsable.

Le jugement retient donc une responsabilité in solidum de M. [S] et de M. [D].

Sur le partage de responsabilité entre ces deux intervenants le tribunal judiciaire l'opère à raison de 50% chacun.

Cette analyse de la nature du désordre et des responsabilités n'est pas critiquée par les époux [L].

M. [D] oppose au contraire qu'il doit être mis hors de cause en soutenant que le principal problème c'est la qualité des menuiseries fournies par la société Chacornas lesquelles sont impropres à la destination prévue et qui sont aussi à l'origine des coulures suite à la peinture faite par M. [S], alors que lui-même n'est intervenu que comme économiste de la construction avec une mission limitée, et qu'il ne pouvait pas déceler les problèmes sur la qualité des menuiseries et que les couches de peinture appliquées l'ont été par M. [S] dans les locaux de la SARL Chacornas sans qu'il en soit informé.

M. [S] critique également le jugement dont appel qui a retenu sa responsabilité en faisant valoir qu'il n'a pas commis de faute, qu'il n'a fait qu'appliquer les couches de lasure, ce dont il résulte seulement des coulures qui n'ont rien à voir avec les problèmes d'infiltration, et d'étanchéité, qu'il a respecté les prescriptions du fabricant du produit, et il ne lui a jamais été dit qu'il fallait passer un diluant pour dégraisser le bois neuf.

Il conteste aussi le caractère décennal du désordre lié aux coulures de résine qui seules peuvent lui être imputées et dit qu'il s'agit là d'un désordre purement esthétique.

Il soutient que n'étant responsable que de simples coulures il ne peut ni venir supporter le coût de remplacement de l'intégralité des menuiseries, ni le coût du préjudice de jouissance

La SARL Chacornas comme son assureur Axa'demandent la confirmation du jugement qui n'a pas retenu la responsabilité de la SARL Chacornas faisant valoir que celle-ci a fourni et seulement fourni des menuiseries qui ne sont pas critiquables et il n'y a pas d'imputabilité entre cette fourniture et le désordre, et qu'en outre ce désordre n'est pas de nature décennale car s'agissant seulement de coulures, le désordre n'est que de nature esthétique l'expert n'ayant constaté un problème d'infiltration que sur une seule menuiserie.

* sur la nature des désordres':

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire qui n'est remis en cause par aucun élément technique sérieux, que de façon générale toutes les menuiseries sont affectées avec plus ou moins d'ampleur par des coulures de résine qui se révèlent essentiellement sur les zones exposées au sud c'est-à-dire sur les zones les plus exposées à l'ensoleillement et à la chaleur (page 20), mais il ressort aussi du rapport d'expertise que certaines menuiseries sont affectées de fissures, que certaine menuiseries sont également infiltrantes, l'expert relevant ce qui n'est pas contesté que pour plusieurs d'entre elles des reprises ont eu lieu avec du mastic, réparation s'avérant insuffisantes en raison du fait que le mastic utilisé (mastic acrylique de salle de bain) était inadapté à cet usage, et il est aussi relevé que pour certaines menuiseries les paumelles ont été posées à l'extérieur et non à l'intérieur.

Il sera ajouté que l'expert en réponse aux dires des parties a bien confirmé qu'au-delà de l'aspect inesthétique des menuiseries en raison des coulures de résine et de plissures de la lasure, certaines menuiseries sont infiltrantes, et affectées d'un certain nombre de malfaçons difficilement réparables par des interventions ponctuelles (page 43 du rapport) la cour ajoutant que des interventions ponctuelles ont déjà été réalisées par l'entreprise Chacornas et se sont révélées inefficaces.

Ainsi au vu de l'ensemble des désordres affectant les menuiseries, désordres qui au-delà de l'aspect esthétique rendent l'immeuble impropre à sa destination puisque la majorité des menuiseries sont atteintes d'une dégradation avancée en raison de coulures de résine généralisées, que des menuiseries sont infiltrantes, et que par conséquent lesdites menuiseries ne peuvent plus remplir efficacement leur rôle d'étanchéité, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que les désordres affectant les menuiseries sont de nature décennale, étant observé qu'il n'est pas contesté que les désordres n'étaient pas apparents au moment de la réception ni qu'ils sont apparus après la réception et dans le délai de dix ans de la garantie décennale.

