Livv
Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 3 avril 2025, n° 24/04361

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/04361

3 avril 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

Chambre civile 1-5

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 03 AVRIL 2025

N° RG 24/04361 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WUFH

AFFAIRE :

SARL AKM

C/

S.C.I. YALTA PATRIMOINE

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 27 Mai 2024 par le Président du TJ de [Localité 12]

N° RG : 24/00062

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 03.04.2025

à :

Me Carine TARLET, avocat au barreau de VERSAILLES (590)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. AKM,

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentant : Me Carine TARLET de la SELEURL CABINET TARLET, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 590 - N° du dossier E0005XOF

Plaidant : Me Farida ABTROUN-MESSAOUDI, du bareau de [Localité 13]

APPELANTE

****************

S.C.I. YALTA PATRIMOINE

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 7]

(défaillante - déclaration d'appel signifiée à personne morale le 26 septembre 2024)

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Mars 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de président,

Madame Marina IGELMAN, Conseillère,

Monsieur Hervé HENRION, Conseiller chargé du secrétariat général,

Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 8 juin 2022 à effet au 5 juillet 2022, la société civile immobilière Yalta Patrimoine a donné à bail à la S.A.R.L. AKM un local commercial situé [Adresse 3], à [Localité 11].

Les exploitants de la société AKM se sont plaints de désordres affectant le bâtiment. Des travaux ont été effectués et la locataire a bénéficié d'une franchise de loyer de quatre mois.

Des loyers sont restés impayés.

La société Yalta Patrimoine a fait délivrer le 23 mai 2023 un commandement de payer les loyers visant la clause de résiliation de plein droit insérée au contrat de bail, pour paiement de la somme d'un montant de 46 586,04 euros au titre de l'arriéré locatif.

Par acte du 26 décembre 2023, la société Yalta Patrimoine a fait assigner en référé la société AKM devant le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins d'obtenir principalement le constat d'acquisition de la clause résolutoire, l'expulsion de la locataire et sa condamnation à lui verser à titre provisionnel l'arriéré locatif et une indemnité d'occupation.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 27 mai 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, et dès à présent, vu l'urgence :

- constaté l'acquisition de la clause de résiliation de plein droit au bénéfice de la bailleresse, à la date du 23 juin 2023,

- condamné la société AKM à quitter les lieux loués situés [Adresse 6],

- autorisé, à défaut pour la société AKM d'avoir volontairement libéré les lieux, qu'il soit procédé à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef avec si nécessaire le concours de la force publique,

- dit qu'en ce qui concerne le sort des meubles, il sera procédé selon les dispositions des articles

L. 433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

- fixé une indemnité d'occupation égale au montant du loyer, révisable selon les dispositions contractuelles, et de la provision sur charges, augmentée de la régularisation au titre des charges dûment justifiées,

- condamné la société AKM à payer à la société Yalta Patrimoine la somme de 105 254,83 euros à titre d'indemnité provisionnelle pour l'arriéré de loyers, charges locatives et indemnités d'occupation dus à la date du 13 décembre 2023, échéance du quatrième trimestre 2023 incluse,

- condamné la société AKM à payer à la société Yalta Patrimoine, à compter du 1er janvier 2024, l'indemnité d'occupation ci-dessus fixée, jusqu'à libération effective des lieux,

- condamné la société AKM à payer à la société Yalta Patrimoine une indemnité de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société AKM aux dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer,

- rappelé que l'ordonnance est exécutoire de plein droit par provision.

Par déclaration reçue au greffe le 8 juillet 2024, la société AKM a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions déposées le 24 septembre 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société AKM demande à la cour, au visa des articles 42, 54 et suivants, 114-2, 655 à 659, 754, 127, 112, 113, 700 du code de procédure civile :

'- la S.A.R.L. Yalta Patrimoine (sic) sollicite l'annulation ou l'infirmation de l'ordonnance de référé réputée contradictoire et en premier ressort rendue le 27 mai 2024 par le président du tribunal judiciaire de Nanterre (RG 24/00062), en ce qu'elle a :

- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, et dès à présent, vu l'urgence :

- constate l'acquisition de la clause de résiliation de plein droit au bénéfice de la bailleresse, à la date du 23 juin 2023 ;

- condamne la s.A.R.L. AKM à quitter les lieux loués situés [Adresse 6] ;

- autorise, à défaut pour la s.A.R.L. AKM d'avoir volontairement libéré les lieux, qu'il soit procédé à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef avec si nécessaire le concours de la force publique ;

- dit qu'en ce qui concerne le sort des meubles, il sera procédé selon les dispositions des articles L. 433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

- fixe une indemnité d'occupation égale au montant du loyer, révisable selon les dispositions contractuelles, et de la provision sur charges, augmentée de la régularisation au titre des charges dûment justifiées ;

- condamne la s.A.R.L. AKM à payer à la sci Yalta Patrimoine la somme de 105 254,83 euros à titre d'indemnité provisionnelle pour l'arriéré de loyers, charges locatives et indemnités d'occupation dus à la date du 13 décembre 2023, échéance du quatrième trimestre 2023 incluse ;

- condamne la s.A.R.L. AKM à payer à la sci Yalta Patrimoine, à compter du 1er janvier 2024, l'indemnité d'occupation ci-dessus fixée, jusqu'à libération effective des lieux ;

- condamne la s.A.R.L. AKM à payer à la sci Yalta Patrimoine une indemnité de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la s.A.R.L. AKM aux dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer ;

- rappelle que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit par provision.

il est demandé à la cour d'appel de Versailles,

- d'accueillir la société AKM en toutes ses demandes, fins et conclusions

- juger à nouveau

in limine litis

il échet de :

