CA Douai, ch. 2 sect. 2, 3 avril 2025, n° 23/00567
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 03/04/2025
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N° de MINUTE :
N° RG 23/00567 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UXUA
Jugement (N° 21012486) rendu le 05 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
APPELANTE
SAS TRIMAX DEVELOPPEMENT prise en la personne de son Président, Monsieur [P] [Z], domicilié audit siège en cette qualité
ayant son siège [Adresse 1]
Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Mes Emmanuel Drai et Vanessa Ruffa, avocats plaidants substitués par Me Jessica Lusardi, avocats au barreau de Paris
INTIMÉE
SARL BORGGREFE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège [Adresse 2]
Représentée par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Frédéric Cavedon, avocat au barreau de Bordeaux, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 14 janvier 2025 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphanie Barbot, présidente de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Pauline Mimiague, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 avril 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 17 décembre 2024
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FAITS ET PROCEDURE
La société Trimax développement, anciennement la Société de Participations et de Placements (la société Trimax) a souhaité créer, en qualité de maître d'ouvrage, une zone commerciale et d'activité sur les communes de [Localité 5] et [Localité 3], sur une emprise d'environ 20 hectares.
Ladite société bénéficiait d`un titre l'autorisant à déposer l'ensemble des autorisations administratives nécessaires à la création de la zone et à négocier la commercialisation de sa zone d'une capacité externe d'environ 60 000 m² de Shon.
Les sociétés Borggrefe et Socaprim développaient, quant à elles, une opération commerciale sur la commune de [Localité 3] d'environ 55 000 m² de Shon.
Les parties se sont rapprochées, un premier protocole dédié au programme Triel Park sud ayant été régularisé le 12 avril 2006 avec notamment les trois sociétés précitées comme signataires (Protocole Triel).
Le 24 juillet 2006, un second protocole d'accord a été régularisé entre d'une part, la société Trimax, d'autre part, les sociétés Borggrefe et Socaprim en vue de réaliser l'opération [Localité 5] (Protocole [Localité 5]).
Aucune des deux opérations n'a abouti.
Le 24 février 2021, la société Borggrefe adressé à la société Trimax une facture de 500 000 euros HT, soit 600 000 euros TTC, au titre de ses honoraires dans le cadre du protocole [Localité 5].
Une mise en demeure a été adressée le 23 mars 2021 à laquelle la société Trimax n'a pas donné suite.
Par acte du 7 juillet 2021, la société Borggrefe a assigné la société Trimax en paiement.
Par jugement du 5 janvier 2023, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :
- dit que les autorisations administratives prévues au protocole du 24 juillet 2006 ont été obtenues et sont devenues définitives ;
- condamné la société Trimax à payer à la société Borggrefe :
- la somme de 600 000 euros TTC en principal ;
- avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure, soit le 2 avril 2021 ;
- la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- la somme de 1 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société Trimax de toutes ses demandes ;
- condamné la société Trimax aux entiers dépens ;
Par déclaration du 3 février 2023, la société Trimax a interjeté appel de la décision précitée.
PRETENTIONS
Par conclusions signifiées par voie électronique le 4 décembre 2024, la société Trimax demande à la cour, au visa de l'article 6§1 de la CEDH, des articles 9, 12, 16, 31, 32, 122, 455, 458, 446-1 du code de procédure civile, des articles 2224 du code civil et L .110-4 du code de commerce, des articles 1131 et 1315 ancien du code civil, de :
- la recevoir en toutes ses demandes et les déclarer bien fondées ;
- annuler le jugement rendu le 5 janvier 2023 et statuer sur l'intégralité du litige en vertu de l'effet dévolutif ;
- à défaut, infirmer le jugement
Et, statuant à nouveau :
A titre principal,
- dire irrecevables les demandes de la société Borggrefe ;
- dire irrecevable, en raison de l'acquisition de la prescription extinctive, la demande de paiement de la somme de 600 000 euros de la société Borggrefe ;
A titre subsidiaire,
- dire irrecevable, en raison de l'acquisition de la prescription extinctive, la demande de paiement de la somme de 250 000 euros de la société Borggrefe ;
- ordonner sa mise hors de cause ;
- juger infondée, injustifiée et non causée ou, le cas échéant, caduque la demande en paiement de la somme de 600 000 euros de la société Borggrefe ;
- débouter la société Borggrefe de toutes ses demandes ;
A titre reconventionnel,
- condamner la société Borggrefe à lui verser la somme de 5 922 945 euros HT ;
- Subsidiairement, vu les articles 232 et suivants du code de procédure civile ;
- ordonner une expertise judiciaire aux fins d'évaluation de son préjudice « auquel la société Borggrefe doit contribuer » ;
- désigner à cette fin tel expert dans les domaines comptable et financier qu'il plaira au « tribunal » avec la mission qu'il lui plaira et fixer sa provision.
En tout état de cause,
- condamner la société Borggrefe à lui verser, la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 13 décembre 2024, la société Borggrefe demande à la cour, au visa des articles 9 et suivants, 564 et suivants, 910-4, devenu 915-2, du code de procédure civile ; des articles 1134 et suivants (devenus 1103 et suivants) du code de civil, de :
- la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes,
- Y faire droit ;
En conséquence,
* A titre principal,
- débouter la société Trimax de l'ensemble de ses demandes, visant à l'annulation du jugement
- déclarer la société Trimax irrecevable en sa demande d'infirmation du jugement rendu le 5 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole, ainsi qu'en sa demande reconventionnelle, en ce compris celle visant à voir ordonner une mesure d'expertise et désigner tel expert qu'il plaira à la cour ;
* Subsidiairement, débouter la société Trimax de l'ensemble de ses demandes visant à l'infirmation du jugement, ainsi qu'en sa demande reconventionnelle, en ce compris celle visant à voir ordonner une mesure d'expertise et désigner tel expert qu'il plaira à la cour ;
- déclarer la société Trimax irrecevable en sa demande visant à dire irrecevable en raison de l'acquisition de la prescription extinctive, la demande de paiement de la somme de 250 000 ' de la société Borggrefe ; et, à titre subsidiaire, débouter la société Trimax de l'ensemble de ses demandes,
- « confirmer le jugement rendu le 5 janvier 2023 en ce qu'il : »
- à titre subsidiaire, dans le cas où , par extraordinaire, la cour entendrait faire droit à la demande d'annulation du jugement déféré,
- déclarer la société Trimax irrecevable en sa demande d'infirmation du jugement rendu le 5 janvier 2023, ainsi qu'en sa demande reconventionnelle ; et, à titre subsidiaire, débouter la société Trimax de l'ensemble de ses demandes visant à l'infirmation du jugement, ainsi qu'en sa demande reconventionnelle, et en conséquence,
Statuant à nouveau,
- condamner la société Trimax à lui payer la somme TTC de 600 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 avril 2021, date de réception de la mise en demeure de paiement ;
- condamner la société Trimax à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
* En tout état de cause,
- débouter la société Trimax de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, que celles-ci soient formées à titre principal, subsidiaire ou encore reconventionnel ;
- condamner la société Trimax à lui payer la somme de 15 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Trimax aux entiers dépens de l'instance.
MOTIVATION
A titre liminaire, la cour observe que la société SCCV des deux Rives, qui avait déposé des conclusions d'intervention volontaire devant les premiers juges, le 9 septembre 2021, n'a ni relevé directement appel de la décision, ni été intimée ou appelée à l'instance aux côtés de l'appelant par la société Trimax, pas plus qu'elle n'a été mise en cause, dans le cadre d'un appel incident ou provoqué, par la société Borggrefe.
I ' Sur la demande d'annulation du jugement
La société Trimax conclut à la nullité du jugement pour défaut de motivation et violation du principe du contradictoire, soulignant que le jugement entrepris prononce de lourdes condamnations à son encontre, en faisant l'économie d'une quelconque motivation pour les justifier.
Il n'est ainsi pas apporté de réponse à sa demande de mise hors de cause, la société SCCV des deux Rives l'ayant substituée dans la réalisation du programme. Il n'est pas statué sur les demandes de la SCCV des deux Rives.
Les demandes « rejetées » comme émanant des écritures écartées par le tribunal ont été soutenues oralement et n'ont pas obtenu de réponse. Le tribunal n'a ainsi pas motivé sa décision.
La société Borggrefe s'oppose à la demande de nullité du jugement, soutenant qu'il est motivé.
Elle souligne que :
- seule la question du rejet ou non des conclusions d'intervention volontaire de la SCI Barcelone et des conclusions récapitulatives n° 2 des sociétés Trimax, SCCV des deux rives et SCI Barcelone a été discutée à la barre, le conseil de ces trois sociétés n'ayant même pas indiqué au tribunal qu'il s'en remettait à ses écritures, en ce compris celles communiquées pour l'audience du 12 janvier 2022 (Pièce 23) ;
- il est établi qu'à l'audience du 17 novembre 2022, le conseil de la SAS Trimax n'a développé aucun argument de fond et n'a même pas indiqué s'en remettre à ses écritures ou à celle du conseil auquel il a succédé, et ce après que le président d'audience a indiqué rejeter ses conclusions ;
- en l'absence d'observations orales de la société Trimax sur le fond de l'affaire, les premiers juges auraient dû considérer que cette dernière n'avait pas soutenu ses prétentions au fond.
Elle conteste qu'il n'ait pas été répondu aux demandes de mise hors de cause, de prescription ou même du caractère indu de la facture, dans la mesure où les premiers juges ont retenu qu'elle détenait sur la société Trimax une créance certaine, liquide et exigible, et partant que la demande de mise hors de cause ou encore le caractère prescrit ou indu de la créance étaient mal fondés et que la société Trimax était déboutée de ses demandes comme indiqué dans le dispositif du jugement.
Elle estime que c'est à tort que la société Trimax invoque un défaut de motivation quant à l'intervention de la société SCCV des deux rives, étant rappelé de surcroît que, nul ne plaidant par procureur, la société Trimax est irrecevable à invoquer un tel moyen. Le même raisonnement est d'ailleurs transposable en ce qui concerne l'intervention et les demandes formulées par la SCI Barcelone. Compte tenu du rejet des conclusions d'intervention volontaire notifiées le 16 novembre 2021 en raison de leur communication extrêmement tardive, soit la veille de l'audience des plaidoiries, le tribunal n'avait pas à répondre aux prétentions formulées par cette dernière.
Elle souligne que :
- il ne peut échapper à la cour, à la lumière des termes des motifs du jugement attaqué, que, précisément, les premiers juges n'ont pas manqué d'inviter le nouveau conseil de la société Trimax à « de faire part de ses observations orales », et que ce n'est qu'au « vu de l'absence d'observation de sa part » que les premiers juges ont « décidé de se référer aux conclusions du demandeur, de s'inspirer des conclusions du précédent conseil et de traiter l'affaire comme s'il s'agissait d'un dépôt de dossier » ;
- c'est de manière fallacieuse que la société Trimax prétend que ses observations orales n'auraient pas été retranscrites ;
- en toute hypothèse, elle ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait fait valoir quelque observation que ce soit et pour cause, la preuve contraire étant rapportée aux termes mêmes du jugement déféré ;
- l'erreur d'interprétation de ses propres écritures, à elle, société Borggrefe, par le délégué du premier président de la cour d'appel, aux termes de l'ordonnance de référé du 13 avril 2023, n'est en aucune manière un quelconque aveu qu'il en aurait été autrement.
Réponse de la cour
Aux termes des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.
Il énonce la décision sous forme de dispositif.
L'article 860-1 du code de procédure civile rappelle expressément que la procédure devant le tribunal de commerce est orale, sous réserve de certaines adaptations, rendant ainsi applicables les règles générales relatives à la procédure orale, et plus particulièrement les articles 446-1 et 446-2 du même code, introduites par le décret n° 2010-1165 (dispositions propres à la procédure orale : articles 446-1 à 446-4 du CPC).
Ce décret a maintenu la primauté de l'oralité des débats tout en introduisant la possibilité de basculer vers l'écrit, instaurant ainsi une procédure hybride.
L'article 446-1 de ce même code dispose que les parties présentent oralement à l'audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien. Elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu'elles auraient formulés par écrit. Les observations des parties sont notées sur le dossier ou consignées dans un procès-verbal.
L'alinéa 2 de ce texte prévoit une possibilité de dispense de comparution pour les parties et de présentation par écrit des demandes dans ce cas, une fois la partie dûment autorisée à ne pas se présenter à l'audience.
L'article 446-2 envisage quant à lui la possibilité d'organiser les échanges entre les parties et de mâtiner alors la procédure orale de règles relatives à la procédure écrite, notamment leurs présentations par écrit des prétentions et le recours à des écritures récapitulatives.
Ainsi, pour les litiges jugés selon la procédure orale 'classique' , c'est-à-dire celle qui accorde un effet déterminant à la présence physique des parties à l'audience des débats, la Cour de cassation rappelle de manière constante que le juge ne peut pas déclarer irrecevables ou écarter des débats les conclusions de celui qui, en les soutenant le jour de l'audience, n'en a pas communiqué le contenu antérieurement à son adversaire, le privant ainsi de la possibilité d'anticiper une éventuelle réaction, la situation ne pouvant se résoudre que par le renvoi de l'affaire; s'il y a méconnaissance du principe de la contradiction (2e Civ., 19 mars 2015, pourvoi n° 14-15.740, publié).
Pour les litiges jugés selon la procédure orale 'moderne', c'est-à-dire ceux pour lesquels les parties, selon le principe posé par l'alinéa 2 de l'article 446-1 du code de procédure civile, ont été autorisées par le juge à formuler leurs prétentions et moyens par écrit en contrepartie de leur dispense de présentation à l'audience des débats, les textes n'ont prévu pas le sort des écritures et des pièces communiquées au dernier moment.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 31 janvier 2019 (pourvoi n°18-12.021), a énoncé que le juge n'est tenu de renvoyer à une prochaine audience que dans l'hypothèse où il n'a pas écarté moyens et pièces des débats comme ayant été remis hors délai et dans des conditions portant atteinte aux droits de la défense.
