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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 3 avril 2025, n° 24/02267

DOUAI

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Pascale (SAS)

Défendeur :

Adef IV (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gilles

Conseillers :

Mme Mimiague, Mme Bubbe

Avocats :

Me Delabre, Me Eteve, Me Dubrulle

TJ Lille, du 14 mai 2024, n° 24/00293

14 mai 2024

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 19 mai 2022, la société civile ADEF IV (la société ADEF) a donné à bail commercial à la SAS Pascale des locaux situés à [Localité 5], [Adresse 4], pour un loyer annuel de 29 000 euros HT, avec indexation annuelle, payable par trimestre et d'avance, outre 301 euros HT au titre de la provision mensuelle pour charges.

Par acte du même jour, Mme [N] [O] épouse [P] s'est portée caution solidaire des engagements de la société Pascale.

Le 5 octobre 2023, la société ADEF a fait délivrer à la locataire un commandement de payer les loyers, visant la clause résolutoire, qui a été dénoncé à la caution le 30 janvier 2024.

Par ordonnance contradictoire du 14 mai 2024, sur assignation du 13 février 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail du 19 mai 2022, portant sur les locaux situés à [Localité 5], [Adresse 4], depuis le 5 novembre 2023,

- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les 15 jours de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société Pascale et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Localité 5], [Adresse 4], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier,

- dit, en cas de besoin, que le sort des meubles sera réglé conformément aux articles L.433-1 et ss et R.433-1 et ss du code des procédures civiles d'exécution,

- fixé à titre provisionnel l'indemnité mensuelle d'occupation au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le loyer s'était poursuivi, à compter du 6 novembre 2023,

- condamné à titre provisionnel la société Pascale et Mme [P], solidairement, au paiement de cette indemnité et ce, jusqu'à libération effective des lieux,

- dit sans objet la demande en paiement au titre du loyer du mois d'avril 2024,

- dit n'y avoir lieu à référé sur les prétentions au titre de la clause pénale,

- condamné solidairement la société Pascale et Mme [P] à payer à la société ADEF la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, y compris les frais de commandement de payer du 5 octobre 2023 et de la dénonciation de l'assignation aux créanciers inscrits,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 17 mai 2024, la société Pascale et Mme [P] ont relevé appel de l'ensemble des chefs de cette ordonnance aux fins d'infirmation.

Par ordonnance du 24 mai 2024, les appelantes ont été autorisées à assigner à jour fixe à l'audience du 19 septembre 2024.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 11 juillet 2024, la société Pascale et Mme [P] demandent à la cour de :

- déclarer leur appel recevable,

- déclarer irrecevable la demande de la société ADEF de 'dire que les loyers d'avance resteront acquis au bailleur en application de la clause pénale.'

- débouter la société ADEF de l'ensemble de ses demandes,

- infirmer l'ordonnance en l'ensemble de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- débouter la société ADEF de l'ensemble de ses demandes,

- accorder la société Pascale des délais de paiement rétroactifs sur 24 mois afin d'apurer la dette locative,

En conséquence,

- suspendre les effets de la clause résolutoire,

A titre infiniment subsidiaire,

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société Pascale et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Localité 5], [Adresse 4], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier,

- accorder à la société Pascale un délai de 12 mois à compter de l'expiration des voie de recours pour restituer volontairement les lieux,

- limiter le montant des frais irrépétibles la somme de 300 euros,

- fixer les dépens comme de droit.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 19 juin 2024, la société ADEF demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :

- fixé à titre provisionnel l'indemnité mensuelle d'occupation au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le loyer s'était poursuivi à compter du 6 novembre 2023,

- dit sans objet la demande en paiement au titre du loyer du mois d'avril 2024,

- dit n'y avoir lieu à référé sur les prétentions au titre de la clause pénale,

- la confirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- fixer à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Pascale et Mme [P] à compter de la résiliation du bail à la somme de 5 137,38 euros HT outre 301 euros HT de provision pour charges, jusqu'à libération effective des lieux par remise des clés,

- dire que si l'occupation devait se prolonger plus d'un an après l'acquisition de la clause résolutoire, l'indemnité d'occupation ainsi fixée serait indexée sur l'indice trimestriel nommé ILC, publié par l'INSEE, l'indice de base étant le dernier indice paru à la date de l'acquisition de la clause résolutoire,

- condamner à titre provisionnel solidairement la société Pascale et Mme [P] à lui verser la somme de 1 456,96 euros à titre d'indemnité forfaitaire,

Y ajoutant,

- débouter les appelantes de leurs demandes de délais de paiement et de suspension de la clause résolutoire,

- dire que les loyers versés d'avance resteront acquis au bailleur en application de la clause pénale,

- condamner solidairement la société Pascale et Mme [P] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, qui comprendront le coût du commandement, des états des privilèges et des nantissements ainsi que celui de la dénonciation aux créanciers inscrits.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

Mise en délibéré au 21 novembre 2024, suite à l'audience du 19 septembre 2024, l'affaire a fait l'objet d'une réouverture des débats et a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 12 mars 2025.

