CA Nîmes, 2e ch. C, 3 avril 2025, n° 24/01655
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Euro Pieces Trading International (SARL)
Défendeur :
Euro Pieces Trading International (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dodivers
Conseillers :
Mme Mallet, Mme Izou
Avocats :
SCP GMC Avocats, Me Gay, Me Cassan, Me Guille, Me Garcia
EXPOSE DU LITIGE
Le 18 janvier 2022, M. [E] et Madame [L] ont fait l'acquisition auprès de la SARL Euro Pièces Trading International d'un véhicule d'occasion marque Toyota, modèle Avensis, immatriculé [Immatriculation 8] pour un montant de 9.650 '.
Un contrôle technique en date du 18 novembre 2021 était fourni faisant état de trois défaillances mineures.
Invoquant l'apparition de nombreux désordres immédiatement après l'achat du véhicule, M. [P] [E] et Mme [F] [L] ont, par acte de commissaire de justice en date du 10 janvier 2024, fait assigner la SARL Euro Pièces Trading International devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Alès, afin d'obtenir la désignation d`un expert dans le cadre d'un litige relatif à la vente et la garantie d'un véhicule.
Par ordonnance réputée contradictoire du 12 avril 2024, le président du tribunal judiciaire d'Alès, statuant en référé, a :
- débouté M. [P] [E] et Mme [F] [L] de leur demande de désignation d'un expert judiciaire ;
- condamné M. [P] [E] et Mme [F] [L] aux dépens ;
- condamné M. [P] [E] et Mme [F] [L] à verser à la SARL Euro Pièces Trading International la somme de 800 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 15 mai 2024, M. [P] [E] et Mme [F] [L] ont interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 2 septembre 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, M. [P] [E] et Mme [F] [L], appelants, demandent à la cour, au visa, de l'article 145 du Code de procédure civile, et des articles L.217-4 et suivants du code de la consommation,
- réformer l'ordonnance de référé du 12 avril 2024 déférée en ce qu'elle a :
« -Débouté M. [P] [E] et Madame [F] [L] de leur demande de désignation d'un expert judiciaire ;
- Condamné M. [P] [E] et Madame [F] [L] aux dépens ;
- Condamné M. [P] [E] et Madame [F] [L] à verser à la SARL Euro Pièces Trading International la somme de 800 ' sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. »
Statuant à nouveau,
- ordonner une mesure d'expertise judiciaire confiée à tel expert qu'il plaira près le tribunal judiciaire de Nice lequel pourra recevoir la mission suivante :
- convoquer les parties ; se rendre au lieu où le véhicule est entreposé, y faire toutes constatations utiles sur l'existence des vices ou non-conformités allégués par la partie demanderesse ;
- prendre connaissance de tous documents (contractuels et/ou techniques : contrat de vente, devis, et autres concernant d'éventuels travaux réalisés en relation avec ces vices ou défauts de conformité) ;
- examiner le véhicule Toyota, modèle Avensis, immatriculé [Immatriculation 8], rechercher la réalité des vices et/ou non conformités allégués par la partie demanderesse ;
- indiquer la nature, l'origine et l'importance ainsi que leur date d'apparition ;
- préciser notamment pour chaque vice s'il provient :
' d'une usure normale de la chose,
' d'une négligence dans l'entretien ou l'exploitation du bien immobilier et en préciser, si possible, l'auteur,
' de travaux qui ont été effectués (non-conformités aux règles de l'art, aux normes ou autres),
' d'une autre cause ;
- rechercher la date d'apparition objective du ou des vices, c'est-à-dire leur origine réelle (et non leur découverte), notamment par rapport à la date de conclusion du contrat de vente ;
- indiquer si l'acquéreur pouvait déceler ces vices lors de la vente, en tenant compte des connaissances de ce dernier, et s'il pouvait en apprécier la portée ;
- fournir tous éléments concernant l'éventuelle connaissance du ou des vices lors de la vente par le vendeur ;
- indiquer si ces vices rendent le bateau (sic) impropre à son usage ou s'ils « diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquis ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus » ;
- dans l'hypothèse où l'acquéreur entendrait demander une restitution d'une partie du prix de vente (et non la résolution totale de la vente ou encore l'allocation de dommages et intérêts), fournir au tribunal tous éléments d'appréciation de la diminution de la valeur du bateau, vice par vice ;
- préciser les remèdes et les travaux nécessaires pour supprimer le ou les vices ;
- évaluer les préjudices de toute nature résultant de ces vices, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état ;
- plus généralement, fournir tous éléments techniques ou de fait de nature à permettre le cas échéant à la juridiction compétente sur le fond du litige de déterminer les responsabilités éventuelles encourues ;
Au soutien de leur appel, ils indiquent avoir signalé les désordres dans les suites immédiates de la vente du véhicule litigieux, étant rappelé que l'action au titre de la garantie légale de conformité a été engagée dans le délai de deux ans suivant la vente, et que la présomption d'antériorité des désordres, pour les véhicules d'occasion, est fixé à un an à compter de la vente : soit en l'espèce jusqu'au 22 janvier 2023.
Ils exposent que la consommation anormale de liquide de refroidissement a été constatée lors de la réunion d'expertise amiable et contradictoire, la venderesse ayant été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception, le pli ayant été retourné comme avisé et non réclamé.
Ils soutiennent que le dysfonctionnement au niveau du joint de culasse en raison d'un sifflement au niveau du compartiment moteur ne relève nullement d'un usage anormal du véhicule.
Ils concluent enfin, à l'appui de leur demande d'expertise judiciaire, qu'en raison du bref délai d'apparition des désordres, la responsabilité du vendeur professionnel est susceptible d'être engagée sur le fondement des dispositions des articles L.217-4 du code de la consommation.
