CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 3 avril 2025, n° 21/14196
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Créative Régie (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Recoules
Conseillers :
Mme Dupont, Mme Girousse
Avocats :
Me Groc, Me Bayle
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous signature privée du 24 novembre 2003, M. [C] [B] a donné à bail à la SARL Créative Régie des locaux commerciaux situés au [Adresse 3] et au [Adresse 7] à [Localité 14] (94), pour une durée de neuf ans à compter du 1er décembre 2003, contre paiement d'un loyer annuel hors taxes de 55.200 euros, ramené à 36.600 euros pour les dix-huit premiers mois de location. La destination contractuelle des lieux est l'exercice d'activités d'« acquisition, administration et mise en valeur de tous biens ou services concourant à la réalisation d'événementiels ou de productions audio-visuelles », à l'exclusion de toutes autres.
Ce contrat a été renouvelé pour une nouvelle durée de neuf ans, dans les mêmes clauses et conditions, par acte sous signature privée du 26 mars 2013, le loyer étant réévalué à la somme annuelle de 76.508,48 euros HT/HC.
Dans une ordonnance du 12 septembre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil a condamné la SARL Créative Régie à payer à M. [C] [B] la somme de 64.284,37 euros, en huit mensualités de 5.000 euros et une neuvième réglant le solde.
Par jugement prononcé le 16 mai 2018, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Créative Régie, et désigné Me [S] [U] (SELARL [Y]) en qualité d'administrateur judiciaire et Me [N] [J] en qualité de mandataire judiciaire. Un plan de redressement par voie de continuation de l'activité a été arrêté par cette juridiction le 2 octobre 2019.
Par exploit d'huissier signifié le 4 avril 2019, M. [C] [B] a fait délivrer à la SARL Créative Régie commandement de payer la somme totale de 17.610,17 euros au titre de loyers et charges impayés, visant en outre la clause résolutoire du bail.
La SARL Créative Régie, représentée par son administrateur et son mandataire judiciaires, a fait assigner M. [C] [B] devant le tribunal de grande instance de Créteil par exploit d'huissier délivré le 30 avril 2019, aux fins d'opposition à commandement de payer.
Une créance à titre chirographaire d'un montant de 16.035,15 euros a été admise au bénéfice de M. [C] [B] le 13 septembre 2019.
Saisi de la contestation formée par la SARL Créative Régie quant à l'existence d'une créance de charges locatives, le juge commissaire du tribunal de commerce de Créteil a, par jugement prononcé le 4 décembre 2019, admis une créance de M. [C] [B] à titre privilégié à hauteur de la somme de 15.364,54 euros, et sursis à statuer pour le surplus dans l'attente d'une décision au fond sur l'exigibilité des charges contestées.
Par jugement du 22 juin 2021, le tribunal judiciaire de Créteil a :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail liant la SARL Créative Régie et M. [C] [B] au 4 mai 2019 ;
- fixé le montant de la créance de Mr [C] [B] à l'encontre de la SARL Créative Régie à la somme de 13.422,73 euros, à titre privilégié, laquelle s'ajoute à la créance à titre privilégié de 15.364,54 euros admise par le juge commissaire du tribunal de commerce de Créteil le 4 décembre 2019 ;
- débouté la SARL Créative Régie de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné la SARL Créative Régie au paiement des entiers dépens de l'instance ;
- condamné la SARL Créative Régie à payer à Mr [C] [B] la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés non compris les dépens, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration du 21 juillet 2021, la SARL Créative Régie, la SELARL [Y] et Me [N] [J] ont interjeté appel total de la décision.
Suite au décès de Monsieur [C] [B], l'instance a été reprise par ses héritiers, Madame [G] [I] épouse [B], Madame [X] [Z] [B] et Monsieur [E] [B].
