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Décisions

CA Toulouse, 4e ch. sect. 2, 3 avril 2025, n° 23/02521

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 23/02521

3 avril 2025

03/04/2025

ARRÊT N°25/139

N° RG 23/02521 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PSLR

MT/FCC

Décision déférée du 31 Mai 2023 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 23/00052)

M. DE LUCCHI

S.A.S.U. GRAND SUD FORMATION

C/

[O] [F]

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTE

S.A.S.U. GRAND SUD FORMATION, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Louis-Georges BARRET de la SELARL LIGERA 1, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉ

Monsieur [O] [F]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Glareh SHIRKHANLOO, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. BRISSET, Présidente et F. CROISILLE-CABROL, conseillère chargée du rapport. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

AF. RIBEYRON, conseillère

Greffière, lors des débats : M. POZZOBON

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [O] [F] a été embauché selon un premier contrat à durée déterminée et à temps partiel pour l'année scolaire 2013-2014, de septembre 2013 à juin 2014, en qualité d'enseignant, technicien qualifié, niveau D2 coefficient 220 de la convention collective nationale des organismes de formation, par la SASU Grand Sud formation, pour 410 heures de travail annuelles (plus ou moins 10 %). De nouveaux contrats à durée déterminée ont ensuite été conclus pour les années scolaires suivantes, avec plus ou moins 10 % : 2014-2015 (420 heures), 2015-2016 (420 heures), 2016-2017 (250 heures portées à 310 heures par un avenant à effet du 23 janvier 2017 mentionnant comme motif l'accroissement temporaire d'activité), 2017-2018 (460 heures) et 2018-2019 (460 heures). A la fin de chaque contrat à durée déterminée, l'employeur a établi des documents de fin de contrat. Un dernier contrat à durée déterminée a été conclu pour l'année scolaire 2019-2020 (494 heures), prévu du 1er septembre 2019 au 30 juin 2020.

Selon les années, M. [F] enseignait les matières 'tourisme et territoire', 'environnement et développement touristique', 'environnement - étude de cas', ou 'analyse du territoire', en BTS, bachelor ou master, et il supervisait les mémoires et thèses.

Suivant procès-verbal du 3 février 2020, la direction de la SASU Grand Sud formation a changé et la SARL Campus Academy, propriétaire de la totalité des actions, a été nommée présidente de la SASU Grand Sud formation.

Par mail du 12 juin 2020, M. [F] a demandé notamment la requalification de la relation contractuelle à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. Par mail du 2 juillet 2020, M. [D] ('brand & academic development - partenaire externe - FBE consulting') a constaté que M. [F] avait un contrat à durée indéterminée.

Par LRAR du 6 juillet 2020, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 22 juillet 2020, puis il a été licencié pour faute simple constitutive d'une cause réelle et sérieuse par LRAR du 27 juillet 2020. Il a été dispensé de l'exécution du préavis de 2 mois, qui a été rémunéré, et a reçu une indemnité de licenciement de 3.423,66 '. La SASU Grand Sud formation a établi des documents mentionnant un emploi en contrat à durée indéterminée du 1er septembre 2013 au 27 septembre 2020.

Le 14 octobre 2020, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse aux fins notamment de paiement de rappels de salaires en juillet et août sur les années 2017, 2018 et 2019, de requalification au statut cadre avec rappels de salaires et remise d'un certificat de travail conforme à ce statut, de l'indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour mesures vexatoires et déloyales entourant la rupture.

Par jugement du 31 mai 2023, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :

- dit que le licenciement de M. [F] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la SASU Grand Sud formation à régler à M. [F] les sommes suivantes :

* 15.000 ' au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3.000 ' nets au titre de dommages et intérêts pour mesures vexatoires et déloyales,

* 2.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les plus amples demandes,

- rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire en ce qu'elle ordonne le paiement des sommes et rémunérations prévues à l'article R 1454-14, 2° du code du travail,

- fixé la moyenne des 3 derniers salaires à la somme de 1.982 ',

- rappelé que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le conseil et que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,

- mis les dépens à charge de la SASU Grand Sud formation,

- dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la partie défenderesse.