* sur les responsabilités':

Il sera rappelé que le régime de responsabilité de la garantie décennale est un régime exclusif qui a pour conséquence que les constructeurs, architectes, entrepreneurs et autres locateurs d'ouvrage, liés au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage, sont responsables de plein droit, selon l'article 1792 du code civil des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Ce régime étant exclusif, les dommages qui relèvent de cette garantie ne peuvent donner lieu, contre

les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun et les débiteurs de la garantie décennale sont donc soumis à une obligation de résultat dont ils ne peuvent s'exonérer par la démonstration du respect des règles de l'art ou l'absence de

faute et tous les locateurs d'ouvrage participant à l'opération de construction sont tenus in solidum, sauf pour échapper à cette présomption à démontrer que le dommage ne rentrait pas dans leur sphère d'intervention ou à démontrer une cause étrangère.

Il ressort des pièces de la procédure que contrairement à ce qui a été retenu en première instance, la société Chacornas qui était chargée du lot menuiseries intérieures et extérieures était non seulement tenue de fournir les menuiseries mais aussi de les poser, si bien que si elle n'avait pas dans son marché de travaux la peinture des menuiseries extérieures le dommage rentre dans sa sphère d'intervention dans la mesure où elle devait poser des menuiseries qui ne soient pas infiltrantes, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

M. [S] était chargé du traitement de la surface et de la peinture des menuiseries fournies par la société Chacornas, or il a été précédemment exposé que le traitement des surfaces des menuiseries a été défaillant, les menuiseries présentant de nombreuses coulures de résine et les plissures de la lasure, le dommage rentrait donc bien dans la sphère d'intervention de M. [S].

Concernant M. [D], il ressort des pièces versées au débat que ce dernier qui a la qualité de maître d''uvre, métreur vérificateur, coordinateur travaux du bâtiment et économiste de la construction a assuré selon convention avec les époux [L] à la fois une mission économique en phase d'études de leur projet de construction mais également une mission de suivi de chantier comprenant en particulier une visite de chantier hebdomadaire avec la rédaction et la diffusion de procès-verbaux de chantier tous les quinze jours et qu'en cette qualité il est responsable de plein droit des désordres qui affectent les menuiseries sauf à s'exonérer de la présomption de responsabilité qui pèse sur lui par la preuve d'une cause étrangère ce qu'il ne fait pas.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que tant la société Chacornas, que M. [S] et M. [D] en leur qualité de constructeurs au sens de l'article 1792 du code civil et leur intervention ayant participé au dommage sont responsables de plein droit in solidum des désordres affectant les menuiseries.

Toutefois la cour relève que le jugement dont appel n'a pas retenu la responsabilité in solidum de la société Chacornas avec M. [S] et M. [D], et que par voie de conséquence il a seulement condamné in solidum ces deux derniers à réparer les désordres et que cette disposition du jugement ne faisant l'objet d'aucune critique, aucune des parties à la présente instance ne demandant la condamnation in solidum de la société Chacornas avec M. [S] et avec M. [D] à réparer ce désordre, la cour qui ne saurait statuer ultra petita ne peut donc que confirmer le jugement déféré sur la condamnation in solidum de M. [S] et de M. [D] à réparer les désordres affectant les menuiseries.

* sur le partage de responsabilité entre les constructeurs':

Dans leurs relations entre eux, les responsables ne peuvent exercer de recours qu'à proportion de leurs fautes respectives, sur le fondement des dispositions de l'article 1382 ancien et 1240 à 1242 nouveaux du code civil s'agissant des locateurs d'ouvrage non liés contractuellement entre eux, ou de l'article 1147 ancien et 1231-1 du code civil s'ils sont contractuellement liés.

Ainsi il s'agit d'analyser et caractériser les fautes de chaque intervenant dans l'apparition des dommages au regard de leurs obligations contractuelles et de leurs missions et de fixer le partage de responsabilité eu égard aux fautes de chacun des intervenants considérés, et à leur sphère d'intervention respective.