MOTIFS

Sur la résiliation du bail

Au visa des articles 835 du code de procédure civile et L.145-41 du code de commerce, le juge des référés a constaté que les causes du commandement visant la clause résolutoire délivré le 5 octobre 2023 n'avaient pas été régularisées dans le délai d'un mois. Il en a conclu que le bail avait été résilié à compter du 5 novembre 2023 et, par conséquent, a condamné la locataire et la caution au paiement de l'indemnité d'occupation, constatant que l'arriéré locatif avait été entièrement réglé le 15 avril 2024.

Sur le fondement des articles L.145-41 du code de commerce et 1343-5 du code civil, les appelantes sollicitent des délais de paiement rétroactifs, faisant valoir que la dette locative a été entièrement apurée. Elles précisent que ces délais ne constituent pas une demande nouvelle en cause d'appel. Elles font valoir leur bonne foi, précisant justifier de leurs charges, notamment salariales, et de leur perspective de rétablissement.

Visant le même texte, la société ADEF fait valoir que le commandement visant la clause résolutoire a été valablement signifié et qu'il n'a pas été régularisé dans le délai d'un mois. Elle souligne que le loyer d'avril 2024 a été réglé tardivement. Elle expose ne pas être responsable de la situation financière de la société Pascale. Elle conteste les éléments économiques et financiers produits par la société Pascale, concluant à la mauvaise foi des appelantes. Elle indique se trouver en redressement judiciaire, ce qui ne lui permet pas d'accepter des délais de paiement.

Aux termes de l'alinéa 2 de l'article L.145-41 du code de commerce, le juge saisi d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peut, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En l'espèce, il ressort du décompte communiqué par la bailleresse au 9 avril 2024 (sa pièce 7) et des justificatifs de paiement produits par la société Pascale (sa pièce 6) que la dette locative a été apurée entièrement le 15 avril 2024.

En outre, la société Pascale justifie du paiement des loyers jusqu'en septembre 2024 inclus, la société ADEF ne faisant pas état de l'apparition d'une nouvelle dette locative.

Enfin, il ressort du bilan produit pour l'année 2023 que la société Pascale, après avoir réalisé des travaux importants dans les locaux loués, a un résultat bénéficiaire sur cet exercice, contrairement au précédent.

Dès lors, l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire mais infirmée en ce qu'elle a autorisé l'expulsion de la société Pascale et de tout occupant et des délais de paiements rétroactifs seront accordés.

Les causes du commandement étant apurées, la clause résolutoire est réputée n'avoir jamais joué et il n'y aura pas lieu de statuer sur les demandes relatives à l'expulsion du preneur, au sort des meubles et à la fixation d'une indemnité d'occupation.

Sur les clauses pénales

Pour débouter la bailleresse de sa demande de condamnation provisionnelle au paiement de la somme de 367,50 euros à titre d'indemnité forfaitaire, le premier juge a retenu que cette demande constituait une clause pénale dont l'interprétation préjudiciait au fond.

La société ADEF expose que la clause a été librement négociée entre les parties et que les appelantes n'ont contesté ni son montant ni son calcul. Elle sollicite en outre la conservation du montant du dépôt de garantie à titre de sanction prévue au contrat.

La société Pascale et Mme [P] demandent la confirmation de l'ordonnance, indiquant que le juge des référés ne dispose pas du pouvoir de modérer la clause pénale lorsqu'elle procure un avantage disproportionné au bailleur.

En l'espèce, si la société ADEF réclamait initialement la somme de 367,50 euros au titre de l'indemnité forfaitaire, sa demande est portée à 1 456,96 euros, outre une demande de conservation du montant du dépôt de garantie, équivalent à trois mois de loyers (sa pièce 1), à titre de clause pénale.

Ainsi, alors que la demande au titre de la clause pénale est modifiée et semble inclure d'autres sommes, la cour retient l'existence d'une contestation sérieuse et l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

La société Pascale n'ayant régularisé sa dette locative qu'après délivrance de l'assignation, l'équité ne commande pas de réformer les dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile, sans qu'il y ait lieu de la condamner à nouveau, et les dépens, dont la liste est fixée à l'article 695 du code de procédure civile, seront laissés à sa charge en application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme l'ordonnance sauf en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire, dit n'y avoir lieu à référé sur les prétentions au titre de la clause pénale et condamné la société Pascale et Mme [P] aux frais irrépétibles et aux dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Accorde à la société Pascale des délais de paiement rétroactifs jusqu'au 15 avril 2024 pour s'acquitter de l'arriéré locatif de 17 469,68 euros, avec suspension des effets de la clause résolutoire durant les délais accordés,

Constate que les délais de paiement ont été respectés et l'arriéré locatif réglé et dit que la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société ADEF IV relatives à l'expulsion du preneur, au sort des meubles et à la fixation d'une indemnité d'occupation,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne solidairement la société Pascale et Mme [N] [O] épouse [P] aux dépens d'appel, prévus à l'article 695 du code de procédure civile.

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