CA Douai, ch. 2 sect. 2, 3 avril 2025, n° 23/03750
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 03/04/2025
N° de MINUTE :
N° RG 23/03750 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VBYE
Jugement (N° 2022012029) rendu le 02 mai 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
APPELANTE
Société Office Dépôt International BV (devenue Viking Office International Bv) agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège [Adresse 8] (Pays-bas)
Représentée par Me Catherine Camus Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Patrick Ehret, avocat au barreau de Strasbourg, avocat plaidant substitué par Me Salomé De Vriendt (Cabinet Auxis), avocat au barreau de Lille
INTIMÉS
Monsieur [V] [D] représentant, au titre de ses droits propres, la Société Office Dépôt France en liquidation judiciaire
[Adresse 3]
[Localité 7]
Défaillant, à qui la déclaration d'appel été signifiée le 25 septembre 2023 (à domicile)
Association UNEDIC (Délégation AGS, CGEA de [Localité 9]) en qualité de contrôleur
ayant son siège [Adresse 4]
Défaillante à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 27 septembre 2023 (à personne morale)
SELARL AJC représentée par Maître [X] [N] en qualité d'administrateur judiciaire de la Société Office Dépôt France
ayant son sièg [Adresse 2]
Défaillante à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 29 septembre 2023 (à personne morale)
SELARL BCM prise en la personne de Maître [E] [O] en qualité d'administrateur judiciaire de la Société Office Dépôt France
ayan son siège [Adresse 6]
défaillante à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 28 septembre 2023 (à personne morale)
SELAS MJS Partners représentée par Me [X] [P], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Office Dépôt France
ayant son siège [Adresse 5]
SCP Angel-[G] représentée par Me [K] [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Office Dépôt France
ayant son siège [Adresse 1]
Représentées par Me Thomas Deschryver, avocat constitué, substitué par Me Mélanie Gabreau, avocats au barreau de Lille
En présence du ministère public, représenté par M. Christophe Delattre, substitut général
DÉBATS à l'audience publique du 25 février 2025 tenue par Stéphanie Barbot magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphanie Barbot, présidente de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Caroline Vilnat, conseiller
ARRÊT PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 avril 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 25 février 2025
****
FAITS ET PROCEDURE
Par un jugement du 5 février 2021, publié le 16 février 2021, la société Office dépôt France (la société ODF) a été mise en redressement judiciaire, les sociétés AJC et BCM étant nommées en qualité de coadministrateurs judiciaires, et les sociétés MJS Partners et Angel-Hazne de co-mandataires judiciaires.
Par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 14 mai 2021, reçue le 17 mai suivant, la société Office dépôt international BV (la société Office dépôt international), devenue la société Viking Office International BV (la société Viking), a saisi les administrateurs judiciaires d'une demande de revendication et restitution de marchandises vendues à la société débitrice, en se prévalant de conditions générales de vente interentreprises incluant une clause de réserve de propriété.
Par une lettre du 25 mai 2021, l'un des coadministrateurs judiciaires a refusé d'accueillir cette demande.
Le 9 juillet 2021, la société Office dépôt international a donc saisi le juge-commissaire de sa demande de revendication.
Le 28 septembre 2021, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire, les sociétés MJS Partners et Angel-Hazne étant désignées en qualité de coliquidateurs.
Par une ordonnance du 31 mai 2022, le juge-commissaire a rejeté la demande de revendication formée par la société Office dépôt international.
Cette dernière ayant formé opposition à l'ordonnance, le tribunal de commerce de Lille métropole a, par un jugement rendu le 2 mai
2023 :
- dit recevable et mal fondée l'opposition formée par la société Office dépôt international ;
- confirmé l'ordonnance du juge-commissaire ;
- débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou
contraires ;
- condamné la société revendiquante à payer aux coliquidateurs de la société ODF une indemnité procédurale de 3 000 euros, ainsi qu'aux dépens.
Le 9 août 2023, la société Office dépôt international a relevé appel de ce jugement.
