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CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 3 avril 2025, n° 24/10047

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/10047

3 avril 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 3 AVRIL 2025

(n° , 1 [O])

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/10047 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJQW4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Avril 2024 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2023022695

APPELANTE

Mme [D] [O]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Claire BASSALERT de la SELAS SCHERMANN MASSELIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0770

Assistée par Me Isabelle SANTONI-BALIANT, avocate au barreau de PARIS, toque : E2272

INTIMÉS

S.E.L.A.F.A. [7] en la personne de Me [W] [S] ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société [8]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Vincent GALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1719

M. LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 2]

[Localité 3]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Janvier 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Sophie MOLLAT, Présidente

Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère

Isabelle ROHART, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

MINISTERE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. François VAISSETTE, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sophie MOLLAT, présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

La société à responsabilité limitée [8], créée le 5 janvier 2017, exerçait une activité de « conseil pour les affaires et autres conseils de gestion, conseil et assistance opérationnelle apportées à des entreprises et autres organisations sur des questions de gestion ». Mme [D] [O] en est la gérante statutaire. La société employait un salarié, M. [Z] [I], époux de ladite gérante.

Le 8 avril 2022, la société [8] a déposé une déclaration de cessation des paiements auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 26 avril 2022, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la société [8], nommé la SELAFA [7] en qualité de mandataire judiciaire liquidateur, et fixé la date de cessation des paiements au 8 avril 2022, soit à la date de déclaration de cessation des paiements.

Par exploit du 16 décembre 2022, la SELAFA [7] a fait assigner Mme [D] [O] devant le tribunal de commerce de Paris en responsabilité pour insuffisance d'actif, lui reprochant d'avoir commis des fautes de gestion en poursuivant l'activité déficitaire de la société entre 2020 et 2021, en s'allouant des rémunérations excessives au cours de cette période et en transférant à la société plus de la moitié du loyer de son pavillon d'habitation.

Parallèlement, le ministère public, sur requête du 24 avril 2023, a saisi le tribunal de commerce de Paris d'une demande en sanction personnelle à l'égard de Mme [D] [O], lui reprochant d'avoir tenu une comptabilité irrégulière ou incomplète et d'avoir fait des biens ou crédits de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles.

Par jugement du 30 avril 2024, le tribunal de commerce de Paris a écarté la faute de gestion relative à la poursuite de l'activité déficitaire et a jugé que Mme [O] avait fait des biens de la société un usage contraire à l'intérêt de celle-ci. Il a prononcé à son égard une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, en tout cas toute personne morale, et fixé la durée de cette mesure à trois ans.

Par déclaration du 29 mai 2024, Mme [D] [O] a interjeté appel de ce jugement, intimant la SELAFA [7] et le ministère public.

Le tribunal l'a également condamnée, aux termes d'une décision distincte du 30 avril 2024, à payer la somme de 10 000 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif avec anatocisme à compter de la date de mise à disposition du jugement, outre la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens. Mme [O] a acquiescé à ce jugement et les parties sont convenues d'un paiement échelonné des condamnations prononcées.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 21 juin 2024, Mme [D] [O] demande à la cour d'appel de Paris de :

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 30 avril 2024 lequel a prononcé à l'encontre de Mme [D] [O] une interdiction de gérer pour une durée de trois ans ;

Statuant à nouveau :

- Juger que Mme [D] [O] n'a commis aucune faute de gestion et encore moins une faute de gestion susceptible de justifier une interdiction de gérer ;

- Juger que Mme [D] [O] ne saurait être condamnée à une interdiction de gérer ;

Subsidiairement :

- Diminuer la durée de l'interdiction de gérer à une durée de six mois ;

En tout état de cause :

- Condamner la SELAFA [7] à verser à Mme [D] [O] la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SELFA [7] aux entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 19 juillet 2024, la SELAFA [7] demande à la cour d'appel de Paris de :

Donner acte à la SELAFA [7], ès-qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société [8], de ce qu'au bénéfice des observations qu'elle a soumises et sous les plus expresses réserves, elle s'en rapporte à la justice sur le mérite de l'appel ;

Dire Mme [D] [O] mal fondée en sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et l'en débouter ;

Condamner Mme [D] [O] à payer à la SELAFA [7] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Mme [D] [O] aux dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés par Maître Vincent Gallet, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par avis du 17 septembre 2024, le ministère public demande à la cour d'appel de Paris de confirmer le jugement en ce qu'il prononce une mesure d'interdiction de gérer pour une durée de trois ans à l'encontre de Mme [D] [O].