En l'espèce, s'agissant des rapports entre co-obligés, à savoir M. [S], M. [D] et la société Chacornas, le fait que cette dernière en l'état des prétentions des parties ne soit pas condamnée à indemniser le maître de l'ouvrage étant indifférent à ce stade, à l'examen du rapport d'expertise et des pièces versées aux débats, il convient de fixer la contribution à la dette de réparation comme suit :

- 30% pour la société Chacornas, assurée auprès Axa Assurances,

- 30% pour M. [S]

- 40% pour M. [D].

* sur les travaux de reprise':

Le fait que l'ensemble des désordres affectant les menuiseries rendent l'ouvrage impropre à sa destination justifient la réparation intégrale des désordres et pas seulement le remplacement ponctuel de quelques menuiseries, ou des réparations localisées ce d'autant qu'il a été précédemment relevé que des réparations ponctuelles sont déjà intervenues et se sont révélées inefficaces, et que l'expert a conclu que les menuiseries étaient difficilement réparables.

Sur la base de l'évaluation expertale des travaux de reprise, le tribunal a fixé à la somme de 66'576,53 euros TTC le coût des travaux de reprise.

La cour observe que si dans la discussion figurant à leurs écritures les époux [L] demandent la réformation du jugement dont appel sur le montant des travaux de reprise en sollicitant une somme de 78'500 euros TTC pour le remplacement des menuiseries en raison du coût de l'augmentation des matériaux et une somme de 5'114, 18 euros TTC au titre de la reprise des embellissements intérieurs, le dispositif de leurs écritures ne contient pas de prétentions à ce titre si bien que la cour n'est pas saisie de ces demandes.

Par conséquent la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a condamné in solidum M. [D] et M. [S] à payer à M. et Mme [L] au titre de la réparation du désordre relatif aux menuiseries la somme de 66 576,53 euros TTC

Sur le préjudice de jouissance':

Devant la demande de M. et Mme [L] de l'indemnisation de leur préjudice de jouissance de façon globale c'est-à-dire sans ventilation entre les différents désordres le juge de première instance a d'abord fixé une évaluation forfaitaire par mois du préjudice de jouissance subi pour l'ensemble des désordres puis il a à juste titre procédé à une distinction en fonction des désordres, dans la mesure où par exemple un constructeur qui ne serait pas intervenu pour le lot menuiserie ne peut se voir condamné à supporter le préjudice de jouissance en lien avec ce désordre.

Le premier juge sur la base du rapport d'expertise, et en l'absence de production d'élément probant contraire par les époux [L], a fixé le préjudice dans son ensemble à 200 euros par mois, puis il a opéré une répartition entre les trois types de désordres retenus selon le rapport d'expertise':

- Défaut des menuiseries 72,30% à la charge de M. [S] et M. [D],

- Dysfonctionnement chauffage 7,93 à la charge de la société Heinrich,

- Assainissement autonome dans la limite de 20%': 4,16% à la charge de [D].

Cette analyse n'est pas critiquée par les constructeurs sauf à opposer leur absence de responsabilité.

Les époux [L] qui sollicitent l'infirmation sur ce point du jugement dont appel et la condamnation in solidum de M. [D], la SARL Heinrich, la compagnie Axa, et M. [S] à leur payer la somme de 84'400 euros au titre de leur préjudice de jouissance pour la période du 2 septembre 2010 au 30 septembre 2018, non seulement ne ventilent pas et ne différencient toujours par leur demande en fonction des différents types de désordres mais encontre se limitent à revendiquer une indemnisation sur la base mensuelle de 800 euros et non de 200 euros comme proposé par l'expert, sans aucun élément à l'appui de cette demande, par conséquent le jugement déféré sera confirmé en ce qui concerne les dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice de jouissance des époux [L].

Sur les pénalités de retard':

Le tribunal a débouté les époux [L] de leur demande de condamnation in solidum de M. [D], de la SARL Habitat du Sud, de la SARL Heirich et de M. [S] à leur payer une somme de 37'500 euros au titre des pénalités de retard, considérant que cette demande n'était pas justifiée notamment pour la société Chacornas au motif que lors de la signature du contrat de marché le délai invoqué par les époux [L] était déjà écoulé, que la société Heinrich qui n'était en charge que d'une partie des travaux ne peut être condamnée pour un défaut de livraison de l'opération, et que pour M. [D] ce dernier n'a jamais pris d'engagement sur la durée des travaux.