La SARL Euro Pièces Trading International, en sa qualité d'intimée, par conclusions en date du 3 septembre 2024, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, de :
- confirmer la décision rendue le 12 avril 2024 par le tribunal judiciaire d'Alès statuant en la forme des référés.
- débouter M. [E] et Mme [L] de toute demande, fins et prétention.
- condamner M. [E] et Mme [L] à porter et à payer à la SARL Euro Pièces Trading International la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner M. [E] et Mme [L] aux entiers dépens.
A l'appui de ses écritures, la société intimée fait valoir que les appelants ne rapportent pas la preuve qu'ils lui avaient rapidement signalé les désordres dès la première utilisation du véhicule.
Elle estime que le premier juge a fait une juste analyse de la situation en indiquant que le véhicule n'était pas entaché de désordre ou de vice lors de la vente et que les demandeurs ne démontrent pas le contraire par la production de leurs pièces, le contrôle technique ayant été établi pour la vente et le véhicule ayant été vérifié avant la vente.
Elle précise que seules trois défaillances mineures apparaissaient sur le contrôle technique et étaient inexistantes lors de la vente puisqu'elle a procédé aux réparations nécessaires, qu'ainsi M. [E] et Mme [L] ont donc acquis un véhicule en parfait état de fonctionnement sans défaillance et sans dysfonctionnement ou vice caché.
Elle considère que les acheteurs ont usé anormalement de leur véhicule plusieurs mois après leur achat et ont donc causé une défaillance dans le véhicule.
Elle relève enfin que la prétendue expertise dont se prévalent les acheteurs n'a aucune valeur légale puisqu'elle n'est pas contradictoire et n'a pas été réalisée de manière objective.
MOTIFS DE LA DECISION
Selon l'article 145 du code de procédure civile « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
Il est constant que lorsqu'il statue en application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, le juge des référés n'est pas soumis à l'absence d'une contestation sérieuse.
La mise en 'uvre d'une mesure d'expertise judiciaire ne saurait préjuger des responsabilités éventuelles dont le juge du fond aura à connaître, le juge des référés ne doit pas conditionner le motif légitime à la démonstration de l'existence d'un responsable avéré ou probable.
Le juge du référé, souverain dans l'appréciation du motif légitime, doit considérer la vraisemblance des faits recherchés en preuve et leur influence sur la solution du litige qui pourrait être porté devant les juges du fond.
Ainsi, pour caractériser l'existence d'un motif légitime, le juge des référés doit s'assurer que le demandeur établit qu'un procès au fond sera possible entre les parties, que la mesure sera utile et pertinente et que l'action au fond n'est pas d'avance manifestement vouée à l'échec.
En l'espèce, il est constant que le vendeur professionnel est tenu à garantir les défauts de conformités existants au moment de la délivrance du bien et des vices qui pourraient l'affecter.
L'octroi de la garantie légale de l'article L217-3 du code de la consommation suppose que le défaut invoqué, s'il est établi, existe lors de la délivrance.
En l'espèce, s'il ressort que le véhicule est atteint d'un désordre consistant en un défaut d'étanchéité interne du moteur tel que cela résulte du rapport de l'expert mandaté par l'assureur protection juridique des acquéreurs en date du 17 août 2023, il n'est cependant pas démontré que cette non-conformité ait existé lors de la délivrance du bien le 18 janvier 2022.
En effet, les appelants se contentent d'affirmer sans en rapporter la preuve qu'ils ont constaté et signalé l'anomalie tenant à la surconsommation de liquide de refroidissement dès leur retour à domicile immédiatement après l'achat du véhicule, déclarations qu'ils reprennent sans élément venant les corroborer dans leur courrier du 2 avril 2023 et reprises par le courrier de leur assureur du 6 octobre 2023 à partir de leurs déclarations.
Au contraire, le contrôle technique en date du 18 novembre 2021 faisait état de trois défaillances mineures sans rapport avec le désordre allégué et il ressort de l'attestation du garage Sdujpin qui a effectué la révision du véhicule avant la remise en vente (facture du 20 septembre 2021) qu'aucun bruit anormal venant du moteur, ni émanation de fumée, ni émanation d'huile, ni autre, n'étaient constatés dans le vase d'expansion.
Le premier élément mettant en évidence une probable difficulté réside dans l'examen du véhicule par le garage Pitshop Service Prenium le 5 février 2023 qui constate un manque de liquide de refroidissement mais indique que le véhicule ne présente aucune opacité de fumée, démarre et roule tous les jours mais qu'un sifflement est audible au niveau du compartiment moteur engendrant une suspicion de joint de culasse défectueux.
Ainsi, la première suspicion a été formulée plus d'un an après la délivrance du bien et après des milliers de kilomètres parcourus pour être établie seulement le 17 août 2023, soit 19 mois après et 17 202 kilomètres effectués sans immobilisation du véhicule et sans preuve d'un entretien régulier du véhicule ou d'une intervention pour y remédier.
Dès lors, la mesure d'instruction sollicitée est inutile à rapporter la preuve d'une défaillance au moment de la délivrance du bien.
Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance seront confirmées.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, les appelants qui succombent, seront condamnés aux dépens d'appel.
Il n'est pas équitable de laisser supporter à l'intimée ses frais irrépétibles d'appel. Il lui sera alloué la somme de 1 000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant en référé après en avoir délibéré conformément à la loi, après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme l'ordonnance déférée en l'ensemble de ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [E] et Madame [L] aux dépens d'appel,
Condamne M. [E] et Madame [L] à payer à la SARL Euro Pièces Trading International la somme de 1 000 ' au titre des frais irrépétibles d'appel.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.