Enfin, il convient de rappeler que les mentions du jugement valent jusqu'à inscription de faux.
En premier lieu, il convient de noter qu'il ne ressort ni des mentions du jugement entrepris ni d'aucune autre pièce versée aux débats que la présente procédure aurait fait l'objet, devant les premiers juges, d'une dispense de comparution des parties.
Il ressort des pièces produites par les parties, tels que les courriers adressés au tribunal de commerce, et également de précisions apportées par la société Borggrefe dans ses écritures, et qui ne sont ni critiquées ni même commentées par la société Trimax sur ce point, que la procédure de première instance a fait l'objet d'une organisation des débats, soumettant la procédure orale aux règles s'inspirant de la mise en état écrite, en application plus particulièrement de l'article 446-2 du code de procédure civile.
Cela est corroboré par les termes du jugement, suivant lequel « le tribunal a décidé de se référer aux conclusions du demandeur, de s'inspirer des conclusions du précédent conseil et de traiter l'affaire comme s'il s'agissait d'un dépôt de dossier », dont il résulte qu'il n'était envisagé aucune dispense de comparution des parties, mais une soumission aux dispositions de l'article 446-2 précité, en dépit de l'usage maladroit du terme « s'inspirer ».
Dès lors, la procédure de première instance était en l'espèce une procédure orale « moderne ».
En deuxième lieu, les premiers juges, dans leur jugement, ont pris le soin, d'une part, de relater les différents renvois accordés et la cause de ces renvois, d'autre part, de décrire l'incident de communication d'écritures et de pièces intervenu à l'audience de plaidoirie du 17 novembre 2022.
Il ressort des mentions du jugement, qui valent jusqu'à inscription de faux - procédure qui n'a été mise en 'uvre par aucune des parties, au jour où la cour statue -, que la société Borggrefe a sollicité le rejet des écritures n° 2 de la société Trimax, demande qui a été accueillie par le tribunal, comme en atteste la mention du jugement en page 5/6, juste avant la partie « Moyen des parties », ou encore la mention en page 6/7 suivant laquelle « après discussion avec les parties, le tribunal n'a pas reporté l'audience. »
Après cette dernière mention, figure la précision suivante selon laquelle « il [le tribunal] a aussi proposé au nouveau conseil de la société Trimax de faire part de ses observations orales en dehors du rejet prononcé », les premiers juges précisant que « vu l'absence d'observation de sa part, le tribunal a décidé de se référer aux conclusions. »
Il se déduit de ces mentions, qui valent jusqu'à inscription de faux, que contrairement à ce qu'affirme la société Trimax, cette dernière s'est uniquement expliquée oralement sur la demande de renvoi, et n'a pas présenté d'observations sur le fond pour soutenir oralement ses dernières écritures, pas plus que les écritures précédentes d'ailleurs.
C'est à tort que la société Trimax s'empare de la mention figurant en page 5/7 « entendu les parties à la barre », pour la rapprocher de celles précitées relatives à l'absence d'observations notées en page 6/7, et en déduire qu'il existerait une contradiction entre les deux mentions.
Les deux mentions se réfèrent à deux temps distincts de l'audience, tels que cela résulte des termes du jugement mentionnant un premier temps où les parties ont été entendues par le tribunal sur la question procédurale et un second temps, consacré au fond du dossier, après rejet de la demande de renvoi, pendant lequel le tribunal n'a pas obtenu de la société Trimax qu'elle présente oralement ses écritures.
Ainsi, la société Trimax ne peut faire reproche aux premiers juges de ne pas avoir répondu aux demandes contenues dans ses écritures n°2, en affirmant avoir soutenues oralement les prétentions sur le fond pour elle-même comme au titre de l'intervention de la société SCCV les deux rives à l'audience.
En troisième lieu, il a été précédemment exposé que la procédure, orale, avait en l'espèce fait l'objet d'un aménagement et se trouvait dès lors être une procédure orale « moderne. »
Or, dans le cadre d'une telle procédure, lorsque le juge constate un non-respect du principe de la contradiction, notamment en raison d'une communication tardive des dernières écritures, il peut écarter les écritures litigieuses et ne doit prévoir un renvoi que s'il envisage d'en tenir compte, pour permettre des échanges loyaux entre les parties.
Il s'ensuit que les premiers juges pouvaient à bon droit, nul ne contestant que le délai imparti pour les échanges n'ait pas été respecté, prononcer le rejet des écritures récapitulatives n° 2 et devaient juger la présente affaire en se référant aux écritures précédentes, qui avaient été régulièrement déposées et dont ils demeuraient saisis, compte tenu de la comparution à l'audience de la société Borggrefe et également de la société SCCV les deux Rives.
C'est d'ailleurs ce qu'ils ont justement effectué en [s'inspirant] des conclusions du précédent conseil et de trait[ant] l'affaire comme s'il s'agissait d'un dépôt de dossier ».
Ainsi, la demande de la société Trimax tendant à l'annulation de la décision dont appel pour non-respect du principe de la contradiction ne peut qu'être rejetée.
Par contre, en dernier lieu, le tribunal devait prendre en compte les écritures déposées antérieurement à l'audience du 17 novembre 2022 par la société Trimax.
Or, il ressort des pièces versées aux débats, et plus particulièrement des écritures de la société Trimax, intitulée « conclusions récapitulatives n°1 » pour l'audience de mise en état du 13 janvier 2022, signifiées le 12 janvier 2022 (pièce 23 de la société Borggrefe) que ces dernières contenaient outre des demandes relatives à l'intervention volontaire de la société SCCV des deux Rives, deux fins de non-recevoir, l'une tirée d'une absence de droit d'agir contre la société Trimax, l'autre tirée de la prescription de la demande formée par la société Borggrefe tant à l'égard de la société Trimax que de la société SCCV, auxquelles les premiers juges n'ont pas répondu, puis enfin une demande de condamnation de la société Borggrefe à verser la somme de 1 000 000 euros.
Le seul fait qu'un chef général déboutant la société Trimax de toutes ses demandes figure dans le dispositif du jugement entrepris ne peut valoir rejet de ces prétentions, dès lors qu'aucun motif ne leur est consacré dans le corps de la décision.
Il doit en outre être observé que le jugement ne comporte aucun développement ni aucun chef de dispositif relatif aux prétentions de la société SCCV des deux Rives, dont l'intervention volontaire n'a été ni accueillie ni déclarée irrecevable.
En conséquence, faute de motivation par les premiers juges sur l'ensemble des demandes dont ils étaient valablement saisis, la décision entreprise ne peut qu'être annulée.
Quel que soit le cas, il convient de rappeler cependant, que le motif d'annulation de la décision querellée ne portant pas sur l'acte introductif d'instance, la cour demeure saisie de l'entier litige, compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel.
II - Sur les fins de non-recevoir opposées par la société Borggrefe à la société Trimax
1) Sur l'irrecevabilité invoquée au titre des demandes nouvelles
La société Borggrefe prétend qu'en l'absence d'observations orales de la société Trimax sur le fond de l'affaire, les premiers juges auraient dû considérer que cette dernière n'avait pas soutenu ses prétentions au fond, de sorte qu'elle est désormais irrecevable à solliciter l'infirmation du jugement déféré sur la base de ce que la cour qualifiera de demandes nouvelles faute d'avoir été soutenues en première instance.
La société Trimax, au détour de ses explication sur sa demande reconventionnelle, estime que « ce préjudice direct et certain de Trimax s'élève à la somme de 5 922 945 euros HT entre 2005 et 2017. Les dépenses exposées dans le cadre du projet [Localité 5] ne sont ni discutées ni contestées par Borggrefe qui sollicitait une indemnisation à titre reconventionnel dès la première instance et n'est donc en aucun cas prescrite ni irrecevable à présenter cette demande en appel, contrairement à ce que soutient Borggrefe ». Elle demande, si la cour devait se considérer insuffisamment informée sur le quantum du préjudice à réparer, de désigner tout expert pour se faire.
Réponse de la cour
Les dispositions de articles 564 et suivants du code de procédure civile, interdisent les nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, sous réserve de certaines exceptions, telles notamment les demandes tendant aux mêmes fins, ou qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément des demandes présentées.
Au préalable, il doit être observé qu'aucune renonciation expresse de la société Trimax aux demandes contenues dans les écritures, indûment écartées, n'a été constatée au vu des mentions du jugement entrepris, les échanges à l'audience ayant été limités à la question procédurale du renvoi.
De la présentation redondante et imprécise des développements et du dispositif des écritures de la société Borggrefe, la cour déduit du visa, figurant au dispositif des écritures, et de la précision suivant laquelle elle estime la société Trimax « désormais irrecevable à solliciter l'infirmation du jugement déféré sur la base de ce que la cour qualifiera de demandes nouvelles faute d'avoir été soutenues à la barre en première instance » que cette dernière oppose aux demandes de la société Trimax une fin de non-recevoir tirée de la nouveauté, visant à écarter les demandes liées à l'infirmation du jugement.
Cette fin de non-recevoir n'a donc pas vocation à s'appliquer en l'espèce, la cour n'ayant pas infirmé mais annulé la décision entreprise. Il n'y a donc pas lieu d'y répondre.
De manière tout à fait surabondante, il sera néanmoins observé, d'une part, que les conclusions antérieures à celles écartées par le tribunal, et dont il demeurait saisi, comportaient d'ores et déjà des développements relatifs à la prescription, au caractère indu des sommes réclamées par la société Borggrefe, d'autre part, que l'invocation d'une nouvelle fin de non-recevoir, tirée du défaut de droit d'agir de la société Borggrefe n'est pas susceptible de se voir opposer utilement les dispositions des articles 564 et suivants du code de procédure civile.
Ce moyen est donc infondé.
Concernant la demande reconventionnelle en réparation, formée à hauteur de 1 000 000 euros, contenue dans les conclusions dont était saisi le tribunal, cette dernière visait à obtenir réparation du préjudice subi né des décaissements effectués par la société Trimax dans le cadre du projet de centre commercial de Triel park Sud, prévu par un protocole du 12 avril 2006.
La demande formée devant la présente cour en indemnisation à hauteur de 5 922 945 euros, ou de désignation en tant que de besoin d'une expertise pour déterminer le quantum du préjudice, qui concerne la réparation du préjudice qu'aurait subi la société Trimax en raison de l'échec du protocole du 24 juillet 2006 ou en remboursement des sommes investis dans le cadre de l'opération [Localité 5], est donc bien distincte de celle présentée en première instance.
Cependant, cette demande, qui revêt un caractère reconventionnel comme émanant du défendeur en première instance et se rattachant aux prétentions originaires par un lien suffisant, échappe à l'irrecevabilité des demandes nouvelles fondées sur l'article 564, et ce en application de l'article 567 du code de procédure civile.
Au surplus, à supposer que la société Borggrefe oppose comme cause d'irrecevabilité à cette demande l'article 910-4 du code de procédure civile, ce qui ne ressort pas clairement du dispositif de ses écritures, en dépit des allusions faites dans les motifs de ses écritures, il doit être constaté que cette demande apparaissait dès les premières conclusions d'appelant.
Aucune irrecevabilité sur le fondement des dispositions des articles 564 et suivants du code de procédure civile ne saurait être prononcée.
2) Sur la violation de l'article 910-4 du code de procédure civile
La société Borggrefe soutient que la société Trimax est irrecevable en sa demande de remboursement de la somme de 250.0000 euros HT s'agissant d'une prétention nouvelle en ce qu'elle n'a jamais été soumise aux premiers juges, mais encore que cette demande n'a pas été présentée dans son premier jeu de conclusions d'appelant alors qu'aucun fait nouveau n'est survenu ou n'a été révélé postérieurement à ces premières conclusions et qu'elle ne vise pas à répliquer à ses conclusions et pièces, à elle, société Borggrefe.
La société Trimax est taisante sur ce point.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, il ne peut qu'être relevé que la société Trimax, en cause d'appel, aux termes du dispositif de ces dernières écritures, qui seul saisit la cour, en application de l'article 954 du code de procédure civile, ne formule pas de demande de condamnation de la société Borggrefe à hauteur de 250 000 euros.
Ainsi, les développements et la fin de non-recevoir opposées par la société Borggrefe à cette demande, qui n'est pas présentée, sont sans objet.
III- sSur les demandes en paiement de la société Borggrefe
1) Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir de la société Borggrefe
La société Trimax souligne que la société Borggrefe ne justifie pas de son intérêt à agir au nom du groupement et agit seule sans justifier d'un mandat de la société Socaprim, nul ne pouvant plaider par procureur.
La société Borggrefe fait valoir que :
- la facture établie par ses soins, est effectuée en application de l'article 3 in fine et représente 50 % des honoraires, ce qui ne peut souffrir d'aucune critique ;
- la société Socaprim et elle-même ne pouvaient établir de facture au nom du « Groupement », lequel constitue seulement la dénomination collective des deux sociétés pour les seuls besoins de la rédaction du protocole, sans que cela confère de quelque manière que ce soit une quelconque personnalité juridique audit « Groupement » ;
- sa qualité à agir pour en recouvrer le paiement ne peut être contestée, celle-ci n'ayant nullement à justifier d'un quelconque mandat de la société Socaprim comme le soutient la société Trimax.
Réponse de la cour
En vertu des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Les stipulations du protocole du 24 juillet 2006 prévoit, concernant les honoraires du groupement, qu'ils « sont fixés d'une manière forfaitaire à un millions d'euros hors taxes [']. Ces honoraires seront payables au fur et à mesure ['] sur présentation de deux factures représentant à chaque fois 50 % des honoraires dus, par chacun des membres du groupement » (article 3).
Si ce protocole se réfère pour désigner la société Socaprim et la société Borggrefe à la dénomination de « groupement », il n'en demeure pas moins que ce groupement ne constitue nullement une entité autonome, disposant d'une personnalité morale distincte. Il n'est d'ailleurs pas immatriculé.