La SASU Grand Sud formation a interjeté appel de ce jugement le 11 juillet 2023, en énonçant dans sa déclaration d'appel les chefs critiqués de la décision.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 mars 2024, auxquelles il est fait expressément référence, la SASU Grand Sud formation demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [F] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, condamné la société au paiement de sommes et aux dépens, et rejeté les plus amples demandes de la société,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les plus amples demandes de M. [F] et fixé la moyenne des 3 derniers salaires à la somme de 1.982 ',

statuant à nouveau,

- juger le licenciement intervenu le 27 juillet 2020 comme reposant sur une cause réelle et sérieuse.

- juger que M. [F] a été intégralement rempli de ses droits liés à l'exécution de son contrat de travail,

- débouter M. [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [F] à verser à la SASU Grand Sud formation la somme de 5.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [F] aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 mai 2024, auxquelles il est fait expressément référence, M. [F] demande à la cour de :

sur l'appel principal :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [F] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, condamné la société au paiement de sommes avec intérêts au taux légal et aux dépens, et fixé la moyenne des salaires,

sur l'appel incident :

- accueillir l'appel incident relevé par M. [F],

- le déclarer recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les plus amples demandes,

statuant à nouveau :

- ordonner le repositionnement de M. [F] au statut cadre coefficient 376 pallier 26 selon la classification de la convention collective nationale des organismes de formation,

- condamner la SAS Grand Sud formation à payer à M. [F] les sommes suivantes :

* 8.686,30 ' à titre de rappels de salaire pour les mois de juillet et août 2017, 2018 et 2019,

* 868,63 ' de congés payés afférents,

* 50.717,13 ' à titre de rappels de salaire au regard du repositionnement de M. [F] au statut cadre, coefficient 376 palier 26,

* 5.071,71 ' de congés payés afférents,

* 13.998 ' à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 3.000 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner à la SAS Grand Sud formation de rectifier le certificat de travail de M. [F] en mentionnant son statut de cadre coefficient 376 pallier 26 du 2 septembre 2013 au 27 juillet 2020,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir (sic).

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 7 janvier 2025 ; le dossier a été fixé à l'audience de plaidoirie du 16 janvier 2025.

Par note transmise par voie électronique le 17 février 2025, le conseil de M. [F] a informé la cour de ce que la SASU Grand Sud formation avait fait l'objet d'un jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 4 février 2025 ouvrant une procédure de redressement judiciaire, et s'est interrogée sur l'éventualité de rouvrir les débats en vue de rendre l'arrêt à intervenir opposable aux organes de la procédure et au CGEA.

MOTIFS

Il ressort des articles 369 et 371 du code de procédure civile que l'instance est interrompue notamment par le jugement prononçant le redressement judiciaire mais qu'elle n'est en aucun cas interrompue si l'événement survient ou est notifié après l'ouverture des débats.

En l'espèce, le jugement plaçant la SASU Grand Sud formation en redressement judiciaire a été prononcé le 4 février 2025, soit après l'ouverture des débats du 16 janvier 2025, de sorte qu'il n'a eu aucun effet interruptif d'instance et qu'il n'y a pas lieu de rouvrir les débats.

1 - Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat de travail :

Sur les salaires au titre de la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :

En vertu de l'article L 1242-1 du code du travail, un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

En vertu de l'article L 1242-2, un contrat à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans des cas déterminés (...).

L'article L 1242-12 dispose que le contrat à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif ; qu'à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Aux termes des articles L 1245-1 et L 1245-2, en cas de méconnaissance de ces textes, le contrat est réputé à durée indéterminée et le juge accorde au salarié une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

M. [F], qui soutient qu'il occupait un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et a travaillé sans interruption en juillet et août 2017, juillet et août 2018, et juillet et août 2019, sollicite la requalification de ses contrats à durée déterminée successifs en un contrat à durée indéterminée, et le paiement des salaires pendant les périodes interstitielles estivales.

Toutefois, en réponse au mail de M. [F] du 12 juin 2020 réclamant la reconnaissance d'un contrat à durée indéterminée, par mail du 2 juillet 2020 M. [D] a indiqué qu'il était effectivement en contrat à durée indéterminée ; la société a licencié M. [F] pour faute simple constitutive d'une cause réelle et sérieuse le 27 juillet 2020 et elle a établi des documents de fin de contrat à durée indéterminée au 27 septembre 2020 ; dans ses conclusions, la SASU Grand Sud formation ne conteste pas le principe de la requalification en contrat à durée indéterminée. Seuls font débat les salaires pendant les mois d'été.