PRETENTIONS DES PARTIES
' Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 29 décembre 2023, la société Office dépôt international demande à la cour d'appel de :
Vu l'article 643, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Vu les articles L. 624-16, L. 624-18, L. 631-18 et L. 641-14 du code de commerce ;
- déclarer son appel recevable et bien fondé ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
o dit recevable et mal fondée son opposition contre l'ordonnance du 31 mai 2022
o confirme cette ordonnance,
o débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires ;
o la condamne à payer aux coliquidateurs de la société ODF au paiement d'une indemnité de procédure, ainsi qu'aux dépens ;
Et statuant à nouveau,
* À titre principal :
- déclarer sa requête en revendication recevable et bien fondée ;
- juger que de la relation d'affaires qui l'a unie à la société ODF pendant 12 ans, cette dernière a accepté pleinement et entièrement les conditions générales de vente publiées par elle-même (appelante) et avec elles la clause de réserve de propriété insérée, sans émettre aucune contestation ni quant à un hypothétique défaut de transmission ni quant à leur contenu ;
- déclarer opposables à la société ODF ses conditions générales de vente et consécutivement la clause de réserve de propriété ;
En conséquence, vu les pièces versées aux débats,
- reconnaître son droit de propriété ;
- ordonner que lui soit restituée la valeur de l'ensemble des marchandises susmentionnées livrées sous clause de réserve de propriété et non payées, d'un montant de 580 812,49 euros ;
Et, partant,
- condamner solidairement les coliquidateurs de la société ODF à lui payer le montant de 580 812,49 euros ;
* A titre subsidiaire :
- déclarer sa requête en revendication de recevable et bien
fondée ;
- juger que de la relation d'affaires qui l'a unie à la société ODF pendant 12 ans, cette dernière a accepté pleinement et entièrement les conditions générales de vente publiées par elle-même (appelante) et avec elles la clause de réserve de propriété insérée, sans émettre aucune contestation ni quant à un hypothétique défaut de transmission ni quant à leur contenu ;
- déclarer opposables à la société ODF ses conditions générales de vente et consécutivement la clause de réserve de propriété ;
En conséquence, vu les pièces versées aux débats,
- reconnaître son droit de propriété ;
- ordonner que lui soit restituée la valeur de l'ensemble des marchandises susmentionnées livrées sous clause de réserve de propriété et non payées, d'un montant de 476 585,54 euros ;
Et, partant,
- condamner solidairement les coliquidateurs de la société ODF à lui payer la somme de 476 585,54 euros ;
* En tout état de cause :
- rejeter l'ensemble des demandes des coliquidateurs de la société ODF ;
- condamner solidairement les coliquidateurs de la société ODF aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une indemnité procédurale de 10 000 euros, 'ces sommes devant être passées en frais privilégiés de la procédure.'
' Par leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 28 mars 2024, les coliquidateurs de la société ODF demandent à la cour d'appel de :
Vu les articles et suivants L. 624-9 et suivants du code de commerce ;
Vu les articles R. 624-13 et suivants de ce code applicables à la liquidation judiciaire ;
Vu les articles 1583, 2367 et 2368 du code civil ;
Vu l'article 668 du code de procédure civile ;
- confirmer dans son intégralité le jugement entrepris en ce qu'il a :
o dit recevable et mal fondée l'opposition formée par la société Office dépôt international ;
o confirmé l'ordonnance du juge-commissaire ;
o débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires ;
o condamné la société revendiquante à payer aux coliquidateurs de la société ODF une indemnité procédurale de 3 000 euros ;
o condamné la même aux dépens ;
En conséquence,
- rejeter l'ensemble des demandes de la société Office dépôt international ;
* En tout état de cause :
- condamner la société Office dépôt international à leur payer une indemnité de procédure de 15 000 euros ;
- condamner la même aux dépens.
MOTIVATION
1°- Sur l'opposabilité de la clause de réserve de propriété invoquée par l'appelante
L'appelante fait valoir que sa clause de réserve de propriété est opposable aux coliquidateurs, dès lors que :
- cette clause est stipulée dans ses conditions générales de vente 'inter-entreprises' de 2008, donc dans un écrit antérieur aux ventes ici en
cause ;
- ces conditions générales de vente s'appliquent à toutes les ventes réalisées lors des opérations de centralisation des achats effectués par les entités européennes du groupe Office dépôt ;
- la société ODF a adhéré de manière certaine et non équivoque à ces conditions générales de vente. Cette adhésion ne nécessite ni un écrit ni la signature de l'acheteur, et peut être déduite de l'existence de relations d'affaires entre vendeur et acheteur, et de la réception, par l'acheteur, dans le courant de ces relations, de factures antérieures comportant la clause de réserve de propriété ;
- partie au réseau Office dépôt, la société ODF a nécessairement accepté les conditions générales de vente interentreprises de 2008 pour l'ensemble des livraisons de marchandises effectuées entre décembre 2020 et février 2021 ;
- en tout état de cause, eu égard aux relations d'affaires soutenues entre les parties, le simple fait que ces conditions générales de vente soient mentionnées sur toutes les factures émises et reçues par la société débitrice, suffit à caractériser l'adhésion de cette dernière à la clause de réserve de propriété ;
- la référence, sur les factures, aux « conditions générales de vente telles qu'émises par Office Dépôt International B.V. (CDC Operations) »
(« General Terms and Conditions of Sale as issued by Office Dépôt International B.V. (CDC Operations) »), sans la mention « for Intercompany Sales », n'est pas susceptible de faire naître le moindre doute quant au fait que ce sont bien les conditions générales versées aux débats qui sont visées ;
- les ventes en cause étaient nécessairement des ventes interentreprises du groupe Office dépôt, de sorte que ces conditions générales étaient applicables ;
- les deux parties aux contrats de vente étaient membres d'un seul et même groupe de sociétés et la société ODF avait pour fournisseur exclusif la société Office dépôt International BV.
Les coliquidateurs de la société ODF contestent l'opposabilité de la clause de réserve de propriété, aux motifs que :
- le document produit par l'appelante n'est pas contresigné par la société débitrice ODF ni n'a été renouvelé depuis janvier 2008 ;
- l'appelante ne justifie pas non plus de la communication effective de ces conditions générales de vente à la société débitrice. En effet, ce document ne précise ni le jour ni la personne qui les aurait acceptées ;
- l'adhésion la société ODF à cette clause est n'est donc pas établie de manière certaine et non équivoque ;
- selon la jurisprudence, l'acceptation de la clause de réserve de propriété se déduit de l'existence de relations d'affaires et, surtout, de la réception par le débiteur, dans le courant de ces relations, de factures faisant mention d'une clause de réserve de propriété ;
- or, en l'espèce, si les relations commerciales sont établies de longue date, aucune des factures versées aux débats ne mentionne toutefois de clause de réserve de propriété, et le renvoi au bas de chaque facture ne fait pas référence aux conditions générales de vente précisément invoquées par l'appelante.
Réponse de la cour :
En droit des procédures collectives, le succès de l'action en revendication est subordonné à la réunion de deux conditions, cumulatives, qu'il appartient au revendiquant de démontrer : d'abord, l'existence du droit de propriété du revendiquant, ensuite, l'existence du bien revendiqué en nature au jour du jugement d'ouverture.
La réserve de propriété confère donc au vendeur le droit d'agir en revendication à défaut de complet paiement.
Si l'action en revendication n'est pas subordonnée à l'exigibilité de la créance due (Com., 20 avr. 2017, n° 15-20.619), son efficacité suppose cependant, outre le respect des conditions d'exercice de cette action, que la réserve de propriété soit opposable à la procédure collective.
Sur ce dernier point, l'article L. 624-16 du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-18 du même code, dispose que :
Peuvent être revendiqués, à condition qu'ils se retrouvent en nature, les biens meubles remis à titre précaire au débiteur ou ceux transférés dans un patrimoine fiduciaire dont le débiteur conserve l'usage ou la jouissance en qualité de constituant.
Peuvent également être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété. Cette clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison. Elle peut l'être dans un écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties.
[...]
Il s'ensuit que la clause de réserve de propriété doit être contenue dans 'écrit établi au plus tard au moment de la livraison', à défaut de quoi elle est inopposable à la procédure collective et le vendeur ne peut donc exercer son action en revendication.
L'exigence d'un écrit vise à protéger les tiers contre une collusion frauduleuse entre le débiteur et l'un de ses créanciers et sert à traduire l'acceptation de la clause par l'acheteur. L'acceptation n'a pas à être donnée par écrit (Com. 13 oct. 1998, n° 96-861) et peut être tacite.
L'écrit visé par le texte précité s'entend de tout document en usage dans les relations d'affaires (devis, correspondances, confirmations de commandes, bordereaux d'expédition, bons de livraison, etc.). Et en prévoyant que la clause de réserve de propriété puisse figure 'dans un écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties', ce texte admet que la clause soit stipulée dans des conditions générales de vente, ou encore dans un contrat-cadre organisant une série de ventes futures entre les parties.
Si, en principe la facture, émise après livraison, ne peut démontrer l'existence d'une acceptation de l'acheteur qui la reçoit (Com. 19 nov. 2003, n° 01-00749), il a néanmoins déjà été jugé que :
- 'à défaut d'écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties, l'acceptation par le débiteur de la clause de réserve de propriété s'apprécie pour chaque vente objet de celle-ci au plus tard à la date de la livraison, cette acceptation pouvant, suivant les circonstances, être déduite de l'existence de relations d'affaires et de la réception par le débiteur, dans le courant de ces relations, de factures antérieures comportant la clause litigieuse, sans protestation de sa part' (Com. 31 janv. 2012, n°10-28407, publié) ;
- et le paiement sans protestation de factures pendant plusieurs années, pour des ventes successives, peut être de nature à établir l'acceptation par l'acheteur de la clause de réserve de propriété qui y était stipulée (Com. 20 avr. 2017, n° 15-17951).
Enfin, l'article L. 624-9 du code de commerce précise que :
La revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure.
En l'espèce, il convient de relever, à titre liminaire, qu'il n'est pas contesté que l'appelante détient une créance contre la société ODF et qu'elle a exercé son action en revendication dans le délai légal de trois mois suivant la publication du jugement d'ouverture.
A l'appui de sa demande de revendication, l'appelante invoque la clause de réserve de propriété stipulée dans l'article 11 b) de ses conditions générales de vente inter-entreprises de 2008, dénommées en anglais 'central distribution centre general terms and conditions for intercompany sales', qui peut se traduire ainsi en français : 'conditions générales du centre de distribution central pour les ventes interentreprises.'
Cette clause est rédigée en langue anglaise, et les parties s'accordent sur la traduction proposée par l'appelante (v. p. 21 des conclusions de l'appelante et p. 7 des conclusions des liquidateurs) :
Le vendeur conserve la propriété des marchandises jusqu'au paiement intégral de toutes les sommes dues par l'acheteur pour la commande régie par les présentes conditions ou jusqu'à leur revente préalable.
Les factures fondant la créance de l'appelante ne comportent pas, elles-mêmes, cette clause de réserve de propriété, mais chacune d'elles comporte la mention suivante :
The sale of goods invoiced herein are subject to the General Terms and Conditions of Sale as issued by Office Dépôt International B.V. (CDC operations).
Cette dernière mention peut se traduire comme suit, en français :
La vente des marchandises facturées dans les présentes est soumise aux conditions générales de vente émises par Office dépôt international.
La thèse de l'appelante consiste à soutenir, en substance, que ce renvoi fait nécessairement référence aux conditions générales 'interentreprises' contenant la clause de réserve de propriété ci-dessus reproduite, dans la mesure où, adhérente au réseau d'entreprises Office dépôt, la société débitrice ODF était soumise à ces conditions générales.
A supposer que tel soit le cas, il n'est cependant pas établi que le renvoi opéré dans les factures ferait assurément référence aux conditions générales interentreprises stipulant la clause de réserve de propriété, et ce pour les raisons suivantes :
- d'abord, ce renvoi comporte un intitulé distinct de celui des conditions générales interentreprises dont se prévaut l'appelante, et aucun des éléments versés aux débats ne permet d'exclure l'existence d'autres types de conditions générales, voire celle de conditions générales spéficiquement applicables à la société ODF ;
- ensuite, le document reproduisant les conditions interentreprises, communiqué par l'appelante (sa pièce n° 13), est daté de janvier 2008, soit une période antérieure à la naissance de la relation d'affaires nouée entre les parties, dont l'appelante soutient qu'elle a duré douze années. Or, les ventes litigieuses ont fait l'objet de factures émises entre décembre 2021 et février 2022, sans qu'il puisse être écarté que la 'version' des conditions générales interentreprises applicable ait évolué au cours du temps. En d'autres termes, il n'est pas démontré, d'une part, que les conditions générales dont se prévaut l'appelante seraient celles qui étaient encore applicables à l'époque des ventes en cause dans le présent litige, d'autre part, que celles éventuellement applicables en 2021 et 2022 contiendraient la clause de réserve de propriété ci-dessus reproduite ;
- enfin, et en tout état de cause, force est de constater que l'appelante ne verse aux débats aucune pièce établissant que, pendant le cours de la relation d'affaires existant entre les parties, la société ODF aurait payé sans protestation des factures renvoyant aux conditions générales interentreprises stipulant la clause de réserve de propriété présentement invoquée, et, ce faisant, tacitement accepté cette clause. De fait, il ne résulte pas des pièces communiquées que la société ODF aurait accepté, fût-ce tacitement, et à quelque moment que ce soit avant les factures en cause en l'espèce, les conditions générales interentreprises de 2008 stipulant la clause de réserve de propriété et qui, ainsi que le relèvent les coliquidateurs, ne comportent pas la signature de la société débitrice ODF.
Dans ces conditions, la seule circonstance qu'il ait existé un courant d'affaires de douze ans entre les parties est indifférente, cela n'étant, en soi, pas de nature à établir l'acceptation de ces conditions générales de vente.
En conséquence, faute de preuve d'une acceptation, fût-elle tacite, de la clause de réserve de propriété par la société ODF, cette clause est inopposable à la procédure collective, de sorte que les demandes principale et subsidiaire de revendication formées par l'appelante ne peuvent qu'être rejetées.
Le jugement entrepris sera donc confirmé.
2°- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Succombant, l'appelante sera condamnée aux dépens et au paiement d'une indemnité procédurale, au titre de la procédure d'appel.
Les chefs du jugement entrepris relatifs aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront donc également confirmés.
PAR CES MOTIFS
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
- Condamne la société Office dépôt international B.V. aux dépens
d'appel ;
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Office dépôt international B.V. et la condamne à payer aux sociétés MJS Partners et Angel-[G], en qualité de coliquidateurs de la société Office dépôt France, la somme globale de 5 000 euros.
Le greffier
Marlène Tocco
La présidente
Stéphanie Barbot
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 03/04/2025
N° de MINUTE :
N° RG 23/03750 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VBYE
Jugement (N° 2022012029) rendu le 02 mai 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
APPELANTE
Société Office Dépôt International BV (devenue Viking Office International Bv) agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège [Adresse 8] (Pays-bas)
Représentée par Me Catherine Camus Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Patrick Ehret, avocat au barreau de Strasbourg, avocat plaidant substitué par Me Salomé De Vriendt (Cabinet Auxis), avocat au barreau de Lille
INTIMÉS
Monsieur [V] [D] représentant, au titre de ses droits propres, la Société Office Dépôt France en liquidation judiciaire
[Adresse 3]
[Localité 7]
Défaillant, à qui la déclaration d'appel été signifiée le 25 septembre 2023 (à domicile)
Association UNEDIC (Délégation AGS, CGEA de [Localité 9]) en qualité de contrôleur
ayant son siège [Adresse 4]
Défaillante à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 27 septembre 2023 (à personne morale)
SELARL AJC représentée par Maître [X] [N] en qualité d'administrateur judiciaire de la Société Office Dépôt France
ayant son sièg [Adresse 2]
Défaillante à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 29 septembre 2023 (à personne morale)
SELARL BCM prise en la personne de Maître [E] [O] en qualité d'administrateur judiciaire de la Société Office Dépôt France
ayan son siège [Adresse 6]
défaillante à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 28 septembre 2023 (à personne morale)
SELAS MJS Partners représentée par Me [X] [P], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Office Dépôt France
ayant son siège [Adresse 5]
SCP Angel-[G] représentée par Me [K] [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Office Dépôt France
ayant son siège [Adresse 1]
Représentées par Me Thomas Deschryver, avocat constitué, substitué par Me Mélanie Gabreau, avocats au barreau de Lille
En présence du ministère public, représenté par M. Christophe Delattre, substitut général
DÉBATS à l'audience publique du 25 février 2025 tenue par Stéphanie Barbot magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphanie Barbot, présidente de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Caroline Vilnat, conseiller
ARRÊT PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 avril 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 25 février 2025
****
FAITS ET PROCEDURE
Par un jugement du 5 février 2021, publié le 16 février 2021, la société Office dépôt France (la société ODF) a été mise en redressement judiciaire, les sociétés AJC et BCM étant nommées en qualité de coadministrateurs judiciaires, et les sociétés MJS Partners et Angel-Hazne de co-mandataires judiciaires.
Par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 14 mai 2021, reçue le 17 mai suivant, la société Office dépôt international BV (la société Office dépôt international), devenue la société Viking Office International BV (la société Viking), a saisi les administrateurs judiciaires d'une demande de revendication et restitution de marchandises vendues à la société débitrice, en se prévalant de conditions générales de vente interentreprises incluant une clause de réserve de propriété.
Par une lettre du 25 mai 2021, l'un des coadministrateurs judiciaires a refusé d'accueillir cette demande.
Le 9 juillet 2021, la société Office dépôt international a donc saisi le juge-commissaire de sa demande de revendication.
Le 28 septembre 2021, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire, les sociétés MJS Partners et Angel-Hazne étant désignées en qualité de coliquidateurs.
Par une ordonnance du 31 mai 2022, le juge-commissaire a rejeté la demande de revendication formée par la société Office dépôt international.
Cette dernière ayant formé opposition à l'ordonnance, le tribunal de commerce de Lille métropole a, par un jugement rendu le 2 mai
2023 :
- dit recevable et mal fondée l'opposition formée par la société Office dépôt international ;
- confirmé l'ordonnance du juge-commissaire ;
- débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou
contraires ;
- condamné la société revendiquante à payer aux coliquidateurs de la société ODF une indemnité procédurale de 3 000 euros, ainsi qu'aux dépens.
Le 9 août 2023, la société Office dépôt international a relevé appel de ce jugement.
PRETENTIONS DES PARTIES
' Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 29 décembre 2023, la société Office dépôt international demande à la cour d'appel de :
Vu l'article 643, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Vu les articles L. 624-16, L. 624-18, L. 631-18 et L. 641-14 du code de commerce ;
- déclarer son appel recevable et bien fondé ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
o dit recevable et mal fondée son opposition contre l'ordonnance du 31 mai 2022
o confirme cette ordonnance,
o débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires ;
o la condamne à payer aux coliquidateurs de la société ODF au paiement d'une indemnité de procédure, ainsi qu'aux dépens ;
Et statuant à nouveau,
* À titre principal :
- déclarer sa requête en revendication recevable et bien fondée ;
- juger que de la relation d'affaires qui l'a unie à la société ODF pendant 12 ans, cette dernière a accepté pleinement et entièrement les conditions générales de vente publiées par elle-même (appelante) et avec elles la clause de réserve de propriété insérée, sans émettre aucune contestation ni quant à un hypothétique défaut de transmission ni quant à leur contenu ;
- déclarer opposables à la société ODF ses conditions générales de vente et consécutivement la clause de réserve de propriété ;
En conséquence, vu les pièces versées aux débats,
- reconnaître son droit de propriété ;
- ordonner que lui soit restituée la valeur de l'ensemble des marchandises susmentionnées livrées sous clause de réserve de propriété et non payées, d'un montant de 580 812,49 euros ;
Et, partant,
- condamner solidairement les coliquidateurs de la société ODF à lui payer le montant de 580 812,49 euros ;
* A titre subsidiaire :
- déclarer sa requête en revendication de recevable et bien
fondée ;
- juger que de la relation d'affaires qui l'a unie à la société ODF pendant 12 ans, cette dernière a accepté pleinement et entièrement les conditions générales de vente publiées par elle-même (appelante) et avec elles la clause de réserve de propriété insérée, sans émettre aucune contestation ni quant à un hypothétique défaut de transmission ni quant à leur contenu ;
- déclarer opposables à la société ODF ses conditions générales de vente et consécutivement la clause de réserve de propriété ;
En conséquence, vu les pièces versées aux débats,
- reconnaître son droit de propriété ;
- ordonner que lui soit restituée la valeur de l'ensemble des marchandises susmentionnées livrées sous clause de réserve de propriété et non payées, d'un montant de 476 585,54 euros ;
Et, partant,
- condamner solidairement les coliquidateurs de la société ODF à lui payer la somme de 476 585,54 euros ;
* En tout état de cause :
- rejeter l'ensemble des demandes des coliquidateurs de la société ODF ;
- condamner solidairement les coliquidateurs de la société ODF aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une indemnité procédurale de 10 000 euros, 'ces sommes devant être passées en frais privilégiés de la procédure.'
' Par leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 28 mars 2024, les coliquidateurs de la société ODF demandent à la cour d'appel de :
Vu les articles et suivants L. 624-9 et suivants du code de commerce ;
Vu les articles R. 624-13 et suivants de ce code applicables à la liquidation judiciaire ;
Vu les articles 1583, 2367 et 2368 du code civil ;
Vu l'article 668 du code de procédure civile ;
- confirmer dans son intégralité le jugement entrepris en ce qu'il a :
o dit recevable et mal fondée l'opposition formée par la société Office dépôt international ;
o confirmé l'ordonnance du juge-commissaire ;
o débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires ;
o condamné la société revendiquante à payer aux coliquidateurs de la société ODF une indemnité procédurale de 3 000 euros ;
o condamné la même aux dépens ;
En conséquence,
- rejeter l'ensemble des demandes de la société Office dépôt international ;
* En tout état de cause :
- condamner la société Office dépôt international à leur payer une indemnité de procédure de 15 000 euros ;
- condamner la même aux dépens.
MOTIVATION
1°- Sur l'opposabilité de la clause de réserve de propriété invoquée par l'appelante
L'appelante fait valoir que sa clause de réserve de propriété est opposable aux coliquidateurs, dès lors que :
- cette clause est stipulée dans ses conditions générales de vente 'inter-entreprises' de 2008, donc dans un écrit antérieur aux ventes ici en
cause ;
- ces conditions générales de vente s'appliquent à toutes les ventes réalisées lors des opérations de centralisation des achats effectués par les entités européennes du groupe Office dépôt ;
- la société ODF a adhéré de manière certaine et non équivoque à ces conditions générales de vente. Cette adhésion ne nécessite ni un écrit ni la signature de l'acheteur, et peut être déduite de l'existence de relations d'affaires entre vendeur et acheteur, et de la réception, par l'acheteur, dans le courant de ces relations, de factures antérieures comportant la clause de réserve de propriété ;
- partie au réseau Office dépôt, la société ODF a nécessairement accepté les conditions générales de vente interentreprises de 2008 pour l'ensemble des livraisons de marchandises effectuées entre décembre 2020 et février 2021 ;
- en tout état de cause, eu égard aux relations d'affaires soutenues entre les parties, le simple fait que ces conditions générales de vente soient mentionnées sur toutes les factures émises et reçues par la société débitrice, suffit à caractériser l'adhésion de cette dernière à la clause de réserve de propriété ;
- la référence, sur les factures, aux « conditions générales de vente telles qu'émises par Office Dépôt International B.V. (CDC Operations) »
(« General Terms and Conditions of Sale as issued by Office Dépôt International B.V. (CDC Operations) »), sans la mention « for Intercompany Sales », n'est pas susceptible de faire naître le moindre doute quant au fait que ce sont bien les conditions générales versées aux débats qui sont visées ;
- les ventes en cause étaient nécessairement des ventes interentreprises du groupe Office dépôt, de sorte que ces conditions générales étaient applicables ;
- les deux parties aux contrats de vente étaient membres d'un seul et même groupe de sociétés et la société ODF avait pour fournisseur exclusif la société Office dépôt International BV.
Les coliquidateurs de la société ODF contestent l'opposabilité de la clause de réserve de propriété, aux motifs que :
- le document produit par l'appelante n'est pas contresigné par la société débitrice ODF ni n'a été renouvelé depuis janvier 2008 ;
- l'appelante ne justifie pas non plus de la communication effective de ces conditions générales de vente à la société débitrice. En effet, ce document ne précise ni le jour ni la personne qui les aurait acceptées ;
- l'adhésion la société ODF à cette clause est n'est donc pas établie de manière certaine et non équivoque ;
- selon la jurisprudence, l'acceptation de la clause de réserve de propriété se déduit de l'existence de relations d'affaires et, surtout, de la réception par le débiteur, dans le courant de ces relations, de factures faisant mention d'une clause de réserve de propriété ;
- or, en l'espèce, si les relations commerciales sont établies de longue date, aucune des factures versées aux débats ne mentionne toutefois de clause de réserve de propriété, et le renvoi au bas de chaque facture ne fait pas référence aux conditions générales de vente précisément invoquées par l'appelante.
Réponse de la cour :
En droit des procédures collectives, le succès de l'action en revendication est subordonné à la réunion de deux conditions, cumulatives, qu'il appartient au revendiquant de démontrer : d'abord, l'existence du droit de propriété du revendiquant, ensuite, l'existence du bien revendiqué en nature au jour du jugement d'ouverture.
La réserve de propriété confère donc au vendeur le droit d'agir en revendication à défaut de complet paiement.
Si l'action en revendication n'est pas subordonnée à l'exigibilité de la créance due (Com., 20 avr. 2017, n° 15-20.619), son efficacité suppose cependant, outre le respect des conditions d'exercice de cette action, que la réserve de propriété soit opposable à la procédure collective.
Sur ce dernier point, l'article L. 624-16 du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-18 du même code, dispose que :
Peuvent être revendiqués, à condition qu'ils se retrouvent en nature, les biens meubles remis à titre précaire au débiteur ou ceux transférés dans un patrimoine fiduciaire dont le débiteur conserve l'usage ou la jouissance en qualité de constituant.
Peuvent également être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété. Cette clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison. Elle peut l'être dans un écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties.
[...]
Il s'ensuit que la clause de réserve de propriété doit être contenue dans 'écrit établi au plus tard au moment de la livraison', à défaut de quoi elle est inopposable à la procédure collective et le vendeur ne peut donc exercer son action en revendication.
L'exigence d'un écrit vise à protéger les tiers contre une collusion frauduleuse entre le débiteur et l'un de ses créanciers et sert à traduire l'acceptation de la clause par l'acheteur. L'acceptation n'a pas à être donnée par écrit (Com. 13 oct. 1998, n° 96-861) et peut être tacite.
L'écrit visé par le texte précité s'entend de tout document en usage dans les relations d'affaires (devis, correspondances, confirmations de commandes, bordereaux d'expédition, bons de livraison, etc.). Et en prévoyant que la clause de réserve de propriété puisse figure 'dans un écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties', ce texte admet que la clause soit stipulée dans des conditions générales de vente, ou encore dans un contrat-cadre organisant une série de ventes futures entre les parties.
Si, en principe la facture, émise après livraison, ne peut démontrer l'existence d'une acceptation de l'acheteur qui la reçoit (Com. 19 nov. 2003, n° 01-00749), il a néanmoins déjà été jugé que :
- 'à défaut d'écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties, l'acceptation par le débiteur de la clause de réserve de propriété s'apprécie pour chaque vente objet de celle-ci au plus tard à la date de la livraison, cette acceptation pouvant, suivant les circonstances, être déduite de l'existence de relations d'affaires et de la réception par le débiteur, dans le courant de ces relations, de factures antérieures comportant la clause litigieuse, sans protestation de sa part' (Com. 31 janv. 2012, n°10-28407, publié) ;
- et le paiement sans protestation de factures pendant plusieurs années, pour des ventes successives, peut être de nature à établir l'acceptation par l'acheteur de la clause de réserve de propriété qui y était stipulée (Com. 20 avr. 2017, n° 15-17951).
Enfin, l'article L. 624-9 du code de commerce précise que :
La revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure.
En l'espèce, il convient de relever, à titre liminaire, qu'il n'est pas contesté que l'appelante détient une créance contre la société ODF et qu'elle a exercé son action en revendication dans le délai légal de trois mois suivant la publication du jugement d'ouverture.
A l'appui de sa demande de revendication, l'appelante invoque la clause de réserve de propriété stipulée dans l'article 11 b) de ses conditions générales de vente inter-entreprises de 2008, dénommées en anglais 'central distribution centre general terms and conditions for intercompany sales', qui peut se traduire ainsi en français : 'conditions générales du centre de distribution central pour les ventes interentreprises.'
Cette clause est rédigée en langue anglaise, et les parties s'accordent sur la traduction proposée par l'appelante (v. p. 21 des conclusions de l'appelante et p. 7 des conclusions des liquidateurs) :
Le vendeur conserve la propriété des marchandises jusqu'au paiement intégral de toutes les sommes dues par l'acheteur pour la commande régie par les présentes conditions ou jusqu'à leur revente préalable.
Les factures fondant la créance de l'appelante ne comportent pas, elles-mêmes, cette clause de réserve de propriété, mais chacune d'elles comporte la mention suivante :
The sale of goods invoiced herein are subject to the General Terms and Conditions of Sale as issued by Office Dépôt International B.V. (CDC operations).
Cette dernière mention peut se traduire comme suit, en français :
La vente des marchandises facturées dans les présentes est soumise aux conditions générales de vente émises par Office dépôt international.
La thèse de l'appelante consiste à soutenir, en substance, que ce renvoi fait nécessairement référence aux conditions générales 'interentreprises' contenant la clause de réserve de propriété ci-dessus reproduite, dans la mesure où, adhérente au réseau d'entreprises Office dépôt, la société débitrice ODF était soumise à ces conditions générales.
A supposer que tel soit le cas, il n'est cependant pas établi que le renvoi opéré dans les factures ferait assurément référence aux conditions générales interentreprises stipulant la clause de réserve de propriété, et ce pour les raisons suivantes :
- d'abord, ce renvoi comporte un intitulé distinct de celui des conditions générales interentreprises dont se prévaut l'appelante, et aucun des éléments versés aux débats ne permet d'exclure l'existence d'autres types de conditions générales, voire celle de conditions générales spéficiquement applicables à la société ODF ;
- ensuite, le document reproduisant les conditions interentreprises, communiqué par l'appelante (sa pièce n° 13), est daté de janvier 2008, soit une période antérieure à la naissance de la relation d'affaires nouée entre les parties, dont l'appelante soutient qu'elle a duré douze années. Or, les ventes litigieuses ont fait l'objet de factures émises entre décembre 2021 et février 2022, sans qu'il puisse être écarté que la 'version' des conditions générales interentreprises applicable ait évolué au cours du temps. En d'autres termes, il n'est pas démontré, d'une part, que les conditions générales dont se prévaut l'appelante seraient celles qui étaient encore applicables à l'époque des ventes en cause dans le présent litige, d'autre part, que celles éventuellement applicables en 2021 et 2022 contiendraient la clause de réserve de propriété ci-dessus reproduite ;
- enfin, et en tout état de cause, force est de constater que l'appelante ne verse aux débats aucune pièce établissant que, pendant le cours de la relation d'affaires existant entre les parties, la société ODF aurait payé sans protestation des factures renvoyant aux conditions générales interentreprises stipulant la clause de réserve de propriété présentement invoquée, et, ce faisant, tacitement accepté cette clause. De fait, il ne résulte pas des pièces communiquées que la société ODF aurait accepté, fût-ce tacitement, et à quelque moment que ce soit avant les factures en cause en l'espèce, les conditions générales interentreprises de 2008 stipulant la clause de réserve de propriété et qui, ainsi que le relèvent les coliquidateurs, ne comportent pas la signature de la société débitrice ODF.
Dans ces conditions, la seule circonstance qu'il ait existé un courant d'affaires de douze ans entre les parties est indifférente, cela n'étant, en soi, pas de nature à établir l'acceptation de ces conditions générales de vente.
En conséquence, faute de preuve d'une acceptation, fût-elle tacite, de la clause de réserve de propriété par la société ODF, cette clause est inopposable à la procédure collective, de sorte que les demandes principale et subsidiaire de revendication formées par l'appelante ne peuvent qu'être rejetées.
Le jugement entrepris sera donc confirmé.
2°- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Succombant, l'appelante sera condamnée aux dépens et au paiement d'une indemnité procédurale, au titre de la procédure d'appel.
Les chefs du jugement entrepris relatifs aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront donc également confirmés.
PAR CES MOTIFS
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
- Condamne la société Office dépôt international B.V. aux dépens
d'appel ;
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Office dépôt international B.V. et la condamne à payer aux sociétés MJS Partners et Angel-[G], en qualité de coliquidateurs de la société Office dépôt France, la somme globale de 5 000 euros.
Le greffier
Marlène Tocco
La présidente
Stéphanie Barbot