Par ailleurs, il ne ressort d'aucune stipulation, et encore moins de l'article 3 de ce protocole, que l'action en vue du recouvrement des sommes dues à chacun des membres du groupement devait faire l'objet d'une action commune, voire d'une justification par l'un des membres du groupement du mandat donné par l'autre, dès lors que ce membre ne sollicite que sa quote-part.
Or, en l'espèce, il ressort expressément des écritures de la société Borggrefe que, conformément au protocole, cette dernière ne sollicite que le paiement de ses droits et parts dans les honoraires qui seraient dus en raison de l'opération projetée, soit 50 % du montant prévu forfaitairement ci-dessus, à savoir 500 000 euros HT, soit 600 000 euros TTC.
Ainsi, la fin de non-recevoir opposée par la société Trimax à la demande de la société Borggrefe est infondée et doit être rejetée.
2) Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
La société Trimax plaide que :
- l'assignation de la société Borggrefe en réclamation du paiement de la facture du 30 novembre 2012 date du 7 juillet 2021, soit 8,5 ans après l'émission de la facture litigieuse, l'action en paiement se trouvant donc prescrite depuis le 30 novembre 2017 ;
- aucun avoir n'a été émis sur la facture du 30 novembre 2012 et l'émission d'un avoir ne remet pas en cause la date de la naissance de l'obligation de paiement de la commission alléguée au titre de l'obtention de l'autorisation nécessaire ;
- « cette prescription vient en réalité corroborer le fait que les honoraires dont la société Borggrefe se prétend créancière sont indus » ;
- en tout état de cause, l'avoir sur la facture émise par la société Borggrefe a été accepté, car cette dernière avait reconnu que ses honoraires n'étaient exigibles qu'en cas de succès de l'opération, opération qui devait être considérée dans sa globalité et qui ne pouvait être menée à bien, l'opération de [Localité 3] n'étant plus possible depuis 2011 ;
- à titre subsidiaire, à supposer que l'on suive le raisonnement de la société Borggrefe en considérant que le versement des honoraires aurait été payable au fur et à mesure de l'obtention des autorisations administratives devenues définitives, la décision du Conseil d'Etat ayant été rendue le 13 février 2012, la société Borggrefe disposait d'un délai de 5 ans pour agir en paiement, soit jusqu'en 2017, ce qui rend son action à tout le moins partiellement prescrite.
La société Borggrefe conteste toute prescription de sa demande en paiement, aux motifs que :
- cette demande est fondée sur la facture du 24 février 2021, et non celle de 2012 qui a fait l'objet d'un avoir, et l'action en paiement a été formée suivant exploit du 7 juillet 2021, soit 5 mois après ;
- la société Trimax ne peut utilement lui opposer la facture de 2012, puisqu'elle a fait l'objet d'un avoir, qui visant à prendre acte du recours devant les juridictions administratives et donc du caractère non encore exigible de la créance à cette date ;
- il ne saurait être déduit de cet avoir, qu'elle, société Borggrefe, aurait « reconnu que ses honoraires n'étaient exigibles qu'en cas de succès de l'opération » de [Localité 5] ;
- l'argument selon laquelle l'opération s'entendait en sa globalité et qu'il fallait tenir compte du programme Triel, qui avait été enterré, ne repose sur aucun élément, la société Trimax ajoutant aux modalités de déclenchement des honoraires des conditions qui n'ont pas été contractuellement convenues ;
- elle n'avait aucune obligation de solliciter le paiement au fur et à mesure de l'obtention des autorisations administratives devenues définitives, cette faculté n'étant en rien une obligation contractuelle prévue dans ladite convention, le terme « payable » signifiant simplement qu'une facture pouvait être émise et que la société Trimax s'engageait à la payer dans la mesure où cette facture était exigible ;
- elle n'a pas usé de cette faculté et a préféré éditer une facture du montant global des honoraires dus dès lors que les deux autorisations administratives étaient devenues définitives.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
L'article L. 110-4 du code de commerce étant muet sur le point de départ de la prescription en matière commerciale, il y a lieu d'appliquer les dispositions de l'article 2224 précité.
Par principe, le délai commence à s'écouler lorsque le titulaire du droit a effectivement connu les faits permettant de l'exercer, mais il peut, par exception, courir avant s'il est établi que le titulaire aurait dû les connaître, la prescription courant alors à compter de la connaissance effective ou de l'ignorance blâmable de ce que l'on pourrait appeler les « faits pertinents ».
En l'espèce, les stipulations du protocole du 26 juillet 2006 prévoient, en leur article 3, que :
« 1- les honoraires du groupement sont fixés d'une manière forfaitaire à un million d'euros hors taxes, pour la réalisation du programme prévu à l'article 1, ou jusqu'à la réalisation du programme allant jusqu'à 20 500 m² de surface de vente.
2- ces honoraires seront payables au fur et à mesure de l'obtention des autorisations administratives (CDEC [Commission Départementale d'Equipement Commercial] ou CNEC [Commission Nationale d'Equipement Commercial] et permis de construire), définitives, purgées de tout recours au prorata de leur obtention, sur présentation de deux factures représentant à chaque fois 50 % des honoraires dus, par chacun des membres du groupement.
En cas de non-paiement dans le mois suivant la réception d'une facture émise par le groupement, cette dernière portera intérêt au taux de base de l'intérêt légal ».
En premier lieu, la société Borggrefe ne peut se retrancher derrière la date de la facture qu'elle a émise, le 24 février 2021, et donc unilatéralement choisie, pour estimer de facto non avenue toute critique de sa demande sur le plan de la prescription, aux motifs que son assignation a été délivrée moins de six mois après l'émission de cette facture.
En effet, seul compte pour déterminer le point de départ de la prescription de son action en paiement, non la date d'émission de la facture, laquelle se doit normalement d'être délivrée au plus proche de la fin de la prestation ou de l'exigibilité de la créance, comme le rappelle l'article L. 441-9 du code de commerce, mais la date à compter de laquelle le créancier a eu connaissance ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action en paiement, peu important la date à laquelle il décide ensuite d'établir la facture.
En deuxième lieu, les développements des parties sur le lien entre les deux protocoles, [Localité 5] et [Localité 3], ainsi que sur la question de savoir si les honoraires sont dus ou non en cas de non-réalisation du projet, sont sans emport sur la question du point de départ de la prescription, dès lors que le protocole prévoit expressément que « les honoraires seront payables au fur et à mesure de l'obtention des autorisations administratives » (souligné par la cour), sans attendre le terme, quel qu'il fût, de l'opération projetée.
En outre, il doit être observé, et ce contrairement à ce que prétend la société Trimax, que la clause précitée envisage de manière limitative les autorisations administratives devant être obtenues par les parties et ouvrant le droit à la perception des honoraires.
En effet, y sont expressément énumérés les décisions de la commission départementale ou nationale d'équipement commercial et le permis de construire, sans qu'il soit envisagé, soit par l'emploi d'un signe typographique tel que des points de suspension (') ou de la locution adverbiale « etc », soit encore par l'ajout, par exemple, d'un adverbe tel que « notamment », le fait que d'autres autorisations pouvaient être nécessaires et seraient susceptibles d'influer sur le droit à percevoir les honoraires.
En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la société Borggrefe, il ressort des stipulations ci-dessus que les honoraires étaient « exigibles au fur et à mesure de l'obtention des autorisations administratives » et ne lui permettaient de retarder sa demande, ou de former une demande en paiement global, que pour autant que cette demande soit effectuée dans les 5 ans de l'événement ayant donné naissance à cette partie de la créance.
En effet, le protocole fait expressément référence à une perception des honoraires à la suite de « l'obtention des autorisations administratives (CDEC ou CNEC et permis de construire), définitives, purgées de tout recours au prorata de leur obtention » (souligné par la cour).
Or, des pièces du dossier, on peut retenir que :
- la décision de la commission nationale d'aménagement commercial est intervenue le 15 juin 2011 et a fait l'objet de recours devant les juridictions administratives, qui ont été définitivement rejetés par décision du Conseil d'Etat du 13 février 2012 ;
- le permis de construire a fait l'objet, quant à lui, de recours qui ont donné lieu à une décision de la cour administrative d'appel de [Localité 6] du 4 mars 2020, un certificat de non-pourvoi ayant été délivré le 16 mars 2021.
Ainsi, il est démontré que les deux autorisations administratives visées, définitives et purgées de tout recours, étaient intervenues, pour l'une dès le 13 février 2012, pour l'autre le 4 mars 2020.
Néanmoins, les dates des décisions ci-dessus mentionnées ne sauraient être prises en compte comme point de départ de la prescription à l'égard de la société Borggrefe, cette dernière n'étant pas partie aux instances précitées, ce qui doit conduire à rechercher la date à laquelle elle a pu avoir connaissance de ces deux faits ou aurait dû en avoir connaissance.
Or, concernant la première des autorisations administratives citées, il ressort des pièces du dossier que la société Borggrefe a émis une facture partielle d'honoraires le 30 novembre 2012, prenant en compte ce fait, comme cela résulte clairement de son courrier d'envoi du 4 décembre 2012, lequel précise « ma cliente a facturé la moitié des honoraires lui revenant dans la mesure où vous avez obtenu une décision définitive de la commission nationale d'aménagement commercial. »
Il est ainsi établi qu'au plus tard le 4 décembre 2012, la société Borggreffe avait connaissance du fait lui permettant d'exercer son action en paiement.
Le seul fait qu'après échanges avec la société Trimax sur le bien-fondé de cette facture, la société Borggrefe ait établi une facture d'avoir de ce montant, le 4 février 2013, et se soit méprise sur l'exigibilité de cette créance, à supposer que ce soit ce motif qui ait justifié l'émission d'un avoir, ce qui n'est aucunement établi, n'est pas de nature à retarder le point de départ de la prescription encourue.
En engageant, par assignation du 7 juillet 2021, son action en paiement au titre des honoraires partiellement dus à raison de cette autorisation définitive, fait dont elle a eu connaissance au plus tard le 4 décembre 2012, la société Borggrefe se heurte à la prescription quinquennale.
Son action en paiement est ainsi partiellement prescrite à hauteur de 250 000 euros, compte tenu des termes de la clause précitée, fixant les honoraires au prorata, d'abord, de la part revenant à la société Borggrefe (soit la moitié de 1 000 000 euros), ensuite, de la part due au titre de cette seule autorisation (soit la moitié de 500 000 euros).
S'agissant de la décision relative au permis de construire, objet d'un recours rejeté par la cour administrative d'appel le 4 mars 2020, il ne peut qu'être constaté que, quelle que soit la date où la société Borggrefe en a eu connaissance ou aurait dû en avoir connaissance, aucune prescription n'est encourue, compte tenu de l'assignation délivrée le 7 juillet 2021.
L'action introduite par la société Borggrefe se trouve donc recevable, pour un montant d'honoraire qui, compte tenu de sa part et du prorata des autorisations obtenues, s'élève à la somme de 250 000 euros.
3) Sur la demande en paiement des honoraires
La société Trimax oppose que :
- la société Borggrefe est informée de qu'elle, société Trimax s'est substituée la société SCCV des deux Rives dans la réalisation du programme ;
- à supposer que les honoraires demandés soient dus, seule la société SCCV des deux rives en serait redevable par application de l'article 4 du protocole, ce qui justifiait l'intervention volontaire de la société SCCV des deux rives.
La société Trimax plaide que :
- les Protocoles Triel et [Localité 5] sont indissociables en ce qu'ils constituent un groupe de contrats, « de telle sorte que les événements affectant l'un sont susceptibles d'avoir un effet sur les autres »
- un lien d'invisibilité existe entre les deux protocoles : le Protocole [Localité 5] fait expressément référence au Protocole Triel et à l'objectif de « réussite conjointe des deux opérations commerciales » pour expliquer la conclusion des Protocoles 1 et 2 ; il est également précisé dans ce même protocole que « les parties se dispensent de décrire [les opérations], pour parfaitement les connaître ». Par ailleurs, il ressort des Protocoles 1 et 2 que les honoraires dont Borggrefe se prétend créancière ne sont dus qu'à supposer que le programme [Localité 5] ait pu être réalisé.
Elle estime que :
- la lettre du Protocole [Localité 5] est donc bien de soumettre le paiement de cet honoraire forfaitaire de 1 000 000 euros à la réalisation du programme [Localité 5], s'agissant d'un honoraire de résultat ;
- le programme [Localité 5] ne pouvant irrémédiablement aboutir, cet honoraire de résultat n'est pas dû ;
- la perception de l'honoraire n'était pas limitée à la seule obtention de l'autorisation CNEC et du permis de construire, comme tente de le faire croire la société Borggrefe ;
- si l'objectif de ce protocole était de « parvenir à la réussite conjointe des deux opérations commerciales » (page 2 ' préambule), l'engagement des signataires était synallagmatique : les honoraires étaient dus au « groupement » - constitué de Socaprim et Borggrefe -, si et seulement si le groupement menait à bien sa mission ;
- les honoraires dont la société Borggrefe sollicite le paiement ne sont justifiés par aucune prestation ni aucun acte positif susceptible de constituer le « concours » visé au protocole du 24 juillet 2006 ;
- l'échec des deux programmes [Localité 5] et [Localité 3] rend sans cause (dans le meilleur des cas) l'obligation de paiement des honoraires ;
- la société Borggrefe ' demanderesse à l'instance - tenue de rapporter la preuve de ce qu'elle aurait parfaitement exécuté la mission prévue aux termes du Protocole [Localité 5], ne produit aucune pièce justifiant de ce qu'elle se serait acquittée de ses obligations ;
- aucune pièce ne démontre que la société Borggrefe a accompagné et aidé pour obtenir les autorisations nécessaires, puisque c'est au contraire elle, Trimax, qui a fait tous les efforts dans ce projet, dont un investissement de près de 6 millions d'euros qu'elle a perdu.