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 19 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'interdiction de gérer

Par application de l'article L. 653-8 alinéas 1er et 3 du code de commerce, Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

[']

Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

En outre, par application de l'article L. 653-4 du même code que Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;

2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;

4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

En l'espèce, il convient d'examiner le seul grief retenu par le tribunal, à savoir le fait d'avoir utilisé des biens ou du crédit de la personne morale contraire à son intérêt et à des fins personnelles, étant observé que le grief tenant à la tenue de la comptabilité ou la comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière, a été écarté par les premiers juges au regard des états comptables et fiscaux afférents aux années 2019, 2020 et 2021 dûment versés aux débats, et le liquidateur n'a pas formé appel incident sur ce point.

Sur l'avance sur frais et rémunération de Mme [O] et le versement de rémunérations excessives

Mme [D] [O] soutient que les versements de rémunération prétendument excessifs en sa faveur à hauteur de 54 094 euros en 2020 et 53 984 euros en 2021 ne sauraient emporter la caractérisation d'une faute de gestion, au motif que la faute de gestion est constituée dans le cas où le dirigeant s'est octroyé des rémunérations excessives sans avoir exercé l'activité correspondante et sans avoir fourni une prestation réelle. Elle expose que sa rémunération avait bien une contrepartie puisqu'elle a travaillé de manière réelle et effective depuis 2017 dans l'intérêt de la société [8] pour créer l'activité, mais aussi définir et développer la stratégie commerciale, ce qui a permis de générer un chiffre d'affaires important sur les trois premiers exercices comptables. Sur le montant de sa rémunération, elle précise l'avoir diminuée en 2020 et 2021 par rapport aux années antérieures, lorsqu'elle s'est aperçue que les perspectives de développement s'amenuisaient lors de la crise sanitaire et que les délais de paiement des charges sociales et fiscales n'étaient pas accordés à l'entreprise ; que sa rémunération est ainsi passée de 55 600 euros en 2019 à 38 400 euros en 2020 et, à la suite d'une hausse importante du chiffre d'affaires entre 2020 et 2021, à 48 999,80 euros en 2021 ; que sa rémunération en qualité de gérante était, conformément aux statuts, prévue lors des assemblées générales de la société. Elle ajoute enfin que le tribunal a, à tort, retenu que les versements susmentionnés ont été réalisés au détriment d'une créance de l'URSSAF, étant donné qu'elle n'a en aucun cas eu l'intention d''uvrer contre les intérêts de la société, alors qu'elle misait sur le rétablissement de la société et l'octroi de délais de paiement par les organismes sociaux et fiscaux.

La SELAFA [7] réplique que Mme [O] a bénéficié d'une avance de 10 000 euros sur frais et rémunération, qu'elle n'a pas remboursée, et qu'elle a prélevé des rémunérations excessives alors que l'exploitation de la société [8] était déficitaire et que son passif restait impayé ; que la part de la rémunération de la gérante dans le chiffre d'affaires pour les exercices 2020 était respectivement de 76,53% et de 46,11%, lesquelles s'ajoutaient à celle de son époux, unique salarié de la société [8], et dont les rémunérations additionnées à celles l'appelante ont représenté 106% du chiffre d'affaires en 2020 et 75% du chiffre d'affaires en 2021. Elle énonce en outre qu'il ressort des comptes que des versements au profit de Mme [O] ont été effectués à hauteur de 54 094 euros en 2020 (soit un montant supérieur du chiffre d'affaires) et de 53 984 euros en 2021, et, au profit de M. [Z] [I], des versements de 42 332 euros en 2020 et de 39 546 euros en 2021 ; que ces sommes sont en totale disproportion avec le chiffre d'affaires et les autres charges de la société [8]. Elle conclut que le grief est fondé.

Le ministère public rappelle qu'il ressort d'un courriel de l'expert-comptable du 11 mai 2022 et d'une lettre du liquidateur du 16 mai 2022 que la somme de 10 000 euros a été versée au titre d'avance sur frais et rémunération à Mme [O], laquelle n'a pas été remboursée ; que, suivant les comptes de résultat détaillant les exercices 2020 et 2021, les rémunérations annuelles versées à la gérante au titre de ses fonctions se sont respectivement élevées à 76% et 46% du chiffre d'affaires des exercices susmentionnés ; que la société était titulaire de deux comptes lesquels faisaient apparaître des versements en faveur de l'appelante à hauteur de 55 159 euros en 2020 (soit 108% du chiffre d'affaires) et de 52 985 euros en 2021 (soit près de la moitié du chiffre d'affaires de la société), ainsi que les salaires versés à son époux, en sa qualité de salarié, durant les exercices 2020 de 45 521 euros, et 2021 de 38 466 euros, alors que la société débitrice rencontrait des difficulté et était déficitaire. Il conclut que les sommes versées par la dirigeante sont disproportionnées au regard du chiffre d'affaires et ont ainsi empêché le règlement des créanciers, notamment l'URSSAF.

