CA Douai, ch. 2 sect. 1, 3 avril 2025, n° 23/02409
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 03/04/2025
****
N° de MINUTE : 25/183
N° RG 23/02409 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U5J7
Jugement (N° 2022012430) rendu le 04 Avril 2023 par le Tribunal de Commerce de Lille Métropole
APPELANTE
Société Topstar GMBH,société de droit allemand, représentée par son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 7] / Allemagne
Représentée par Me Jean-François Cormont, avocat au barreau de Lille, avocat constitué substitué par Me Salomé Devriendt, avocat, assistée de Me Olivier André, avocat aux barreaux de Strasbourg et d'Amsterdam, avocat plaidant
INTIMÉES
SAS Office Dépôt
[Adresse 1]
[Localité 5]
Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 23 juillet 2024 conformément à l'article 659 du code de procédure civile (provès verbal de recherches infructueuses)
SCP Angel-[M], représenté par Me [J] [M] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA Office Dépôt France et désigné à cette fonction suivant jugement rendu le 28 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
[Adresse 2]
[Localité 4]
SELAS MJS Partners représentée par Me [N] [F] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA Office Dépôt France et désigné à cette fonction suivant jugement rendu le 28 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentées par Me Thomas Deschryver, avocat au barreau de Lille substitué par Me Mélanie Gabreau, avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 15 janvier 2025 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Béatrice Capliez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Aude Bubbe, conseiller
ARRÊT PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Béatrice Capliez, adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 18 décembre 2024
****
EXPOSÉ DU LITIGE
Par jugement du 5 février 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Office dépôt France. La SELARL AJC, représentée par M. [N] [R], et la SELARL BCM, représentée par M. [Z] [K], ont été désignées en qualités d'administrateurs judiciaires avec mission d'assistance. La SELARL MJS Partners, représentée par M. [N] [F], et la SCP Angel-[M], représentée par M. [J] [M], ont été désignées en qualité de mandataires judiciaires. Le jugement a été publié au BODACC le 16 février 2021.
Par lettre recommandée réceptionnée le 5 mai 2021 la société Topstar GmbH, société de droit allemand, a adressé à l'administrateur judiciaire une requête en revendication de marchandises vendues avec une clause de réserve de propriété pour un montant de 243 961,80 euros. La société Topstar a par ailleurs déclaré auprès de la SELARL MJS Partners, mandataire judiciaire, une créance de ce montant au titre des factures de ses marchandises.
Le 7 juin 2021 l'administrateur a répondu à la société Topstar et lui a proposé de procéder au règlement de la valeur des biens à hauteur de 242 634,51 euros TTC et, précisant que le paiement devait faire l'objet d'une autorisation du juge-commissaire, l'a invité à renvoyer un exemplaire de son courrier comportant son acceptation afin qu'il puisse saisir ce juge.
Par jugement du 28 septembre 2021 la société Office dépôt France a été placée en liquidation judiciaire et ont été désignées en qualités de liquidateurs judiciaires les sociétés MJS Partners et Angel-[M].
La société Topstar n'ayant pas obtenu le paiement de la valeur des biens a, par requête 'en revendication' en date du 2 mars 2022, saisi le juge-commissaire qui a, par ordonnance du 23 mai 2022 :
- constaté que la SELARL AJC n'avait pas répondu à la demande de la société Topstar dans le délai imparti par l'article R. 624-13 du code de commerce,
- constaté que la société Topstar n'avait pas produit sa requête dans le délai imparti par le même article,
- dit la requête de la société Topstar irrecevable.
