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Décisions

CA Metz, 6e ch., 3 avril 2025, n° 23/01204

METZ

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Banque CIC Est (SA)

Défendeur :

Banque CIC Est (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Flores

Conseillers :

Mme Devignot, Mme Dussaud

Avocats :

Me Henaff, Me Luttringer, Me Rozenek, Me Bader

TGI Strasbourg, du 18 nov. 2016

18 novembre 2016

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [P] [D] et Mme [G] [D] ont acquis le 7 mars 2005 un fonds de commerce de tabac et activités diverses pour l'acquisition et le fonctionnement duquel la SA Banque CIC Est (ci-après « le CIC ») a consenti différents concours et, notamment, le 21 juillet 2006 une autorisation de découvert de 20 000 euros sur le compte courant professionnel de Mme [G] [D] garantie par l'engagement de caution de M. [P] [D] et le 28 septembre 2007 une autorisation de découvert de 60 000 euros garantie par la caution solidaire des époux [D].

Les concours bancaires accordés par le CIC ont permis au fonds de commerce de se développer durant plusieurs années, la banque n'ayant émis aucune observation lors des dépassements de découverts autorisés en novembre 2007, mars et avril 2008.

Déplorant la décision brutale du CIC de mettre fin en janvier 2009 à une autorisation de découvert bancaire constante et ancienne, Mme [G] [D] née [T] représentée par Maître [Z] [O], mandataire liquidateur, et M. [P] [D] ont attrait le CIC devant le tribunal de grande instance de Strasbourg.

Par jugement du 26 août 2011, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné la banque à payer à Mme [D] la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts et réservé ses droits s'agissant de la demande d'indemnisation à raison de la perte du fonds de commerce évalué à 250 000 euros et de la demande d'indemnisation à raison de la perte de marge brute d'exploitation sur quatre ans évaluée à 100 000 euros, l'invitant à produire les bilans de 2006, 2007, 2008 et à justifier de l'impossibilité de revendre le fonds de commerce dans le cadre de la liquidation judiciaire et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure à cette fin.

Par arrêt du 18 décembre 2013, la cour d'appel de Colmar a confirmé ce jugement.

Mme [D], représentée par le mandataire liquidateur et M. [D] ont assigné la banque devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins de dédommagement à raison de la perte du fonds de commerce.

Par jugement du 18 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Strasbourg a rejeté les demandes de Mme [G] [D] représentée par Maître [O] ès qualités et de M. [P] [D], motif pris de l'absence de lien de causalité entre le retrait brutal des concours bancaires et respectivement la perte du fonds de commerce, la perte des revenus du fonds de commerce durant 4 ans et les autres préjudices.

Par déclaration du 20 décembre 2016, M. [P] [D] et Mme [G] [D] représentée par Maître [Z] [O] ès qualités, ont interjeté appel aux fins d'infirmation du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Strasbourg le 18 novembre 2016.

Par arrêt du 19 septembre 2018, la Cour d'appel de Colmar a :

infirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Strasbourg, chambre commerciale ;

Statuant à nouveau,

déclaré irrecevable la demande de la SA Banque CIC Est tendant à être dégagée de sa responsabilité à raison de la rupture brutale de l'autorisation de découvert en compte courant eu égard à l'autorité de chose jugée de l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Colmar du 18 décembre 2013 ;

condamné la SA Banque CIC Est à payer :

à Mme [D] représentée par Maître [O], liquidateur, la somme totale de 277 908,35 euros à titre de dommages et intérêts ;

à M. [D] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

dit que ces indemnités seront augmentées des intérêts au taux légal, capitalisables dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, à compter du présent arrêt ;

rejeté le surplus des demandes d'indemnisation de la perte du fonds de commerce, de la perte des revenus des 4 dernières années, des frais et honoraires de la procédure d'expulsion ;

rejeté la demande d'indemnisation des frais et honoraires de la procédure de liquidation judiciaire, la demande d'indemnité d'exigibilité anticipée avec intérêts au taux contractuel à compter du 20 août 2010 ;

rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

rejeté la demande de capitalisation des intérêts pour toute période antérieure à la date du présent arrêt ;

dit n'y avoir lieu à compensation ;

Y ajoutant,

condamné la SA Banque CIC Est aux dépens de l'ensemble de la procédure de première instance et d'appels ;

condamné la SA Banque CIC Est à payer à Mme [D] représentée par Maître [O] ès qualités et à M. [D] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SA Banque CIC Est.