Dans les motifs de ses conclusions la SASU Grand Sud formation soulève la prescription de 3 ans pour les salaires de juillet et août 2017 ; toutefois, elle ne reprend pas cette fin de non-recevoir dans le dispositif des conclusions, où elle demande seulement la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes de M. [F], ainsi que le débouté de M. [F] ; ainsi, la cour n'est saisie d'aucune fin de non-recevoir.

Sur le fond, le salarié qui démontre s'être tenu à la disposition de l'employeur pendant les périodes interstitielles pour effectuer un travail peut réclamer le paiement des salaires pendant ces périodes.

Or, en l'espèce M. [F] affirme que, pendant les étés, il assistait aux réunions de fin d'année scolaire, communiquait avec l'administration sur l'organisation de l'année à venir, organisait les prochaines réunions du conseil de perfectionnement, rédigeait des programmes et fiches pédagogiques, travaillait pour le laboratoire de recherche, reprenait les dossiers CFET et élaborait des sujets d'examen et devoirs d'été. Il produit de très nombreux mails qu'il a échangés avec les élèves et avec l'administration pendant les étés 2017, 2018 et 2019, ainsi qu'une convention de stage d'une élève sur la période du 2 juillet au 1er septembre 2017 où il était mentionné comme l'un des deux formateurs en charge du suivi. Il se réfère aussi à l'attestation de Mme [I] produite par la SASU Grand Sud formation disant que, sur la période estivale, il était 'en relation avec l'administration ou la direction de l'école concernant ses obligations contractuelles'. Les mails échangés avec les élèves concernaient par exemple les mémoires et bilans de stages ; les mails échangés avec l'administration (notamment Mme [K] directrice pédagogique et Mme [I] chargée du suivi de l'organisation des formations) concernaient les réunions, les projets pédagogiques, les thèses, les stages etc ; même si, pendant quelques jours chaque été, M. [F] faisait une pause dans les échanges avec les étudiants, et même s'il n'est pas justifié de mails quotidiens pendant les mois concernés, il demeure que les mails attestent de la réalité d'un travail pendant les périodes estivales.

Par suite, M. [F] a droit au paiement de ses salaires sur les périodes concernées ; il chiffre sa demande compte tenu du salaire moyen qu'il a perçu sur les mois de septembre à juin précédant chaque période estivale, et la société ne conteste pas le mode de calcul. Il convient donc de faire droit à la demande de rappel de salaires à hauteur de 8.686,30 ' bruts outre congés payés de 868,63 ' bruts, par infirmation du jugement.

Sur les salaires au titre de la classification :

La classification se détermine par les fonctions réellement exercées par le salarié. En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, il appartient au juge de rechercher la nature de l'emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu'il requiert au regard des dispositions de la grille de classification fixée par la convention collective.

La charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une classification autre que celle qui lui a été attribuée. Ainsi, le salarié ne peut prétendre à obtenir la classification qu'il revendique que s'il remplit les conditions prévues par la convention collective.

M. [F] était classé technicien qualifié 2e degré, coefficient 220, palier 12. Il revendique la classification cadre, coefficient 376, palier 26, selon la nouvelle grille issue de l'accord du 16 janvier 2017, et un rappel de salaire sur la période de juillet 2017 à juillet 2020.

La nouvelle classification comporte 6 critères classants, conduisant à l'attribution de points ; sont classés techniciens les salariés totalisant un nombre de points (coefficient) compris entre 171 et 349 ; sont classés cadres les salariés totalisant un nombre de points d'au moins 350, et les salariés totalisant un nombre de points entre 310 et 349 à condition pour ces derniers de satisfaire au moins 2 des 3 conditions de critères : minimum marche 3 sur le critère management, minimum marche 4 sur le critère ampleur des connaissances, minimum marche 6 sur le critère autonomie.

* critère autonomie : niveau de latitude laissé au salarié dans l'emploi, notamment dans l'organisation du travail, l'initiative et la prise de décision :

Le salarié revendique la marche 6 soit 69 points : directives générales fixant les objectifs à atteindre ; autonomie dans la conception des moyens et méthodes à mettre en oeuvre pour la réalisation des objectifs ; vérification a posteriori, faisant l'objet d'une évaluation globale.

