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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 3 avril 2025, n° 23/05746

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/05746

2 avril 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 03 AVRIL 2025

(n° 61 /2025, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/05746 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHLOS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 février 2023- Tribunal judiciaire de Bobigny (Chambre 5/section 3)- RG n° 22/00572

APPELANTE

S.C.I. IMMO SAINT JUST

Immatriculée au R.C.S. de [Localité 5] sous le n° 341 275 485

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de Paris, toque : L0069

Assistée de Me Elsa GIANGRASSO, avocat au barreau de Paris, toque : A438

INTIMÉE

S.A.S. CENTRE AUTO

Immatriculée au R.C.S. de [Localité 5] sous le n° 801 694 506

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Kamel AIT HOCINE, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis, toque : 41

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 novembre 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre

Mme Stéphanie Dupont, conseillère

Mme Marie Girousse, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 31 mars 2016, la SCI Immo Saint Just a donné loyer à la Société Centre Auto des locaux sis [Adresse 1] à Pierrefitte sur seine (93380), pour une durée dérogatoire de 36 mois entiers et consécutifs, à compter du 1er avril 2016 pour prendre fin le 31 mars 2019, et moyennant le versement d'un loyer mensuel de 4.300 euros HT, soit 5.160 euros TTC.

Par avenant en date du 24 juillet 2018, les parties ont convenu d'une réduction du montant du loyer à partir du mois de juillet 2018 jusqu'à la fin du bail fixé au 31 mars 2019.

Par acte d'huissier de justice du 11 avril 2019, la SCI Immo Saint Just a fait délivrer une sommation de quitter les lieux. En dépit de cette sommation, la Société Centrale auto est restée dans les lieux.

Par exploit du 4 octobre 2021, la SCI Immo Saint Just a fait délivrer une sommation de payer les loyers, à hauteur de 58.000 euros, et de produire l'attestation d'assurance, dans un délai d'un mois.

Par exploit du 4 janvier 2022, la SCI Immo Saint Just a fait assigner la SAS Centre Auto devant le tribunal judiciaire de Bobigny.

Par jugement en date du 20 février 2023, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

- dit qu'un bail commercial portant sur les locaux situés [Adresse 1] à Pierrefite sur seine (93380) s'est substitué au bail dérogatoire conclu le 31 mars 2016 entre la SCI Immo Saint Just et la Société Centre Auto, à compter du 1er avril 2019, aux entières clauses et conditions du bail expiré du 31 mars 2016, et de son avenant du 24 juillet 2018, et sauf sur la durée, qui est de neuf ans ;

- dit que la présente décision vaudra bail par application des dispositions de l'article L. 145-57 du code de commerce, sauf meilleur accord des parties ;

- rejeté les demandes de la SCI Immo Saint Just en expulsion de la Société Centre Auto, séquestration de ses biens meubles et objets mobiliers et paiement d'une indemnité d'occupation ;

- condamné la SCI Immo Saint Just à payer à la Société Centre Auto la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SCI Immo Saint Just aux entiers dépens ;

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

Par déclaration en date du 24 mars 2023, la SCI Immo Saint Just a interjeté appel total du jugement.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 octobre 2024.

Par conclusions notifiées le 7 novembre 2024, la société Centre Auto, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la cour de :

- recevoir la S.A.S. Centre Auto en sa demande de rabat de l'ordonnance de clôture ;

En conséquence,

- constater la cession du fonds de commerce sis [Adresse 2] entre le S.A.S. « Centre Auto » et la S.A.S. Pièces Auto Des Pierrefittois signé le 8 avril 2024 ;

- constater que la S.A.S. Pièces Auto Des Pierrefittois est le nouveau locataire du bail commercial portant sur les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 6] ;

- constater que la S.A.S. Centre Auto n'est pas redevable des loyers échus postérieurement à la cession du fonds de commerce sis [Adresse 2] signée le 8 avril 2024 ;

- constater que la S.A.S. Pièces Auto Des Pierrefittois s'est acquittée de chacun des loyers échus depuis le mois d'avril jusqu'au mois d'octobre 2024 ;

- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture rendue par le juge de la mise en état le 23 octobre 2024 ;

- renvoyer à telle date qu'il plaira d'une audience de mise en état.