La société Topstar a formé un recours contre cette décision et par jugement du 4 avril 2023 le tribunal de commerce de Lille métropole a :
- dit mal fondée l'opposition formulée par la société Topstar à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire,
- confirmé en tous points l'ordonnance,
- débouté la société Topstar de sa demande de paiement par la SELAS MJS Partners et la SCP Angel-[M], ès qualités, de la somme de 243 634,51 euros en principal avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage,
- condamné la société Topstar à payer aux liquidateurs judiciaires la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes ou plus amples ou contraires,
- dit que le jugement sera signifié par la partie la plus diligente ou celle ayant un intérêt,
- condamné la société Topstar aux dépens taxés et liquidés à la somme de 117,84 euros.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 25 mai 2023, enregistrée sous le numéro de répertoire général 23/2409, la société Topstar a relevé appel du jugement en ce qu'il a dit mal fondée l'opposition, a confirmé l'ordonnance, l'a déboutée de sa demande en paiement et l'a condamnée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, intimant la SCP Angel-[M] et la SELARL MJS Partners ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société Office dépôt France.
Après clôture de l'instruction le 6 mars 2024, par arrêt avant dire droit du 30 mai 2024, au visa des articles L. 624-17 du code de commerce, 552 et 553 du code de procédure civile, cette cour a ordonné la réouverture des débats, révoqué l'ordonnance de clôture et invité les parties à former toutes observations sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de l'appel à défaut d'intimation du débiteur devant la cour et renvoyé l'affaire en audience de mise en état.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 20 juin 2024, enregistrée sous le numéro de répertoire général 24/3062, la société Topstar a intimé la société Office dépôt France domiciliée en son siège sociale. La déclaration d'appel lui a été signifiée le 23 juillet 2024, dans les conditions de l'article 659 du code de procédure civile et la société Office dépôt France, représentée par son dirigeant, n'a pas constitué avocat.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 5 décembre 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions au fond remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 janvier 2024, la société Topstar demande à la cour de :
- infirmer le jugement dans les termes de la déclaration d'appel,
statuant à nouveau,
- condamner la SELARL MJS Partners ès qualités à lui verser les sommes suivantes :
- 242 634,51 euros en principal avec intérêts au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage,
- 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- aux entiers dépens,
- débouter la SELARL MJS Partners de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Par conclusions du 25 juillet 2024 l'appelante conclut au rejet du moyen relevé d'office par la cour et demande à voir déclarer son appel recevable.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 20 février 2024 la SELARL MJS Partners et la SCP Angel-[M] ès qualités demandent à la cour de :
- débouter la société Topstar de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- en conséquence confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- condamner la société Topstar au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
La clôture de l'instruction est intervenue le 18 décembre 2024 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 15 janvier suivant.
MOTIFS
L'appelante ayant régularisé une déclaration d'appel afin d'intimer le débiteur pour lui permettre d'intervenir au titre de son droit propre, il n'y pas lieu de déclarer l'appel irrecevable. Le moyen relevé d'office par la cour sera en conséquence écarté.
En application de l'article L. 624-17 du code de commerce l'administrateur avec l'accord du débiteur ou à défaut le débiteur après accord du mandataire judiciaire peut acquiescer à la demande en revendication ou en restitution d'un bien visé à la présente section ; à défaut d'accord ou en cas de contestation, la demande est portée devant le juge-commissaire qui statue sur le sort du contrat, au vu des observations du créancier, du débiteur et du mandataire de justice saisi.
L'article R. 624-13 du même code précise que la demande en revendication d'un bien est adressée dans le délai prévu à l'article L. 624-9 [dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure] par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'administrateur s'il en a été désigné ou, à défaut, au débiteur. Le demandeur en adresse une copie au mandataire judiciaire. A défaut d'acquiescement dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande, le demandeur doit, sous peine de forclusion, saisir le juge-commissaire au plus tard dans un délai d'un mois à compter de l'expiration du délai de réponse. Avant de statuer, le juge-commissaire recueille les observations des parties intéressées. La demande en revendication emporte de plein droit demande en restitution.
En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats qu'après des échanges entre la société Topstar et le commissaire priseur aux fins d'identifier les marchandises dont elle revendique la propriété dans le stock de la société Office dépôt France, l'administrateur a répondu à la demande de revendication de la société Topstar, réceptionnée le 5 mai 2021, une lettre en date du 7 juin 2021 rédigée dans les termes suivants :
Vérifications faites, la SAS Office dépôt France me confirme que les biens que vous avez revendiqués se retrouvaient en nature au jour de l'ouverture de la procédure à hauteur de 242 634,51 ' TTC.