L'employeur propose la marche 5 soit 57 points : axe de travail fixant les objectifs à atteindre ; autonomie dans le choix des moyens et des méthodes à mettre en oeuvre pour la réalisation des objectifs ; vérification a posteriori, faisant l'objet d'une évaluation globale.

M. [F] affirme être totalement autonome dans ses missions d'enseignement (cours, sujets, épreuves...) en décidant seul des moyens pédagogiques et du contenu des cours, en créant les fiches pédagogiques et un espace de cours numérique, en étant maître de son message scientifique. Il ajoute qu'il était autonome dans les actions afin de promouvoir l'école (responsable du développement de la labellisation de l'école, interventions dans les dossiers RNCP, travail au laboratoire de recherche, membre du conseil de perfectionnement), et que le contrôle de la direction était aléatoire et non officiel.

Toutefois, M. [F] ne caractérise pas en quoi la direction de l'école ne lui donnait que des directives générales fixant les objectifs à atteindre, et non pas un axe de travail, alors qu'il s'agit de la seule différence entre les deux marches.

Il sera donc attribué à M. [F] 57 points.

* critère management : exercice et étendue des responsabilités managériales de l'emploi visé (encadrement avec ou sans pouvoir hiérarchique) :

Le salarié ne revendique aucune marche.

* critère relationnel : exigences relationnelles de l'emploi envers les apprenants, les clients, les fournisseurs et les partenaires :

Le salarié revendique la marche 6 soit 69 points : échanges professionnels complexes et déterminants pour la tenue du poste et la réalisation des objectifs requérant la construction d'argumentaires, l'apport de conseils, la structuration du déroulement d'un échange, la recherche d'information, la conduite de négociations complexes auprès d'interlocuteurs et/ou publics multiples.

L'employeur propose la marche 5 soit 57 points : échanges professionnels complexes et déterminants pour la tenue du poste et la réalisation des objectifs requérant la construction d'argumentaires, l'apport de conseils, la structuration du déroulement d'un échange, la recherche d'information, la conduite de négociations simples auprès d'interlocuteurs et/ou publics de même nature.

M. [F] affirme qu'il avait une multiplicité d'interlocuteurs en qualité d'enseignant, de responsable du développement du pôle labellisation, de directeur du laboratoire de recherche, d'intervenant auprès du grand public et de membre du conseil de perfectionnement (élèves, enseignants, professionnels, formateurs, chefs d'entreprise, institutions diverses...), et que les échanges étaient 'évidemment complexes'.

Néanmoins, quelle que soit la marche retenue les échanges professionnels étaient multiples et complexes, la seule différence tenant aux négociations (simples ou complexes), et M. [F] ne caractérise pas la complexité de ces négociations.

Il sera donc attribué à M. [F] 57 points.

* critère impact : influence et conséquences de l'emploi occupé sur l'organisme de formation (accroissement ou baisse d'activité, satisfaction ou mécontentement des clients, gains ou pertes de productivité...) :

Le salarié revendique la marche 4 soit 90 points : impacts forts et significatifs d'une ou de plusieurs natures (interne ou externe).

L'employeur propose la marche 3 soit 58 points : impacts modérés de plusieurs natures combinées (interne ou externe).

M. [F] liste ses actions de promotion de l'école : création d'un laboratoire de recherche et d'un logotype, certifications, projets de labellisation, adhésions et classements (AMFORTH, EDUNIVERSAL, IFT...).

La SASU Grand Sud formation ne conteste pas l'impact positif qu'a eu M. [F], tout en indiquant que l'impact était aussi celui de l'équipe pédagogique tout entière et que le laboratoire a d'abord servi les intérêts personnels de M. [F] qui n'a pas fait de publication au profit de la société.

Au vu des éléments fournis de part et d'autre, la cour retiendra 58 points.

* critère ampleur des connaissances : niveau des savoirs requis par l'emploi occupé (formation ou expérience professionnelle) :

Le salarié revendique la marche 6 soit 90 points : expertise dans un ou plusieurs domaines/disciplines.

L'employeur propose la marche 4 soit 54 points : connaissances générales dans plusieurs domaines ou disciplines, ou connaissances approfondies d'un domaine ou discipline.

M. [F] était titulaire d'un doctorat (géographie et aménagement) ; au sein de la SASU Grand Sud formation, il enseignait plusieurs matières et dirigeait le laboratoire de recherche ; en parallèle de cette activité, il enseignait comme vacataire à l'Education nationale (marketing, communication, management RSE) ; il a publié pour la revue des sciences humaines et sociales et a créé la revue 'cité et tourisme'.

La cour considère qu'il était expert dans un ou plusieurs domaines ou disciplines, et non pas simplement possesseur de connaissances générales dans plusieurs domaines ou disciplines ou de connaissances approfondies dans un domaine ou discipline. Il lui sera attribué 90 points.

* critère complexité et savoir-faire professionnel : niveau de savoir-faire métier requis par l'emploi (compétences pédagogiques, relationnelles, commerciales, managériales...) acquis par formation et/ou expérience professionnelle :

Le salarié revendique la marche 3 soit 58 points : poste amené à rencontrer des situations professionnelles complexes, faisant appel à des techniques, compétences, modes opératoires spécialisés et également à des capacités d'analyse pour comprendre des situations de travail et les interlocuteurs.

L'employeur est d'accord.

Il sera donc retenu 58 points.

Au total, il est attribué à M. [F] 57 + 57 + 58 + 90 + 58 = 320 points, ce qui est inférieur au minimum de 350 pour le statut cadre ; par ailleurs, si M. [F] était dans la tranche 310-349, pour autant il ne remplissait pas la condition liée au minimum de 2 marches sur 3 puisqu'il n'avait aucune marche sur le critère management et seulement la marche 5 sur le critère autonomie, même si sur le critère ampleur des connaissances il avait la marche 6. La cour le déboutera de sa demande de repositionnement au statut cadre coefficient 376 palier 26 et de sa demande de rectification subséquente du certificat de travail.

M. [F] pouvait prétendre au coefficient 320 correspond au statut technicien, palier 25. Ceci étant, le coefficient 320 ne lui ouvrirait droit à aucun rappel de salaire, et d'ailleurs le coefficient revendiqué 376 non plus, car le minimum conventionnel doit se calculer sur la base de la rémunération annuelle d'un salarié à 35 heures par semaine, or M. [F] n'était pas à temps plein mais à temps partiel, avec des bases annuelles de 460 heures sur 2017-2018 et 2018-2019 (plus ou moins 10 %) et 494 heures (plus ou moins 10 %) sur 2019-2020, et la rémunération horaire qui lui a été versée était supérieure au minimum conventionnel horaire au coefficient 320 et même au coefficient 376.

Il sera donc débouté de sa demande de rappel de salaire au regard de la classification, par confirmation du jugement de ce chef.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé :

En vertu de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement des formalités de déclaration préalable à l'embauche, ou de délivrance des bulletins de paie, ou de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations de salaires et cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des cotisations sociales.

En application de l'article L 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.

Il ressort de ce qui précède que la SASU Grand Sud formation n'a, pendant plusieurs étés, pas payé de salaire à M. [F] ni émis de bulletins de paie, sans pouvoir utilement soutenir que l'ancienne direction connaissait mal les règles juridiques relatives aux contrats à durée déterminée, qu'elle ne maîtrisait pas les actions de M. [F] pendant l'été lequel travaillait de manière autonome, et que celui-ci n'a réclamé un contrat à durée indéterminée qu'en juin 2020. En effet, il ressort des mails que la SASU Grand Sud formation savait parfaitement que M. [F] travaillait pendant l'été puisque celui-ci la tenait au courant de ses activités, et plus encore elle lui demandait directement de faire des prestations de travail. L'intention de dissimulation est ainsi caractérisée.

M. [F] allègue un salaire moyen mensuel de 2.333 ', en tenant compte des mois de juin à août 2020. Néanmoins, il ne peut prendre en compte que les mois travaillés précédant la notification du licenciement et non les mois pendant le préavis.

La moyenne des 3 derniers mois travaillés (avril à juin 2020) est de 1.807,33 ' et la moyenne des 12 derniers mois travaillés (juillet 2019 à juin 2020, les rappels de salaires alloués par la cour au titre des mois de juillet et août 2019 étant inclus) est de 1.864,36 '.

La SASU Grand Sud formation entend voir retenir un salaire moyen de 1.982 ', sans expliciter son calcul, mais qui est plus favorable au salarié.

La cour retiendra donc ce dernier montant de 1.982 '.

L'indemnité pour travail dissimulé s'élève donc à 11.892 ', le jugement étant infirmé.

2 - Sur le licenciement :

Sur le caractère réel et sérieux du licenciement :

En application des articles L 1232-1, L 1232-6 et L 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié. La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse est partagée.

La lettre de licenciement était ainsi motivée :

'...Vous exercez les fonctions de Formateur vacataire au sein de notre école depuis le 2 septembre 2013.

Vous n'êtes pas sans savoir que notre école a fait l'objet d'un rachat et sa direction est donc désormais assurée par la société CAMPUS ACADEMY.

Depuis lors, vous n'avez pas hésité à dénigrer votre nouvelle direction en affirmant devant vos étudiants que la seule intention de son dirigeant, Monsieur [V], serait de « vider les caisses » de l'entreprise pour investir dans des vignobles.

Au-delà d'être fausses, ces affirmations sont malveillantes et dénigrantes.

Elles démontrent le peu de loyauté que vous adoptez à l'égard de votre employeur.

De manière générale, vous vous ancrez dans une position de défiance vis-à-vis de la direction et n'hésitez pas à en faire état devant vos étudiants.

Une telle conduite à l'endroit de la société qui vous emploie, constitue incontestablement une faute qui, à elle, seule constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Compte tenu de votre absence lors de l'entretien préalable, nous n'avons pu entendre vos explications.

De manière encore plus récente, vous nous avez accusés de vous interdire de rentrer en contact avec vos étudiants de mastères 1 et de mastères 2 dans le cadre de votre mission de directeur de mémoire d'entreprise (M1) et de directeur de thèse professionnelle (M2).

Nous constatons que depuis plusieurs semaines, vous ne cessez de remettre en cause nos réactions vis-à-vis de vos différentes accusations considérant que nous refusions de répondre favorablement à vos demandes.

Usant de méthodes pouvant s'apparenter à du chantage, nous devons considérer que vous refusez tout échange constructif et serein, cherchant manifestement un conflit ouvert.

De fait, vous diffusez ensuite des informations erronées à nos étudiants.

Il s'agit là encore d'un comportement qui ne peut correspondre aux fonctions qui sont les vôtres et qui est constitutif d'une faute dans l'exercice de votre contrat de travail.

Les motifs qui précèdent, constituent ensemble, ou pris isolément pour chacun d'eux, une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Pour l'ensemble de ces motifs, nous avons en conséquence décidé de vous licencier pour cause réelle et sérieuse....'

En premier lieu, M. [F] soulève l'absence de pouvoir de M. [D], signataire de la lettre de convocation à l'entretien préalable et de la lettre de licenciement. Il soutient en effet que, jusqu'en juin 2020, le 'directeur' de Grand Sud formation était M. [U], et qu'il n'a été remplacé par M. [G] qu'en août 2020, de sorte qu'au moment du licenciement de M. [F] en juillet 2020 il n'y avait pas de directeur ; il affirme que M. [D] ('brand & academic development - partenaire externe - FBE consulting') ne faisait pas partie de la SASU Grand Sud formation, dont il n'était pas salarié ni dirigeant, et que les liens entre, d'une part, la société FBE consulting dont faisait partie M. [D] et, d'autre part, les sociétés Grand Sud formation et Campus Academy (société qui est la nouvelle présidente de la SASU Grand Sud formation), sont inconnus.

La SASU Grand Sud formation verse aux débats :

- le procès-verbal du 3 février 2020 et l'extrait Kbis mentionnant que la SARL Campus Academy est la présidente de la SASU Grand Sud formation ;

- un mail du 9 mars 2020 de M. [M] directeur général adjoint de la société Campus Academy informant le personnel de la SASU Grand Sud formation que, pour simplifier l'intégration de Grand Sud formation dans Campus Academy, M. [D], de la société FBE Consulting, était nommé manager de transition sur [Localité 4] pour les mois à venir et qu'il serait sur site pour accompagner le campus de manière récurrente ;

- une délégation de pouvoirs consentie le 15 mars 2020 par M. [V], celui-ci disant 'Je soussigné [L] [V] donne à M. [A] [D] l'ensemble des pouvoirs pour diriger la société Grand Sud formation et prendre, en mon nom, toutes les décisions qu'il jugera utiles ; cette délégation doit lui permettre notamment de suppléer la direction pour toutes décisions opérationnelles et/ou stratégiques'.

Or, le pouvoir de licencier ne peut être délégué qu'à une personne appartenant à l'entreprise ou le cas échéant au groupe. En l'espèce, la SASU Grand Sud formation ne justifie pas du statut exact de M. [D] et ne précise pas qu'il était salarié ou dirigeant de droit de la SASU Grand Sud formation, de la SARL Campus Academy ou d'une autre société ayant un lien avec la SASU Grand Sud formation. La cour ne peut donc que juger que le licenciement a été prononcé par une personne dépourvue du pouvoir de licencier ce qui rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant confirmé de ce chef.

En application de l'article L 1235-4 du code du travail, si le licenciement du salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, et si le salarié a une ancienneté d'au moins 2 ans dans une entreprise d'au moins 11 salariés, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de 6 mois d'indemnités. Il convient donc d'office d'ordonner le remboursement par l'employeur à France travail des indemnités chômage à hauteur de 6 mois, par ajout au jugement.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En vertu de l'article L 1235-3 du code du travail, si le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, et si l'une des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un montant minimal et un montant maximal figurant dans un tableau. Selon le tableau, pour un salarié ayant 7 ans d'ancienneté au jour de la notification du licenciement, dans une entreprise comprenant au moins 11 salariés, cette indemnité est comprise entre 3 et 8 mois de salaire brut.

Né le 1er juillet 1974, M. [F] était âgé de 46 ans lors du licenciement. Il justifie avoir ensuite travaillé par le biais de contrats à durée déterminée en qualité d'enseignant sur l'année 2020-2021.

Compte tenu d'un salaire mensuel de 1.982 ', les dommages et intérêts de 15.000 ' seront confirmés.

Sur les dommages et intérêts pour mesures vexatoires et déloyales entourant la rupture :

M. [F] soutient que le licenciement est survenu dans un contexte humiliant car précédemment à la rupture il a été totalement mis à l'écart (cours, corrections, conseil de perfectionnement...) et démis d'une grande partie de ses responsabilités.

Toutefois, cette discussion porte sur les griefs du licenciement puisque l'employeur reprochait au salarié une attitude de défiance et de critique suite à la reprise par Campus Academy, tandis que le salarié soutient qu'en réalité c'est l'employeur qui l'a mis à l'écart. Or, les mails que produit M. [F] ne permettent pas de caractériser un comportement vexatoire ou humiliant de la part de la SASU Grand Sud formation, et d'ailleurs M. [F] ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de celui de celui occasionné par la rupture.

Par infirmation du jugement, la cour déboutera M. [F] de sa demande indemnitaire.

3 - Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

L'employeur qui perd en partie au principal supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi que ses frais irrépétibles, et ceux exposés par le salarié soit 2.000 ' en première instance et 1.500 ' en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a débouté M. [O] [F] de sa demande de rappel de salaires pour les mois de juillet et août des années 2017, 2018 et 2019 et de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, et en ce qu'il a condamné la SASU Grand Sud formation à lui payer la somme de 3.000 ' nets à titre de dommages et intérêts pour mesures vexatoires et déloyales, ces chefs étant infirmés,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

Condamne la SASU Grand Sud formation à payer à M. [O] [F] les sommes suivantes :

- 8.686,30 ' bruts de rappel de salaires pour les mois de juillet et août des années 2017, 2018 et 2019, outre congés payés de 868,63 ' bruts,

- 11.892 ' d'indemnité pour travail dissimulé,

- 1.500 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en appel,

Déboute M. [O] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour mesures vexatoires et déloyales,

Ordonne le remboursement par la SASU Grand Sud formation à France travail des indemnités chômage versées à M. [O] [F] du jour du licenciement au jour du jugement à hauteur de 6 mois,

Condamne la SASU Grand Sud formation aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

M. TACHON C. BRISSET.

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