Devant la cour les époux [L] ont formé appel incident sur ce point et demandent la condamnation in solidum de M. [D], la SARL Heinrich, la compagnie Axa, et M. [S] à leur payer la somme de 37'500 euros au titre des pénalités de retard au motif que le chantier contrairement aux marchés de travaux aurait eu un an de retard et que les dispositions contractuelles prévoient des pénalités journalières de 100 euros TTC.

La cour observe que':

- les époux [L] persistent à demander une condamnation contre plusieurs constructeurs sans individualisation des demandes alors que s'agissant de retard dans l'exécution d'une opération de construction, chaque locateur d'ouvrage ne peut supporter que son propre retard,

- les époux [L] sollicitent une condamnation in solidum sans en préciser le fondement juridique,

- les époux [L] demandent la condamnation in solidum de la compagnie Axa Assurance, assureur décennal de la société Chacornas sans préciser sur quel fondement,

- les époux [L] demandent la condamnation in solidum de M. [S] alors qu'il n'est produit aucun marché de travaux le concernant,

- les époux [L] demandent la condamnation in solidum de M. [D] alors que la convention conclue avec celui-ci ne comporte aucun engagement contractuel sur la durée d'exécution des travaux.

Au regard de cette absence de fondement juridique les époux [L] ne pourront qu'être déboutés de leur demande au titre des pénalités de retard et le jugement dont appel sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de M. [D] à être relevé et garanti par la société Chacornas et son assureur Axa France IARD in solidum des condamnations prononcées à son encontre en réparation des désordres affectant les menuiseries extérieures, des préjudices consécutifs et de l'ensemble des frais et dépens de l'instance':

Il a été jugé ci-dessus même si aucune condamnation n'a été prononcée à l'encontre de la SARL Charcornas en l'état des prétentions des parties que cette entreprise en sa qualité de constructeur d'ouvrage était responsable in solidum avec M. [S] et M. [D] du désordre qualifié de décennal affectant les menuiseries, et la cour a fixé le partage de responsabilité entre les constructeurs de la façon suivante':

- 30% pour la société Chacornas,

- 30% pour M. [S]

- 40% pour M. [D].

M. [D] est don bien fondé dans sa demande de se voir relevé et garanti par la SARL Chacornas de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre et ce dans la limite de 30%.

Il n'est pas contesté que la société Axa France Iard est l'assureur': assurances de dommages en cours de chantier, assurance obligatoire responsabilité civile décennale et assurance complémentaire après réception selon police n° 30011044 souscrite le 21 décembre 2006 par la SARL Chacornas.

La société Axa France au titre de l'assurance obligatoire garantie décennale est donc tenue de garantir le sinistre décennal relatif aux menuiseries du chantier [L], ce qu'elle ne conteste pas sur le principe de sa garantie.

La société Axa France Iard par ailleurs est bien fondée à invoquer la franchise figurant au contrat d'assurance, franchise d'un montant de 1200 euros cette clause contractuelle étant opposable aux tiers.

Par conséquent la société Axa France Iard sera donc condamnée in solidum avec la SARL Chacornas à relever et garantir M. [D] de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre et ce dans la limite de 30%, et déduction faite pour la société Axa du montant de la franchise contractuelle de 1200 euros.

Sur les demandes accessoires':

Le jugement dont appel sera confirmé en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens.

L'équité ne commande pas devant la cour de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et M. [T] [S] devra supporter les entiers dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS':

La cour statuant par arrêt contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme, en toutes ses dispositions, dans la limite de sa saisine le jugement rendu le 30 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Nîmes, sauf en ce qu'il a débouté M. [W] [D] de sa demande à être relevé et garanti par la SARL Chacornas et son assureur Axa France Iard,

S'y substituant sur ce point et y ajoutant,

Dit que les demandes de M. [N] [L] et de Mme [B] [L] à l'encontre de M. [S] sont recevables';

Dit que la SARL Chacornas, in solidum avec la société Axa France Iard devra relever et garantir M. [W] [D] de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre et ce dans la limite de 30%, et déduction faite pour la société Axa France Iard du montant de la franchise contractuelle de 1200 euros';

Dit n'y avoir lieu devant la cour à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne M. [T] [S] aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

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