Votre droit de propriété n'étant pas par ailleurs contesté, j'acquiesce à votre demande et vous propose de procéder au règlement de la valeur de ces biens, dès lors que ladite société souhaite en éviter la restitution.
Ce paiement devant faire l'objet d'une autorisation du Juge-commissaire, je vous invite à me renvoyer un exemplaire de la présente revêtu de la mention 'bon pour accord', du nom et de la signature de votre représentant légal et de votre cachet commercial, afin que je puisse saisir le Juge-Commissaire.
La différence éventuelle entre la créance que vous avez déclarée auprès du Mandataire judiciaire désigné et la valeur des biens payés une fois l'autorisation obtenue devra impérativement faire l'objet d'une déclaration rectificative auprès de lui, dont vous voudrez bien me rendre destinataire en copie.
Je ne manquerai pas de vous faire parvenir le montant convenu dès que l'ordonnance aura été rendue, ce dont vous serez directement informé.
La société Topstar justifie de la copie de ce courrier portant cachet et signature de son représentant, ainsi que la mention 'bon pour accord' et la date du 23 juin 2021, dont il n'est pas contesté qu'il a été transmis à l'administrateur, ainsi qu'un courrier adressé par voie électronique le 27 juillet puis le 23 septembre 2021, rappelant l'envoi de ce document et demandant si le juge-commissaire avait été saisi ; il est également justifié des courriers adressés à la SELARL MJS Partners après l'ouverture de la liquidation judiciaire, les 19 novembre et 10 décembre 2021, au sujet de cette revendication.
Les mandataires opposent à la société Topstar d'une part, le défaut de réponse de l'administrateur dans le délai d'un mois, d'autre part, l'absence d'acquiescement de celui-ci dès lors que sa réponse ne portait pas sur le même montant et les mêmes modalités (montant moindre et règlement de la valeur des pièces) et que la proposition était faite sous réserve de l'accord du juge-commissaire.
La cour constate qu'il ressort des échanges entre la société Topstar et l'administrateur qu'un accord est intervenu sur le montant et un versement en valeur tels que proposés par l'administrateur.
La saisine du juge-commissaire par le créancier dans le délai de l'article R. 624-3 du code de commerce suppose un refus opposé par l'administrateur ou un défaut de réponse et l'acquiescement à la demande de revendication dispense le créancier de saisir le juge-commissaire dans le délai fixé par l'article R. 624-13 du code de commerce. Plus généralement, dès lors que l'acquiescement de l'administrateur est parvenu à la connaissance du revendiquant dans le délai qui lui était imparti pour saisir le juge-commissaire la forclusion attachée à l'absence de cette saisine de ce dernier ne peut lui être opposée.
La cour relève surabondamment qu'il ne peut être soutenu qu'il n'y a pas eu de réponse de l'administrateur au motif que celle-ci serait tardive, dans la mesure où le délai de réponse de l'administrateur expirait, non pas le 5 juin 2021, mais le 7 juin 2021, puisque le 5 juin 2021 était un samedi, le délai expirant dès lors, en application de l'article 641 et 642 du code de procédure civile, le lundi suivant, 7 juin.
C'est donc à tort que le premier juge a considéré que la saisine du juge-commissaire intervenue le 2 mars 2022 était tardive et que la société Topstar était irrecevable en sa demande.
Sur le fond, dans sa requête déposée devant le juge-commissaire, la société Topstar, au visa des articles L. 624-9 à L. 624-18 et R. 624-13 à R. 624-16 du code de commerce, sollicite qu'il soit ordonné au mandataire judiciaire de lui 'verser le prix des marchandises revendiquées à hauteur de 242 634,51 ''.