A titre surabondant, elle pointe que contrairement à la société Borggrefe, la société Socaprim n'a pas émis de facture ni n'a jamais réclamé un quelconque paiement, pour la bonne raison que le versement d'un honoraire était conditionné aux diligences réalisées par le tandem Borggrefe/ Socaprim et à la réussite du projet. Aucune des conditions ouvrant droit au paiement n'ayant été réalisée, aucun règlement ne pouvait donc être réclamé.
S'agissant de la qualité à défendre de la société Trimax, la société Borggrefe expose que :
- concomitamment à sa demande de mise hors de cause, la société Trimax formule une demande reconventionnelle, ce qui est contradictoire puisque soit la société Trimax n'est pas concernée par le litige et doit donc être mise hors de cause sans pouvoir formuler de demande reconventionnelle, soit elle considère qu'elle est recevable et fondée à former une demande reconventionnelle, auquel cas elle ne peut être mise hors de cause ;
- de manière surabondante, aucune substitution ne peut être invoquée par la société Trimax puisque la société SPP, désormais dénommée Trimax, ne lui a à aucun moment notifié à son intention de transférer à la SCCV des deux rives ses obligations résultant de l'application du protocole du 24 juillet 2006 ;
- un tel transfert ne lui a jamais été dénoncé, de sorte que, quand bien même il serait intervenu dans les faits, ce qui n'est pas le cas, celui-ci ne lui est pas opposable.
La société Borggrefe revient sur les deux protocoles signés et la volonté des parties, qui était d'avoir deux protocoles indépendants et d'applications distincte.
Elle souligne que :
- l'objet de chacun des deux protocoles est différent et l'application de chaque protocole est indépendante l'une de l'autre ;
- les parties aux deux protocoles sont différentes ;
- la société Trimax, en affirmant que les sommes devant lui être versées n'étaient dues qu'en cas de succès de l'opération de [Localité 5], réécrit le protocole du 26 juillet 2006 en y ajoutant une condition suspensive supplémentaire qui ne figurait pas dans le texte originel.
- la SAS Trimax n'a pas réalisé l'étude lui permettant de bénéficier de l'autorisation administrative de la loi sur l'eau et a donc volontairement mis un terme au projet de [Localité 5], alors qu'elle disposait de toutes les autres autorisations administratives, ce qui est donc son choix en octobre 2017.
Elle en déduit que :
- il n'était pas de l'intention des parties que le versement des honoraires prévus dans le protocole du 24 juillet 2006 intervienne à l'obtention de la dernière autorisation administrative qui est celle de l'ouverture au public, mais bien après l'obtention de l'autorisation commerciale et des permis de construire ;
- le protocole du 24 juillet 2006 énumère d'une manière stricte et limitative les autorisations nécessaires, et ce conformément aux accords pris entre ses signataires, sans interprétation possible dans la mesure où aucun point de suspension n'existe pouvant laisser penser que d'autres autorisations seraient englobées.
Elle souligne que :
- la citation du protocole du 24 juillet 2006 reprise par la société Trimax se situe au niveau de l'exposé général du protocole et non dans le corps dudit protocole où sont stipulées les obligations prévues pour l'application du contrat ;
- le fait de reprendre une partie du préambule pour lui donner une force obligatoire relève d'une démarche intellectuelle biaisée.
Elle estime que l'appelante concède que la purge des recours contre le permis de construire est intervenue à la suite de l'ordonnance du 4 mars 2020 de la cour administrative d'appel de [Localité 6]. Elle en déduit que, à compter du 4 mars 2020, elle était bien fondée à facturer les honoraires prévus dans ladite convention, d'un montant de 500 000 euros HT
Elle considère que c'est à tort que l'appelante assimile ses honoraires tels que prévus dans le protocole du 24 juillet 2006, à « des honoraires de résultat ».
Elle fait remarquer que si l'appelante invoque une absence de prestation, en réalité le point de discorde ne réside pas sur cette prétendue absence de prestation mais plutôt sur la légitimité de la facturation compte tenu de l'échec du programme ; à aucun moment pendant toutes ces années la société Trimax n'a remis en cause les prestations effectuées aux fins de réalisation dudit projet.
Elle fait valoir qu'elle a déployé tous ses efforts pour rencontrer certains membres des commissions afin de leur évoquer les mérites du projet du centre commercial de [Localité 5], et si le projet n'a pu voir le jour, ce n'est pas en raison qu'une quelconque défaillance ou absence de prestation de sa part, mais bien en raison du comportement de la société Trimax elle-même.
Réponse de la cour
Aux termes des dispositions de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce, à la demande en paiement formée par la société Borggrefe au titre des honoraires, la société Trimax oppose principalement deux séries de moyens, l'une qu'elle qualifie de fin de non-recevoir et qui vise à contester être le débiteur des sommes dues, l'autre relative au caractère indu des sommes réclamées.
S'agissant de la première série de moyens, la société Trimax se prévaut de l'article 4 du protocole, intitulé « transmission des mission », aux termes duquel « la société SPP [devenue Trimax] s'engage expressément à transférer le présent engagement à la personne physique ' ou morale qu'elle pourrait substituer dans la réalisation du programme. A défaut elle restera tenue des honoraires », et invoque la substitution par la société SCCV des deux rives, ce que la société Borggreffe n'ignorait pas.
En premier lieu, cette stipulation du protocole, liant la société Borggrefe et la société Trimax, comporte, d'une part, l'accord de la société Borggrefe pour cette substitution, donnée par avance et ferme, sans condition tenant à la personne du tiers substitué, d'autre part, l'engagement de la société Trimax à se substituer un tiers et, à défaut d'intervention de cette substitution, l'engagement de la même de payer les honoraires dus à la société Borggrefe.
En second lieu, il convient de relever qu'il n'est prévu contractuellement aucune modalité spécifique pour faire connaître la substitution entre les parties, pas plus qu'il n'est indiqué de délai pour informer de la substitution intervenue.
Il n'est ainsi pas envisagé qu'en cas de notification tardive ou d'absence de notification de la substitution intervenue, la société Trimax serait susceptible de demeurer tenu des honoraires dus.
Il n'est pas non plus prévu que la société Borggrefe puisse refuser d'agréer le tiers que se substituerait la société SPP, devenue Trimax.
Les parties s'opposent sur l'information quant à l'existence même de cette substitution, la société Borggrefe invoquant n'avoir jamais reçu notification de la substitution, tandis que la société Trimax précise que l'ensemble des faits démontre que sa cocontractante ne l'ignorait pas.
Sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de s'interroger sur l'ignorance ou pas de la substitution en cause, il doit être constaté qu'une substitution de la société SCCV des deux Rives à la société Trimax est intervenue, ce qui suffit, le créancier ayant donné par anticipation son accord pour une telle substitution, dont la société Borggreffe a eu connaissance par les conclusions que la société Trimax lui a signifiées le 7 septembre 2021, en première instance, comme en attestent..., comme en atteste les pièces 21 et 20 de la société Borggrefe
Ainsi, la société Borggrefe ne peut valablement invoquer une absence de notification de la substitution, pour prétendre que la société Trimax resterait débitrice à son égard des sommes litigieuses.
Qu'il s'agisse d'une fin de non-recevoir opposée à l'action en paiement ou d'un moyen visant au rejet de cette demande en paiement, il convient donc de faire droit à la demande de la société Trimax visant à dire que l'action est mal dirigée et qu'elle, intimée, n'est pas débitrice de la partie des honoraires non atteinte par la prescription.
IV ' Sur la demande reconventionnelle de la société Trimax
Aux termes des dispositions de l'article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Le préjudice doit être direct, certain et présent. Il appartient dès lors à celui qui s'en prévaut d'apporter la preuve d'un préjudice, d'une faute et d'un lien de causalité.
En l'espèce, la société Trimax, après avoir rappelé ses participations, via notamment sa filiale, la SCI Barcelone, dans le cadre de versement sur un compte courant d'associé de la SCCV [Adresse 4], expose que « les société Trimax/SCCV des deux Rives doivent quant à elles être indemnisé au titre des frais engagés en vue de la réalisation du projet Vernouillet auquel la société Borggrefe devait participer. Ce préjudice direct et certain de Trimax s'élève à la somme de 5 922 945 euros entre 2005 et 2017. Les dépenses exposées dans le cadre du projet [Localité 5] ne sont ni discutées, ni contestées par Borggrefe qui sollicitait une indemnisation à titre reconventionnel dès la première instance et n'est donc en aucun cas prescrite, ni irrecevable à présenter cette demande en appel contrairement à ce que soutient Borggrefe. Il convient en conséquence, d'en faire assumer la charge (au moins à proportion de son « investissement théorique dans le projet) à Borggrefe qui ne peut, dans le contexte tel qu'il vient d'être décrit, ne faire que tirer profit d'une opération finalement désastreuse dans laquelle elle est pourtant associée. »
En premier lieu, de ces développements décousus et confus, la cour peine à cerner la faute reprochée à la société Borggrefe, qui permettrait de fonder cette demande de la société Trimax à hauteur de plus de 5 millions, étant en outre observé que certains développements se rattachant à des notions de responsabilité contractuelle, tandis que d'autre envisagent un « remboursement de participation. »
Sur ce dernier point, il doit être observé que le protocole du 24 juillet 2006 ne prévoit aucune participation financière de la société Borggrefe à la réalisation du projet [Localité 5], qui pourrait justifier une demande en remboursement des frais engagés et investissements effectués en vue de la réalisation du projet [Localité 5].
En deuxième lieu, s'il n'est pas clairement identifié dans ses développements consacrés à cette demande (pages 34 et 35), la faute qui serait invoquée par la société Trimax au soutien sa prétention contre la société Borggrefe à hauteur des frais engagées pour la réalisation de cette opération, qui n'a pas été menée à son terme. Il doit être observé qu'une large part des développements, plus des 2/3, sur la page et demi consacrée à cette prétention, concerne en réalité le préjudice subi par la filiale de la société Trimax, la SCI Barcelone, laquelle n'est pas partie à la présente instance.
En outre, il sera observé que le versement invoqué par la société Trimax de sommes en compte courant d'associé dans la société SCCV [Localité 3], via sa filiale la SCI Barcelone, n'est aucunement établi par les pièces versées aux débats.
En troisième lieu, concernant plus particulièrement les développements ci-dessus reproduits et relatifs à cette demande, la société Trimax ne peut invoquer une indemnisation due aux « sociétés Trimax/SCCV », alors qu'il lui appartient de définir précisément le préjudice direct, personnel, certain et actuel, qu'elle aurait subi et qui serait né des faits qu'elle reproche à la société Borggrefe, préjudice qui s'avère distinct de celui de la société SCCV des deux Rives.
Or, la société Trimax démontre s'être substituée la société SCCV des deux Rives dans la réalisation de l'opération. Dès lors, le préjudice né de l'éventuelle faute commise par la société Borggrefe dans la réalisation de l'opération, même à la supposer établie, est supportée par cette dernière et non par la société Trimax. Or, la société SCCV des deux Rives n'est pas dans la cause à hauteur d'appel, tel qu'il a été relevé à titre liminaire.
En outre, il n'est effectué aucune démonstration précise permettant de déterminer les liens existant entre les sociétés, les rôles et la répartition des charges et des tâches, ainsi que des obligations de chacune des sociétés, et qui seraient susceptibles de justifier que la société Trimax puisse réclamer une telle somme à la société Borggrefe.
En conséquence, la demande de ce chef ne peut qu'être rejetée.
La demande d'expertise en vue de déterminer le quantum du préjudice subi est donc sans objet.
V- Sur la demande au titre de la résistance abusive
La société Trimax s'oppose à cette demande.
La société Borggrefe précise que la société Trimax a manqué à son devoir de bonne foi et à son obligation de loyauté, en tentant d'échapper par tout moyen à l'exécution du protocole, et en usant et abusant de tous les recours afin de repousser les échéances, faisant ainsi preuve d'une volonté dilatoire et frustratoire.
Réponse de la cour
En cause d'appel, la demande en paiement de la société Borggrefe a été rejetée et les moyens opposés par la société Trimax ont été, au moins partiellement, accueillis, de sorte qu'il n'est pas démontré, d'une part, de mauvaise foi du débiteur, étant observé qu'aucun préjudice distinct n'est invoqué, d'autre part, de faute ayant dégénéré en abus.
Cette demande est donc rejetée.
VI ' Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Borggrefe succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens de première instance et d'appel.
La société Borggrefe supportant la charge des dépens, il convient de la condamner à payer à la société Trimax la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa propre demande.
PAR CES MOTIFS
ANNULE le jugement du tribunal de commerce de Lille-Métropole du 5 janvier 2023 en toutes ses dispositions ;
Vu l'effet dévolutif,
REJETTE la fin de non-recevoir opposée par la société Borggrefe et tirée de la nouveauté des demandes ;
DIT non fondée la fin de non-recevoir basée sur l'article 910-4 du code de procédure civile ;
REJETTE la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir de la société Borggrefe opposée par la société Trimax ;
DIT que l'action en paiement de la société Borggrefe au titre des honoraires est prescrite à concurrence de la somme de 250 000 euros ;
DIT que la société Trimax n'est pas redevable de la part des honoraires non atteinte par la prescription et, en conséquence, REJETTE la demande formée à ce titre par la société Borggrefe ;
REJETTE la demande reconventionnelle présentée par la société Trimax à hauteur de 5 922 945 euros HT ;
En conséquence, DIT sans objet la demande d'expertise formée par la société Trimax ;
REJETTE la demande de dommages et intérêts formée par la société Borggrefe pour résistance abusive ;
CONDAMNE la société Borggrefe aux dépens de première instance et d'appel ;
CONDAMNE la société Borggrefe à payer à la société Trimax la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la société Borggrefe de sa demande d'indemnité procédurale.