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Aux termes de leurs conclusions notifiées le 8 novembre 2023, la société Créative Régie, la société [Y] et Me [N] [J], appelants à titre principal et intimés à titre incident, demandent à la cour de :
- recevoir la SARL Créative Régie, la SELARL [Y] ès qualités et Maître [N] [J] ès qualités en leur appel et les déclarer bien fondés ;
Statuant à nouveau,
- juger nul et de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 4 avril 2019,
Subsidiairement,
- juger le commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 4 avril 2019 dépourvu de cause et, en tout état de cause, d'effets en l'absence de demande de condamnation en paiement de Monsieur [C] [B] au droit duquel viennent Madame [G] [I] épouse [B], Madame [X] [Z] ([B]) et Monsieur [E] [B] ;
- juger que la clause résolutoire n'est pas acquise ;
Plus subsidiairement,
- accorder à la société Créative Régie 8 mois de délais pour payer les causes du commandement de payer visant la clause résolutoire du 4 avril 2019 ;
- suspendre les effets de la clause résolutoire du bail pendant les délais accordés ;
- débouter Madame [G] [I] épouse [B], Madame [X] [Z] ([B]) et Monsieur [E] [B], en leur qualité d'héritiers de Monsieur [C] [B], de leur demande de fixation au passif du redressement judiciaire de la société Créative Régie de sa créance à titre privilégiée d'un montant de 13.422,73 euros ;
- condamner Madame [G] [I] épouse [B], Madame [X] [Z] ([B]) et Monsieur [E] [B], en leur qualité d'héritiers de Monsieur [C] [B] à payer à la société Créative Régie la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Madame [G] [I] épouse [B], Madame [X] [Z] ([B]) et Monsieur [E] [B], en leur qualité d'héritiers de Monsieur [C] [B] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Olivier Groc, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs prétentions, les appelants font valoir :
- Sur les causes du commandement de payer visant la clause résolutoire,
sur le règlement du loyer de mars 2019, que la société Créative Régie justifie que le règlement du loyer de mars 2019 a été effectué le 28 mars 2019, donc antérieurement à la délivrance du commandement de payer, pour un montant de 8.575,03 ' ; que le litige ne porte donc que sur la somme de 9.035,14 ' (17.610,17 ' - 8.575,03 ') ;
sur l'absence de demande de condamnation de Monsieur [B] au titre du commandement de payer, que, devant le tribunal judiciaire, Monsieur [B] a demandé la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire mais pas la condamnation de la société Créative Régie au paiement de la somme visée dans le commandement de payer ; qu'en l'absence de demande de condamnation des causes du commandement de payer, le tribunal ne pouvait constater l'acquisition de la clause résolutoire ;
sur le caractère imprécis des causes du commandement de payer visant la clause résolutoire,
que, sur les créances nées antérieurement au jugement d'ouverture, il a été jugé que le commandement de payer doit être déclaré nul lorsqu'il est inexploitable, notamment, si le décompte annexé ne permet d'en identifier ni le montant, ni l'objet ; que le commandement de payer du 4 avril 2019 portait sur les « charges 2018 dont impôt foncier » sans autre précision ; qu'en application de l'article L. 622-24 du code de commerce, le bailleur ne peut solliciter le paiement de créances nées antérieurement au jugement d'ouverture, il doit adresser au mandataire judiciaire la déclaration de sa créance au mandataire judiciaire ; que la somme de 6.040,30 ' visée dans le commandement de payer ne permet pas d'identifier la partie de la créance née antérieurement au jugement d'ouverture et celle postérieure ; que Monsieur [B] ne pouvait fonder une des causes du commandement sur une créance antérieure au jugement d'ouverture ;
que, sur l'impôt foncier, Monsieur [B] a reconnu dans un courrier adressé à la société Créative Régie que les locaux donnés à bail ne représentent que 520/1000ème des tantièmes des lots lui appartenant dans l'immeuble en copropriété ; que Monsieur [B] ne peut donc pas faire supporter à la société Créative Régie la totalité de l'impôt foncier afférent aux locaux situés [Adresse 7] à [Localité 14] ;