Mme [D], représentée par Maître [O], liquidateur, a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2018 par la cour d'appel de Colmar.

Par un arrêt rendu le 13 avril 2023, la Cour de cassation a :

cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

condamné M. [D] et Mme [D], représentée par M. [O], liquidateur, aux dépens ;

en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande ;

dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Par déclaration du 05 juin 2023, Mme [D], représentée par Maître [O], liquidateur, a saisi la Cour d'appel de céans aux fins de reprise de l'instance après cassation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS :

Par conclusions du 17 juin 2024, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [D] demande à la Cour d'appel de :

dire recevables et bien fondés Madame [D] en l'ensemble de leurs demandes ;

Y faisant droit, infirmant en toutes ses dispositions le jugement du 18 novembre 2016 rendue par la Chambre Commerciale du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg, et statuant à nouveau :

condamner la Banque CIC Est à payer à Mme [D], représentée par Maître [O], ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation :

la somme de 495 000,00 euros correspondant à la valeur du fonds de commerce, stock compris ;

la somme de 436 674,00 euros correspondant à la perte des revenus qu'aurait retirés Mme [D] pendant 4 années ;

la somme de 3 956,80 euros correspondant aux frais et honoraires de la procédure de liquidation judiciaire de Mme [D] et réserver le droit de parfaire cette demande après émission par Maitre [O] de son décompte définitif ;

la somme de 3 783,35 euros correspondant aux frais et honoraires de la procédure de référé relative à la résiliation du bail commercial et ses suites ;

une somme totale de 10 031,85 euros au titre de l'indemnité d'exigibilité anticipée avec les intérêts au taux contractuel depuis le 20 août 2010 ;

condamner la Banque CIC Est à payer à Mme [D] une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

dire que les montants ci-dessus porteront intérêts au taux légal du jour de la demande jusqu'au jour du paiement ;

ordonner la capitalisation des intérêts et dire qu'ils porteront à leur tour intérêt dès qu'ils seront dus pour une année entière ;

débouter le CIC Est de ses fins, demandes et conclusions ;

condamner le CIC Est à payer une somme de 15 000 euros à Mme [D] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner le CIC Est aux entiers frais et dépens.

Par conclusions du 10 avril 2024, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA Banque CIC Est demande à la Cour d'appel de :

déclarer l'appel de Mme [D] représentée par Maître [O] mandataire liquidateur et l'appel incident de M. [D] mal fondés ;

confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

débouter Mme [D] représentée par Maître [O] mandataire liquidateur et M. [D] de l'ensemble de leurs fins, moyens et conclusions ;

Sur demande reconventionnelle de la SA Banque CIC Est :

déclarer la demande reconventionnelle de la SA Banque CIC Est recevable et fondée ;

En conséquence :

fixer la créance de la SA Banque CIC Est dans la liquidation judiciaire de Mme [D] à :

À titre chirographaire :

973,06 euros au titre du compte courant ;

108 798,00 euros au titre du prêt n°3304561978110 ;

À titre privilégié :

49 945,45 euros au titre du prêt n°3304561978203, augmentés des intérêts au taux contractuel ;

ordonner la compensation des créances réciproques éventuelles ;

En tout état de cause :

débouter les appelants de l'ensemble de leurs fins moyens et conclusions ;

condamner conjointement et solidairement les appelants à payer à la SA Banque CIC Est une indemnité de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

condamner conjointement et solidairement les appelants aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel ;