Selon l'article L. 624-16, 2ème alinéa, du code de commerce, peuvent être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété. Cette clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison. Elle peut l'être dans un écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties.
Au vu de la lettre de réponse de l'administrateur, il est acquis d'une part, que la société justifie d'une clause de réserve de propriété sur les marchandises revendiquées, d'autre part, que les biens se retrouvaient en nature entre les mains du débiteur au jour de l'ouverture de la procédure collective.
La demande de revendication est une demande de revendication en valeur et elle ne fait sur le fond l'objet d'aucune contestation ; en outre cette restitution en valeur a été proposée par l'administrateur en accord avec le débiteur, proprosition qui peut, dès lors qu'elle a été acceptée par le revendiquant, s'analyser en un acquiescement de l'administrateur, aucune explication n'étant par ailleurs donnée quant au sort des marchandises litigieuses.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande de la société Topstar en ordonnant la restitution en valeur des marchandises au montant réclamé, avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage à compter de la date de la décision du jugement commissaire, en application de l'article L. 441-10 du code de commerce.
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile, il convient de mettre les dépens de première instance et de l'instance d'appel à la charge de la procédure collective et d'allouer à la société Topstar une somme de 3 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Ecarte le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel ;
Réforme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau ;
Déclare recevable la requête de la société Topstar GmbH en date du 2 mars 2022 ;
Met à néant l'ordonnance du juge-commissaire en date du 23 mai 2022 ;
Ordonne la restitution en valeur des marchandises objet de la revendication pour la somme de 242 634,51 euros avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage à compter du 23 mai 2022 ;
Condamne en conséquence la SELARL MJS Partners, prise en la personne de M. [N] [F], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Office dépôt France à payer à la société Topstar GmbH la somme de 242 634,51 euros avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage à compter du 23 mai 2022 ;
Dit que les dépens de première instance et de l'instance d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;
Condamne la SELAS MJS Partners prise en la personne de M. [N] [F], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Office dépôt France à payer à la société Topstar GmbH la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Béatrice CAPLIEZ
Le président
Dominique GILLES
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 03/04/2025
****
N° de MINUTE : 25/183
N° RG 23/02409 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U5J7
Jugement (N° 2022012430) rendu le 04 Avril 2023 par le Tribunal de Commerce de Lille Métropole
APPELANTE
Société Topstar GMBH,société de droit allemand, représentée par son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 7] / Allemagne
Représentée par Me Jean-François Cormont, avocat au barreau de Lille, avocat constitué substitué par Me Salomé Devriendt, avocat, assistée de Me Olivier André, avocat aux barreaux de Strasbourg et d'Amsterdam, avocat plaidant
INTIMÉES
SAS Office Dépôt
[Adresse 1]
[Localité 5]
Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 23 juillet 2024 conformément à l'article 659 du code de procédure civile (provès verbal de recherches infructueuses)
SCP Angel-[M], représenté par Me [J] [M] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA Office Dépôt France et désigné à cette fonction suivant jugement rendu le 28 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
[Adresse 2]
[Localité 4]
SELAS MJS Partners représentée par Me [N] [F] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA Office Dépôt France et désigné à cette fonction suivant jugement rendu le 28 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentées par Me Thomas Deschryver, avocat au barreau de Lille substitué par Me Mélanie Gabreau, avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 15 janvier 2025 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Béatrice Capliez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Aude Bubbe, conseiller
ARRÊT PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Béatrice Capliez, adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 18 décembre 2024
****
EXPOSÉ DU LITIGE
Par jugement du 5 février 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Office dépôt France. La SELARL AJC, représentée par M. [N] [R], et la SELARL BCM, représentée par M. [Z] [K], ont été désignées en qualités d'administrateurs judiciaires avec mission d'assistance. La SELARL MJS Partners, représentée par M. [N] [F], et la SCP Angel-[M], représentée par M. [J] [M], ont été désignées en qualité de mandataires judiciaires. Le jugement a été publié au BODACC le 16 février 2021.
Par lettre recommandée réceptionnée le 5 mai 2021 la société Topstar GmbH, société de droit allemand, a adressé à l'administrateur judiciaire une requête en revendication de marchandises vendues avec une clause de réserve de propriété pour un montant de 243 961,80 euros. La société Topstar a par ailleurs déclaré auprès de la SELARL MJS Partners, mandataire judiciaire, une créance de ce montant au titre des factures de ses marchandises.
Le 7 juin 2021 l'administrateur a répondu à la société Topstar et lui a proposé de procéder au règlement de la valeur des biens à hauteur de 242 634,51 euros TTC et, précisant que le paiement devait faire l'objet d'une autorisation du juge-commissaire, l'a invité à renvoyer un exemplaire de son courrier comportant son acceptation afin qu'il puisse saisir ce juge.
Par jugement du 28 septembre 2021 la société Office dépôt France a été placée en liquidation judiciaire et ont été désignées en qualités de liquidateurs judiciaires les sociétés MJS Partners et Angel-[M].
La société Topstar n'ayant pas obtenu le paiement de la valeur des biens a, par requête 'en revendication' en date du 2 mars 2022, saisi le juge-commissaire qui a, par ordonnance du 23 mai 2022 :
- constaté que la SELARL AJC n'avait pas répondu à la demande de la société Topstar dans le délai imparti par l'article R. 624-13 du code de commerce,
- constaté que la société Topstar n'avait pas produit sa requête dans le délai imparti par le même article,
- dit la requête de la société Topstar irrecevable.
La société Topstar a formé un recours contre cette décision et par jugement du 4 avril 2023 le tribunal de commerce de Lille métropole a :
- dit mal fondée l'opposition formulée par la société Topstar à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire,
- confirmé en tous points l'ordonnance,
- débouté la société Topstar de sa demande de paiement par la SELAS MJS Partners et la SCP Angel-[M], ès qualités, de la somme de 243 634,51 euros en principal avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage,
- condamné la société Topstar à payer aux liquidateurs judiciaires la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes ou plus amples ou contraires,
- dit que le jugement sera signifié par la partie la plus diligente ou celle ayant un intérêt,
- condamné la société Topstar aux dépens taxés et liquidés à la somme de 117,84 euros.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 25 mai 2023, enregistrée sous le numéro de répertoire général 23/2409, la société Topstar a relevé appel du jugement en ce qu'il a dit mal fondée l'opposition, a confirmé l'ordonnance, l'a déboutée de sa demande en paiement et l'a condamnée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, intimant la SCP Angel-[M] et la SELARL MJS Partners ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société Office dépôt France.
Après clôture de l'instruction le 6 mars 2024, par arrêt avant dire droit du 30 mai 2024, au visa des articles L. 624-17 du code de commerce, 552 et 553 du code de procédure civile, cette cour a ordonné la réouverture des débats, révoqué l'ordonnance de clôture et invité les parties à former toutes observations sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de l'appel à défaut d'intimation du débiteur devant la cour et renvoyé l'affaire en audience de mise en état.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 20 juin 2024, enregistrée sous le numéro de répertoire général 24/3062, la société Topstar a intimé la société Office dépôt France domiciliée en son siège sociale. La déclaration d'appel lui a été signifiée le 23 juillet 2024, dans les conditions de l'article 659 du code de procédure civile et la société Office dépôt France, représentée par son dirigeant, n'a pas constitué avocat.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 5 décembre 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions au fond remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 janvier 2024, la société Topstar demande à la cour de :
- infirmer le jugement dans les termes de la déclaration d'appel,
statuant à nouveau,
- condamner la SELARL MJS Partners ès qualités à lui verser les sommes suivantes :
- 242 634,51 euros en principal avec intérêts au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage,
- 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- aux entiers dépens,
- débouter la SELARL MJS Partners de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Par conclusions du 25 juillet 2024 l'appelante conclut au rejet du moyen relevé d'office par la cour et demande à voir déclarer son appel recevable.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 20 février 2024 la SELARL MJS Partners et la SCP Angel-[M] ès qualités demandent à la cour de :
- débouter la société Topstar de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- en conséquence confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- condamner la société Topstar au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
La clôture de l'instruction est intervenue le 18 décembre 2024 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 15 janvier suivant.
