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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 13 mars 2025, n° 21/00178

AMIENS

Arrêt

Autre

CA Amiens n° 21/00178

13 mars 2025

ARRET



[J]

C/

[H]

S.E.L.A.S. [12]

copie exécutoire

le 13 mars 2025

à

Me Lopes

Me Tany

FM

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 13 MARS 2025

N° RG 21/00178 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H6TK

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE D'AMIENS DU 01 DECEMBRE 2020 (référence dossier N° RG 2019J00134)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [Y] [J]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Justine LOPES, avocat au barreau D'AMIENS

ET :

INTIMES

Monsieur [L] [H]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Imad TANY de la SELARL DORE-TANY-BENITAH, avocat au barreau D'AMIENS

S.E.L.A.S. [12] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [8] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 3]

[Localité 4]

signifiée à secrétaire le 16 février 2021

***

DEBATS :

A l'audience publique du 12 Décembre 2024 devant :

Mme Odile GREVIN, présidente de chambre,

Mme Florence MATHIEU, présidente de chambre,

et Mme Valérie DUBAELE, conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 Mars 2025.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Madame Malika RABHI

PRONONCE :

Le 13 Mars 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, présidente de chambre a signé la minute avec Madame Marie-Estelle CHAPON, greffière.

*

* *

DECISION

Le 26 juin 2008 était constituée la SARL [8], société d'expertise-comptable, par Monsieur [Y] [J] et la société [16], depuis lors sortie du capital de la société créée.

Par assemblée générale extraordinaire du 15 juin 2013, Monsieur [L] [H], comptable salarié de la société [8], a accepté d'entrer au capital de cette dernière à hauteur de 25% avec 100 parts sociales, le reste étant détenu par Monsieur [Y] [J], gérant avec 300 parts sociales.

Le 1er octobre 2013 était immatriculée la société [13] au sein de laquelle officiaient deux experts comptables, à savoir Messieurs [O] [A] et [N] [F], et au sein de laquelle la société [8] était titulaire de 68 parts sur les 100 parts composant le capital social.

Par la suite, la société [8] a cédé l'intégralité des parts sociales de la société [13], en cédant 50 parts à Monsieur [Y] [J], et 9 à Monsieur [N] [F] et à Monsieur [O] [A].

Suivant acte sous seing privé daté du 8 décembre 2017, un pacte d'associés a été conclu entre Monsieur [L] [H] et Monsieur [Y] [J], en présence des sociétés [8] et [13], prévoyant un certain nombre de dispositions relatives à la gestion des participations respectives des parties au sein de la société [8], ainsi que la cession de l'intégralité des titres détenus par Monsieur [Y] [J] de la société [13] dans un délai de 8 mois, conjugué au versement à M. [H] d'une indemnité égale à 25 % net d'impôt et de cotisation sur la plus-value réalisée sur ladite cession. Le pacte prévoyait également une clause d'indemnisation en cas de licenciement de Monsieur [L] [H] (associé salarié) ainsi qu'une clause pénale.

Suivant lettre en date du 2 février 2018, Monsieur [Y] [J] démissionnait de ses fonctions de gérant de la société [8], avant de solliciter auprès de l'Ordre des experts-comptables le bénéfice d'une administration provisoire qui fut assurée par Monsieur [T] [R] du 15 mars 2018 au 13 juin 2018.

Par jugement du 25 octobre 2018, le tribunal de commerce d'Amiens a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société [8], convertie en liquidation judiciaire, suivant décision du 16 novembre 2018, la Selas [11] étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire et la date de cessation des paiements ayant été fixée au 10 octobre 2018.

Par lettre de son conseil en date du 8 février 2019, Monsieur [L] [H] a mis en demeure Monsieur [Y] [J] d'avoir à exécuter ses engagements pris aux termes du pacte d'associé du 8 décembre 2017, mise en demeure restée sans réponse.

Par acte d'huissier en date du 8 juillet 2019, M. [L] [H] a fait assigner M. [Y] [J] devant le tribunal de commerce d'Amiens, sur le fondement des articles 1101 et suivants du code civil, aux fins d'obtenir la condamnation de ce dernier à lui payer les sommes de :

- 189.235,25 euros à titre d'indemnité correspondant à 200 % du chiffre d'affaires moyen sur les trois dernières années,

- 50.000 euros au titre de la clause pénale,

- 30.000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral.

Par acte d'huissier en date du 23 juin 2020, M. [H] a fait assigner la SELAS [12], liquidateur de la société [9] en déclaration de jugement commun.