Par conclusions récapitulatives du 24 août 2023, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [D] demande à la cour de :

dire recevable et bien-fondé M. [D] en l'ensemble de ses demandes ;

Y faisant droit, infirmant en toutes ses dispositions le jugement du 18 novembre 2016 rendu par la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg, et statuant à nouveau,

condamner la Banque CIC Est à payer à M. [D] une somme de 1 500,00 euros à titre de dommages et intérêts à raison du préjudice financier et moral subi suite aux difficultés financières causées par la rupture abusive des concours par la banque CIC Est ;

condamner la Banque CIC Est à payer à M. [D] une somme de 15 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

dire que les montants ci-dessus porteront intérêts au taux légal du jour de la demande jusqu'au jour du paiement ;

ordonner la capitalisation des intérêts et dire qu'ils porteront à leur tour intérêt dès qu'ils seront dus pour une année entière ;

débouter le CIC Est de ses fins, demandes et conclusions ;

condamner le CIC Est à payer une somme de 15 000,00 euros à M. [D] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner le CIC Est aux entiers frais et dépens.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le lien de causalité entre les préjudices invoqués et la faute de la banque CIC Est :

Il ressort de l'arrêt de la Cour de Cassation intervenu le 13 avril 2023, ce qui d'ailleurs n'est pas contesté par les parties, qu'il a définitivement été jugé selon jugement du 26 aout 2011, confirmé par la cour d'appel de Colmar par arrêt du 18 décembre 2013, que la SA CIC Est a commis une faute en rompant le crédit accordé brutalement et sans préavis en janvier 2009 alors qu'elle avait consenti à Mme [D] un découvert bancaire.

Il est reproché à la banque d'avoir rejeté dans le cadre d'un découvert accordé de 60 000 euros le 28 septembre 2007 des chèques et des virements à partir du mois de février 2009 à savoir 5 chèques le 8 février 2009, 4 chèques le17 février 2009, un chèque le 4 mars 2009, ainsi que le rejet le 6 février 2009 d'un virement de 35 101,25 euros au bénéfice du fournisseur principal du tabac Altadis.

S'il a été jugé que la banque a bien notifié les rejets de février 2009 assortis d'une sommation d'apurer le compte le 6 février et le 29 avril 2009, si le jugement a constaté une interdiction d'émettre des chèques notifiée le 5 mars 2009 à Mme [D], il a été reproché à la banque de pas avoir dénoncé son concours moyennant un préavis de 60 jours. Ce préavis ne ressort que d'un courrier du 29 mai 2009 réclamant le règlement des échéances impayées sur les divers prêts accordés, caractérisant ainsi selon ce qui a définitivement été jugé une rupture brutale du crédit accordé.

Ainsi la faute de la banque est définitivement acquise.

****

Cependant pour engager la responsabilité de l'établissement bancaire, il appartient à l'emprunteur d'établir que la faute de la banque est à l'origine directe de son préjudice.

Sans qu'il ne soit nécessaire à ce stade de la discussion d'examiner le quantum du préjudice et le cas échéant ses modalités de calcul, il est soutenu que Mme [D] a subi un préjudice d'une part correspondant à la valeur du fonds de commerce, stock compris et ensuite à la perte de revenus qu'elle aurait retirés pendant 4 années, également en raison des frais de la procédure collective et de la procédure de référé relative à la résiliation du bail ainsi qu'au titre de l'indemnité d'exigibilité anticipée

Il a été examiné plus haut les éléments factuels ayant conduit la cour d'appel de Colmar à considérer comme fautive la rupture du concours bancaire pour avoir rejeté des chèques et virements entre le 6 février et le 4 mars 2009 (dates retenues par la cour d'appel de Colmar dans son arrêt confirmatif) et ce sans avoir respecté le délai de préavis de 60 jours prévu contractuellement.

Il ressort des pièces du dossier et notamment du constat d'huissier du 8 octobre 2009 qu'aucune exploitation du fond n'était existante à cette date et que les passants et un commerçant de proximité lui ont indiqué que le commerce était fermé depuis plusieurs mois.

L'ordonnance de référé du 26 janvier 2010 qui a constaté la résiliation du bail commercial avec effet au 10 novembre 2009 confirme dans sa motivation que le preneur du bail n'exploite plus le local commercial depuis février 2009, ce qui n'apparaissait pas contesté par Mme [D] à l'occasion de cette décision puisque selon cette décision : « il est constant et non contesté que les défendeurs preneurs du bail commercial litigieux n'exploitent plus les lieux depuis février 2009' ».

S'il est soutenu que c'est en raison du rejet du virement à la société Altadis d'une montant de 35101 euros du 6 février 2009 que Mme [D] n'a plus été en mesure d'exploiter son fonds de commerce puisque ne disposant plus de cigarettes, elle n'en justifie pas.

En effet, il n'est pas justifié de l'état de son stock de cigarettes au 6 février 2009, ni si une livraison de cigarettes est intervenue ou pas avant le rejet de ce virement sachant que le décompte de son compte courant professionnel de janvier 2009 démontre que la société Altadis a été payée à hauteur de 42706,43 euros le 6 janvier 2009, de 4487,51 euros le 14 janvier 2009, 37179,34 euros le 20 janvier 2009 ce qui démontre manifestement un maintien des relations commerciales avec des livraisons régulières et donc d'un stock à disposition au moins jusqu'au 6 février 2009.

En outre selon le décompte produit par la Banque CIC EST d'autres prélèvements d'Altadis ont été rejetés notamment au 6 mars 2009 pour 30 618 euros, 1562 euros au 16 mars 2009, ce qui démontre à tout le moins un maintien de livraisons jusqu'au mois de mars 2009.

Si Mme [D] soutient que l'arrêt des livraisons de cigarettes est intervenu avant la fermeture, elle n'en justifie pas. Il n'est produit aucun courrier de résiliation du contrat avec la société Altadis, aucun courrier de mise en demeure ou autre mail relatant les relations commerciales entre elles. Il n'est donc pas démontré que le rejet de ce prélèvement est à l'origine de la cessation d'activité de Mme [D] du fait de l'absence de livraison de cigarettes.

Ensuite, alors que Mme [D] expose que son commerce était in bonis au moment des rejets litigieux, les comptes de résultats fiscaux relatant effectivement des bénéfices pour les exercices 2006, 2007 et 2008, elle n'explique pas pour quelle raison elle n'a pas recherché un autre partenaire commercial pour poursuivre son activité et éviter la rupture du bail commercial du fait d'une non exploitation du local, constatée de nombreux mois plus tard.

En outre, entre mi-février 2009 et le 10 novembre 2009, il s'est écoulé un délai de plusieurs mois au cours duquel Mme [D] co-titulaire du bail commercial et propriétaire et exploitante du fonds de commerce aurait pu entamer des démarches pour céder son droit au bail, revendre le fonds de commerce et organiser le transfert de licence d'exploitation du bureau de tabac et ce d'autant que la liquidation judiciaire de Mme [D] n'est intervenue que le 31 mai 2010 avec la fixation d'une date de cessation de paiement au 1er janvier 2010. Il n'est justifié qu'aucune activité en ce sens de Mme [D] avant la résiliation du bail, ce qui aurait pu permettre une meilleure valorisation de son fonds.

Il ressort donc de l'ensemble de ces éléments qu'il n'est pas rapporté la preuve par Mme [D] d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice lié à la perte de valeur du fonds de commerce.

***

S'agissant du préjudice lié à la perte de revenu, il vient d'être démontré qu'il n'est pas établi de lien entre la faute de la banque et la fermeture du commerce. Or Mme [D] tirait ses revenus de son commerce.

Dès lors qu'il n'est pas démontré que Mme [D] était dans l'impossibilité de poursuivre son activité professionnelle, le lien de causalité entre la faute de la banque et la perte de ses revenus n'est pas établi.

***

Sur le lien de causalité entre la faute de la banque et le remboursement des frais et honoraires de la procédure de liquidation judiciaire, il a été démontré qu'il n'est pas rapporté la preuve que la faute de la banque est en lien avec la fermeture du magasin. Le jugement qui prononce la liquidation judiciaire simplifié le 31 mai 2010 ne comporte aucune motivation sur l'état de cessation de paiement. Alors que le commerce est fermé depuis février 2009, l'état de cessation de paiements est fixé au 1er janvier 2010.

S'il ressort du rapport du mandataire produit en pièce 43, un état des créances admises qui se porte à 268 279.72 euros, il n'est produit aucun détail de ces créances et l'examen du lien avec la faute de la banque et l'état de cessation de paiement ne peut être examiné sur ce plan.

Il n'est pas démontré de lien entre la faute de la banque et la mise en liquidation judiciaire et il ne peut être fait droit à la demande de remboursement des frais et honoraires de la procédure de liquidation judiciaire.

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Sur le lien de causalité entre la faute de la banque et les frais et honoraires de la procédure de référé relative à la résiliation du bail commercial, il a été démontré qu'il n'est pas rapporté la preuve que la faute de la banque est à l'origine de la fermeture du commerce, or la fermeture du commerce est à l'origine de la résiliation du bail commercial comme déjà exposé.

Il n'est dés lors établi aucun lien de causalité entre la faute de la banque et la résiliation du bail et il ne peut être fait droit à la demande de remboursement des frais et honoraires de cette procédure.

***

Sur le lien de causalité entre la faute de la banque et l'indemnité d'exigibilité anticipée au titre des prêts n° 33044561978110 et 33045561978203, il convient de relever que le prêt 33044561978110 correspond à un crédit immobilier de 101210 euros accordé aux époux [D] le 21 avril 2008 et que le second crédit 33045561978203 correspond à un crédit accordé à Mme [D] le 21 décembre 2004 pour l'acquisition du fond de commerce.

Or la faute de la banque est caractérisée par le retrait des concours bancaires sans respecter le délai de 60 jours dans le cadre d'un découvert en compte courant professionnel et qui n'est donc pas en lien avec les crédits concernés par la demande.

Ensuite, il ressort des démonstrations précédentes qu'il n'a pas été démontré que la faute de la banque est en lien avec la cessation d'activité de Mme [D], sa perte de revenus et donc des défauts de remboursements des crédits concernés.

Il convient en conséquence de rejeter cette demande.

***

Sur le lien de causalité entre la faute de la banque et le préjudice financier et moral de M. [D], il a précédemment été décrit qu'il n'était pas rapporté la preuve que la faute de la banque était à l'origine de la fermeture du commerce et des conséquences financières qui en ont découlées. Aussi si M. [D] a subi un préjudice financier en lien avec les engagements de caution qu'il a souscrit pour garantir les concours et prêts accordés, s'il a dû palier les difficultés financières de son épouse, subir des procédures d'exécution forcée, le lien avec la faute de la banque n'est pas rapporté.

Il a définitivement été jugé que la banque était redevable à Mme [D] d'une somme de 50 000 euros du fait de sa faute, cependant M. [D] ne démontre aucun préjudice personnel direct du fait de ces mêmes fautes.

***

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de M. et Mme [D], il est constant que le droit à défendre en justice est un droit qui ne peut dégénérer en abus ouvrant droit en dommages et intérêts qu'en cas de mauvaise foi, d'intention de nuire, ou d'erreur grossière du plaideur.

Il est relevé qu'à l'occasion des diverses procédures, plusieurs décisions de justice ont été partiellement favorables à la SA Cic Est, que la Cour de Cassation a fait droit à ses demandes et a cassé le précédent arrêt, que la présente décision lui est principalement favorable, elle n'a dés lors pas abusé de son droit à défendre en justice. En l'absence d'abus établi il convient de rejeter cette demande.

***

S'agissant de la demande reconventionnelle de la SA CIC Est en fixation de la créance au passif de la procédure collective de Mme [D] et en compensation, si M. et Mme [D] contestent qu'il puisse être ordonné compensation des créances réciproques, il n'est produit aucune contestation relative à l'admission de ces créances et à leur fixation au passif de la procédure collective de Mme [D]. S'il est indiqué que la cour d'appel de Colmar est saisie d'une demande identique en compensation, les parties n'en tirent aucune prétention.

Il convient en conséquence de fixer la créance de la SA Banque CIC Est dans la liquidation judiciaire de Mme [D] à :

À titre chirographaire :

973,06 euros au titre du compte courant ;

108 798,00 euros au titre du prêt n°3304561978110 ;

À titre privilégié :

49 945,45 euros au titre du prêt n°3304561978203, augmentés des intérêts au taux contractuel ;

Et ce avec intérêt au taux conventionnel en ce qui concerne les prêts, taux tels qu'indiqués dans la déclaration de créance.

En ce qui concerne la compensation, la seule créance dont la compensation est envisageable avec les créances admises au passif est la condamnation de la SA CIC Est à payer à Mme [D] la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts.

Selon les dispositions de l'article L 622-7 du code de commerce le jugement qui ouvre la procédure emporte de plein droit l'interdiction de payer toute créance qui ne bénéficie pas du droit de poursuite individuelle. Toutefois cet article autorise le paiement par compensation de créances connexes. Il est constant que ne sont pas connexes la créance de remboursement et les dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat. ( voir notamment en ce sens Cass com., 9 nov.2004 n°01-12.767)

Ainsi la créance indemnitaire délictuelle de dommages et intérêts de Mme [D] n'est pas connexe avec les créances contractuelles de la SA CIC Est au titre des prêts et du compte courant et elle ne peuvent donc se compenser entre elles.

Il convient de rejeter la demande de ce chef.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Dans la mesure où M. et Mme [D] succombent, il convient de confirmer le jugement entrepris dans ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [D] qui succombent principalement en appel seront condamnés aux dépens engagés devant la cour d'appel de Colmar et devant la présente cour.

Il convient en outre de condamner Mme [D] et M. [D] à payer à la SA CIC EST la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures d'appel, y compris au titre des frais engagés devant la cour d'appel de Colmar;

Il y a lieu de débouter Mme [D] et M. [D] de leurs demandes au titre des dépens et de l'application de l'article 700 du code de procedure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 18 novembre 2016 en toutes ces dispositions ;

Et Y ajoutant,

Fixe la créance de la SA Banque CIC Est dans la liquidation judiciaire de Mme [D] à :

À titre chirographaire :

973,06 euros au titre du compte courant ;

108 798,00 euros au titre du prêt n°3304561978110 ;

À titre privilégié :

49 945,45 euros au titre du prêt n°3304561978203,

Et ce avec intérêts contractuels en ce qui concerne les prêts aux taux mentionnés dans la déclaration de créance ;

Rejette la demande de compensation des créances réciproques ;

Condamne Mme [G] [T] épouse [D] et M. [P] [D] aux dépens engagés devant la cour d'appel de Colmar et devant la présente cour;

Condamne Mme [G] [T] épouse [D] et M. [P] [D] à payer à la SA Banque CIC Est la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures d'appel, y compris au titre des frais engagés devant la cour d'appel de Colmar;

Déboute Mme [G] [T] épouse [D] et M. [P] [D] de leurs demandes au titre des dépens et de l'application de l'article 700 du code de procedure civile.

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