que, sur les charges, le commandement de payer porte sur les charges provisionnelles de janvier et février 2019 pour des montants respectifs de 464,64 ' conformément aux stipulations du bail, outre un acompte mensuel des charges pour un montant de 1.237,27 ' sans autre précision ; que le montant de 1.237,27' a la même cause que les charges prévisionnelles de janvier et février 2019 ; que la société Créative Régie a payé par virement du 28 mars 2019 les loyers et charges du mois de mars 2019 ; qu'en l'absence d'élément permettant à la société Créative Régie d'identifier les charges 2018 et l'acompte mensuel des charges, le commandement de payer doit être annulé ; qu'en tout état de cause, la société Créative Régie apporte la preuve de s'être acquittée des causes du commandement de payer antérieurement à sa délivrance ;
- Sur la demande subsidiaire de délais de paiement,
sur le jugement ultra petita, sur le fondement de l'article 464 du code de procédure civile, qu'en première instance, Monsieur [B] fonde sa demande de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire uniquement sur le commandement de payer visant la clause résolutoire du 4 avril 2019 et non sur l'ordonnance de référé du 12 septembre 2017 ; qu'en constatant l'acquisition de la clause résolutoire sur l'ordonnance de référé du 12 septembre 2017, le tribunal a statué au-delà des demandes de Monsieur [B] ;
sur l'absence d'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance de référé du 12 septembre 2017, que l'ordonnance du 12 septembre 2017 n'a pas été signifiée ; que cette ordonnance n'est donc pas passée en force de chose jugée ; qu'à l'ouverture du redressement judiciaire, le délai d'appel de l'article 528-1 du code de procédure civile n'avait pas expiré ; que conformément à l'article L. 622-21 du code de commerce, Monsieur [B] ne pouvait pas poursuivre une procédure d'expulsion ; qu'en délivrant un commandement de payer le 4 avril 2019 à la société Créative Régie, Monsieur [B] a reconnu que l'ordonnance de référé du 12 septembre 2017 ne pouvait plus produire d'effet ;
- Sur la créance à titre privilégié d'un montant de 13.422,73 ', que la société Créative Régie a accepté l'admission de la créance du bailleur d'un montant de 15.364,54 ' portant sur les loyers ; qu'une ordonnance du juge-Commissaire a rejeté la créance d'un montant de 13.422,73 ' qui porte sur des arriérés de charges, des taxes foncières pour lesquels la société Créative Régie n'a pas pu obtenir les justificatifs ; que les charges et taxes doivent être calculée au prorata de la surface louée, soit 520/1000èmes ; que le bail commercial stipule que le locataire doit « rembourser au Bailleur la quote part récupérable des charges de copropriété afférente aux locaux loués » ; que la « quote part récupérable » doit s'entendre selon l'état établi dans un tableau par le syndic de l'immeuble en copropriété à la fin de chaque année ; que Monsieur [B] a toujours refusé de remettre à la société Créative Régie ledit tableau.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 4 mars 2024, Madame [G] [V] [I] épouse [B], Madame [X] [Z] [B] et Monsieur [E] [B], venant aux droits de Monsieur [C] [B], intimés à titre principal et appelants à titre incident, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail liant la SARL Créative Régie et Madame [G] [I] épouse [B], Madame [X] [Z] ([B]) et Monsieur [E] [B] venant aux droits de Monsieur [C] [B], au 4 mai 2019 ;
* fixé le montant de la créance de Madame [G] [I] épouse [B], Madame [X] [Z] ([B]) et Monsieur [E] [B] à l'encontre de la SARL Créative Régie à la somme de 13.422, 73 ', à titre privilégié, laquelle s'ajoute à la créance à titre privilégié de 15.364,54 ' admise par le juge commissaire du tribunal de commerce de Créteil le 4 décembre 2019 ;
* débouté la SARL Créative Régie de l'ensemble de ses demandes ;
* condamné la SARL Créative Régie au paiement des entiers dépens de l'instance;
* condamné la SARL Créative Régie à payer à Madame [G] [I] épouse [B], Madame [X] [Z] ([B]) et Monsieur [E] [B] la somme de 1.500 ' au titre des frais exposés non compris dans les dépens sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
* ordonné l'exécution provisoire de la décision.