Le greffier
Marlène Tocco
La présidente
Stéphanie Barbot
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 03/04/2025
****
N° de MINUTE :
N° RG 23/00567 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UXUA
Jugement (N° 21012486) rendu le 05 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
APPELANTE
SAS TRIMAX DEVELOPPEMENT prise en la personne de son Président, Monsieur [P] [Z], domicilié audit siège en cette qualité
ayant son siège [Adresse 1]
Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Mes Emmanuel Drai et Vanessa Ruffa, avocats plaidants substitués par Me Jessica Lusardi, avocats au barreau de Paris
INTIMÉE
SARL BORGGREFE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège [Adresse 2]
Représentée par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Frédéric Cavedon, avocat au barreau de Bordeaux, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 14 janvier 2025 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphanie Barbot, présidente de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Pauline Mimiague, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 avril 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 17 décembre 2024
****
FAITS ET PROCEDURE
La société Trimax développement, anciennement la Société de Participations et de Placements (la société Trimax) a souhaité créer, en qualité de maître d'ouvrage, une zone commerciale et d'activité sur les communes de [Localité 5] et [Localité 3], sur une emprise d'environ 20 hectares.
Ladite société bénéficiait d`un titre l'autorisant à déposer l'ensemble des autorisations administratives nécessaires à la création de la zone et à négocier la commercialisation de sa zone d'une capacité externe d'environ 60 000 m² de Shon.
Les sociétés Borggrefe et Socaprim développaient, quant à elles, une opération commerciale sur la commune de [Localité 3] d'environ 55 000 m² de Shon.
Les parties se sont rapprochées, un premier protocole dédié au programme Triel Park sud ayant été régularisé le 12 avril 2006 avec notamment les trois sociétés précitées comme signataires (Protocole Triel).
Le 24 juillet 2006, un second protocole d'accord a été régularisé entre d'une part, la société Trimax, d'autre part, les sociétés Borggrefe et Socaprim en vue de réaliser l'opération [Localité 5] (Protocole [Localité 5]).
Aucune des deux opérations n'a abouti.
Le 24 février 2021, la société Borggrefe adressé à la société Trimax une facture de 500 000 euros HT, soit 600 000 euros TTC, au titre de ses honoraires dans le cadre du protocole [Localité 5].
Une mise en demeure a été adressée le 23 mars 2021 à laquelle la société Trimax n'a pas donné suite.
Par acte du 7 juillet 2021, la société Borggrefe a assigné la société Trimax en paiement.
Par jugement du 5 janvier 2023, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :
- dit que les autorisations administratives prévues au protocole du 24 juillet 2006 ont été obtenues et sont devenues définitives ;
- condamné la société Trimax à payer à la société Borggrefe :
- la somme de 600 000 euros TTC en principal ;
- avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure, soit le 2 avril 2021 ;
- la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- la somme de 1 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société Trimax de toutes ses demandes ;
- condamné la société Trimax aux entiers dépens ;
Par déclaration du 3 février 2023, la société Trimax a interjeté appel de la décision précitée.
PRETENTIONS
Par conclusions signifiées par voie électronique le 4 décembre 2024, la société Trimax demande à la cour, au visa de l'article 6§1 de la CEDH, des articles 9, 12, 16, 31, 32, 122, 455, 458, 446-1 du code de procédure civile, des articles 2224 du code civil et L .110-4 du code de commerce, des articles 1131 et 1315 ancien du code civil, de :
- la recevoir en toutes ses demandes et les déclarer bien fondées ;
- annuler le jugement rendu le 5 janvier 2023 et statuer sur l'intégralité du litige en vertu de l'effet dévolutif ;
- à défaut, infirmer le jugement
Et, statuant à nouveau :
A titre principal,
- dire irrecevables les demandes de la société Borggrefe ;
- dire irrecevable, en raison de l'acquisition de la prescription extinctive, la demande de paiement de la somme de 600 000 euros de la société Borggrefe ;
A titre subsidiaire,
- dire irrecevable, en raison de l'acquisition de la prescription extinctive, la demande de paiement de la somme de 250 000 euros de la société Borggrefe ;
- ordonner sa mise hors de cause ;
- juger infondée, injustifiée et non causée ou, le cas échéant, caduque la demande en paiement de la somme de 600 000 euros de la société Borggrefe ;
- débouter la société Borggrefe de toutes ses demandes ;
A titre reconventionnel,
- condamner la société Borggrefe à lui verser la somme de 5 922 945 euros HT ;
- Subsidiairement, vu les articles 232 et suivants du code de procédure civile ;
- ordonner une expertise judiciaire aux fins d'évaluation de son préjudice « auquel la société Borggrefe doit contribuer » ;
- désigner à cette fin tel expert dans les domaines comptable et financier qu'il plaira au « tribunal » avec la mission qu'il lui plaira et fixer sa provision.
En tout état de cause,
- condamner la société Borggrefe à lui verser, la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 13 décembre 2024, la société Borggrefe demande à la cour, au visa des articles 9 et suivants, 564 et suivants, 910-4, devenu 915-2, du code de procédure civile ; des articles 1134 et suivants (devenus 1103 et suivants) du code de civil, de :
- la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes,
- Y faire droit ;
En conséquence,
* A titre principal,
- débouter la société Trimax de l'ensemble de ses demandes, visant à l'annulation du jugement
- déclarer la société Trimax irrecevable en sa demande d'infirmation du jugement rendu le 5 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole, ainsi qu'en sa demande reconventionnelle, en ce compris celle visant à voir ordonner une mesure d'expertise et désigner tel expert qu'il plaira à la cour ;
* Subsidiairement, débouter la société Trimax de l'ensemble de ses demandes visant à l'infirmation du jugement, ainsi qu'en sa demande reconventionnelle, en ce compris celle visant à voir ordonner une mesure d'expertise et désigner tel expert qu'il plaira à la cour ;
- déclarer la société Trimax irrecevable en sa demande visant à dire irrecevable en raison de l'acquisition de la prescription extinctive, la demande de paiement de la somme de 250 000 ' de la société Borggrefe ; et, à titre subsidiaire, débouter la société Trimax de l'ensemble de ses demandes,
- « confirmer le jugement rendu le 5 janvier 2023 en ce qu'il : »
- à titre subsidiaire, dans le cas où , par extraordinaire, la cour entendrait faire droit à la demande d'annulation du jugement déféré,
- déclarer la société Trimax irrecevable en sa demande d'infirmation du jugement rendu le 5 janvier 2023, ainsi qu'en sa demande reconventionnelle ; et, à titre subsidiaire, débouter la société Trimax de l'ensemble de ses demandes visant à l'infirmation du jugement, ainsi qu'en sa demande reconventionnelle, et en conséquence,
Statuant à nouveau,
- condamner la société Trimax à lui payer la somme TTC de 600 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 avril 2021, date de réception de la mise en demeure de paiement ;
- condamner la société Trimax à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
* En tout état de cause,
- débouter la société Trimax de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, que celles-ci soient formées à titre principal, subsidiaire ou encore reconventionnel ;
- condamner la société Trimax à lui payer la somme de 15 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Trimax aux entiers dépens de l'instance.
MOTIVATION
A titre liminaire, la cour observe que la société SCCV des deux Rives, qui avait déposé des conclusions d'intervention volontaire devant les premiers juges, le 9 septembre 2021, n'a ni relevé directement appel de la décision, ni été intimée ou appelée à l'instance aux côtés de l'appelant par la société Trimax, pas plus qu'elle n'a été mise en cause, dans le cadre d'un appel incident ou provoqué, par la société Borggrefe.
I ' Sur la demande d'annulation du jugement
La société Trimax conclut à la nullité du jugement pour défaut de motivation et violation du principe du contradictoire, soulignant que le jugement entrepris prononce de lourdes condamnations à son encontre, en faisant l'économie d'une quelconque motivation pour les justifier.
Il n'est ainsi pas apporté de réponse à sa demande de mise hors de cause, la société SCCV des deux Rives l'ayant substituée dans la réalisation du programme. Il n'est pas statué sur les demandes de la SCCV des deux Rives.
Les demandes « rejetées » comme émanant des écritures écartées par le tribunal ont été soutenues oralement et n'ont pas obtenu de réponse. Le tribunal n'a ainsi pas motivé sa décision.
La société Borggrefe s'oppose à la demande de nullité du jugement, soutenant qu'il est motivé.
Elle souligne que :
- seule la question du rejet ou non des conclusions d'intervention volontaire de la SCI Barcelone et des conclusions récapitulatives n° 2 des sociétés Trimax, SCCV des deux rives et SCI Barcelone a été discutée à la barre, le conseil de ces trois sociétés n'ayant même pas indiqué au tribunal qu'il s'en remettait à ses écritures, en ce compris celles communiquées pour l'audience du 12 janvier 2022 (Pièce 23) ;
- il est établi qu'à l'audience du 17 novembre 2022, le conseil de la SAS Trimax n'a développé aucun argument de fond et n'a même pas indiqué s'en remettre à ses écritures ou à celle du conseil auquel il a succédé, et ce après que le président d'audience a indiqué rejeter ses conclusions ;
- en l'absence d'observations orales de la société Trimax sur le fond de l'affaire, les premiers juges auraient dû considérer que cette dernière n'avait pas soutenu ses prétentions au fond.
Elle conteste qu'il n'ait pas été répondu aux demandes de mise hors de cause, de prescription ou même du caractère indu de la facture, dans la mesure où les premiers juges ont retenu qu'elle détenait sur la société Trimax une créance certaine, liquide et exigible, et partant que la demande de mise hors de cause ou encore le caractère prescrit ou indu de la créance étaient mal fondés et que la société Trimax était déboutée de ses demandes comme indiqué dans le dispositif du jugement.
Elle estime que c'est à tort que la société Trimax invoque un défaut de motivation quant à l'intervention de la société SCCV des deux rives, étant rappelé de surcroît que, nul ne plaidant par procureur, la société Trimax est irrecevable à invoquer un tel moyen. Le même raisonnement est d'ailleurs transposable en ce qui concerne l'intervention et les demandes formulées par la SCI Barcelone. Compte tenu du rejet des conclusions d'intervention volontaire notifiées le 16 novembre 2021 en raison de leur communication extrêmement tardive, soit la veille de l'audience des plaidoiries, le tribunal n'avait pas à répondre aux prétentions formulées par cette dernière.
Elle souligne que :
- il ne peut échapper à la cour, à la lumière des termes des motifs du jugement attaqué, que, précisément, les premiers juges n'ont pas manqué d'inviter le nouveau conseil de la société Trimax à « de faire part de ses observations orales », et que ce n'est qu'au « vu de l'absence d'observation de sa part » que les premiers juges ont « décidé de se référer aux conclusions du demandeur, de s'inspirer des conclusions du précédent conseil et de traiter l'affaire comme s'il s'agissait d'un dépôt de dossier » ;
- c'est de manière fallacieuse que la société Trimax prétend que ses observations orales n'auraient pas été retranscrites ;
- en toute hypothèse, elle ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait fait valoir quelque observation que ce soit et pour cause, la preuve contraire étant rapportée aux termes mêmes du jugement déféré ;
- l'erreur d'interprétation de ses propres écritures, à elle, société Borggrefe, par le délégué du premier président de la cour d'appel, aux termes de l'ordonnance de référé du 13 avril 2023, n'est en aucune manière un quelconque aveu qu'il en aurait été autrement.
Réponse de la cour
Aux termes des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.
Il énonce la décision sous forme de dispositif.
L'article 860-1 du code de procédure civile rappelle expressément que la procédure devant le tribunal de commerce est orale, sous réserve de certaines adaptations, rendant ainsi applicables les règles générales relatives à la procédure orale, et plus particulièrement les articles 446-1 et 446-2 du même code, introduites par le décret n° 2010-1165 (dispositions propres à la procédure orale : articles 446-1 à 446-4 du CPC).
Ce décret a maintenu la primauté de l'oralité des débats tout en introduisant la possibilité de basculer vers l'écrit, instaurant ainsi une procédure hybride.
L'article 446-1 de ce même code dispose que les parties présentent oralement à l'audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien. Elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu'elles auraient formulés par écrit. Les observations des parties sont notées sur le dossier ou consignées dans un procès-verbal.
L'alinéa 2 de ce texte prévoit une possibilité de dispense de comparution pour les parties et de présentation par écrit des demandes dans ce cas, une fois la partie dûment autorisée à ne pas se présenter à l'audience.
L'article 446-2 envisage quant à lui la possibilité d'organiser les échanges entre les parties et de mâtiner alors la procédure orale de règles relatives à la procédure écrite, notamment leurs présentations par écrit des prétentions et le recours à des écritures récapitulatives.
Ainsi, pour les litiges jugés selon la procédure orale 'classique' , c'est-à-dire celle qui accorde un effet déterminant à la présence physique des parties à l'audience des débats, la Cour de cassation rappelle de manière constante que le juge ne peut pas déclarer irrecevables ou écarter des débats les conclusions de celui qui, en les soutenant le jour de l'audience, n'en a pas communiqué le contenu antérieurement à son adversaire, le privant ainsi de la possibilité d'anticiper une éventuelle réaction, la situation ne pouvant se résoudre que par le renvoi de l'affaire; s'il y a méconnaissance du principe de la contradiction (2e Civ., 19 mars 2015, pourvoi n° 14-15.740, publié).
Pour les litiges jugés selon la procédure orale 'moderne', c'est-à-dire ceux pour lesquels les parties, selon le principe posé par l'alinéa 2 de l'article 446-1 du code de procédure civile, ont été autorisées par le juge à formuler leurs prétentions et moyens par écrit en contrepartie de leur dispense de présentation à l'audience des débats, les textes n'ont prévu pas le sort des écritures et des pièces communiquées au dernier moment.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 31 janvier 2019 (pourvoi n°18-12.021), a énoncé que le juge n'est tenu de renvoyer à une prochaine audience que dans l'hypothèse où il n'a pas écarté moyens et pièces des débats comme ayant été remis hors délai et dans des conditions portant atteinte aux droits de la défense.