Par jugement rendu le 1er décembre 2020, le tribunal de commerce d'Amiens s'est déclaré compétent pour statuer et a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :

- ordonné la jonction des deux instances et déclaré opposable à la SELAS [12], liquidateur de la société [8] le jugement,

- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires de celles auxquelles le présent dispositif fait droit,

- condamné M. [Y] [J] à payer à M. [L] [H] les sommes de :

- 19.670 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- 189.235,25 euros au titre de l'indemnité de rachat des parts de M. [L] [H] avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Par un acte en date du 31 décembre 2020, M. [Y] [J] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 13 juillet 2021, M. [J] conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de :

- se déclarer incompétente au profit du tribunal mixte de commerce de Cayenne et de la cour d'appel de Cayenne,

- prononcer la nullité du pacte d'associés du 8 décembre 2017,

- débouter M. [H] de toutes ses demandes en paiement et subsidiairement limiter le montant de la condamnation au titre de l'indemnité due au titre du pacte d'associé à la somme de 14.087,50 euros,

- à titre reconventionnel, condamner M. [H] à lui payer la somme de 140.000 euros à titre de dommages et intérêts pour sa perte de chance de céder ses parts sociales ainsi que la somme globale de 20.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Saisi par M. [H] d'un incident remis le 27 juillet 2023 aux fins de voir constater la péremption d'instance, le conseiller de la mise en état par ordonnance rendue le 16 décembre 2024 a débouté M. [H] de sa demande, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance principale.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 3 décembre 2024, M. [H] conclut à la confirmation du jugement déféré des chefs de condamnation prononcées à son profit, à l'infirmation pour le surplus et demande à la cour de condamner en plus M. [J] à lui payer les sommes de :

- 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 1231-6 alinéa 3 du code civil ;

- 30.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif des demandes formulées ;

- 50.000 euros au titre de la clause pénale prévue au pacte d'associée, avec intérêts à compter du 8 février 2019, date de la mise en demeure ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- 30.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif des demandes formulées ;

- 10.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de l'appel exercé ;

- 30.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles pour la première instance et l'appel.

S'agissant de la demande reconventionnelle de M. [J], à titre subsidiaire, il demande à la cour de se déclarer incompétente au profit du conseil de prud'hommes d'Amiens et plus subsidiairement de déclarer M. [J] irrecevable compte tenu de la liquidation judiciaire de la société [9].

La déclaration d'appel a été signifiée à la SELAS [12], liquidateur de la société [9] suivant acte remis à la personne morale, le 16 février 2021. La SELAS [12], ès-qualités, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la compétence

M.[J] invoque la compétence du tribunal mixte de commerce de Cayenne, ayant la qualtié de défendeur résidant en Guyane française. Il réfute l'application de l'article 46 du code de procédure civile dans la mesure où M. [H] agit sur le fondement d'un pacte d'associés qui n'est ni une vente ni un contrat de prestation de services, et que le présent litige ne relève pas de la matière délictuelle.

Il soutient qu'en vertu de l'article 48 du même code, une clause attributive de compétence territoriale ne peut produire effet qu'entre personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant, qualité que ne possède ni M. [H], ni M. [J], et qui ne concerne pas les sociétés d'expert-comptable.

Il ajoute que le pacte litigieux n'a prévu aucune élection de domicile.

M. [H] réplique que les statuts de la société et le pacte d'associés relèvent de la matière contractuelle et sont régis par les articles 1103 et suivants du code civil. Il précise que le siège social de la société [9] est situé à [Localité 6] et que M. [J] reste tenu par l'élection de domicile prévue au pacte, à savoir [Localité 15], et ce d'autant plus qu'il n'a jamais notifié son changement d'adresse conformément aux termes du pacte.

A titre liminaire, il y a lieu de relever que M. [J] ne peut sérieusement soutenir qu'il n'a pas la qualité de commerçant et invoquer la compétence du tribunal de commerce mixte de Cayenne.

Il résulte des pièces produites que M. [H] fonde son action sur le pacte d'associés signé le 8 décembre 2017, lequel en ses articles 3 et 13 stipule que « Pour tout ce qui concerne le fonctionnement de la société (Sarl [8]), les parties s'engagent irrévocablement à respecter les dispositions légales applicables à la société, les stipulations du pacte, ainsi que les statuts de la société. Le pacte ne peut contrevenir aux stipulations impératives des statuts ».

« (') Tout changement d'adresse ou de représentant d'une partie pour les besoins du pacte devra être notifié par la partie concernée aux autres parties ainsi qu'il est prévu ci-dessus ».