- infirmer le jugement entrepris et :
* donner plein effet au commandement de payer ;
* condamner la SARL Créative Régie au paiement au profit Madame [G] [I] épouse [B], Madame [X] [Z] ([B]) et Monsieur [E] [B] des entières causes du commandement de payer, soit la somme de 17.610,17 ', outre intérêts avec capitalisation depuis sa signification ;
En tout état de cause :
- débouter la société Créative Régie de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la société Créative Régie à payer à Madame [G] [I] épouse [B], Madame [X] [Z] [B] et Monsieur [E] [B] la somme de 2.500 ' à titre de dommages et intérêts en raison de la mauvaise foi du preneur dans l'exécution du bail commercial conclu le 24 novembre 2003 et de son renouvellement du 26 mars 2013 ;
- condamner la société Créative Régie à payer à Madame [G] [I] épouse [B], Madame [X] [Z] ([B]) et Monsieur [E] [B] la somme de 10.000 ' en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de leurs prétentions, les intimés opposent que :
- Sur la demande de nullité et la prétendue absence de cause du commandement de payer,
sur le montant des charges réclamées au titre de l'année 2018, que la Société Créative Régie prétend que la somme de 6.040,30 ' visée au commandement de payer ne permettrait pas l'identification de la partie de la créance née antérieurement ou postérieurement au jugement d'ouverture ; qu'une distinction claire a pourtant été faite entre les créances antérieures au jugement d'ouverture et les créances postérieures qui ont fondé le commandement de payer ; qu'un courrier LRAR du 5 novembre 2018 adressé à la société Créative Régie par Monsieur [B] présentait un récapitulatif des charges pour l'année 2018, avec un solde débiteur de charges d'un montant de 7.993,01 ' ; que la somme de 6.040,30 ' sollicitée au titre des charges de l'année 2018 est donc bien une créance postérieure au jugement d'ouverture, puisqu'elle découle de la régularisation de charges intervenues en fin d'année ; que le commandement distingue les charges de 2018, visées dans le courrier du 5 novembre 2018, des charges prévisionnelles impayées dues pour janvier et février 2019 ;
sur la prétendue confusion des sommes réclamées au titre de l'acompte mensuel de charges, qu'il est précisé dans le commandement de payer que la provision sur charge est de 1.237,27 ' et que le montant de 464,64 ' correspond au solde dû pour les mois de janvier et février 2019 ; que le bail est commercial, ce qui justifie l'application des règles de répartition des charges prévues à l'article R. 145-35 du code de commerce, et non celles applicables en matière de de baux d'habitation comme le prétend la société Créative Régie ; que les parties n'ont pas entendu limiter l'imputation des charges de copropriété aux seules charges « récupérables » au sens de la disposition réglementaire applicable aux baux d'habitation ;
sur le montant de l'impôt foncier réclamé au titre du bail commercial, que par courriers LRAR du 6 novembre 2017 et du 5 novembre 2018, conformément à l'article 5 §4 du bail commercial, Monsieur [B] a fourni à la société Créative Régie un récapitulatif des charges dues ; que la société Créative Régie n'en a pas contesté les montants à la réception des courriers ; qu'il y était bien indiqué que les tantièmes de copropriété tenant aux locaux loués sont de 520/1000ème ; que contrairement à ce qui est prétendu par la société Créative Régie, Monsieur [B] n'a répercuté que les charges liées aux locaux loués au titre du bail commercial ;
sur le caractère imprécis des sommes réclamées, que le décompte annexé au commandement du 4 avril 2019 reprend précisément les montants, les dates et l'objet des sommes réclamées, comme le prévoit l'article L. 145-41 du code de commerce ;
sur la contestation de l'acquisition de la clause résolutoire, que la société Créative Régie ne rapporte aucun fondement juridique obligeant le bailleur à solliciter la condamnation du preneur au règlement des loyers et charges impayés pour bénéficier de l'acquisition de la clause résolutoire ; que le jugement déféré constate l'acquisition de la clause résolutoire sur le fondement de l'article L. 145-41 du code de commerce et du commandement de payer du 4 avril 2019 et non pas sur le fondement de l'ordonnance de 2017 ; que le tribunal n'a donc pas statué au-delà des demandes de Monsieur [B] ;
sur les délais de paiement, sur le fondement de l'article L. 145-41 du code de commerce, qu'il est de jurisprudence constante que le juge du fond ne dispose pas du pouvoir d'accorder de nouveaux délais de paiement lorsqu'il est constaté que les premiers, même accordés par une ordonnance de référé, n'ont pas été respectés ; que la société Créative Régie ne s'est pas exécutée conformément à l'ordonnance de référé du 12 septembre 2017, ce qui apparaît clairement dans la déclaration de créance de juillet 2018 ; qu'un nouveau délai ne pourrait pas être octroyé par le juge du fond ;