Enfin, il convient de rappeler que les mentions du jugement valent jusqu'à inscription de faux.
En premier lieu, il convient de noter qu'il ne ressort ni des mentions du jugement entrepris ni d'aucune autre pièce versée aux débats que la présente procédure aurait fait l'objet, devant les premiers juges, d'une dispense de comparution des parties.
Il ressort des pièces produites par les parties, tels que les courriers adressés au tribunal de commerce, et également de précisions apportées par la société Borggrefe dans ses écritures, et qui ne sont ni critiquées ni même commentées par la société Trimax sur ce point, que la procédure de première instance a fait l'objet d'une organisation des débats, soumettant la procédure orale aux règles s'inspirant de la mise en état écrite, en application plus particulièrement de l'article 446-2 du code de procédure civile.
Cela est corroboré par les termes du jugement, suivant lequel « le tribunal a décidé de se référer aux conclusions du demandeur, de s'inspirer des conclusions du précédent conseil et de traiter l'affaire comme s'il s'agissait d'un dépôt de dossier », dont il résulte qu'il n'était envisagé aucune dispense de comparution des parties, mais une soumission aux dispositions de l'article 446-2 précité, en dépit de l'usage maladroit du terme « s'inspirer ».
Dès lors, la procédure de première instance était en l'espèce une procédure orale « moderne ».
En deuxième lieu, les premiers juges, dans leur jugement, ont pris le soin, d'une part, de relater les différents renvois accordés et la cause de ces renvois, d'autre part, de décrire l'incident de communication d'écritures et de pièces intervenu à l'audience de plaidoirie du 17 novembre 2022.
Il ressort des mentions du jugement, qui valent jusqu'à inscription de faux - procédure qui n'a été mise en 'uvre par aucune des parties, au jour où la cour statue -, que la société Borggrefe a sollicité le rejet des écritures n° 2 de la société Trimax, demande qui a été accueillie par le tribunal, comme en atteste la mention du jugement en page 5/6, juste avant la partie « Moyen des parties », ou encore la mention en page 6/7 suivant laquelle « après discussion avec les parties, le tribunal n'a pas reporté l'audience. »
Après cette dernière mention, figure la précision suivante selon laquelle « il [le tribunal] a aussi proposé au nouveau conseil de la société Trimax de faire part de ses observations orales en dehors du rejet prononcé », les premiers juges précisant que « vu l'absence d'observation de sa part, le tribunal a décidé de se référer aux conclusions. »
Il se déduit de ces mentions, qui valent jusqu'à inscription de faux, que contrairement à ce qu'affirme la société Trimax, cette dernière s'est uniquement expliquée oralement sur la demande de renvoi, et n'a pas présenté d'observations sur le fond pour soutenir oralement ses dernières écritures, pas plus que les écritures précédentes d'ailleurs.
C'est à tort que la société Trimax s'empare de la mention figurant en page 5/7 « entendu les parties à la barre », pour la rapprocher de celles précitées relatives à l'absence d'observations notées en page 6/7, et en déduire qu'il existerait une contradiction entre les deux mentions.
Les deux mentions se réfèrent à deux temps distincts de l'audience, tels que cela résulte des termes du jugement mentionnant un premier temps où les parties ont été entendues par le tribunal sur la question procédurale et un second temps, consacré au fond du dossier, après rejet de la demande de renvoi, pendant lequel le tribunal n'a pas obtenu de la société Trimax qu'elle présente oralement ses écritures.
Ainsi, la société Trimax ne peut faire reproche aux premiers juges de ne pas avoir répondu aux demandes contenues dans ses écritures n°2, en affirmant avoir soutenues oralement les prétentions sur le fond pour elle-même comme au titre de l'intervention de la société SCCV les deux rives à l'audience.
En troisième lieu, il a été précédemment exposé que la procédure, orale, avait en l'espèce fait l'objet d'un aménagement et se trouvait dès lors être une procédure orale « moderne. »
Or, dans le cadre d'une telle procédure, lorsque le juge constate un non-respect du principe de la contradiction, notamment en raison d'une communication tardive des dernières écritures, il peut écarter les écritures litigieuses et ne doit prévoir un renvoi que s'il envisage d'en tenir compte, pour permettre des échanges loyaux entre les parties.
Il s'ensuit que les premiers juges pouvaient à bon droit, nul ne contestant que le délai imparti pour les échanges n'ait pas été respecté, prononcer le rejet des écritures récapitulatives n° 2 et devaient juger la présente affaire en se référant aux écritures précédentes, qui avaient été régulièrement déposées et dont ils demeuraient saisis, compte tenu de la comparution à l'audience de la société Borggrefe et également de la société SCCV les deux Rives.
C'est d'ailleurs ce qu'ils ont justement effectué en [s'inspirant] des conclusions du précédent conseil et de trait[ant] l'affaire comme s'il s'agissait d'un dépôt de dossier ».
Ainsi, la demande de la société Trimax tendant à l'annulation de la décision dont appel pour non-respect du principe de la contradiction ne peut qu'être rejetée.
Par contre, en dernier lieu, le tribunal devait prendre en compte les écritures déposées antérieurement à l'audience du 17 novembre 2022 par la société Trimax.
Or, il ressort des pièces versées aux débats, et plus particulièrement des écritures de la société Trimax, intitulée « conclusions récapitulatives n°1 » pour l'audience de mise en état du 13 janvier 2022, signifiées le 12 janvier 2022 (pièce 23 de la société Borggrefe) que ces dernières contenaient outre des demandes relatives à l'intervention volontaire de la société SCCV des deux Rives, deux fins de non-recevoir, l'une tirée d'une absence de droit d'agir contre la société Trimax, l'autre tirée de la prescription de la demande formée par la société Borggrefe tant à l'égard de la société Trimax que de la société SCCV, auxquelles les premiers juges n'ont pas répondu, puis enfin une demande de condamnation de la société Borggrefe à verser la somme de 1 000 000 euros.
Le seul fait qu'un chef général déboutant la société Trimax de toutes ses demandes figure dans le dispositif du jugement entrepris ne peut valoir rejet de ces prétentions, dès lors qu'aucun motif ne leur est consacré dans le corps de la décision.
Il doit en outre être observé que le jugement ne comporte aucun développement ni aucun chef de dispositif relatif aux prétentions de la société SCCV des deux Rives, dont l'intervention volontaire n'a été ni accueillie ni déclarée irrecevable.
En conséquence, faute de motivation par les premiers juges sur l'ensemble des demandes dont ils étaient valablement saisis, la décision entreprise ne peut qu'être annulée.
Quel que soit le cas, il convient de rappeler cependant, que le motif d'annulation de la décision querellée ne portant pas sur l'acte introductif d'instance, la cour demeure saisie de l'entier litige, compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel.
II - Sur les fins de non-recevoir opposées par la société Borggrefe à la société Trimax
1) Sur l'irrecevabilité invoquée au titre des demandes nouvelles
La société Borggrefe prétend qu'en l'absence d'observations orales de la société Trimax sur le fond de l'affaire, les premiers juges auraient dû considérer que cette dernière n'avait pas soutenu ses prétentions au fond, de sorte qu'elle est désormais irrecevable à solliciter l'infirmation du jugement déféré sur la base de ce que la cour qualifiera de demandes nouvelles faute d'avoir été soutenues en première instance.
La société Trimax, au détour de ses explication sur sa demande reconventionnelle, estime que « ce préjudice direct et certain de Trimax s'élève à la somme de 5 922 945 euros HT entre 2005 et 2017. Les dépenses exposées dans le cadre du projet [Localité 5] ne sont ni discutées ni contestées par Borggrefe qui sollicitait une indemnisation à titre reconventionnel dès la première instance et n'est donc en aucun cas prescrite ni irrecevable à présenter cette demande en appel, contrairement à ce que soutient Borggrefe ». Elle demande, si la cour devait se considérer insuffisamment informée sur le quantum du préjudice à réparer, de désigner tout expert pour se faire.
Réponse de la cour
Les dispositions de articles 564 et suivants du code de procédure civile, interdisent les nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, sous réserve de certaines exceptions, telles notamment les demandes tendant aux mêmes fins, ou qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément des demandes présentées.
Au préalable, il doit être observé qu'aucune renonciation expresse de la société Trimax aux demandes contenues dans les écritures, indûment écartées, n'a été constatée au vu des mentions du jugement entrepris, les échanges à l'audience ayant été limités à la question procédurale du renvoi.
De la présentation redondante et imprécise des développements et du dispositif des écritures de la société Borggrefe, la cour déduit du visa, figurant au dispositif des écritures, et de la précision suivant laquelle elle estime la société Trimax « désormais irrecevable à solliciter l'infirmation du jugement déféré sur la base de ce que la cour qualifiera de demandes nouvelles faute d'avoir été soutenues à la barre en première instance » que cette dernière oppose aux demandes de la société Trimax une fin de non-recevoir tirée de la nouveauté, visant à écarter les demandes liées à l'infirmation du jugement.
Cette fin de non-recevoir n'a donc pas vocation à s'appliquer en l'espèce, la cour n'ayant pas infirmé mais annulé la décision entreprise. Il n'y a donc pas lieu d'y répondre.
De manière tout à fait surabondante, il sera néanmoins observé, d'une part, que les conclusions antérieures à celles écartées par le tribunal, et dont il demeurait saisi, comportaient d'ores et déjà des développements relatifs à la prescription, au caractère indu des sommes réclamées par la société Borggrefe, d'autre part, que l'invocation d'une nouvelle fin de non-recevoir, tirée du défaut de droit d'agir de la société Borggrefe n'est pas susceptible de se voir opposer utilement les dispositions des articles 564 et suivants du code de procédure civile.
Ce moyen est donc infondé.
Concernant la demande reconventionnelle en réparation, formée à hauteur de 1 000 000 euros, contenue dans les conclusions dont était saisi le tribunal, cette dernière visait à obtenir réparation du préjudice subi né des décaissements effectués par la société Trimax dans le cadre du projet de centre commercial de Triel park Sud, prévu par un protocole du 12 avril 2006.
La demande formée devant la présente cour en indemnisation à hauteur de 5 922 945 euros, ou de désignation en tant que de besoin d'une expertise pour déterminer le quantum du préjudice, qui concerne la réparation du préjudice qu'aurait subi la société Trimax en raison de l'échec du protocole du 24 juillet 2006 ou en remboursement des sommes investis dans le cadre de l'opération [Localité 5], est donc bien distincte de celle présentée en première instance.
Cependant, cette demande, qui revêt un caractère reconventionnel comme émanant du défendeur en première instance et se rattachant aux prétentions originaires par un lien suffisant, échappe à l'irrecevabilité des demandes nouvelles fondées sur l'article 564, et ce en application de l'article 567 du code de procédure civile.
Au surplus, à supposer que la société Borggrefe oppose comme cause d'irrecevabilité à cette demande l'article 910-4 du code de procédure civile, ce qui ne ressort pas clairement du dispositif de ses écritures, en dépit des allusions faites dans les motifs de ses écritures, il doit être constaté que cette demande apparaissait dès les premières conclusions d'appelant.
Aucune irrecevabilité sur le fondement des dispositions des articles 564 et suivants du code de procédure civile ne saurait être prononcée.
2) Sur la violation de l'article 910-4 du code de procédure civile
La société Borggrefe soutient que la société Trimax est irrecevable en sa demande de remboursement de la somme de 250.0000 euros HT s'agissant d'une prétention nouvelle en ce qu'elle n'a jamais été soumise aux premiers juges, mais encore que cette demande n'a pas été présentée dans son premier jeu de conclusions d'appelant alors qu'aucun fait nouveau n'est survenu ou n'a été révélé postérieurement à ces premières conclusions et qu'elle ne vise pas à répliquer à ses conclusions et pièces, à elle, société Borggrefe.
La société Trimax est taisante sur ce point.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, il ne peut qu'être relevé que la société Trimax, en cause d'appel, aux termes du dispositif de ces dernières écritures, qui seul saisit la cour, en application de l'article 954 du code de procédure civile, ne formule pas de demande de condamnation de la société Borggrefe à hauteur de 250 000 euros.
Ainsi, les développements et la fin de non-recevoir opposées par la société Borggrefe à cette demande, qui n'est pas présentée, sont sans objet.
III- sSur les demandes en paiement de la société Borggrefe
1) Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir de la société Borggrefe
La société Trimax souligne que la société Borggrefe ne justifie pas de son intérêt à agir au nom du groupement et agit seule sans justifier d'un mandat de la société Socaprim, nul ne pouvant plaider par procureur.
La société Borggrefe fait valoir que :
- la facture établie par ses soins, est effectuée en application de l'article 3 in fine et représente 50 % des honoraires, ce qui ne peut souffrir d'aucune critique ;
- la société Socaprim et elle-même ne pouvaient établir de facture au nom du « Groupement », lequel constitue seulement la dénomination collective des deux sociétés pour les seuls besoins de la rédaction du protocole, sans que cela confère de quelque manière que ce soit une quelconque personnalité juridique audit « Groupement » ;
- sa qualité à agir pour en recouvrer le paiement ne peut être contestée, celle-ci n'ayant nullement à justifier d'un quelconque mandat de la société Socaprim comme le soutient la société Trimax.
Réponse de la cour
En vertu des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Les stipulations du protocole du 24 juillet 2006 prévoit, concernant les honoraires du groupement, qu'ils « sont fixés d'une manière forfaitaire à un millions d'euros hors taxes [']. Ces honoraires seront payables au fur et à mesure ['] sur présentation de deux factures représentant à chaque fois 50 % des honoraires dus, par chacun des membres du groupement » (article 3).
Si ce protocole se réfère pour désigner la société Socaprim et la société Borggrefe à la dénomination de « groupement », il n'en demeure pas moins que ce groupement ne constitue nullement une entité autonome, disposant d'une personnalité morale distincte. Il n'est d'ailleurs pas immatriculé.