MOTIFS
L'appelante ayant régularisé une déclaration d'appel afin d'intimer le débiteur pour lui permettre d'intervenir au titre de son droit propre, il n'y pas lieu de déclarer l'appel irrecevable. Le moyen relevé d'office par la cour sera en conséquence écarté.
En application de l'article L. 624-17 du code de commerce l'administrateur avec l'accord du débiteur ou à défaut le débiteur après accord du mandataire judiciaire peut acquiescer à la demande en revendication ou en restitution d'un bien visé à la présente section ; à défaut d'accord ou en cas de contestation, la demande est portée devant le juge-commissaire qui statue sur le sort du contrat, au vu des observations du créancier, du débiteur et du mandataire de justice saisi.
L'article R. 624-13 du même code précise que la demande en revendication d'un bien est adressée dans le délai prévu à l'article L. 624-9 [dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure] par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'administrateur s'il en a été désigné ou, à défaut, au débiteur. Le demandeur en adresse une copie au mandataire judiciaire. A défaut d'acquiescement dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande, le demandeur doit, sous peine de forclusion, saisir le juge-commissaire au plus tard dans un délai d'un mois à compter de l'expiration du délai de réponse. Avant de statuer, le juge-commissaire recueille les observations des parties intéressées. La demande en revendication emporte de plein droit demande en restitution.
En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats qu'après des échanges entre la société Topstar et le commissaire priseur aux fins d'identifier les marchandises dont elle revendique la propriété dans le stock de la société Office dépôt France, l'administrateur a répondu à la demande de revendication de la société Topstar, réceptionnée le 5 mai 2021, une lettre en date du 7 juin 2021 rédigée dans les termes suivants :
Vérifications faites, la SAS Office dépôt France me confirme que les biens que vous avez revendiqués se retrouvaient en nature au jour de l'ouverture de la procédure à hauteur de 242 634,51 ' TTC.
Votre droit de propriété n'étant pas par ailleurs contesté, j'acquiesce à votre demande et vous propose de procéder au règlement de la valeur de ces biens, dès lors que ladite société souhaite en éviter la restitution.
Ce paiement devant faire l'objet d'une autorisation du Juge-commissaire, je vous invite à me renvoyer un exemplaire de la présente revêtu de la mention 'bon pour accord', du nom et de la signature de votre représentant légal et de votre cachet commercial, afin que je puisse saisir le Juge-Commissaire.
La différence éventuelle entre la créance que vous avez déclarée auprès du Mandataire judiciaire désigné et la valeur des biens payés une fois l'autorisation obtenue devra impérativement faire l'objet d'une déclaration rectificative auprès de lui, dont vous voudrez bien me rendre destinataire en copie.
Je ne manquerai pas de vous faire parvenir le montant convenu dès que l'ordonnance aura été rendue, ce dont vous serez directement informé.
La société Topstar justifie de la copie de ce courrier portant cachet et signature de son représentant, ainsi que la mention 'bon pour accord' et la date du 23 juin 2021, dont il n'est pas contesté qu'il a été transmis à l'administrateur, ainsi qu'un courrier adressé par voie électronique le 27 juillet puis le 23 septembre 2021, rappelant l'envoi de ce document et demandant si le juge-commissaire avait été saisi ; il est également justifié des courriers adressés à la SELARL MJS Partners après l'ouverture de la liquidation judiciaire, les 19 novembre et 10 décembre 2021, au sujet de cette revendication.
Les mandataires opposent à la société Topstar d'une part, le défaut de réponse de l'administrateur dans le délai d'un mois, d'autre part, l'absence d'acquiescement de celui-ci dès lors que sa réponse ne portait pas sur le même montant et les mêmes modalités (montant moindre et règlement de la valeur des pièces) et que la proposition était faite sous réserve de l'accord du juge-commissaire.
La cour constate qu'il ressort des échanges entre la société Topstar et l'administrateur qu'un accord est intervenu sur le montant et un versement en valeur tels que proposés par l'administrateur.
La saisine du juge-commissaire par le créancier dans le délai de l'article R. 624-3 du code de commerce suppose un refus opposé par l'administrateur ou un défaut de réponse et l'acquiescement à la demande de revendication dispense le créancier de saisir le juge-commissaire dans le délai fixé par l'article R. 624-13 du code de commerce. Plus généralement, dès lors que l'acquiescement de l'administrateur est parvenu à la connaissance du revendiquant dans le délai qui lui était imparti pour saisir le juge-commissaire la forclusion attachée à l'absence de cette saisine de ce dernier ne peut lui être opposée.
La cour relève surabondamment qu'il ne peut être soutenu qu'il n'y a pas eu de réponse de l'administrateur au motif que celle-ci serait tardive, dans la mesure où le délai de réponse de l'administrateur expirait, non pas le 5 juin 2021, mais le 7 juin 2021, puisque le 5 juin 2021 était un samedi, le délai expirant dès lors, en application de l'article 641 et 642 du code de procédure civile, le lundi suivant, 7 juin.
C'est donc à tort que le premier juge a considéré que la saisine du juge-commissaire intervenue le 2 mars 2022 était tardive et que la société Topstar était irrecevable en sa demande.
Sur le fond, dans sa requête déposée devant le juge-commissaire, la société Topstar, au visa des articles L. 624-9 à L. 624-18 et R. 624-13 à R. 624-16 du code de commerce, sollicite qu'il soit ordonné au mandataire judiciaire de lui 'verser le prix des marchandises revendiquées à hauteur de 242 634,51 ''.
Selon l'article L. 624-16, 2ème alinéa, du code de commerce, peuvent être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété. Cette clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison. Elle peut l'être dans un écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties.
Au vu de la lettre de réponse de l'administrateur, il est acquis d'une part, que la société justifie d'une clause de réserve de propriété sur les marchandises revendiquées, d'autre part, que les biens se retrouvaient en nature entre les mains du débiteur au jour de l'ouverture de la procédure collective.
La demande de revendication est une demande de revendication en valeur et elle ne fait sur le fond l'objet d'aucune contestation ; en outre cette restitution en valeur a été proposée par l'administrateur en accord avec le débiteur, proprosition qui peut, dès lors qu'elle a été acceptée par le revendiquant, s'analyser en un acquiescement de l'administrateur, aucune explication n'étant par ailleurs donnée quant au sort des marchandises litigieuses.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande de la société Topstar en ordonnant la restitution en valeur des marchandises au montant réclamé, avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage à compter de la date de la décision du jugement commissaire, en application de l'article L. 441-10 du code de commerce.
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile, il convient de mettre les dépens de première instance et de l'instance d'appel à la charge de la procédure collective et d'allouer à la société Topstar une somme de 3 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Ecarte le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel ;
Réforme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau ;
Déclare recevable la requête de la société Topstar GmbH en date du 2 mars 2022 ;
Met à néant l'ordonnance du juge-commissaire en date du 23 mai 2022 ;
Ordonne la restitution en valeur des marchandises objet de la revendication pour la somme de 242 634,51 euros avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage à compter du 23 mai 2022 ;
Condamne en conséquence la SELARL MJS Partners, prise en la personne de M. [N] [F], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Office dépôt France à payer à la société Topstar GmbH la somme de 242 634,51 euros avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage à compter du 23 mai 2022 ;
Dit que les dépens de première instance et de l'instance d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;
Condamne la SELAS MJS Partners prise en la personne de M. [N] [F], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Office dépôt France à payer à la société Topstar GmbH la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Béatrice CAPLIEZ
Le président
Dominique GILLES