- Sur les suites à apporter au commandement de payer,que l'acquisition de la clause résolutoire est indépendante de toute autre demande et qu'il conviendra donc de donner effet au commandement de payer et ainsi de condamner la société Créative Régie au paiement des entières causes du commandement ;
- Sur la contestation infondée de la créance privilégiée de Madame [G] [I] épouse [B], Madame [X] [Z] ([B]) et Monsieur [E] [B], que le Juge-Commissaire a sursis à statuer en l'attente de l'issue de la procédure en cours devant le tribunal judiciaire de Créteil concernant la créance privilégiée d'un montant de 13.422,73 ' ; que cette créance n'a pas été « rejetée » contrairement à ce qu'allègue le locataire ; que, comme développé précédemment, les appels de charges et de taxe foncière correspondent à la surface occupée par le preneur ; que la créance privilégiée de Monsieur [B] doit être admise pour un montant de 13.422,73 ' ; qu'à ce jour, la dette de la société Créative Régie s'élève à la somme de 178.747,68 euros (cf. tableau page 12 des conclusions d'intimés du 4 mars 2024) ;
- Sur la mauvaise foi de la société Créative Régie, sur le fondement de l'article 1134 du code civil, de l'article 32-1 du code de procédure civile, que la société Créative Régie use de moyens fallacieux pour pallier à l'absence de preuves justifiant son appel et altérer la présentations de la vérité ; qu'à l'issue d'une procédure en 2017, le preneur avait été condamné à régler la somme de 64.284,37 ' au titre d'impayés de loyers et charges mais que cette ordonnance est restée pour partie sans effet ; que cette instrumentalisation de la justice et la mauvaise foi de la société Créative Régie dans l'exécution du bail commercial justifient sa condamnation à verser la somme de 2.500' à Monsieur [B] à titre de dommages et intérêts.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
Par message RPVA en date du 6 mars 2025, la cour a sollicité des appelants toutes observations utiles, au regard des dispositions des articles 542, 954 et 910-4 du code de procédure civile sur l'absence dans le dispositif de leurs premières et dernières conclusions d'une demande tendant à l'infirmation ou à l'annulation du jugement déféré et sur les conséquences à en tirer.
Par note en date du 11 mars 2025, le conseil des appelants fait valoir, d'une part, que la volonté des parties de voir infirmer la décision de première instance ressort sans équivoque des termes de la déclaration d'appel et des conclusions de la société Créative Régie de sorte que l'absence de mention de la demande d'infirmation aux dispositifs des conclusions de l'appelante n'est constitutive que d'une simple erreur matérielle, d'autre part, que le tribunal de commerce Créteil, par jugement en date du 10 avril 2024, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société appelante de sorte que, conformément aux dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce, applicable à la liquidation judiciaire en application de l'article L. 641-3 du même code, la cour ne peut qu'infirmer le jugement de première instance, indépendamment des demandes des appelants ou des intimés.
Par note en date du 14 mars 2025, le conseil des intimés considère que la procédure n'a plus d'objet, le local ayant été rendu, le bail commercial résilié par le mandataire judiciaire et les clés restituées et que le montant de la dette locative est irrécouvrable tel qu'attesté par la mandataire.
SUR CE,
Sur l'appel principal
Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.
En l'espèce, dans le dispositif des premières conclusions de la SARL Créative Régie, la SELARL [Y] et Me [N] [J] notifiées le 20 octobre 2021, il n'était pas demandé l'infirmation du jugement du 25 février 2021 mais seulement de recevoir les appelants en leur appel et les déclarer bien fondés et, à titre principal, de juger nul et de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 4 avril 2019, à titre subsidiaire, de juger le commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 4 avril 2019 dépourvu de cause et, en tout état de cause, d'effets en l'absence de demande de condamnation en paiement de Monsieur [C] [B] et juger que la clause résolutoire n'est pas acquise, à titre infiniment subsidiaire, d'accorder à la société Créative Régie 8 mois de délais pour payer les causes du commandement de payer, suspendre les effets de la clause résolutoire du bail pendant les délais accordés et débouter Monsieur [C] [B] de sa demande de fixation au passif du redressement judiciaire de la société Créative Régie de sa créance à titre privilégiée d'un montant de 13.422,73 euros outre les demandes aux titre des frais irrépétibles et aux dépens.
