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Décisions

CA Limoges, ch. soc., 3 avril 2025, n° 23/00858

LIMOGES

Arrêt

Autre

CA Limoges n° 23/00858

3 avril 2025

ARRET N° .

N° RG 23/00858 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIQM5

AFFAIRE :

M. [P] [H]

C/

S.C.P. [4] es-qualité de liquidateur judiciaire de la société [9], MINISTERE PUBLIC

OJLG/MS

Action en responsabilité pour insuffisance d'actif à l'encontre des dirigeants

Grosse délivrée à Me Laetitia DAURIAC, Me Philippe CHABAUD, le 03-04-25.

COUR D'APPEL DE LIMOGES

Chambre sociale

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ARRET DU 03 AVRIL 2025

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Le TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT CINQ la chambre économique et sociale a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe:

ENTRE :

Monsieur [P] [H]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 7], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Philippe CHABAUD de la SELARL SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANT d'une décision rendue le 22 NOVEMBRE 2023 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES

ET :

S.C.P. [4] es-qualité de liquidateur judiciaire de la société [9], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL SELARL DAURIAC - RAYNAUD PELAUDEIX - OUDJEDI DRPO, avocat au barreau de LIMOGES

MINISTERE PUBLIC, demeurant Palais de Justice - Place d'Aine - 87000 LIMOGES

ayant pris des réquisitions écrites en date du 03 octobre 2026.

INTIMES

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 17 Février 2025. L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 décembre 2024.

La Cour étant composée de Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Présidente de chambre, de Madame Géraldine VOISIN et de Madame Marianne PLENACOSTE, Conseillers, assistées de Mme Sophie MAILLANT, Greffier. A cette audience, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a été entendue en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 03 Avril 2025 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

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LA COUR

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FAITS ET PROCÉDURE :

La société [9] est une société holding créée le 2 février 2017 avec pour activité la prise de participation au capital de sociétés, la gestion de ces participations et l'exécution de services administratifs aux entreprises. Elle était détenue par deux actionnaires : M. [P] [H], associé majoritaire à 75 % et la société [12], associé minoritaire à 25%.

La société [9] détient en totalité le capital des sociétés [8] (anciennement [11]), [10] et 97% du capital de la société [5],

Les sociétés [9], [8], [10] et [5] étaient dirigées par M. [P] [H].

Par jugement du 26 novembre 2018, le tribunal de commerce de Limoges a fait droit à la demande d'homologation déposée par la société [9] d'un protocole de conciliation signé les 7 et 13 novembre 2018.

En janvier 2019, le tribunal de commerce de Limoges a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la [8], ainsi qu'une procédure de sauvegarde judiciaire à l'encontre de la société [5], et a désigné la SCP [4] en qualité de mandataire judiciaire pour ces deux procédures.

Le 2 décembre 2019, M. [H] a déposé en sa qualité de président de la société [9] une déclaration de cessation des paiements pour le compte de cette société, et sollicité l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire directe à son égard.

Par jugement en date du 11 décembre 2019, le tribunal de commerce de Limoges a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société [9], et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 4 décembre 2019. La société SCP [4] a été désignée en qualité de liquidateur.

Par courrier du 14 septembre 2021, la SCP [4] a informé M. [H] de ce que le passif cumulé des sociétés [9], [8], [10] et [5], s'élevait à 8 952 902,37 €, et l'a mis en demeure de lui régler l'intégralité de cette somme en sa qualité président desdites sociétés, et responsable de leur insuffisance d'actifs.

Par courrier du 20 septembre 2021, le mandataire liquidateur a mis en demeure M. [H] de lui verser l'intégralité du passif restant dû par la société [9], s'élevant à 904 153,01€, l'informant avoir réalisé l'actif disponible.

Par courrier de son conseil du 21 septembre 2021, M. [H] a contesté la demande de la SCP [4], soulignant que l'existence d'un important passif cumulé concernant la liquidation judiciaire de quatre sociétés distinctes ne caractérisait pas en soi un comportement fautif de sa part susceptible d'entrainer un comblement de passif.

Le 26 avril 2022, la SCP [4] a assigné M. [H] devant le tribunal de commerce de Limoges aux fins d'obtenir sa condamnation à hauteur de la somme de 903 456,23 ' sur le fondement des dispositions des articles L 651-2 et suivants du Code de Commerce.

Par jugement du 22 novembre 2023, le tribunal de commerce de Limoges a :

Dit et jugé recevable le rapport du juge commissaire

En conséquence,

Débouté Monsieur [H] de sa demande visant à voir déclarer irrecevable la procédure engagée par la S.C.P. [4] , ès qualité,

Dit et jugé que Monsieur [H] a commis des fautes de gestion, ayant directement contribué à l'insuffisance d'actif de la [9],

En conséquence,

Condamné Monsieur [H] à supporter le passif de la SAS [9] à hauteur de 125 686.16 euros et à verser à la S.C.P. [4] , ès qualité, une indemnité de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ,

Débouté Monsieur [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

Ordonné l'emp1oi des dépens en frais privilégiés de procédure.

Par déclaration du 27 novembre 2023, M. [H] a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 25 septembre 2024, le conseille de la mise en état a :

Dit n'y avoir lieu à radiation de l'affaire du rôle de la Cour.

Dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'arrêt rendu sur le fond.

Rejette les demandes présentées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par visa du 3 octobre 2024, le ministère public a dit s'en rapporté à l'appréciation de la cour.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures du 25 juin 2024, M. [H] demande à la cour de :

Faisant droit à l'appel de M. [H] , DECLARE recevable.

Réformer intégralement le jugement entrepris.

Et, statuant à nouveau,

Débouter intégralement [4], agissant en qualité de liquidateur de la Société [9], de ses demandes, déclarées irrecevables, et subsidiairement mal fondées.

Condamner la Société [4], agissant en qualité de liquidateur de la Société [9], à payer à M. [H] une indemnité de 20.000 ' sur fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel, en accordant pour ces derniers à Maître Philippe CHABAUD, Avocat, le bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

M. [H] soutient que le rapport transmis par le juge commissaire est nul, car il ne respecte pas les prescriptions de l'article R662-12 du code du commerce. Dès lors, l'action du liquidateur à son encontre était irrecevable.

A titre subsidiaire, l'action du liquidateur était également irrecevable car ce dernier n'apporte pas la preuve du passif et de l'actif de la société [9] à la date d'ouverture de la liquidation judiciaire, autrement que par des documents que le liquidateur s'est constitué à lui-même. La société S.C.P. [4] ne justifie ainsi pas du quantum de ses prétentions.

M. [H] soutient n'avoir commis aucune faute de gestion. Il conteste être responsable de l'absence de remise du bilan 2019, en ce qu'il était dessaisi au profit du liquidateur, et que ce bilan a au demeurant été réalisé. Il réfute avoir fait perdre la chance à la société [9] de contester l'injonction de payer relative au litige de la société avec un de ses bailleurs, recours pour lequel le conseil de la société était circonspect.

Le fait qu'il ne puisse s'expliquer sur la créance intragroupe avec la société [5], dont il n'est pas établit qu'elle soit fautive, ne constitue pas en soit une faute pouvant entrainer sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actifs.

Le dirigeant réfute avoir poursuivi abusivement une activité déficitaire, soulignant que les pertes entre les années 2017 et 2018 s'étaient sensiblement réduites, et qu'il pouvait donc espérer un redressement. L'expert comptable et le commissaire aux comptes de la société n'ont d'ailleurs jamais émis la moindre alerte.

M. [H] réfute s'être désintéressé de la procédure de liquidation judiciaire, et avoir refusé d'y collaborer. Il souligne que la S.C.P. [4] ne rapporte pas la preuve du lien de causalité qu'elle allègue.

Aux termes de ses dernières écritures du 1er août 2024, la S.C.P. [4], es qualité de liquidateur judiciaire de la société [9] demande à la cour de :

A titre principal :

Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Limoges du 22 novembre 2023 en ce qu'il a limité la condamnation de M. [H] au paiement de la somme de 125.686,16'.

En conséquence :

Condamner M. [H] à supporter le passif de la SAS [9] à hauteur de la somme de 903.456,23'.

A titre subsidiaire : si la Cour venait à écarter les justes demandes de la SCP [4] :

Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Limoges du 22 novembre 2023.

Débouter M. [H] de l'ensemble de ses prétentions.

En tout état de cause :

Condamner M. [H] au paiement de la somme de 3.000' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner M. [H] aux entiers dépens.

Rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires.

La S.C.P. [4] soutient que la procédure n'est pas irrecevable du fait du rapport du juge commissaire, rapport transmis aux parties. En tout état de cause, l'éventuelle nullité de ce rapport n'entrainerait pas l'irrecevabilité de la procédure engagée à l'encontre de M. [H], aucun texte ne prévoyant une telle irrecevabilité.

Sur le fond, la S.C.P. [4] demande que le jugement entrepris soit infirmé en ce qu'il a limité la condamnation du dirigeant à la somme de 125 686,16 euros, au lieu de la somme de 903 456,23 euros.

La S.C.P. [4] souligne que l'insuffisance d'actif de la société [9], d'un montant de 903 456,23 euros, est établie, par l'état du passif résultant des déclarations de créances non contestées par M. [H], et l'indication renseignée par ce dernier lors du dépôt de sa demande de cessation des paiements d'un passif à hauteur de 953 541,96 euros.

Le liquidateur soutient que cette insuffisance est directement imputable à M. [H], qui a commis des fautes ayant directement contribuées à l'insuffisance d'actifs. En effet, il a :

commis des irrégularités comptables, en particulier, en manquant de faire figurer aux comptes et bilans de la société une créance douteuse à hauteur de 125 686,16 euros au profit d'une société détenue par elle, la société [5], dont il avait nécessairement connaissance en tant que dirigeant. Par ailleurs, il n'a pas remis en temps utile au liquidateur la comptabilité de l'exercice 2019, malgré ses demandes répétées. ;

commis des fautes de gestion, en se désintéressant de façon manifeste des contentieux ouverts à l'encontre de la société [9]. Destinataire d'une injonction de payer le 25 mars 2018, il a omis de la contester dans les délais. Par ailleurs, M. [H] a poursuivi abusivement une exploitation déficitaire, puisque les bilans 2017 et 2018 de la société [9] faisaient déjà état de pertes importantes. Enfin, M. [H] a omis de répondre aux sollicitations du mandataire liquidateur, et a fait preuve d'une absence totale de coopération dans le cadre de la procédure collective.

La S.C.P. [4] souligne que M. [H] ne conteste pas utilement les fautes susvisées. A titre subsidiaire, elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné le dirigeant au paiement de la somme de la créance intragroupe dissimulée, à hauteur de 125 686,16 euros.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la régularité de la procédure suivie devant le tribunal de commerce:

Il doit être immédiatement relevé que quoique soulevant diverses irrégularités de la procédure suivie par le tribunal de commerce, et quoique plaidant que lesdites irrégularités auraient pour conséquence la nullité de la procédure, l'appelant ne demande pas l'annulation du jugement déféré mais simplement sa réformation.

Selon les dispositions de l'article R662-12 du code du commerce ' Le tribunal statue sur rapport du juge-commissaire sur tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8.

Toutefois, il n'est pas fait de rapport lorsque le tribunal statue sur un recours formé contre une ordonnance de ce juge.'

La production du rapport du juge - commissaire est une formalité substantielle dont l'inobservation entraîne la nullité du jugement.

Le rapport du juge-commissaire a pour objet d'éclairer le tribunal en lui délivrant une information éclairée et impartiale sur la situation du débiteur, en mettant en perspective les demandes au regard de la connaissance du dossier du rédacteur du rapport, qui a été désigné à l'ouverture de la procédure collective et a suivi de nombreuses étapes du dossier.

Le juge-commissaire peut émettre un avis.

Le rapport litigieux est en l'espèce une simple copie de l'argumentation du liquidateur judiciaire, allant jusqu'à recopier son dispositif en reproduisant l'erreur y figurant, en ce qu'aucune demande chiffrée en contribution au passif n'y était mentionnée.

Pour autant, cet état de fait n'est pas susceptible de conduire à son annulation.

Ensuite, le rapport du juge-commissaire n'est pas un jugement et les dispositions des articles 452 et suivants du code de procédure civile ne lui sont pas applicables.

Pour autant, il constitue une formalité substantielle prescrite à peine de nullité de la procédure et il doit pouvoir être vérifié que son auteur avait le pouvoir de le rédiger comme étant le juge-commissaire désigné par le tribunal de la procédure collective.

Doit aussi pouvoir être vérifié le respect des dispositions de l'article L662-7 du code de commerce.

L'examen du rapport versé aux débats démontre qu'il ne comporte pas le nom de son auteur.

A défaut qu'il puisse être vérifié que ce rapport émane d'un rédacteur ayant le pouvoir de le rédiger, ce rapport est nul.

Par voie de conséquence, le jugement déféré est infirmé.

Sur la demande de contribution à l'insuffisance d'actif:

Selon les dispositions de L 651-2 du Code de Commerce ancien, dans sa version applicable au litige:

'Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.

L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

Les sommes versées par les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés.'

Le liquidateur judiciaire émet contre M. [H], qui était dirigeant de la société [9], les griefs suivants:

- des irrégularités comptables ainsi que l'absence de tenue d'une comptabilité,

- un suivi hasardeux de la société, confinant à la faute de gestion par désintérêt manifeste

- la poursuite d'une exploitation déficitaire en 2017 et 2018,

- un défaut de collaboration avec les organes de la procédure collective.

L'absence de tenue de comptabilité ne concerne que l'année 2019, le liquidateur judiciaire ne contestant pas avoir en sa possession les états comptables arrêtés jusqu'au 30 septembre 2018.

Il cite aussi page 14 de ses conclusions des comptes établis pour les derniers mois de l'année 2018.

Les pièces versées aux débats par M. [H] faisant état de conventions signées avec le cabinet [6] ne concernent pas la société [9] mais deux de ses filiales, les [8] et [10].

Est néanmoins produit un projet de bilan et de compte de résultat qui aurait été établi par le cabinet [6], nécessairement incomplet puisqu'il comporte le filigrane 'projet' et ne comporte aucune observation de son rédacteur.

Il n'est pas justifié que le cabinet comptable ait été payé, les justificatifs produits concernant des paiements faits au commissaire aux comptes pour régulariser des factures de 2016.

Pour autant, l'élaboration de ce projet ne permet pas de retenir l'absence de tenue de comptabilité, les données comptables ayant nécessairement été réunies et traitées pour y parvenir.

Le liquidateur judiciaire fait aussi état d'une dette de la société [9] envers la société [5], d'un montant de 125.686,16 euros, au motif qu'aucune mention de cette créance ne figure dans les comptes ayant été transmis.

L'examen de l'état des créances démontre que la société [5], détenue à 97,5% par la société [9], a donc déclaré au passif de son associé majoritaire une créance de 125.868,16 euros.

M. [H], qui pour le compte de la société [9] ne l'a pas contestée, déclare n'en avoir aucun souvenir.

Il est permis de supposer que la déclaration de créance était accompagnée des justificatifs d'usage.

Aucun renseignement ne figure à ce sujet dans les conclusions du liquidateur judiciaire et la cour ignore à quel titre cette déclaration a été faite et quel était l'objet de la créance déclarée.

La cour ne connaît même pas la date d'exigibilité de ladite créance et ne sait donc pas non plus sur quel état comptable elle aurait dû figurer.

Dès lors, il ne lui est pas permis d'apprécier dans quelle mesure la créance susvisée constituait une anomalie comptable, économique ou juridique susceptible d'avoir contribué à l'insuffisance d'actif de la société [9].

Le grief ne peut être retenu.

Ensuite, le fait de faire appel avec retard d'un jugement de condamnation au paiement de la somme de 3.514,29 euros ne peut être imputé à une inertie fautive, en raison de la réflexion nécessaire au rapport coût-avantage de la procédure d'appel compte tenu du faible montant du litige.

Au surplus, il est douteux que le passage en chose jugée du jugement ait pu contribuer significativement à une insuffisance d'actif que le liquidateur judiciaire évalue lui-même à plus de 900.000 euros.

S'agissant de la poursuite d'une exploitation déficitaire sur les années 2017 et 2018, il doit être rappelé que par jugement du 26 novembre 2018, le tribunal de commerce de Limoges a homologué le protocole de conciliation signé par la société [9] avec ses créanciers les 07 et 13 novembre 2018.

Par application des dispositions de l'article L631-8 du code de commerce, et sauf cas de fraude non invoqué en l'espèce, il ne peut donc être soutenu que la société [9] aurait été en cessation des paiements avant le 26 novembre 2018.

Une entreprise peut toutefois poursuivre une exploitation déficitaire sans être encore en cessation des paiements, s'y dirigeant alors inexorablement.

Toutefois, la conclusion d'un protocole de conciliation démontre que la poursuite de son exploitation n'apparaissait pas manifestement vouée à l'échec à ses créanciers puis au tribunal au mois de novembre 2018.

Elle ne peut se déduire de la seule existence de pertes importantes rappelées en deux lignes dans ses conclusions par le liquidateur judiciaire sans autre démonstration, ni même la production des états comptables dont sont extraits ces chiffres.

L'application des dispositions de l'article L651-2 du code de commerce exclut la simple négligence et nécessite une volonté certaine du dirigeant de l'entreprise de se soustraire à ses obligation de gestionnaire de la personne morale.

Cette démonstration n'est pas apportée et le grief ne peut être considéré comme fondé.

S'agissant de l'absence de collaboration avec le liquidateur judiciaire, seules des fautes de gestion antérieures à l'ouverture de la procédure collective peuvent être prises en compte pour engager la responsabilité pour insuffisance d'actif du dirigeant.

Le défaut de collaboration avec les organes de la procédure collective est nécessairement postérieur à l'ouverture de ladite procédure et le moyen n'est donc pas fondé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

La société [4] ès-qualités, qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

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PAR CES MOTIFS

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LA COUR

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré.

Déboute la société [4] prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [9], de ses prétentions contre M. [P] [H].

Condamne la société [4] prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [9] aux dépens de première instance et d'appel.

Rejette les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

Sophie MAILLANT. Olivia JEORGER-LE GAC.

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