Il est constant que M.[J] gérant de la SARL [8], laquelle est une société commerciale et confère dès lors à ses associés le statut de commerçant, a élu domicile pour les besoins du pacte à [Localité 14] (80) et n'a jamais notifié un quelconque changement d'adresse.

Dès lors, M. [H] agissant sur le fondement contractuel, en vertu du pacte d'associés signé entre les parties, par application de l'article 46 du code de procédure civile, a choisi de saisir la juridiction commerciale du lieu d'exécution du contrat, soit Toutencourt qui relève du ressort du tribunal de commerce d'Amiens, tout comme le siège social de la SARL [8], auquel le pacte d'associés est inextricablement lié.

Dans ces conditions, il convient de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par M. [J] et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a reconnu la compétence du tribunal de commerce d'Amiens.

Sur la validité du pacte d'associés

Sur la nullité pour vice du consentement

M. [J] argue d'une contrainte morale résidant dans les termes et clauses du pacte critiqué lesquels lui sont totalement défavorables. Il explique que son consentement a été vicié, en raison de troubles neuropsychiques en rapport avec un surmenage important à la période de signature du contrat.

M. [H] conteste l'existence d'un vice de consentement et insiste sur le fait que parallèlement à la signature du pacte d'associés, M. [J] négociait dans le cadre de sa nouvelle activité professionnelle.

Aux termes de l'article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telles nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

Si M. [U] produit des certificats médicaux contemporains au contrat critiqué, il lui appartient de démontrer que son consentement a été vicié au moment de la signature dudit contrat. Or, si le docteur [B] certifie le 5 juin 2018 que « M. [J] présente depuis janvier 2017 des troubles neuropsychiques en rapport avec un surmenage important et est suivi psychologiquement pour cela depuis cette période », ce contexte médical décrit est insuffisant pour caractériser une incapacité juridique à consentir à un acte, et ce d'autant plus qu'à la même période, l'intéressé a déménagé en Guyane et a signé d'autres contrats pour lesquels il ne demande pas l'annulation.

Dès lors, la cour estime que M. [J] échoue à prouver que son consentement a été vicié.

Sur l'absence de contrepartie

M. [J] s'appuie sur l'article 1169 du code civil afin de demander la nullité du pacte d'associés en l'absence de contrepartie.

M.[H] expose que le contexte dans lequel s'inscrit le pacte d'associés litigieux a été initié par M. [J] lui-même qui avait cédé des droits de la société [8] en fraude des droits de son associé. Il insiste sur le fait que Monsieur [Y] [J], en contrepartie dudit pacte ayant pour but de rétablir Monsieur [L] [H] dans ses droits, a obtenu la renonciation de ce dernier à exercer une action en justice à son encontre.

Il y a lieu de rappeler que l'objet du pacte s'apprécie globalement et en considération de l'ensemble de ses dispositions. En l'espèce, le pacte prévoit librement les règles de contrôle du capital, de la gestion de la société [8] et conditionne financièrement les engagements des associés en cas de sortie du capital. Il n'y a donc aucune contrepartie à faire valoir au-delà de l'accord des associés pour règlementer leurs rapports au sein de la société [9].

Dans ces conditions, aucune nullité n'est encourue de ce chef.

Sur la violation des lois et des statuts par le pacte d'associé

M. [J] soutient que pour être valable, une clause de non-concurrence ne doit pas interdire à ses signataires l'exercice de toute activité professionnelle ou les empêcher de réaliser leur objet social et qu'elle doit être limitée dans le temps et proportionnée aux intérêts légitimes à protéger. Il expose que l'article 9 du pacte litigieux met à sa charge une obligation de non-concurrence qui s'applique pendant toute la durée du pacte, soit une période de 10 années tacitement reconductible pour une période de 5 ans, ce qui est contraire à la jurisprudence. Il demande également l'annulation des articles 6 ,7, 9, 10 et 11 du pacte d'associés en ce qu'ils sont contraires aux statuts de la société et/ou à la loi.

M. [H] réplique que l'engagement de non-concurrence contesté s'assimile en réalité à une obligation de loyauté tout au long de l'exécution du pacte, ce qui la rend délimitée dans le temps. Il affirme que la clause du droit de préemption ne saurait être considérée comme illicite en ce qu'elle contrarierait une stipulation des statuts de la société et fait valoir que l'équilibre général du pacte a été conçu pour rétablir la confiance entre les associés.

En vertu des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être exécutés de bonne foi.