Sur ce,

Il est rappelé que l'insuffisance d'actif de la société [8] est de 134 035,31 euros et qu'aucun actif n'a pu être réalisé dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire.

Il est en outre établi que Mme [O] a bénéficié d'une avance de 10 000 euros sur frais et rémunération, qu'elle n'a pas remboursée, et qu'elle a prélevé des rémunérations excessives alors que l'exploitation de la société [8] était déficitaire et que son passif restait impayé, les états financiers indiquant un résultat d'exploitation de - 66 994 euros en 2020 et de - 41 904 euros en 2021.

Le liquidateur rapporte ainsi valablement la preuve que la part de la rémunération de la gérante dans le chiffre d'affaires pour les exercices 2020 était de 76,53% (sa rémunération ayant été de 38 400 euros), et pour les exercices 2021 était de 46,11% du chiffre d'affaires (sa rémunération ayant été 49 000 euros), rémunération auxquelles s'ajoutaient celles de l'époux de Mme [O], unique salarié de la société [8]. Les rémunérations totales versées ont alors représenté 106% du chiffre d'affaires en 2020 et 75% du chiffre d'affaires en 2021.

En outre, les comptes de la société [8] font ressortir des versements de 54 094 euros en 2020 (soit un montant supérieur du chiffre d'affaires) et de 53 984 euros en 2021 au profit de Mme [O], ainsi que des versements de 42 332 euros en 2020 et de 39 546 euros en 2021 au profit de M. [I].

Ces versements apparaissent en totale disproportion avec le chiffre d'affaires et les autres charges de la société [8], étant observé que le débat ne porte pas sur la contrepartie de la rémunération ou sur son caractère fictif, mais bien sur la disproportion entre le montant de ces rémunérations, en particulier celles de la gérante, et le chiffre d'affaires réalisé par la société en 2020 et 2021, de sorte que le moyen opposé par l'appelante tenant à l'effectivité de ses fonctions et de ses prestations est inopérant.

Il s'ensuit que Mme [O] a fait des biens ou du crédit de sa société un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles de sorte que le grief fondé sur l'article L. 653-4, 3° du code de commerce est caractérisé.

Sur le contrat de domiciliation de la société et les conventions d'occupation précaire

Mme [D] [O] conteste le jugement en ce qu'il a considéré que le contrat de domiciliation de la société [8] au domicile de la gérante prévoyait des indemnités d'occupation disproportionnées au regard de la surface du logement allouée à l'activité professionnelle. Elle soutient que compte tenu des restrictions de déplacement liés à la crise sanitaire, dès le mois de mars 2020, il a été conclu une convention d'occupation précaire portant sur des montants annuels de 11 924,55 euros en 2020 et 14 795,56 euros en 2021 et que, par conséquent, ces sommes n'apparaissent pas disproportionnées.

La SELAFA [7] réplique qu'alors que la société [8] avait conclu un contrat de domiciliation et exposait des faibles dépenses à cet effet (385 euros en 2018 et 2021 ; 420 euros en 2019 et en 2020), elle a conclu avec sa gérante deux conventions d'occupation précaire de son logement personnel en 2020 et 2021, ayant eu pour effet d'accroître considérablement les charges locatives de la société. Elle précise que le couple [O]-[I] était titulaire d'un bail portant sur un pavillon à [Localité 5], moyennant un loyer mensuel initial de 2 100 euros pour une superficie totale de 116,10 m² ; que si les conventions d'occupation précaire susmentionnées portent seulement sur 16 m² de l'immeuble, les montants mis à la charge de la société [8] représentent la moitié du loyer principal. Elle conclut que le grief fondé sur l'article L. 653-4, 3° du code de commerce apparaît caractérisé.

Le ministère public rappelle l'existence des conventions d'occupation précaire conclues par la société [8] avec Mme [O], des frais de location (10 625 euros pour l'exercice 2020 et 13 580 euros pour l'exercice 2021, soit près de la moitié de son loyer personnel principal) et des indemnités d'occupation précaire y afférents pour une surface représentant 14% de la surface totale du pavillon, ce qui caractérise un usage contraire à l'intérêt de la société à des fins personnelles.