- prononcer la caducité de l'assignation délivrée le 24 avril 2024,

- prononcer la nullité de l'assignation,

- dire n'y avoir lieu à effet dévolutif,

- prononcer l'incompétence rationae loci du Juge des référés près le tribunal de Nanterre

- prononcer la nullité du commandement de payer à défaut,

- ordonner une nouvelle signification,

- renvoyer la partie intimée à mieux se pourvoir devant le juge du fond,

subsidiairement au fond

- juger à nouveau,

- infirmer en tous points l'ordonnance de référé rendue par Mme la juge des référés près le tribunal de commerce de Nanterre en date du 27 mai 2024 -non signifiée

- débouter la sci Yalta Patrimoine de sa demande de résiliation du bail commercial consenti le 5 juillet 2022,

- ordonner la reddition des comptes entre les parties,

- ordonner le paiement des loyers et charges selon un échéancier sur une période de 36 mois à défaut de 24 mois,

- condamner la sci Yalta Patrimoine au paiement de la somme de quatre mille (4 000,00) euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Maître Tarlet'

La société Yalta Patrimoine, à qui la déclaration d'appel a été signifiée, à personne, le 26 septembre 2024 et les conclusions ont été signifiées, à personne, le 26 septembre 2024, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 février 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

sur la caducité de l'assignation

En vertu des dispositions de l'article 754 du code de procédure civile, 'la juridiction est saisie, à la diligence de l'une ou l'autre partie, par la remise au greffe d'une copie de l'assignation.

Sous réserve que la date de l'audience soit communiquée plus de quinze jours à l'avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date.

La remise doit avoir lieu dans ce délai sous peine de caducité de l'assignation constatée d'office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d'une partie.

La société AKM indique que 'dans le cas où cette assignation aurait été placée moins de 15 jours avant [la date mentionnée à l'article 754 du code de procédure civile] il y aura lieu de prononcer la caducité de celle-ci'.

La société AKM ne versant aux débats aucun élément de nature à établir que l'assignation n'aurait pas été placée dans le délai requis et se contentant d'indiquer cette allégation au conditionnel, alors que l'ordonnance querellée rappelle les dispositions de l'article 472 du code de procédure civile et que le premier juge a donc vérifié que la demande était recevable, il n'y a pas lieu de prononcer la caducité de l'assignation.

Sur la nullité de l'assignation et de l'ordonnance

La société AKM indique que son siège social se trouve à [Localité 10] alors que tant le commandement de payer que l'assignation lui ont été délivrés à une adresse à [Localité 9] qui ne correspond plus à son siège social, le transfert ayant été réalisé le 8 juillet 2022.

Elle expose que le défaut de diligences du commissaire de justice lui fait grief dès lors qu'elle n'a pas pu constituer avocat ni exercer son droit à la défense.

Elle en déduit que l'ordonnance doit être annulée, tout comme le commandement de payer.

Sur ce,

Il résulte des articles 54, 55 et 56 du code de procédure civile que l'assignation est un acte de commissaire de justice qui doit contenir, à peine de nullité, les mentions prescrites pour les actes de cette nature.

L'article 648 énumère les mentions que doit comporter tout acte de commissaire de justice : si le requérant est une personne morale, il doit notamment indiquer « l'organe qui la représente légalement ».

L'article 693 du code de procédure civile dispose que 'ce qui est prescrit par les articles 654 à 659, 663 à 665-1, 672, 675, 678, 680, 683 à 684-1, 686, le premier alinéa de l'article 688 et les articles 689 à 692 est observé à peine de nullité', l'article 693 précisant que 'la nullité des notifications est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure'.

La nullité des actes de procédure est régie par les articles 112 et suivants du même code.

Ces dispositions distinguent les vices de forme des irrégularités de fond, qui obéissent à des régimes différents notamment qu'à l'exigence d'un grief pour celui qui l'invoque.

Selon l'article 114, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

Selon l'article 117, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte le défaut de capacité d'ester en justice, le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice et le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.

L'article 690 du code de procédure civile dispose que 'la notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement'.

Il ressort de l'ordonnance attaquée que la société AKM a été assignée le 26 décembre 2023 à l'adresse suivante : [Adresse 1] à [Localité 9].

Or, l'examen du Kbis de la société AKM fait apparaître que, depuis le 8 juillet 2022, son siège social est situé [Adresse 4]. Le procès-verbal de l'assemblée générale décidant du transfert du siège social d'Antony à Evry a été déposé au greffe du tribunal de commerce d'Evry le 27 juillet 2022.

Dès lors, la signification de l'assignation à une adresse qui ne correspond pas à celle du siège social est irrégulière.

La société AKM justifie bien d'un grief résultant de cette irrégularité : n'ayant pas comparu en première instance, la société AKM a en effet été privée du double degré de juridiction.

Aussi convient-il de déclarer nul l'acte introductif d'instance qu'est en l'occurrence l'assignation du 26 décembre 2023.

Partant, l'appel ne peut opérer aucun effet dévolutif.

Il n'y a pas lieu en conséquence d'examiner la demande relative à la nullité du commandement de payer du fait de l'absence de saisine de la juridiction résultant de la nullité de l'assigantion introductive d'instance.

Sur les demandes accessoires

Partie perdante, la société Yalta Patrimoine devra en outre supporter les dépens de première instance et d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société AKM la charge des frais irrépétibles exposés. La société Yalta Patrimoine sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Annule l'acte introductif d'instance délivré à la requête de la société Yalta Patrimoine le 26 décembre 2023 ;

Annule en conséquence l'ordonnance entreprise, rendue le 27 mai 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre (RG 24/00062) ;

Condamne la société Yalta Patrimoine aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la société Yalta Patrimoine à verser à la société AKM la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseiller faisant fonction de président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site