Par ailleurs, il ne ressort d'aucune stipulation, et encore moins de l'article 3 de ce protocole, que l'action en vue du recouvrement des sommes dues à chacun des membres du groupement devait faire l'objet d'une action commune, voire d'une justification par l'un des membres du groupement du mandat donné par l'autre, dès lors que ce membre ne sollicite que sa quote-part.
Or, en l'espèce, il ressort expressément des écritures de la société Borggrefe que, conformément au protocole, cette dernière ne sollicite que le paiement de ses droits et parts dans les honoraires qui seraient dus en raison de l'opération projetée, soit 50 % du montant prévu forfaitairement ci-dessus, à savoir 500 000 euros HT, soit 600 000 euros TTC.
Ainsi, la fin de non-recevoir opposée par la société Trimax à la demande de la société Borggrefe est infondée et doit être rejetée.
2) Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
La société Trimax plaide que :
- l'assignation de la société Borggrefe en réclamation du paiement de la facture du 30 novembre 2012 date du 7 juillet 2021, soit 8,5 ans après l'émission de la facture litigieuse, l'action en paiement se trouvant donc prescrite depuis le 30 novembre 2017 ;
- aucun avoir n'a été émis sur la facture du 30 novembre 2012 et l'émission d'un avoir ne remet pas en cause la date de la naissance de l'obligation de paiement de la commission alléguée au titre de l'obtention de l'autorisation nécessaire ;
- « cette prescription vient en réalité corroborer le fait que les honoraires dont la société Borggrefe se prétend créancière sont indus » ;
- en tout état de cause, l'avoir sur la facture émise par la société Borggrefe a été accepté, car cette dernière avait reconnu que ses honoraires n'étaient exigibles qu'en cas de succès de l'opération, opération qui devait être considérée dans sa globalité et qui ne pouvait être menée à bien, l'opération de [Localité 3] n'étant plus possible depuis 2011 ;
- à titre subsidiaire, à supposer que l'on suive le raisonnement de la société Borggrefe en considérant que le versement des honoraires aurait été payable au fur et à mesure de l'obtention des autorisations administratives devenues définitives, la décision du Conseil d'Etat ayant été rendue le 13 février 2012, la société Borggrefe disposait d'un délai de 5 ans pour agir en paiement, soit jusqu'en 2017, ce qui rend son action à tout le moins partiellement prescrite.
La société Borggrefe conteste toute prescription de sa demande en paiement, aux motifs que :
- cette demande est fondée sur la facture du 24 février 2021, et non celle de 2012 qui a fait l'objet d'un avoir, et l'action en paiement a été formée suivant exploit du 7 juillet 2021, soit 5 mois après ;
- la société Trimax ne peut utilement lui opposer la facture de 2012, puisqu'elle a fait l'objet d'un avoir, qui visant à prendre acte du recours devant les juridictions administratives et donc du caractère non encore exigible de la créance à cette date ;
- il ne saurait être déduit de cet avoir, qu'elle, société Borggrefe, aurait « reconnu que ses honoraires n'étaient exigibles qu'en cas de succès de l'opération » de [Localité 5] ;
- l'argument selon laquelle l'opération s'entendait en sa globalité et qu'il fallait tenir compte du programme Triel, qui avait été enterré, ne repose sur aucun élément, la société Trimax ajoutant aux modalités de déclenchement des honoraires des conditions qui n'ont pas été contractuellement convenues ;
- elle n'avait aucune obligation de solliciter le paiement au fur et à mesure de l'obtention des autorisations administratives devenues définitives, cette faculté n'étant en rien une obligation contractuelle prévue dans ladite convention, le terme « payable » signifiant simplement qu'une facture pouvait être émise et que la société Trimax s'engageait à la payer dans la mesure où cette facture était exigible ;
- elle n'a pas usé de cette faculté et a préféré éditer une facture du montant global des honoraires dus dès lors que les deux autorisations administratives étaient devenues définitives.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
L'article L. 110-4 du code de commerce étant muet sur le point de départ de la prescription en matière commerciale, il y a lieu d'appliquer les dispositions de l'article 2224 précité.
Par principe, le délai commence à s'écouler lorsque le titulaire du droit a effectivement connu les faits permettant de l'exercer, mais il peut, par exception, courir avant s'il est établi que le titulaire aurait dû les connaître, la prescription courant alors à compter de la connaissance effective ou de l'ignorance blâmable de ce que l'on pourrait appeler les « faits pertinents ».
En l'espèce, les stipulations du protocole du 26 juillet 2006 prévoient, en leur article 3, que :
« 1- les honoraires du groupement sont fixés d'une manière forfaitaire à un million d'euros hors taxes, pour la réalisation du programme prévu à l'article 1, ou jusqu'à la réalisation du programme allant jusqu'à 20 500 m² de surface de vente.
2- ces honoraires seront payables au fur et à mesure de l'obtention des autorisations administratives (CDEC [Commission Départementale d'Equipement Commercial] ou CNEC [Commission Nationale d'Equipement Commercial] et permis de construire), définitives, purgées de tout recours au prorata de leur obtention, sur présentation de deux factures représentant à chaque fois 50 % des honoraires dus, par chacun des membres du groupement.
En cas de non-paiement dans le mois suivant la réception d'une facture émise par le groupement, cette dernière portera intérêt au taux de base de l'intérêt légal ».
En premier lieu, la société Borggrefe ne peut se retrancher derrière la date de la facture qu'elle a émise, le 24 février 2021, et donc unilatéralement choisie, pour estimer de facto non avenue toute critique de sa demande sur le plan de la prescription, aux motifs que son assignation a été délivrée moins de six mois après l'émission de cette facture.
En effet, seul compte pour déterminer le point de départ de la prescription de son action en paiement, non la date d'émission de la facture, laquelle se doit normalement d'être délivrée au plus proche de la fin de la prestation ou de l'exigibilité de la créance, comme le rappelle l'article L. 441-9 du code de commerce, mais la date à compter de laquelle le créancier a eu connaissance ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action en paiement, peu important la date à laquelle il décide ensuite d'établir la facture.
En deuxième lieu, les développements des parties sur le lien entre les deux protocoles, [Localité 5] et [Localité 3], ainsi que sur la question de savoir si les honoraires sont dus ou non en cas de non-réalisation du projet, sont sans emport sur la question du point de départ de la prescription, dès lors que le protocole prévoit expressément que « les honoraires seront payables au fur et à mesure de l'obtention des autorisations administratives » (souligné par la cour), sans attendre le terme, quel qu'il fût, de l'opération projetée.
En outre, il doit être observé, et ce contrairement à ce que prétend la société Trimax, que la clause précitée envisage de manière limitative les autorisations administratives devant être obtenues par les parties et ouvrant le droit à la perception des honoraires.
En effet, y sont expressément énumérés les décisions de la commission départementale ou nationale d'équipement commercial et le permis de construire, sans qu'il soit envisagé, soit par l'emploi d'un signe typographique tel que des points de suspension (') ou de la locution adverbiale « etc », soit encore par l'ajout, par exemple, d'un adverbe tel que « notamment », le fait que d'autres autorisations pouvaient être nécessaires et seraient susceptibles d'influer sur le droit à percevoir les honoraires.
En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la société Borggrefe, il ressort des stipulations ci-dessus que les honoraires étaient « exigibles au fur et à mesure de l'obtention des autorisations administratives » et ne lui permettaient de retarder sa demande, ou de former une demande en paiement global, que pour autant que cette demande soit effectuée dans les 5 ans de l'événement ayant donné naissance à cette partie de la créance.
En effet, le protocole fait expressément référence à une perception des honoraires à la suite de « l'obtention des autorisations administratives (CDEC ou CNEC et permis de construire), définitives, purgées de tout recours au prorata de leur obtention » (souligné par la cour).
Or, des pièces du dossier, on peut retenir que :
- la décision de la commission nationale d'aménagement commercial est intervenue le 15 juin 2011 et a fait l'objet de recours devant les juridictions administratives, qui ont été définitivement rejetés par décision du Conseil d'Etat du 13 février 2012 ;
- le permis de construire a fait l'objet, quant à lui, de recours qui ont donné lieu à une décision de la cour administrative d'appel de [Localité 6] du 4 mars 2020, un certificat de non-pourvoi ayant été délivré le 16 mars 2021.
Ainsi, il est démontré que les deux autorisations administratives visées, définitives et purgées de tout recours, étaient intervenues, pour l'une dès le 13 février 2012, pour l'autre le 4 mars 2020.
Néanmoins, les dates des décisions ci-dessus mentionnées ne sauraient être prises en compte comme point de départ de la prescription à l'égard de la société Borggrefe, cette dernière n'étant pas partie aux instances précitées, ce qui doit conduire à rechercher la date à laquelle elle a pu avoir connaissance de ces deux faits ou aurait dû en avoir connaissance.
Or, concernant la première des autorisations administratives citées, il ressort des pièces du dossier que la société Borggrefe a émis une facture partielle d'honoraires le 30 novembre 2012, prenant en compte ce fait, comme cela résulte clairement de son courrier d'envoi du 4 décembre 2012, lequel précise « ma cliente a facturé la moitié des honoraires lui revenant dans la mesure où vous avez obtenu une décision définitive de la commission nationale d'aménagement commercial. »
Il est ainsi établi qu'au plus tard le 4 décembre 2012, la société Borggreffe avait connaissance du fait lui permettant d'exercer son action en paiement.
Le seul fait qu'après échanges avec la société Trimax sur le bien-fondé de cette facture, la société Borggrefe ait établi une facture d'avoir de ce montant, le 4 février 2013, et se soit méprise sur l'exigibilité de cette créance, à supposer que ce soit ce motif qui ait justifié l'émission d'un avoir, ce qui n'est aucunement établi, n'est pas de nature à retarder le point de départ de la prescription encourue.
En engageant, par assignation du 7 juillet 2021, son action en paiement au titre des honoraires partiellement dus à raison de cette autorisation définitive, fait dont elle a eu connaissance au plus tard le 4 décembre 2012, la société Borggrefe se heurte à la prescription quinquennale.
Son action en paiement est ainsi partiellement prescrite à hauteur de 250 000 euros, compte tenu des termes de la clause précitée, fixant les honoraires au prorata, d'abord, de la part revenant à la société Borggrefe (soit la moitié de 1 000 000 euros), ensuite, de la part due au titre de cette seule autorisation (soit la moitié de 500 000 euros).
S'agissant de la décision relative au permis de construire, objet d'un recours rejeté par la cour administrative d'appel le 4 mars 2020, il ne peut qu'être constaté que, quelle que soit la date où la société Borggrefe en a eu connaissance ou aurait dû en avoir connaissance, aucune prescription n'est encourue, compte tenu de l'assignation délivrée le 7 juillet 2021.
L'action introduite par la société Borggrefe se trouve donc recevable, pour un montant d'honoraire qui, compte tenu de sa part et du prorata des autorisations obtenues, s'élève à la somme de 250 000 euros.
3) Sur la demande en paiement des honoraires
La société Trimax oppose que :
- la société Borggrefe est informée de qu'elle, société Trimax s'est substituée la société SCCV des deux Rives dans la réalisation du programme ;
- à supposer que les honoraires demandés soient dus, seule la société SCCV des deux rives en serait redevable par application de l'article 4 du protocole, ce qui justifiait l'intervention volontaire de la société SCCV des deux rives.
La société Trimax plaide que :
- les Protocoles Triel et [Localité 5] sont indissociables en ce qu'ils constituent un groupe de contrats, « de telle sorte que les événements affectant l'un sont susceptibles d'avoir un effet sur les autres »
- un lien d'invisibilité existe entre les deux protocoles : le Protocole [Localité 5] fait expressément référence au Protocole Triel et à l'objectif de « réussite conjointe des deux opérations commerciales » pour expliquer la conclusion des Protocoles 1 et 2 ; il est également précisé dans ce même protocole que « les parties se dispensent de décrire [les opérations], pour parfaitement les connaître ». Par ailleurs, il ressort des Protocoles 1 et 2 que les honoraires dont Borggrefe se prétend créancière ne sont dus qu'à supposer que le programme [Localité 5] ait pu être réalisé.
Elle estime que :
- la lettre du Protocole [Localité 5] est donc bien de soumettre le paiement de cet honoraire forfaitaire de 1 000 000 euros à la réalisation du programme [Localité 5], s'agissant d'un honoraire de résultat ;
- le programme [Localité 5] ne pouvant irrémédiablement aboutir, cet honoraire de résultat n'est pas dû ;
- la perception de l'honoraire n'était pas limitée à la seule obtention de l'autorisation CNEC et du permis de construire, comme tente de le faire croire la société Borggrefe ;
- si l'objectif de ce protocole était de « parvenir à la réussite conjointe des deux opérations commerciales » (page 2 ' préambule), l'engagement des signataires était synallagmatique : les honoraires étaient dus au « groupement » - constitué de Socaprim et Borggrefe -, si et seulement si le groupement menait à bien sa mission ;
- les honoraires dont la société Borggrefe sollicite le paiement ne sont justifiés par aucune prestation ni aucun acte positif susceptible de constituer le « concours » visé au protocole du 24 juillet 2006 ;
- l'échec des deux programmes [Localité 5] et [Localité 3] rend sans cause (dans le meilleur des cas) l'obligation de paiement des honoraires ;
- la société Borggrefe ' demanderesse à l'instance - tenue de rapporter la preuve de ce qu'elle aurait parfaitement exécuté la mission prévue aux termes du Protocole [Localité 5], ne produit aucune pièce justifiant de ce qu'elle se serait acquittée de ses obligations ;
- aucune pièce ne démontre que la société Borggrefe a accompagné et aidé pour obtenir les autorisations nécessaires, puisque c'est au contraire elle, Trimax, qui a fait tous les efforts dans ce projet, dont un investissement de près de 6 millions d'euros qu'elle a perdu.