Sur ce,

Le liquidateur démontre, sans être utilement contredit, que lorsque la société [8] a commencé à rencontrer des difficultés, Mme [O] a transféré à cette dernière une partie des coûts liés à son logement personnel à [Localité 5].

Ainsi, alors que la société [8] avait conclu un contrat de domiciliation et exposait des faibles dépenses à cet effet (385 euros en 2018 et 2021 et 420 euros en 2019 et 2020), elle a conclu avec sa gérante deux conventions d'occupation précaire les 1er avril 2020 et 1er janvier 2021, ayant eu pour effet d'accroître les charges locatives de la société, portées à 10 625 euros dans les comptes de l'exercice 2020 et à 13 580 euros dans les comptes de l'exercice 2021.

Les conventions d'occupation précaire susmentionnées portaient seulement sur 16 m² de l'immeuble.

Toutefois, au regard du bail portant sur le pavillon à [Localité 5] dont le couple [O]-[I] était titulaire, pour une durée de trois ans à compter du 15 février 2019 en moyennant un loyer mensuel initial de 2 100 euros pour une superficie totale de 116,10 m², les montants mis à la charge de la société [8] représentent la moitié du loyer principal, outre une indemnité d'occupation précaire destinée à couvrir les frais du bailleur, d'un montant de 130 euros pour 2020 et 170 euros pour 2021.

Il s'en déduit une disproportion entre la superficie nécessaire pour l'activité de la société [8] et le loyer convenu, notamment dans le contexte de difficultés financières que traversait la société, caractérisant un usage contraire à l'intérêt de la société à des fins personnelles.

Le grief fondé sur l'article L. 653-4, 3° du code de commerce est donc établi.

Sur la sanction personnelle

Selon l'article L. 653-8, alinéa premier du code de commerce, Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

Mme [D] [O] soutient que, au regard du montant d'insuffisance d'actif mis à sa charge soit la somme de 10 000 euros (pour un montant d'insuffisance d'actif total de 162 315,18 euros), le jugement témoigne que les fautes qui lui sont reprochées à tort ne revêtent aucun caractère grave mais relèvent du contexte économique et que, en l'absence d'une telle faute, le prononcé d'une interdiction de gérer ne serait pas justifié. Elle ajoute être capable de gérer une société, comme en attestent la gestion de la société et sa situation financière avant la crise sanitaire. Et qu'une interdiction de gérer d'une durée de trois ans ne se justifierait pas eu égard à sa bonne foi, à son âge (62 ans), à la difficulté de retrouver un emploi pour faire face à ses charges de la vie courante. Enfin, elle relève qu'elle ne détient aucun bien, est locataire, et que, si elle arrêtait de travailler, sa retraite serait de l'ordre de 416 euros par mois.

La SELAFA [7] rappelle que le prononcé d'une sanction personnelle reste toutefois une faculté soumise à l'appréciation souveraine de la juridiction et que, eu égard à la situation personnelle de l'appelante, aux difficultés auxquelles elle est confrontée, compte tenu de son âge, pour trouver un emploi salarié, elle s'en rapporte à la justice sur le mérite de l'appel.

Le ministère public soutient que le grief de l'article L. 653-4, 3° du code de commerce est fondé en l'espèce et qu'en conséquence, aux termes de l'article L. 653-8, alinéa premier du même code, une interdiction de gérer pour une durée de trois ans à l'encontre de Mme [D] [O] pourra être prononcée.

Sur ce,

La cour observe que le tribunal, par une exacte appréciation des faits et application du droit, en a justement déduit l'existence d'agissements fautifs imputables à Mme [O] et retenu le grief prévu à l'article L. 653-4, 3° du code de commerce à son encontre pour la condamner à une interdiction de gérer.

Toutefois, cette condamnation sera réduite à une durée de deux ans.

Cette sanction n'est pas disproportionnée par rapport aux faits mis en lumière et au grief retenu, nonobstant la situation financière personnelle de l'appelante.

Le jugement sera par conséquent confirmé sur la sanction d'interdiction de gérer mais infirmé quant à la durée de l'interdiction qu'il a fixée.

Sur les frais du procès

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement s'agissant des dépens et frais non compris dans les dépens.

Mme [O], partie succombante, sera condamnée aux dépens d'appel.

Il conviendra enfin, eu égard aux capacités contributives et respectives des parties, de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a fixé la durée de l'interdiction de gérer à trois ans ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe la durée de l'interdiction de gérer à deux ans ;

Rejette les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [D] [O] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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