En conséquence, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, ne peut que considérer l'appel comme non soutenu et confirmer le jugement en ses dispositions non contestées dans le cadre de l'appel incident résultant du dispositif des premières conclusions des intimés notifiées le 16 février 2022.
Dès lors, le moyen soutenu par l'appelant de ce que la volonté des parties de voir infirmer la décision de première instance ressort sans équivoque des termes de la déclaration d'appel et des conclusions de la société Créative Régie de sorte que l'absence de mention de la demande d'infirmation aux dispositifs des conclusions de l'appelante n'est constitutive que d'une simple erreur matérielle est inopérant.
Sur l'appel incident
L'appel principal n'étant pas soutenu, le jugement entrepris devient définitif au jour du présent arrêt, notamment, en ce que le tribunal a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail liant la société Créative Régie et M. [C] [B] au 4 mai 2019, fixé le montant de la créance des intimés la somme de 13.422,73 ' à titre privilégié, laquelle s'ajoute à la somme de 15.364,54 ' admise par le juge commissaire du tribunal de commerce de Créteil le 4 décembre 2019, condamné la société Créative Régie aux dépens de l'instance et à payer aux intimés la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche, le tribunal n'ayant été saisi par le bailleur que de la demande de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire, il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir condamné la société Créative Régie à payer le montant de la dette locative figurant au décompte du commandement de payer, laquelle est distincte dans ses causes, dates et montants de la par t de la créance contestée devant le juge commissaire et tranchée par le premier juge, de sorte que le jugement n'a pas à être infirmé ou confirmé sur ce point.
Nonobstant, l'exigibilité de la créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective, objet du décompte visé au commandement de payer délivré le 4 avril 2019, a été contestée devant le premier juge par la société Créative Régie de sorte que, comprise dans le périmètre des débats de première instance, il appartient à la cour de trancher cette prétention formée à titre additionnel devant elle par les intimés.
Compte-tenu de la liquidation judiciaire prononcée à l'égard de la société créative Régie, aucune condamnation en paiement ne pourra être prononcée à son encontre. Cependant, la prétention des bailleurs à ce titre doit être examinée faute pour eux de s'être désistés valablement de leur demande.
Il est constant que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et celui qui s'en prétend libéré doit justifier du paiement opéré.
Il est tout aussi constant que le commandement de payer doit informer clairement le locataire et être suffisamment précis pour permettre au preneur d'identifier les causes des sommes réclamées, leur bien-fondé et leurs dates d'échéances. Cependant, contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'erreur sur le montant de la dette locative figurant sur le commandement n'affecte pas la validité de celui-ci, le montant de la condamnation prononcée ne portant que sur les dettes certaines, liquides et exigibles.
Le preneur à bail est tenu de payer le loyer, fixé contractuellement par les parties, ainsi que les charges telles que prévues au bail. Au cas d'espèce, le premier juge a pertinemment rappelé que le bail commercial se distingue sur ce dernier point du régime applicable aux baux d'habitation dont la liste des charges récupérables est limitativement énumérée par le décret n° 87-713 du 26 août 1987. commercial litigieux étant antérieur aux dispositions de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dîte loi « Pinel », les parties étaient libres de faire peser sur le preneur toutes charges, impôts et taxes relatifs aux lieux loués et de rembourser au bailleur la quote-part récupérable des charges de copropriété, des impôts et taxes relatifs aux biens loués et, en particulier, la quote-part de l'impôt foncier et la taxe sur les bureaux y afférent conformément aux dispositions contractuelles (articles 5.4 et 11 du bail initial et article 8 du du bail renouvelé.
C'est par motifs tout aussi pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a jugé que le bailleur rapportait la preuve du bien-fondé des modalités de calcul de la quote-part des charges de copropriété appelée au prorata de la surface louée, soit 520/1000e, ce qui n'est au demeurant pas contesté. En revanche, contrairement à ce que soutiennent les appelants, le bailleur est légitime à facturer le montant de l'impôt foncier dans sa globalité, lequel ne porte que porte sur les lots dont le bailleur est propriétaire.