Par conclusions au fond notifiées le 7 novembre 2024, la société Centre Auto, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal Judiciaire du 20 février 2023 en ce qu'il a :

dit qu'un bail commercial portant sur les locaux situés [Adresse 1] à Pierrefitte sur Seine (93380) s'est substitué au bail dérogatoire conclu le 31 mars 2016 entre la SCI Immo Saint Just et la Société Centre Auto, à compter du 1er avril 2019, aux entières clauses et conditions du bail expiré du 31 mars 2016, et de son avenant du 24 juillet 2018, et sauf sur la durée, qui est de neuf ans ;

dit que la présente décision vaudra bail par application des dispositions de l'article L. 145-57 du code de commerce, sauf meilleur accord des parties ;

rejeté les demandes de la SCI Immo Saint Just en expulsion de la Société Centre Auto, séquestration de ses biens meubles et objets mobiliers et paiement d'une indemnité d'occupation ;

condamné la SCI Immo Saint Just aux entiers dépens ;

- recevoir S.A.S. Centre Auto en son appel incident ;

- réformer le jugement du tribunal judiciaire du 20 février 2023 en ce qu'il a condamné la SCI Immo Saint Just à payer à la Société Centre Auto la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant de nouveau :

- condamner la S.C.I. Immo Saint Just à payer la S.A.S. Centre Auto la somme de 3.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en première instance ;

Y ajoutant :

- condamner la S.C.I. Immo Saint Just à payer la S.A.S. Centre Auto la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés devant la cour, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance ;

- rejeter l'ensemble des demandes de la S.C.I. Immo Saint Just.

Par conclusions en réponse signifiées le 13 novembre 2024, la SCI Immo Saint Just, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

jugé qu'un bail commercial portant sur les locaux sis [Adresse 1] à Pierrefitte sur Seine, s'était substitué au bail précaire conclu le 31 mars 2016 entre la SCI Immo Saint Just et la SAS Centre Auto, à compter du 1er avril 2019, aux entières clauses et conditions du bail expiré du 31 mars 2016 et de son avenant du 24 juillet 2018, sauf pour la durée qui est de neuf ans ;

dit que la présente décision vaudra bail, sauf meilleur accord des parties ;

rejeté les demandes en expulsion, séquestration des biens meubles et paiement d'une indemnité d'occupation ;

condamné la SCI Immo Saint Just à payer à la SAS Centre Auto, la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

rejeté toute autre demande plus ample ou contraire ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- juger que le contrat de bail dérogatoire a pris fin le 31 mars 2019 ;

- juger que la Société Centre Auto se maintient dans les locaux, sans droit ni titre et sans assurance locative ;

A titre subsidiaire,

- juger que la Société Centre Auto a commis des manquements graves au contrat de bail commercial en cours, à savoir le défaut d'assurance locative, le changement de destination du bail et le non-paiement du loyer contractuel ;

- ordonner la résiliation judiciaire du contrat ;

En tout état de cause,

- ordonner l'expulsion pure, simple et immédiate de la société SARL Centre Auto, ainsi que de tous occupants de son chef, des locaux qu'elle occupe illégalement, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, en la forme ordinaire et avec l'assistance du commissaire de police et de la force publique si besoin est ;

- condamner la société SAS Centre Auto à payer à la SCI Immo Saint Just, la somme mensuelle de 5.160 euros TTC au titre de l'indemnité d'occupation à compter du 1er avril 2019 et ce, jusqu'à la complète libération des locaux et restitution des clés, ou à titre subsidiaire, à la somme de 4.000 euros TTC ;

- condamner la Société Centre Auto à payer à la SCI Immo Saint Just, la somme de 105.720 euros TTC au titre de l'indemnité d'occupation due à la date des présentes depuis avril 2019 jusqu'au 8 octobre 2024 ou à titre subsidiaire, à la somme de 28.000 euros TTC en considérant le montant issu de l'avenant du 24 juillet 2018 ;

- ordonner l'expulsion pure, simple et immédiate de la société SAS Centre Auto, ainsi que de tous occupants de son chef, des locaux qu'elle occupe illégalement, sis [Adresse 1] à [Localité 6], à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, en la forme ordinaire et avec l'assistance du commissaire de police et de la force publique si besoin est ;

- autoriser la SCI Immo Saint Just à faire transporter et entreposer les meubles et objets mobiliers garnissant les lieux en tel garde-meubles qu'il lui plaira, aux frais, risques et périls de la société SAS Centre Auto ;

- débouter la SAS Centre Auto de son appel incident et de sa demande de rabat de clôture ;

- condamner la société SAS Centre Auto à payer à la SCI Immo Saint Just, la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel et la condamner aux entiers dépens en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

SUR CE,

Sur la demande de rabat de l'ordonnance de clôture

Aux termes de l'article 802 du code de procédure civile, « Après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.

Sont également recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l'instance en l'état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption ».

L'article 803 du même code dispose que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

Au cas d'espèce, la SAS Centre Auto sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture motif pris de la cession du fonds de commerce intervenue entre elle et la S.A.S. Pièces Auto Des Pierrefittois le 8 avril 2024 et, dans ses conclusions au fond en date de même jour, répond aux prétentions de la société appelante sur le montant de la dette locative dont le paiement est sollicité.

La cour relève qu'au dispositif des conclusions signifiées le 13 novembre 2024, la SCI Immo Saint Just ne sollicite pas le rejet de la demande de rabat de l'ordonnance de clôture, abordée uniquement dans la discussion, de sorte que la cour n'est saisie d'aucune prétention en ce sens.

Cependant, la cause grave invoquée, à savoir la cession du fonds de commerce, est antérieure au prononcé de l'ordonnance de clôture et n'a pas été mise dans les débats par l'intimée dans ses conclusions au fond n° 2 signifiées le 26 août 2024, de sorte que les conditions de l'article 803 du code de procédure civile ne sont pas remplies et la révocation de l'ordonnance de clôture n'est pas justifiée.

Nonobstant, les conclusions au fond signifiées le 7 novembre 2024 par la SAS Centre Auto en ce qu'elles tendent à répondre à la demande principale de l'appelante relative à une condamnation au paiement d'un arriéré de loyer rentrent dans les dispositions de l'article 802 du code de procédure civile et sont donc recevables, ainsi que celles en réponse signifiées le 13 novembre 2024, la SCI Immo Saint Just.

Sur l'existence d'un bail statutaire

Aux termes de l'article L. 145-5 du code de commerce, « Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.

Si, à l'expiration de cette durée, et, au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre. »

Il appartient au bailleur souhaitant échapper au mécanisme de l'article L. 145-5 susvisé de manifester, avant la date contractuelle d'expiration du bail, sa volonté de ne pas poursuivre la relation contractuelle avec le locataire, la charge de la preuve de cette manifestation de volonté lui incombant. Aucune clause du bail ne peut avoir pour effet de dispenser le bailleur de faire connaître au preneur son opposition à son maintien dans les lieux en cours d'exécution du bail.

A défaut, quelle que soit la durée du bail dérogatoire ou du maintien dans les lieux, si le preneur reste et est laissé en possession des locaux au-delà du terme contractuel, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est régi par le statut des baux commerciaux.

Il s'infère de ces éléments que, si la manifestation de volonté du bailleur exprimée avant la fin de l'occupation de ne pas poursuivre la relation contractuelle n'est pas suivie d'effet par la tolérance accordée au preneur de se maintenir dans les lieux après l'échéance du bail dérogatoire, la volonté non équivoque du bailleur de récupérer les lieux n'est pas établie et ne peut faire obstacle au mécanisme légal rappelé ci-dessus.

Au soutien de ses prétentions, la SCI Saint Just fait valoir, à titre principal, que le contrat initial devait s'achever le 31 mars 2019 et, dès l'avenant de 2018, elle avait confirmé le terme du bail. En outre, dès le 26 décembre 2018, dans un courrier RAR, elle a manifesté son intention de reprendre les lieux loués, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal puis a notifié la sommation de quitter les lieux le 11 avril 2019, soit avant l'expiration du délai d'un mois visé à l'article 145-5 du code de commerce. Ainsi, cette volonté de voir le locataire quitter les lieux fait obstacle à l'application du statut et à la transformation du contrat en bail commercial.

Par ailleurs, elle estime qu'il ne peut lui être reproché d'avoir toléré le maintien dans les lieux postérieurement à la sommation, alors que les échanges entre les parties n'ont porté que sur les éventuelles perspectives de rachat des parts de l'appelante par les associés de l'intimée. Or, il est manifeste que Messieurs [Y] [Z], associés tant de l'intimée que de la société HMF, n'ont jamais eu la réelle intention d'acheter les titres et ont, au contraire, man'uvré pour gagner du temps et se maintenir dans les lieux. La perception de loyers ne doit pas non plus être analysée comme une volonté de laisser la locataire dans les lieux, étant rappelé que le loyer était réglé de manière irrégulière et ce n'est qu'une partie des loyers contractuels qui était ainsi réglée et non la totalité.

La SAS Centre Auto oppose que l'appelante ne peut, après avoir laissé l'intimée en possession des lieux loués aux termes du bail dérogatoire, donné son accord pour s'y maintenir jusqu'au 31 mai 2021 et perçu les loyers, prétendre avoir eu la volonté irrévocable de ne pas poursuivre la relation contractuelle. En conséquence, elle considère qu'un bail statutaire s'est nécessairement substitué au bail dérogatoire conclu. Au demeurant, elle relève que, par tolérance postérieure à la sommation de quitter les lieux, l'appelante par le truchement de Monsieur [V] [E] a manifesté son accord exprès pour le maintien de l'intimée dans les lieux loués jusqu'au 31 mai 2021 de sorte que l'intimée a été laissée en possession et s'est effectivement perpétuée dans les locaux loués et respecte les conditions posées par l'article L. 145-1 du code de commerce.

Au cas d'espèce, il ressort du contrat conclu entre les parties le 3 mars 2016, dénommé « Engagement de location », qu'elles ont convenue d'une location consentie et acceptée pour une durée de trente-six mois entiers et consécutifs, commençant à courir le 1er avril 2016 pour se terminer au plus tard le 31 mars 2019.

Par avenant au contrat, signé le 24 juillet 2018, les parties ont convenu en raison de difficultés financières rencontrées par l'occupant, que le montant du loyer serait réduit à 4.000 TTC à partir du mois de juillet 2018 jusqu'à la fin du bail fixé au 31 mars 2019.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 26 décembre 2018, la SCI Immo Saint-Just a rappelé à la SAS centre auto que le bail précaire, consenti le 1er avril 2016 pour une durée de 36 mois, prenait fin le 31 mars 2019 et signifiait que les locaux devaient être libres à cette date et remis en état.

Le 11 avril 2019, la SCI Immo Saint-Just délivrait à la SAS Centre Auto une sommation d'avoir à quitter les lieux, rappelant qu'elle était depuis le 31 mars 2019 occupante sans droit ni titre des locaux et, faute pour elle de s'exécuter, qu'elle entendait saisir la juridiction compétente pour obtenir son expulsion.

Par acte extrajudiciaire en date du 7 novembre 2019, les époux [E] ont consenti une promesse unilatérale de cession de titres sociaux à Messieurs [H] et [C] [Y] [Z] portant sur les titres de la société propriétaire de l'immeuble objet du bail et expirant le 17 avril 2020. Cette promesse a été réitérée par acte du 30 novembre 2020 au bénéfice des mêmes parties pour expirer le 31 mars 2021.

Par courrier en date du 15 mars 2021, la banque de la société HMF notifiait à sa cliente un refus d'accorder le crédit sollicité pour obtenir le financement d'acquisition de titres sociaux.

Par courrier en date du 2 avril 2021, la SCI Immo Saint-Just, prenant acte de ce refus, a sollicité de la SAS Centre Auto, avant la date du 30 avril 2021, d'être informée d'une éventuelle solution de financement faute de quoi elle lui demandait de quitter les lieux au plus tard le 31 mai 2021.

Il se déduit de ces éléments que, si le bailleur a effectivement manifesté avant les termes du bail dérogatoire de son souhait de reprendre les lieux et délivré dans le mois suivant l'expiration de la fin de ce bail une sommation d'avoir à quitter les lieux, il n'en demeure pas moins que cette sommation n'a pas été suivie d'effet en ce qu'aucune démarche n'a été entreprise pour reprendre effectivement possession des lieux.

A l'inverse, plusieurs mois plus tard, soit en novembre 2019, les parties ont signé une promesse d'acquisition des parts sociales de la SCI Immo Saint-Just, démontrant par là même que les bailleurs ont consenti au maintien dans les lieux de la SAS centre auto espérant en tirer un bénéfice dans la réalisation de la promesse ainsi consentie, sans que la mauvaise foi des occupants, dont il est allégué qu'ils n'auraient jamais eu d'intention réelle à la réalisation de cette promesse, ne soit démontrée.

Au demeurant, il n'est pas contesté que la SCI Saint-Just a continué à percevoir les loyers correspondants à l'occupation des lieux.

Il s'infère de ces constatations que c'est à bon droit que le tribunal a considéré d'un bail commercial liant les parties a pris effet à compter du 1er avril 2019 aux clauses et conditions du bail dérogatoire expiré et de son avenant du 24 juillet 2018, ce pour une durée de neuf ans. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la demande de résiliation judiciaire

Il résulte des articles 1217, 1227 et 1229 du code civil que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté ou l'a été imparfaitement peut provoquer la résolution du contrat, résolution qui peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.

L'article 1741 du code civil prévoit que le contrat de louage se résout par la perte de la chose louée par le défaut respectif du bailleur du preneur de remplir leurs engagements.

Il appartient au juge d'apprécier si les manquements contractuels invoqués à l'appui de la demande de résiliation du bail sont suffisamment graves pour entraîner la résiliation sollicitée.

Dans cette hypothèse, la résiliation judiciaire des contrats à exécution successive ne prend pas nécessairement effet à la date de la décision qui la prononce.

La SCI Saint Just soutient que les manquements du preneur aux obligations essentielles du bail font obstacle à la formation d'un bail statutaire et emportent la résiliation judiciaire du bail. Ainsi, non seulement, le défaut d'assurance locative justifie la résiliation du bail, l'intimée n'ayant jamais justifié de cette assurance malgré les sommations délivrées et les deux pièces versées par cette dernière à ce titre ne constituent pas des justificatifs, mais encore, l'appelante a fait constater par voie d'huissier que l'activité exercée, casse de véhicules au lieu de vente et achat de véhicule automobile d'occasion, pièces détachées et réparation automobile, dans le local n'était pas celle autorisée par l'article 4 du contrat de bail expiré et, enfin, l'intimée a connu un retard systématique dans le paiement des loyers, que sept mensualités n'ont pas été payées, ce qui, au regard de l'importance de la créance justifie la résiliation du contrat en cours.

Subsidiairement, la SAS Centre Auto conteste les prétendus manquements reprochés et verse des pièces démontrant qu'elle n'a jamais cessé d'être couvert par une assurance, que l'activité dont le commissaire de justice rendait compte n'est pas une activité de casse automobile, pour ne pas avoir constaté une dépollution, un démontage et un broyage des véhicules, étant souligné que l'activité décrite est parfaitement couverte par celle autorisée de vente et d'achat de pièces détachées et de réparation automobile. Elle rappelle qu'il est de principe que le bail commercial statutaire répond aux entières clauses et conditions du bail dérogatoire expiré et de son avenant éventuel, sous réserve des stipulations contraires au statut des baux commerciaux. Or, l'intimée était seulement tenue de payer le montant du loyer tel qu'il résulte de l'avenant du 24 juillet 2018, soit la somme de 4.000 ' TTC, ce que les dispositions de l'article L. 145-57 du code de commerce corrobore en soulignant que le locataire doit continuer à payer les loyers échus au prix ancien et verse également des pièces démontrant qu'elle est en règle.

Au cas d'espèce, sur le défaut d'assurance, contrairement à ce qui est soutenu, l'intimée ne verse aux débats qu'une fiche conseil délivrée par l'entreprise MMA concernant les besoins assuranciels de la SAS Centre Auto mais ne fournit pas d'attestation d'assurance pour l'activité concernée par le bail sur toute la durée d'exercice de celle-ci. Au surplus, le document versé au titre de la carte internationale d'assurance automobile, qui concerne l'activité de garage, ne couvre que la période du 1er avril 2023 au 31 mars 2024 et ne permet pas de déterminer qu'elle couvre l'intégralité de l'activité exercée, de sorte que l'intimée échoue rapporter la preuve qu'elle a rempli son obligation de souscrire une assurance.

Le procès-verbal versé aux débats par l'appelante, dressé les 28 avril et le 20 mai 2022 par l'étude [W] [U], commissaire de justice à [Localité 7], relate le transport effectué sur les lieux donnés à bail où se trouve une casse automobile, un grand nombre de pièces détachées automobiles étend visible de la rue. « Côté gauche, se trouve un hangar qui abrite des pièces détachées : pneus et divers éléments mécaniques de carrosserie. En fond de parcelle, sur une dizaine de mètres sont exposées des pièces mécaniques : moteur, éléments de moteur, pièces détachées, entreposés à l'air libre, sans protection. Des clients entrent avec leur véhicule et chargent les pièces qu'ils sont venus chercher dans leur coffre et repartent'. À l'extérieur du site, la chaussée comporte de tâches d'huile moteur. Il en est de même à l'intérieur des lieux loués. » Des photos sont jointes procès-verbal.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, il ne ressort pas de ces constatations que l'activité exercée par la société intimée dans les lieux objet du bail soit contraire à l'activité autorisée, à savoir de vente et achat de véhicules automobiles d'occasion, pièces détachées réparation automobile, et ne caractérise pas une activité de casse automobile.

Il s'infère de ces éléments que, s'il n'est pas contestable que la SAS Centre Auto a failli à son obligation d'assurance, laquelle pourrait dès lors se voir dénier la garantie de son assureur en cas de sinistre, en l'absence de tout sinistre, ce manquement n'est pas suffisamment grave pour justifier à lui seul de la résiliation du bail alors, par ailleurs, que l'exercice d'une activité interdite par le bail et particulièrement polluante n'est pas davantage démontrée.

Aux termes de l'article 1728 du code civil, l'une des obligations essentielles du locataire est le paiement régulier des loyers.

L'article 1353 du code civil dispose que : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »

Le juge peut prononcer la résiliation judiciaire du bail suite à des retards réitérés dans le payement des loyers, même en l'absence de mise en demeure.

Le bail expiré s'étant poursuivi dans les termes et conditions du bail dérogatoire échu, le montant du loyer dû à compter du 1er avril 2019 est de 4.000 euros TTC correspondant au montant du dernier avenant.

Il ressort de la comparaison des pièces versées aux débats par chacune des parties que, sur la période de référence, les manquements de la locataire au paiement du loyer sont caractérisés pour les échéances de :

mars, avril et mai 2020 ;

mai 2021 apparaît non réglé dans la mesure où 11 virements de la somme de 4.000 euros sont justifiés sur l'année 2021 ;

cependant, 13 virements de la somme de 4.000 euros ont été opérés sur l'année 2022 de sorte que l'année a été entièrement réglée et que le 13ème virement peut être considéré comme ayant compensé le défaut de paiement du mois de mai 2021 ;

12 virements de la somme de 4.000 euros sont justifiés sur l'année 2022 de sorte que l'année a été entièrement réglée ;

12 virements de la somme de 4.000 euros sont justifiés sur l'année 2023 de sorte que l'année a été entièrement réglée ;

3 virements de la somme de 4.000 euros sont justifiés sur les mois de janvier à mars 2024 et le bailleur reconnaît avoir perçu le loyer pour les mois d'avril à juin 2024, de sorte que seuls les règlements du loyer des mois de juillet à octobre 2024 ne sont pas justifiés, soit la somme de 16.000 euros TTC.

Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les bailleurs, les manquements du locataire à son obligation de paiement n'apparaît pas ni irrégulier, ni récurent et, en toute hypothèse, insuffisamment grave pour justifier qu'il soit fait droit à la demande de résiliation judiciaire du bail.

La demande à ce titre sera rejetée ainsi que, par voie de conséquence, la demande d'expulsion et du transport des meubles. De même, l'appelante sera déboutée de sa demande de condamnation de la SAS Centre Auto au paiement d'une indemnité d'occupation à hauteur de 5.160 euros TTC à compter du 1er avril 2019, étant rappelé que le bail se poursuit aux clauses et conditions du bail initial et de l'avenant du 24 juillet 2018.

Sur la demande au titre de la dette locative

Il appert de ce qui précède que la SAS Centre Auto est redevable du paiement des loyers de mars, avril et mai 2020, dont l'exigibilité n'est d'ailleurs pas discutée, et des loyers de juillet à octobre 2024 dont la preuve du paiement n'est pas rapportée, soit la somme totale de 28.000 euros TTC.

La SAS Centre Auto sera donc condamnée au paiement de cette somme.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Succombant en ses prétentions, la SCI Saint Just sera condamnée à payer à la SAS Centre Auto la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;

Rejette la demande de rabat de l'ordonnance de clôture ;

Déclare recevables les conclusions signifiées par la SAS Centre Auto le 7 novembre 2024 et les conclusions signifiées les 13 novembre 2024 par la SCI Immo Saint Just ;

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny le 20 février 2023 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la SCI Sain Just de sa demande de résiliation judiciaire du bail, d'expulsion, de transport des meubles et de paiement d'une indemnité d'occupation à hauteur de 5.160 euros TTC à compter du 1er avril 2019 ;

Condamne la SAS Centre Auto à payer à la SCI Saint Just la somme de 28.000 euros TTC au titre de l'arriéré locatif arrêté à fin octobre 2024 ;

Condamne la SCI Saint Just à payer à la SAS Centre Auto la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI Saint Just à supporter la charge des dépens d'appel.

La greffière, La présidente,

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