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Décisions

CA Dijon, 2e ch. civ., 3 avril 2025, n° 24/01214

DIJON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Asteren (SELARL)

Défendeur :

Centre Immo (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Blanchard

Conseillers :

Mme Charbonnier, Mme Kuentz

Avocats :

Me Cordelier, Me Cannet

T. com. Dijon, du 10 sept. 2024

10 septembre 2024

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La SCI Centre Immo, propriétaire d'un local commercial situé [Adresse 4] à [Localité 5], a donné à bail commercial ce local à la SARL Corton pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 2013 pour se terminer le 31 décembre 2021.

Un nouveau bail sous seing privé a été conclu le 28 décembre 2021 pour une nouvelle durée de 9 années à compter du 1er janvier 2022 pour se terminer le 31 décembre 2030.

La destination prévue au bail commercial est l'exploitation d'un fonds de commerce de bar avec licence IV et petite brasserie.

Le loyer consenti était initialement de 26 400 euros annuels hors taxe.

Suite à de nouveaux impayés de loyers, la bailleresse a fait délivrer à la SARL Corton un commandement de payer visant la clause résolutoire par acte du 8 mars 2024 portant sur les loyers du 6 février au 31 mars 2024 pour un montant de 5 519,38 euros.

Par ordonnance de référé du 15 mars 2024, le Président du tribunal judiciaire de Dijon a constaté la résiliation du bail suite aux impayés de loyers de la SARL Corton.

La SARL Corton ayant fait l'objet d'un redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce du 6 février 2024, l'ordonnance de référé a été privée d'effets, la créance de la SCI Centre Immo portant sur les loyers impayés étant antérieure à la procédure collective.

Le 29 février 2024, la SCI Centre Immo a déclaré sa créance au passif de la procédure pour un montant de 10 350,46 euros.

Le preneur a réglé :

- le 21 mars 2024 : 1 500 euros

- le 1er avril 2024 : 1 000 euros

- le 9 avril 2024 : 1 500 euros

- le 15 avril 2024: 1 500 euros.

Par actes du 15 mai 2024, la SCI Centre Immo a fait assigner en référé, devant le président du tribunal judiciaire de Dijon, la SARL Corton et la Selarl Asteren prise en la personne de Me [Y] en qualité de mandataire judiciaire, aux fins de voir :

- constater la résiliation du bail commercial conclu le 28 décembre 2021 à effet au 9 mars 2024,

en conséquence,

- ordonner l'expulsion de la SARL Corton et de tous occupants de son chef du local situé [Adresse 4] à [Localité 5], avec si besoin le concours de la force publique,

- condamner la SARL Corton à verser à la SCI Centre Immo une somme de 5 620,51 euros TTC au titre des loyers et charges arrêtée au mois de mai 2024,

- fixer l'indemnité d'occupation due par la société SARL Corton à la somme de 3 020,04 euros par mois à compter du 1er juin 2024 jusqu'à la libération complète et effective des lieux, laquelle s'entendra de la restitution des locaux libres de toute occupation et de la restitution des clés,

- condamner la SARL Corton à verser à la SCI Centre Immo une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SARL Corton aux entiers dépens, lesquels comprennent le coût du commandement de payer.

Par jugement du 10 septembre 2024, le tribunal de commerce de Dijon a converti la procédure de redressement judiciaire en procédure de liquidation judiciaire.

La SARL Corton a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 18 septembre 2024, la Présidente du tribunal judiciaire de Dijon a :

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de nullité du commandement de payer,

- dit que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies,

- accordé à la SARL Corton des délais rétroactifs jusqu'au 15 avril 2024,

- dit que par l'effet des délais rétroactifs accordés à la SARL Corton, la clause résolutoire n'a pas produit ses effets,

- débouté la SCI Centre Immo de ses demandes de voir constater la résiliation du bail commercial, voir ordonner l'expulsion de la SARL Corton et voir fixer une indemnité d'occupation,

- condamné la SARL Corton à payer à la SCI Centre Immo à titre de provision la somme de 10 150, 67 euros TTC, au titre des loyers et charges impayés, arrêtés au mois d'août 2024,

- accordé à la SARL Corton des délais de paiement de 24 mois et dit qu'elle devra s'acquitter du paiement de sa dette par des mensualités de 422 euros pendant 23 mois et par le paiement du solde de la somme due le 24ème mois, soit 444, 67 euros, et ce, en plus du loyer courant, à compter du 1er octobre 2024,

- condamné la SARL Corton à payer à la SCI Centre Immo une somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SARL Corton de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire,

- condamné la SARL Corton aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 8 mars 2024.

Par déclaration du 30 septembre 2024, la Selarl Asteren représentée par Me [J] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Selarl Corton, a relevé appel de cette décision.

Selon conclusions notifiées le 29 octobre 2024, elle demande à la cour, au visa de l'article 834 du code de procédure civile, de :

- infirmer l'ordonnance de référé du 18 septembre 2024 en ce qu'elle a considéré qu'il n'existait aucune contestation sérieuse résultant de l'irrégularité alléguée du commandement de payer visant la clause résolutoire du bail,

et, statuant à nouveau,

- dire n'y avoir lieu à référé sur la demande de constatation de l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire du bail commercial et renvoyer les parties à mieux se pourvoir,

Au fond,

- débouter la SCI Centre Immo de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- dire que les dépens seront inscrits en frais privilégiés de la procédure.

Selon conclusions d'intimées notifiées le 20 novembre 2024, la SCI Centre Immo demande à la cour, au visa des articles L.145-1 et suivants du code de commerce, 1103 et 1231-1 du code civil, 834 et 835 du code de procédure civile, des dispositions du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953, de :

- confirmer l'ordonnance rendue par Mme le Président du tribunal judiciaire de Dijon en date du 18 septembre 2024 (RG N°24/00283) dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

- condamner la Selarl Asteren, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Corton, à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Selarl Asteren, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Corton, aux entiers dépens d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet de leurs moyens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 janvier 2025.

Sur ce,

la cour,

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Pour conclure à l'infirmation de l'ordonnance déférée et s'opposer à la demande de constatation de l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire, la Selarl Asteren soutient que le moyen de la nullité du commandement de payer constitue une contestation sérieuse de nature à faire échec à l'action du bailleur.

Le liquidateur précise que le commandement de payer ne satisfait pas aux exigences jurisprudentielles pour produire pleinement tous ses effets en ce qu'il ne tient pas compte du paiement d'une somme de 1 500 euros réalisé le 29 février 2024 par le preneur et en ce que le rappel de la clause résolutoire stipulée au sein du bail commercial n'est pas lisible.

La SCI Centre Immo répond que :

- le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré par le commissaire de justice le 8 mars 2024 contient une version beaucoup plus lisible,

- au demeurant, il reproduit en page 1 les éléments légaux prévus à l'article L145-1 du code de commerce,

- la mention au commandement d'une somme supérieure à la dette véritable n'emporte pas la nullité du commandement qui reste valable pour la partie non contestée de sorte que le commandement de payer est valable à concurrence de 4 019,38 euros au 8 mars 2024,

- les conditions de la résiliation du bail pour défaut de paiement de loyers sont remplies, le délai de trois mois prescrit en matière de procédure collective aux articles L622-14 et L641-12 du code de commerce ayant été respecté, alors que les causes du commandement de payer n'ont pas été réglées dans le mois du commandement.

Selon l'article L145-45 du code de commerce, la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires n'entraînent pas, de plein droit, la résiliation du bail des immeubles affectés à l'industrie, au commerce ou à l'artisanat du débiteur, toute stipulation contraire étant réputée non écrite.

En vertu des articles L622-14 2° et L641-12 3° du code de commerce, en cas de poursuite du bail par l'administrateur ou le liquidateur, le bailleur peut, au terme d'un délai de 3 mois à compter du jugement d'ouverture, agir en acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers, charges, taxes et impôts afférents à une occupation postérieure audit jugement.

L'article L622-14 2° précise que si le paiement des sommes dues intervient avant l'expiration de ce délai, il n'y a pas lieu à résiliation.

En l'espèce, le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 8 mars 2024 porte sur une somme de 5 519,38 euros concernant les loyers postérieurs à l'ouverture du redressement judiciaire et provisions sur charges sur la période du 6 février au 31 mars 2024.

La SCI Centre Immo ne conteste pas, au terme de ses écritures, que le preneur a réglé une somme de 1 500 euros le 29 février 2024 dont il n'a pas été tenu compte dans le commandement de payer précité.

Par suite il est constant que la SARL Corton a réglé les sommes suivantes postérieurement à la délivrance du commandement :

- le 21 mars 2024 : 1 500 euros

- le 1er avril 2024 : 1 000 euros

- le 9 avril 2024 : 1 500 euros

- le 15 avril 2024: 1 500 euros.

En tenant compte du virement effectué le 29 février 2024, les causes du commandement ont été purgées au 15 avril 2024 dans les trois mois du jugement d'ouverture, les règlements étant intervenus avant le 6 mai 2024.

Il en résulte qu'en application de l'article L622-14 2° du code de commerce, les sommes dues en vertu du commandement de payer délivré le 8 mars 2024 ayant été payées avant l'expiration du délai de trois mois suivant le jugement d'ouverture, il n'y a pas lieu à résiliation.

En conséquence, en l'absence de contestation sérieuse et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la régularité du commandement de payer, l'ordonnance déférée est confirmée en ce qu'elle a débouté la SCI Centre Immo de ses demandes de voir constater la résiliation du bail commercial, voir ordonner l'expulsion de la SARL Corton et voir fixer une indemnité d'occupation. Elle sera infirmée en ce qu'elle a dit réunies les conditions d'acquisition de la clause résolutoire.

Par suite, la Selarl Asteren ne formule aucune critique de la décision déférée relativement à la condamnation du preneur au paiement des loyers et charges à partir d'avril 2024.

Il n'est nullement soutenu que les loyers et charges réclamés auraient été réglés.

En l'absence de contestation sérieuse, l'ordonnance déférée est confirmée en ce qu'elle a condamné la SARL Corton à payer à la SCI Centre Immo à titre provisionnel la somme de 10 150,67 euros TTC au titre des loyers et charges impayés, arrêtée au mois d'août 2024, étant précisé qu'il s'agit de loyers postérieurs au jugement d'ouverture et nécessaires à la poursuite d'activité de sorte qu'ils échappent à l'interdiction de paiement.

En l'absence de débat sur cette question à hauteur de cour, la décision entreprise est confirmée en ce qu'elle accorde des délais de paiement au preneur pour régler cette dette.

L'ordonnance déférée est infirmée sur les dépens et les frais irrépétibles prévus à l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

La Selarl Asteren est déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La cour,

Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle :

- déboute la SCI Centre Immo de ses demandes visant à voir constater la résiliation du bail commercial, ordonner l'expulsion de la SARL Corton et fixer une indemnité d'occupation,

- condamne la Sarl Corton à payer à la SCI Centre Immo à titre provisionnel la somme de 10 150,67 euros TTC au titre des loyers et charges impayés, arrêtée au mois d'août 2024,

- accorde à la Sarl Corton des délais de paiement de 24 mois et dit qu'elle devra s'acquitter du paiement de sa dette par des mensualités de 422 euros pendant 23 mois et par le paiement du solde de la somme due le 24ème mois, soit 444, 67 euros, et ce, en plus du loyer courant, à compter du 1er octobre 2024,

- déboute la Sarl Corton de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus et y ajoutant,

Déboute la Selarl Asteren de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

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