Les intimés sollicitent de voir fixer le montant de la créance à la somme de 17.610,17 euros correspondant au décompte figurant dans le commandement de payer soit :
Charges 2018 dont impôt foncier : '.................................. 6.040,30 ' TTC
Charges prévisionnelles de janvier 2019 :............................. 464,64 ' TTC
Charges prévisionnelles de février 2019 :............................. 464,64 ' TTC
Loyer de mars 2019 : '...................................................... 7.802,40 ' TTC
Acompte mensuel de charges : '........................................ 1.237,27 ' TTC
Indemnité forfaitaire de 10% (article 12 du bail) : '.......... 1.600,92 ' TTC
Au soutien de leur prétention, les intimés versent aux débats, outre le commandement de payer visant la clause résolutoire signifié le 4 avril 2019, les courriers adressés par M. [B] à la société Créative Régie en date des 6 novembre 2017 et 5 novembre 2018 explicitant les modalités de calcul retenus pour les montants des loyers courant de décembre 2017 au 30 novembre 2018, puis de décembre 2018 au 30 novembre 2019, auxquels sont joints les copies des avis d'imposition foncière pour les immeubles litigieux pou les années 2017 et 2018, la copie des charges générales pour l'immeuble sis [Adresse 7] pour les années 2016 et 2017, la taxe sur les bureaux au titre de l'année 2018 et des extraits du dossier remis à Maître [J] en juillet 2018.
Les appelants versent aux débats, d'une part, un courrier du bailleur en date du 19 novembre 2019 explicitant les modalités de calcul retenus pour le montant du loyers courant de décembre 2019 au 30 novembre 2020, auquel est joint les copies des avis d'imposition foncière pour les immeubles litigieux pour l'année 2019, la copie des charges générales pour l'immeuble sis [Adresse 7] pour les années 2018, la taxe sur les bureaux au titre de l'année 2019, d'autre part, un relevé de compte en date du 31 mars 2019 dont il ressort, notamment, qu'un virement a été opéré le 28 mars 2019 au bénéfice de M. [C] [B] au titre du paiement du loyer de mars 2019 à hauteur de 8.575,03 euros, ce qui n'est pas contesté par les intimés.
Les intimés justifient, en outre, des échanges constant entre leur avocat et Maître [J] et versent des extraits du dossier remis au mandataire judiciaire en juillet 2018 dans le cadre de leur déclaration de créance de sorte qu'il est ainsi démontré que la somme de 6.040,30 ' TTC figurant du décompte du commandement litigieux au titre des « charges 2018 dont impôt foncier » ne concerne effectivement que des charges postérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective à l'égard de la société Créative Régie.
Il se déduit des éléments rappelé ci-dessus que la somme restant impayée au titre du commandement se montant à 9.035,14 euros.
Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile « Celui qui agit en justice de manière abusive ou dilatoire peut être condamné à une amende civile...sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés... ».
Le droit d'agir qui est l'expression d'une liberté fondamentale n'est pas pour autant discrétionnaire. Il peut être exercé abusivement et justifier de ce fait réparation.
Toutefois, les éléments soulevés par les intimés sont insuffisants à caractériser une faute de la société Créative Régie faisant dégénérer le droit d'agir de ce dernier en abus de droits. Ils seront donc déboutés de leur demande.
Sur les demandes accessoires
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties, les frais par elle engagés dans le cadre de la présente instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que la charge des ses propres dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;
Confirme le jugement rendu par le le tribunal judiciaire de Créteil le 22 juin 2021 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Fixe le montant de la dette locative de la société Créative Régie à la somme de 9.035,14 euros ;
Rejette la demande indemnitaire de Madame [G] [V] [I] épouse [B], Madame [X] [Z] [B] et Monsieur [E] [B], venant aux droits de Monsieur [C] [B] ;
Rejette la demande de Madame [G] [V] [I] épouse [B], Madame [X] [Z] [B] et Monsieur [E] [B], venant aux droits de Monsieur [C] [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés.