CA Montpellier, 4e ch. civ., 3 avril 2025, n° 23/03287
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
D'Stock Auto (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soubeyran
Conseillers :
M. Bruey, Mme Franco
Avocats :
Me Cesbron, SCP Coste, Daude, Vallet, Lambert
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Le 19 mars 2021, M. [L] [J] a acquis auprès de la SAS D'stock auto un véhicule d'occasion de marque Mercedes-Benz modèle Vito Combi immatriculé [Immatriculation 3] moyennant le prix de 4 990 euros.
Le 25 août 2021, M. [J] a adressé un courrier de mise en demeure à la société d'stock auto aux fins de résolution de la vente et d'indemnisation de ses préjudices à la suite d'un dysfonctionnement du compteur kilométrique et d'une surchauffe du véhicule.
C'est dans ce contexte que par acte du 1er août 2022, M. [J] a assigné la société d'stock auto devant le tribunal judiciaire de Montpellier aux fins de résolution de la vente et d'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement du 1er juin 2023, le tribunal judiciaire de Montpellier a :
- Prononcé la résolution judiciaire de la vente conclue le 19 mars 2021 entre M. [L] [J] et la SAS D'Stock Auto concernant le véhicule de marque Mercedes-Benz modèle Vito Combi immatriculé [Immatriculation 3] ;
- Condamné, en conséquence, la SASU D'Stock Auto à payer à M. [L] [J] les sommes de :
- 4 990 euros au titre de la restitution du prix de vente ;
- 500 euros au titre du préjudice moral ;
- Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 25 août 2021 date de la mise en demeure ;
- Ordonné la restitution du véhicule par M. [L] [J] à la société par actions simplifiée D'Stock Auto dans le délai de huit jours à compter de la restitution du prix de vente ;
- Dit qu'il appartiendra à la société par actions simplifiée D'Stock Auto de venir récupérer le véhicule à ses frais sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et ce à l'issue de ce délai de 8 jours dont elle bénéficie pour récupérer le véhicule ;
- Dit que l'astreinte provisoire court pendant un délai maximum de 3 mois, à charge pour M. [L] [J], à défaut de restitution à l'expiration de ce délai, de solliciter du juge de l'exécution, la liquidation de l'astreinte provisoire et le prononcé de l'astreinte définitive ;
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- Condamné la société par actions simplifiée D'Stock Auto à payer à M. [L] [J] la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société par actions simplifiée D' Stock Auto aux dépens ;
- Rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit.
La société d'stock auto a relevé appel de ce jugement le 27 juin 2023.
Par dernières conclusions remises par voie électronique le 19 octobre 2023, la SAS D'stock auto demande à la cour, sur le fondement des articles L.217-4 et suivants du code de la consommation, de l'article 1604 du code civil et des articles 1641 et suivants du même code, de :
Réformer le jugement du 1er juin 2023 en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau,
A titre principal :
Rejeter les demandes formulées par M. [J],
Condamner M. [L] [J] aux dépens de première instance, comme d'appel et à lui régler la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Subsidiairement,
Réduire les demandes de condamnations formulées par M. [J] à de plus justes proportions,
Si mieux n'aime et avant dire droit,
Ordonner une expertise judiciaire, selon la mission habituelle en pareille matière, aux frais avancés de M. [J].
Par dernières conclusions remises par voie électronique le 22 septembre 2023, M. [L] [J] demande à la cour, sur le fondement des articles 1103, 1217 et suivants et 1641 et suivants du code civil et de l'article 145 du code de procédure civile, de :
A titre principal :
Confirmer en toutes ses dispositions la décision rendue par le tribunal judiciaire de Montpellier en ce qu'il a reconnu un vice caché affectant le véhicule et à défaut au motif de l'existence d'une non-conformité,
Condamner la société D'stock auto aux dépens et à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire :
Ordonner une expertise judiciaire,
Réserver les dépens.
Vu l'ordonnance de clôture du 13 janvier 2025.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l'obligation de délivrance
Aux termes de l'article 1604 du code civil, le vendeur est tenu de délivrer la chose vendue à l'acheteur. Cette délivrance doit être conforme aux spécifications des parties.
L'article 1610 du même code ajoute que si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur.
L'article 1615 du code civil précise que l'obligation de délivrer la chose comprend les accessoires nécessaires à son utilisation.
Au sens de ces textes, l'obligation pesant sur le vendeur est une obligation de résultat, dont ce dernier ne peut s'exonérer par la preuve de son absence de faute, de sorte que pour s'opposer à la demande de résolution de la vente formée par l'acquéreur, il lui appartient d'établir que le défaut de délivrance conforme est dû à une cause étrangère, telle la force majeure.
En l'espèce, le bon de commande du 19 mars 2021 fait état d'un kilométrage de 80 509 km.
Il résulte, cependant, des données issue du site 'Histovec' du ministère de l'intérieur que le kilométrage du véhicule affiche les données suivantes :
Au contrôle technique du 29/03/2016 : le kilométrage est de 80 300 km ;
Au contrôle technique du 09/03/2017 : le kilométrage est de 80 502 km ;
Au contrôle technique du 21/03/2018 : le kilométrage est de 80 803 km ;
Au contrôle technique du 02/04/2019 : le kilométrage est de 80 205 km.
Il ressort de ces données qu'en 3 ans, le kilométrage affiché par le véhicule a perdu près de 100 kms.
L'expert amiable [C] [O] (BCA service client [Localité 5]), mandaté par l'assureur de protection juridique de M. [L] [J], a confirmé ces incohérences et a noté dans son rapport d'expertise amiable contradictoire du 24 novembre 2021 que le véhicule est affecté d'un 'dysfonctionnement du compteur kilométrique digital avéré a minima depuis le 9 mars 2017", ce qui le rend non conforme (la SAS D'stock auto, bien que convoquée par l'expert amiable, n'a pas participé aux opérations d'expertise).
Si ces variations de kilométrage ne sont pas contestées, la SAS D'stock auto se contente de se satisfaire de ce que, depuis 2019, les anomalies apparues précédemment ne se reproduisent plus.
Toutefois, la preuve est rapportée d'une dissimulation du kilométrage réel antérieurement à l'acquisition faite le 19 mars 2021 par M. [L] [J] du véhicule litigieux.
Le kilométrage erroné caractérise un manquement à l'obligation de délivrer une chose conforme aux caractéristiques convenues entre les parties dans le cadre de la vente d'une voiture d'occasion, et ce même si aucune garantie n'a été expressément donnée à ce sujet par le vendeur.
L'attention de M. [L] [J] n'a pas été attirée sur cette anomalie, de sorte que le défaut de conformité allégué n'a pas présenté un caractère apparent compte tenu de sa qualité d'acquéreur profane.
En remettant à l'acquéreur un véhicule dont le kilométrage affiché ne correspondait pas au kilométrage réel, le vendeur professionnel a manqué à son obligation de délivrance conforme.
Sans qu'il soit nécessaire de recourir avant dire droit à une mesure d'expertise judiciaire à défaut de toute contestation d'ordre technique, le jugement sera, par conséquent, confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente, étant observé que cette résolution doit intervenir sur le fondement du défaut de délivrance et de l'article 1610 du code civil précité, et non sur le fondement des vices cachés qu'avait retenu le premier juge.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a prononcé les restitutions réciproques du prix de vente (4 990 euros) et du véhicule avec une astreinte provisoire.
Le jugement sera donc confirmé, y compris en ce qu'il a condamné la SAS D'stock auto à payer la somme de 500 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice moral de M. [J] qui s'est trouvé confronté à des tracas et démarches rendues nécessaires par l'état du véhicule.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la SAS D'stock auto supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SAS D'stock auto aux dépens d'appel,
Condamne la SAS D'stock auto à payer à M. [L] [J] la somme de 1 200 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,