A titre surabondant, elle pointe que contrairement à la société Borggrefe, la société Socaprim n'a pas émis de facture ni n'a jamais réclamé un quelconque paiement, pour la bonne raison que le versement d'un honoraire était conditionné aux diligences réalisées par le tandem Borggrefe/ Socaprim et à la réussite du projet. Aucune des conditions ouvrant droit au paiement n'ayant été réalisée, aucun règlement ne pouvait donc être réclamé.
S'agissant de la qualité à défendre de la société Trimax, la société Borggrefe expose que :
- concomitamment à sa demande de mise hors de cause, la société Trimax formule une demande reconventionnelle, ce qui est contradictoire puisque soit la société Trimax n'est pas concernée par le litige et doit donc être mise hors de cause sans pouvoir formuler de demande reconventionnelle, soit elle considère qu'elle est recevable et fondée à former une demande reconventionnelle, auquel cas elle ne peut être mise hors de cause ;
- de manière surabondante, aucune substitution ne peut être invoquée par la société Trimax puisque la société SPP, désormais dénommée Trimax, ne lui a à aucun moment notifié à son intention de transférer à la SCCV des deux rives ses obligations résultant de l'application du protocole du 24 juillet 2006 ;
- un tel transfert ne lui a jamais été dénoncé, de sorte que, quand bien même il serait intervenu dans les faits, ce qui n'est pas le cas, celui-ci ne lui est pas opposable.
La société Borggrefe revient sur les deux protocoles signés et la volonté des parties, qui était d'avoir deux protocoles indépendants et d'applications distincte.
Elle souligne que :
- l'objet de chacun des deux protocoles est différent et l'application de chaque protocole est indépendante l'une de l'autre ;
- les parties aux deux protocoles sont différentes ;
- la société Trimax, en affirmant que les sommes devant lui être versées n'étaient dues qu'en cas de succès de l'opération de [Localité 5], réécrit le protocole du 26 juillet 2006 en y ajoutant une condition suspensive supplémentaire qui ne figurait pas dans le texte originel.
- la SAS Trimax n'a pas réalisé l'étude lui permettant de bénéficier de l'autorisation administrative de la loi sur l'eau et a donc volontairement mis un terme au projet de [Localité 5], alors qu'elle disposait de toutes les autres autorisations administratives, ce qui est donc son choix en octobre 2017.
Elle en déduit que :
- il n'était pas de l'intention des parties que le versement des honoraires prévus dans le protocole du 24 juillet 2006 intervienne à l'obtention de la dernière autorisation administrative qui est celle de l'ouverture au public, mais bien après l'obtention de l'autorisation commerciale et des permis de construire ;
- le protocole du 24 juillet 2006 énumère d'une manière stricte et limitative les autorisations nécessaires, et ce conformément aux accords pris entre ses signataires, sans interprétation possible dans la mesure où aucun point de suspension n'existe pouvant laisser penser que d'autres autorisations seraient englobées.
Elle souligne que :
- la citation du protocole du 24 juillet 2006 reprise par la société Trimax se situe au niveau de l'exposé général du protocole et non dans le corps dudit protocole où sont stipulées les obligations prévues pour l'application du contrat ;
- le fait de reprendre une partie du préambule pour lui donner une force obligatoire relève d'une démarche intellectuelle biaisée.
Elle estime que l'appelante concède que la purge des recours contre le permis de construire est intervenue à la suite de l'ordonnance du 4 mars 2020 de la cour administrative d'appel de [Localité 6]. Elle en déduit que, à compter du 4 mars 2020, elle était bien fondée à facturer les honoraires prévus dans ladite convention, d'un montant de 500 000 euros HT
Elle considère que c'est à tort que l'appelante assimile ses honoraires tels que prévus dans le protocole du 24 juillet 2006, à « des honoraires de résultat ».
Elle fait remarquer que si l'appelante invoque une absence de prestation, en réalité le point de discorde ne réside pas sur cette prétendue absence de prestation mais plutôt sur la légitimité de la facturation compte tenu de l'échec du programme ; à aucun moment pendant toutes ces années la société Trimax n'a remis en cause les prestations effectuées aux fins de réalisation dudit projet.
Elle fait valoir qu'elle a déployé tous ses efforts pour rencontrer certains membres des commissions afin de leur évoquer les mérites du projet du centre commercial de [Localité 5], et si le projet n'a pu voir le jour, ce n'est pas en raison qu'une quelconque défaillance ou absence de prestation de sa part, mais bien en raison du comportement de la société Trimax elle-même.
Réponse de la cour
Aux termes des dispositions de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce, à la demande en paiement formée par la société Borggrefe au titre des honoraires, la société Trimax oppose principalement deux séries de moyens, l'une qu'elle qualifie de fin de non-recevoir et qui vise à contester être le débiteur des sommes dues, l'autre relative au caractère indu des sommes réclamées.
S'agissant de la première série de moyens, la société Trimax se prévaut de l'article 4 du protocole, intitulé « transmission des mission », aux termes duquel « la société SPP [devenue Trimax] s'engage expressément à transférer le présent engagement à la personne physique ' ou morale qu'elle pourrait substituer dans la réalisation du programme. A défaut elle restera tenue des honoraires », et invoque la substitution par la société SCCV des deux rives, ce que la société Borggreffe n'ignorait pas.
En premier lieu, cette stipulation du protocole, liant la société Borggrefe et la société Trimax, comporte, d'une part, l'accord de la société Borggrefe pour cette substitution, donnée par avance et ferme, sans condition tenant à la personne du tiers substitué, d'autre part, l'engagement de la société Trimax à se substituer un tiers et, à défaut d'intervention de cette substitution, l'engagement de la même de payer les honoraires dus à la société Borggrefe.
En second lieu, il convient de relever qu'il n'est prévu contractuellement aucune modalité spécifique pour faire connaître la substitution entre les parties, pas plus qu'il n'est indiqué de délai pour informer de la substitution intervenue.
Il n'est ainsi pas envisagé qu'en cas de notification tardive ou d'absence de notification de la substitution intervenue, la société Trimax serait susceptible de demeurer tenu des honoraires dus.
Il n'est pas non plus prévu que la société Borggrefe puisse refuser d'agréer le tiers que se substituerait la société SPP, devenue Trimax.
Les parties s'opposent sur l'information quant à l'existence même de cette substitution, la société Borggrefe invoquant n'avoir jamais reçu notification de la substitution, tandis que la société Trimax précise que l'ensemble des faits démontre que sa cocontractante ne l'ignorait pas.
Sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de s'interroger sur l'ignorance ou pas de la substitution en cause, il doit être constaté qu'une substitution de la société SCCV des deux Rives à la société Trimax est intervenue, ce qui suffit, le créancier ayant donné par anticipation son accord pour une telle substitution, dont la société Borggreffe a eu connaissance par les conclusions que la société Trimax lui a signifiées le 7 septembre 2021, en première instance, comme en attestent..., comme en atteste les pièces 21 et 20 de la société Borggrefe
Ainsi, la société Borggrefe ne peut valablement invoquer une absence de notification de la substitution, pour prétendre que la société Trimax resterait débitrice à son égard des sommes litigieuses.
Qu'il s'agisse d'une fin de non-recevoir opposée à l'action en paiement ou d'un moyen visant au rejet de cette demande en paiement, il convient donc de faire droit à la demande de la société Trimax visant à dire que l'action est mal dirigée et qu'elle, intimée, n'est pas débitrice de la partie des honoraires non atteinte par la prescription.
IV ' Sur la demande reconventionnelle de la société Trimax
Aux termes des dispositions de l'article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Le préjudice doit être direct, certain et présent. Il appartient dès lors à celui qui s'en prévaut d'apporter la preuve d'un préjudice, d'une faute et d'un lien de causalité.
En l'espèce, la société Trimax, après avoir rappelé ses participations, via notamment sa filiale, la SCI Barcelone, dans le cadre de versement sur un compte courant d'associé de la SCCV [Adresse 4], expose que « les société Trimax/SCCV des deux Rives doivent quant à elles être indemnisé au titre des frais engagés en vue de la réalisation du projet Vernouillet auquel la société Borggrefe devait participer. Ce préjudice direct et certain de Trimax s'élève à la somme de 5 922 945 euros entre 2005 et 2017. Les dépenses exposées dans le cadre du projet [Localité 5] ne sont ni discutées, ni contestées par Borggrefe qui sollicitait une indemnisation à titre reconventionnel dès la première instance et n'est donc en aucun cas prescrite, ni irrecevable à présenter cette demande en appel contrairement à ce que soutient Borggrefe. Il convient en conséquence, d'en faire assumer la charge (au moins à proportion de son « investissement théorique dans le projet) à Borggrefe qui ne peut, dans le contexte tel qu'il vient d'être décrit, ne faire que tirer profit d'une opération finalement désastreuse dans laquelle elle est pourtant associée. »
En premier lieu, de ces développements décousus et confus, la cour peine à cerner la faute reprochée à la société Borggrefe, qui permettrait de fonder cette demande de la société Trimax à hauteur de plus de 5 millions, étant en outre observé que certains développements se rattachant à des notions de responsabilité contractuelle, tandis que d'autre envisagent un « remboursement de participation. »
Sur ce dernier point, il doit être observé que le protocole du 24 juillet 2006 ne prévoit aucune participation financière de la société Borggrefe à la réalisation du projet [Localité 5], qui pourrait justifier une demande en remboursement des frais engagés et investissements effectués en vue de la réalisation du projet [Localité 5].
En deuxième lieu, s'il n'est pas clairement identifié dans ses développements consacrés à cette demande (pages 34 et 35), la faute qui serait invoquée par la société Trimax au soutien sa prétention contre la société Borggrefe à hauteur des frais engagées pour la réalisation de cette opération, qui n'a pas été menée à son terme. Il doit être observé qu'une large part des développements, plus des 2/3, sur la page et demi consacrée à cette prétention, concerne en réalité le préjudice subi par la filiale de la société Trimax, la SCI Barcelone, laquelle n'est pas partie à la présente instance.
En outre, il sera observé que le versement invoqué par la société Trimax de sommes en compte courant d'associé dans la société SCCV [Localité 3], via sa filiale la SCI Barcelone, n'est aucunement établi par les pièces versées aux débats.
En troisième lieu, concernant plus particulièrement les développements ci-dessus reproduits et relatifs à cette demande, la société Trimax ne peut invoquer une indemnisation due aux « sociétés Trimax/SCCV », alors qu'il lui appartient de définir précisément le préjudice direct, personnel, certain et actuel, qu'elle aurait subi et qui serait né des faits qu'elle reproche à la société Borggrefe, préjudice qui s'avère distinct de celui de la société SCCV des deux Rives.
Or, la société Trimax démontre s'être substituée la société SCCV des deux Rives dans la réalisation de l'opération. Dès lors, le préjudice né de l'éventuelle faute commise par la société Borggrefe dans la réalisation de l'opération, même à la supposer établie, est supportée par cette dernière et non par la société Trimax. Or, la société SCCV des deux Rives n'est pas dans la cause à hauteur d'appel, tel qu'il a été relevé à titre liminaire.
En outre, il n'est effectué aucune démonstration précise permettant de déterminer les liens existant entre les sociétés, les rôles et la répartition des charges et des tâches, ainsi que des obligations de chacune des sociétés, et qui seraient susceptibles de justifier que la société Trimax puisse réclamer une telle somme à la société Borggrefe.
En conséquence, la demande de ce chef ne peut qu'être rejetée.
La demande d'expertise en vue de déterminer le quantum du préjudice subi est donc sans objet.
V- Sur la demande au titre de la résistance abusive
La société Trimax s'oppose à cette demande.
La société Borggrefe précise que la société Trimax a manqué à son devoir de bonne foi et à son obligation de loyauté, en tentant d'échapper par tout moyen à l'exécution du protocole, et en usant et abusant de tous les recours afin de repousser les échéances, faisant ainsi preuve d'une volonté dilatoire et frustratoire.
Réponse de la cour
En cause d'appel, la demande en paiement de la société Borggrefe a été rejetée et les moyens opposés par la société Trimax ont été, au moins partiellement, accueillis, de sorte qu'il n'est pas démontré, d'une part, de mauvaise foi du débiteur, étant observé qu'aucun préjudice distinct n'est invoqué, d'autre part, de faute ayant dégénéré en abus.
Cette demande est donc rejetée.
VI ' Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Borggrefe succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens de première instance et d'appel.
La société Borggrefe supportant la charge des dépens, il convient de la condamner à payer à la société Trimax la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa propre demande.
PAR CES MOTIFS
ANNULE le jugement du tribunal de commerce de Lille-Métropole du 5 janvier 2023 en toutes ses dispositions ;
Vu l'effet dévolutif,
REJETTE la fin de non-recevoir opposée par la société Borggrefe et tirée de la nouveauté des demandes ;
DIT non fondée la fin de non-recevoir basée sur l'article 910-4 du code de procédure civile ;
REJETTE la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir de la société Borggrefe opposée par la société Trimax ;
DIT que l'action en paiement de la société Borggrefe au titre des honoraires est prescrite à concurrence de la somme de 250 000 euros ;
DIT que la société Trimax n'est pas redevable de la part des honoraires non atteinte par la prescription et, en conséquence, REJETTE la demande formée à ce titre par la société Borggrefe ;
REJETTE la demande reconventionnelle présentée par la société Trimax à hauteur de 5 922 945 euros HT ;
En conséquence, DIT sans objet la demande d'expertise formée par la société Trimax ;
REJETTE la demande de dommages et intérêts formée par la société Borggrefe pour résistance abusive ;
CONDAMNE la société Borggrefe aux dépens de première instance et d'appel ;
CONDAMNE la société Borggrefe à payer à la société Trimax la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la société Borggrefe de sa demande d'indemnité procédurale.
Le greffier
Marlène Tocco
La présidente
Stéphanie Barbot