CA Versailles, ch. civ. 1-5, 3 avril 2025, n° 24/04397
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Royal (SAS)
Défendeur :
Hauts De Seine Habitat-Oph
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme de Rocquigny du Fayel
Conseillers :
Mme de Rocquigny du Fayel, Mme Igelman, M. Henrion
Avocats :
Me Zerhat, Me Magnaval, Me Elfassy, Me Iscen
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30B
Chambre civile 1-5
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 AVRIL 2025
N° RG 24/04397 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WUJX
AFFAIRE :
S.A.S. ROYAL [Localité 4]
C/
Etablissement Public HAUTS DE SEINE HABITAT-OPH
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 05 Avril 2024 par le Président du TJ de NANTERRE
N° RG : 24/00124
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 03.04.2025
à :
Me Dan ZERHAT, avocat au barreau de VERSAILLES (731)
Me Olivier MAGNAVAL, avocat au barreau de VERSAILLES (119)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. ROYAL [Localité 4]
Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 880 66 1 4 75
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 - N° du dossier 24078103
Plaidant : Me Mijhaël ELFASSY, du barreau de Paris
APPELANTE
****************
Etablissement Public HAUTS DE SEINE HABITAT-OPH
Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 279 20 0 2 24
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Olivier MAGNAVAL de la SELARL CENTAURE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 119 - N° du dossier BAUX COM
Plaidant : Me Elif ISCEN, du barreau de Paris
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Mars 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de président,
Madame Marina IGELMAN, Conseillère,
Monsieur Hervé HENRION, Conseiller chargé du secrétariat général,
Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 14 mars 2017, la société Hauts-de-Seine Habitat OPH a donné à bail des locaux commerciaux sis [Adresse 1] à [Localité 4] (Hauts-de-Seine) à la S.A.R.L. Deux Frères pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 2012, moyennant un loyer annuel s'élevant à la somme de 20 701,08 euros hors taxes et hors charges.
Par acte sous seing privé du 28 février 2020, la S.A.S. Royal [Localité 4] est venue aux droits de la société Deux Frères à compter du 1er mars 2020.
Par acte du 23 novembre 2022, la société Hauts-de-Seine Habitat OPH a fait délivrer à la société Royal [Localité 4] un commandement de payer, visant la clause résolutoire stipulée dans le bail, pour une somme de 23 986,04 euros en principal au titre de l'arriéré locatif arrêté au 17 novembre 2022.
Par acte du 11 janvier 2024, l'OPH Hauts-de-Seine Habitat a fait assigner en référé la société Royal [Localité 4] aux fins d'obtenir principalement le constat de l'acquisition de la clause résolutoire, l'expulsion de sa locataire et sa condamnation au paiement par provision de la somme de 37 361,08 euros outre une indemnité d'occupation égale à deux fois le montant journalier du dernier loyer exigible.
Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 5 avril 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :
- renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige,
par provision, tous moyens des parties étant réservés,
- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant les parties sont réunies à la date du 23 décembre 2023 à 24h,
- ordonné, si besoin avec le concours d'un serrurier et de la force publique, l'expulsion de la société Royal [Localité 4] ou de tous occupants de son chef des locaux loués sis [Adresse 1] à [Localité 4],
- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
- rappelé que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L. 433-1 et R. 433-1 du code des procédures civiles d'exécution,
- condamné à titre provisionnel la société Royal [Localité 4] à payer à la société Hauts-de-Seine Habitat OPH la somme de 37 361,08 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 11 juillet 2023 avec intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2022 pour la somme de 23 986,04 euros et à compter du 11 janvier 2024 pour le surplus,
- condamné la société Royal [Localité 4] à payer à la société Hauts-de-Seine Habitat OPH, à titre provisionnel, une indemnité d'occupation mensuelle, à compter du 28 août 2023 et jusqu'à la libération effective des lieux, égale au montant du loyer, augmenté des taxes et charges afférentes, que la partie défenderesse aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié,
- dit n'y avoir lieu à application des clauses pénales figurant au bail,
- condamné la société Royal [Localité 4] aux dépens,
- condamné la société Royal [Localité 4] à payer à la société Hauts-de-Seine Habitat OPH la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à référé sur toute autre demande des parties.
Par déclaration reçue au greffe le 9 juillet 2024, la société Royal [Localité 4] a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a :
- dit n'y avoir lieu à application des clauses pénales figurant au bail,
- dit n'y avoir lieu à référé sur toute autre demande des parties.
Dans ses dernières conclusions déposées le 14 octobre 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Royal [Localité 4] demande à la cour, au visa des articles L. 145-41 du code de commerce, 834 et 835 du code de procédure civile, de :
'- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 05 avril 2024 par le président du tribunal judiciaire
de Nanterre (N°RG : 24/00124) en ce qu'elle a :
- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant les parties sont réunies à la date du 23 décembre 2023 à 24h,
- ordonné, si besoin avec le concours d'un serrurier et de la force publique, l'expulsion de la société Royal [Localité 4] ou de tous occupants de son chef des locaux loués sis [Adresse 1] à [Localité 4],
- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
- rappelé que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L. 433-1 et R. 433-1 du code des procédures civiles d'exécution,
- condamné à titre provisionnel la société Royal [Localité 4] à payer à la société Hauts-de-Seine Habitat - OPH la somme de 37 361,08 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 11 juillet 2023, avec intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2022 pour la somme de 23 986,04 euros et à compter du 11 janvier 2024 pour le surplus,
- condamné la société Royal [Localité 4] à payer à la société Hauts-de-Seine Habitat - OPE, a titre provisionnel, une indemnité d'occupation mensuelle, à compter du 28 août 2023 et jusqu'à la libération effective des lieux, égale au montant du loyer, augmente des taxes et charges afférentes, que la partie défenderesse aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié,
- condamné la société Royal [Localité 4] aux dépens,
- condamné la société Royal [Localité 4] à payer à la société Hauts-de-Seine Habitat - OPH la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
- suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire insérée au bail commercial liant la société Royal [Localité 4] à l'E.P.I.C. Hauts-de-Seine Habitat ' OPH,
- accorder des délais de paiement à la société Royal [Localité 4],
- dire que la société Royal [Localité 4] pourra se libérer des sommes dues à l'E.P.I.C. Hauts-de-Seine Habitat ' OPH au titre de l'arriéré locatif en exécution du bail commercial en 24 mensualités,
- débouter l'E.P.I.C. Hauts-de-Seine Habitat ' OPH, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner l'E.P.I.C. Hauts-de-Seine Habitat ' OPH, à payer à la société Royal [Localité 4] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel.'
La société Royal [Localité 4] expose que la résiliation de son bail aurait pour effet de la priver de la possibilité d'exploiter son fonds de commerce, et compromettrait gravement la poursuite de son activité.
Elle argue de sa bonne foi et explique que sa gérante qui ne parle pas le français, n'a pas été en mesure solliciter des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire en première instance.
Dans ses dernières conclusions déposées le 13 novembre 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Hauts-de-Seine Habitat OPH demande à la cour, au visa des articles L. 145-41 du code de commerce, 834 et 835 du code de procédure civile, de :
'- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
- subsidiairement, si par extraordinaire, la cour de céans accordait à la défenderesse des délais de paiement :
- dire et juger qu'à défaut de paiement à la date fixée par l'arrêt à intervenir d'un seul terme exigible au titre de la créance arriérée, comme à défaut de paiement d'un seul terme des redevances et charges courantes, l'intégralité de la dette deviendrait exigible, la clause résolutoire serait acquise et l'expulsion pourrait être poursuivie ;
en tout état de cause :
- condamner la société Royal [Localité 4] à payer à Hauts-de-Seine Habitat OPH la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel.'
L'OPH Hauts-de-Seine Habitat indique que la dette locative s'est considérablement accrue puisque le preneur est redevable au 28 octobre 2024 de la somme de 68 041,34 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation.
Elle sollicite le rejet de la demande de délais de paiement faute pour la société Royal [Localité 4] de démontrer être en mesure de s'acquitter de sa dette dans le délai requis.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 février 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la résiliation du bail
L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai.
Dans le cas d'espèce, le bail produit contient une telle clause résolutoire et aucune irrégularité formelle des commandements n'est invoquée.
Faute d'avoir payé ou contesté les sommes visées au commandement dans le délai imparti, le locataire ne peut remettre en cause l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail sauf à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement ; l'existence de cette mauvaise foi doit s'apprécier lors de la délivrance de l'acte ou à une période contemporaine à celle-ci.
En l'espèce, l'appelante ne conteste pas ne pas avoir réglé les causes du commandement de payer dans le délai imparti et ne formule aucun moyen de nature à faire obstacle à l'acquisition de la clause résolutoire, se contestant d'en solliciter la suspension.
La dette locative visée dans les commandement de payer du 23 novembre 2022 n'ayant pas été intégralement réglée dans le délai d'un mois l'ayant suivi, il est ainsi acquis que le bail s'est retrouvé résilié à compter du 23 décembre 2022 par le jeu de l'acquisition de la clause résolutoire visée au commandement. L'ordonnance querellée sera confirmée de ce chef. Les dispositions subséquentes relatives à l'expulsion et au sort des biens meubles et objets mobiliers seront également confirmées.
Sur les demandes de provision
Selon l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal judiciaire peut dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Aux termes de l'article du 1353 du code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
La société Royal [Localité 4] ne conteste pas dans ses écritures le montant de la dette locative retenue par le premier juge et ne conclut pas sur l'arriéré locatif existant au jour où la cour statue.
L'OPH Hauts-de-Seine Habitat verse aux débats un décompte actualisé au 29 octobre 2024 qui fait apparaître un arriéré locatif de 68 041, 34 euros.
Aucune demande d'actualisation n'étant formée à hauteur d'appel, l'ordonnance querellée sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société Royal [Localité 4] à verser à l'OPH Hauts-de-Seine Habitat la somme provisionnelle de 37 361, 08 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation échus et impayés au 11 juillet 2023.
La décision querellée sera également confirmée en ce qu'elle a condamné la locataire au versement d'une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant équivalent à celui du loyer augmenté des charges et dit n'y avoir lieu à application des clauses pénales.
Sur la suspension de la clause résolutoire et l'octroi de délais de paiement
Le 2e alinéa de l'article L. 145-41 du code de commerce dispose que :
'Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge'.
Selon l'article 1343-5, alinéa 1, du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l'espèce, l'appelante ne produit aucune pièce de nature à démontrer sa capacité financière à assumer à l'avenir, outre le paiement du loyer courant, l'arriéré de la dette, fut-il étalé dans le temps.
Au surplus, le décompte récent produit par la bailleresse démontre que la dette locative n'a cessé de croître en cours de procédure et, si des versements réguliers sont effectués, ils sont toujours inférieurs au montant du loyer en cours, l'arriéré ne cessant donc de croître pour atteindre une somme très importante.
Ainsi, il convient de rejeter la demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire formée par l'appelante. Il sera ajouté à l'ordonnance attaquée de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions de l'ordonnance entreprise relatives aux dépens et à l'indemnité procédurale seront également confirmées.
Partie perdante, la société Royal [Localité 4] ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et devra supporter les dépens d'appel.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à l'OPH Hauts-de-Seine Habitat la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelante sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort,
Confirme l'ordonnance entreprise ;
Y ajoutant,
Déboute la société Royal [Localité 4] de ses demandes de suspension de la clause résolutoire et de délais de paiement ;
Condamne la société Royal [Localité 4] à verser à l'OPH Hauts-de-Seine Habitat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que la société Royal [Localité 4] supportera les dépens d'appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseiller faisant fonction de président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président