En l'espèce, la cour relève que M. [J] conteste d'une manière générale tous les engagements du pacte : droit de préemption, clause d'inaliénabilité, loyauté, exclusivité, non-concurrence, cas de licenciement de l'associé salarié et entrée en vigueur, durée de résiliation et exécution du pacte.

A titre liminaire, il convient de préciser qu'il y a lieu d'apprécier la validité du pacte dans sa globalité et non pas de se limiter à rechercher une contrepartie dans le seul intérêt de M. [J].

S'agissant de la clause préemption, elle complète les statuts et a pour effet de prévoir des règles de préférence et ne porte pas atteinte à la possibilité pour les associés de céder leurs parts et actions.

S'agissant de la clause d'inaliénabilité, il y a lieu de rappeler que par principe une telle clause est valable à la condition d'être limitée dans le temps et justifiée par un intérêt sérieux et légitime En l'espèce, la clause critiquée stipule que : « A l'exception d'une cession entre associés ayant adhéré au pacte, chacun des associés partie s'interdit de céder tout ou partie de ses titres pendant une durée de 10 ans à compter de l'entrée en vigueur du pacte, sauf accord écrit des parties. Cette clause sera tacitement reconduite pour une durée de 5 ans ». Cette clause est donc limitée dans le temps et est causée par la nécessité de rétablir la confiance entre les associés, ces derniers s'engageant mutuellement au contrôle du capital de la société [9].

S'agissant de la clause de non-concurrence, qui énonce en son article 9-loyauté-exclusivité-non-concurrence :

« Les parties soussignées s'interdisent de participer ou de s'intéresser directement ou indirectement, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, à des activités de même nature que celles exploitées et développées par la société [8] ou susceptibles de la concurrencer, et notamment à ne pas acquérir, prendre ou détenir une quelconque participation dans une société exploitant et développant de telles activités.

Cette interdiction s'applique aux parties signataires pour toute la durée du présent pacte, et pour une durée de 5 années après son expiration, pour quelque cause que ce soit, les parties s'engageant en outre spécifiquement pour cette seconde période, à ne pas démarcher les clients de la société [8] et à ne pas débaucher les salariés et employés de celle-ci.

Cette interdiction s'étend sur les territoires où l'activité de la société [8] est ou sera alors déployée notamment sur les départements 80, 60, 02, 76 et 62.

A ce jour, il existe la SAS [13] spécialisée dans le secteur des activités comptables, qui exerce une activité directement concurrente à celle de la société [8].

M. [J] est à la fois président de la SAS [13] et gérant de la société [8].

Afin de ne pas concurrencer directement ou indirectement, l'activité de la société [8], M. [J] s'engage à vendre l'intégralité des actions qu'il détient dans la SAS [13], et ce dans un délai de 8 mois à compter de la date de signature du présent pacte.

M. [J] s'engage à justifier à M.[H] de ses démarches en vue de la mise en vente de ses actions dans un délai de 4 mois, étant précisé qu'il accepte de céder l'intégralité de ses actions [13] pour un montant minimum de 15.000 euros, le but étant d'être libéré des relations contractuelles avec MM [F] et [A].

Passé ce délai de 8 mois, si M. [J] n'a pas cédé ses actions [13], ce dernier s'engage à verser une indemnité mensuelle de 1000 euros laquelle sera majorée pour un montant de 1.500 euros par mois à compter du 12ème mois de la signature du présent pacte.

M. [J] s'engage à verser à M. [L] [H], 25 % net d'impôt et de cotisation sur la plus-value réalisée sur la vente des actions [13] qu'il avait acheté d'un montant de 15.000 euros.

En outre, M. [J] s'engage envers M. [H], à ne pas, sauf à en avoir reçu l'autorisation préalable formelle de M. [H], d'exercer d'activité professionnelle concurrente de la société [8] directement ou indirectement pendant une période de 5 ans à compter de la date où il aura quitté la gérance de la société [8].

Cette interdiction vaut pour toute association avec les personnes suivantes : M.[A] et son épouse et enfants, M.[F] et son épouse et enfants, M. [G] [W] (') et pour les activités suivantes : expert-comptable, avocat, conseil en entreprise, gestionnaire de paie, formation, domiciliation, SCI de location de locaux (...) »,

elle est délimitée, prévue spécifiquement pour chaque signataire et s'inscrit dans l'exécution d'une obligation de loyauté de M. [J] consistant à ne pas faire concurrence à la société [8] dont ce dernier est également le gérant, ce qui poursuit un intérêt légitime de protection de l'activité de l'entreprise.

L'article 10 du pacte stipule que : - En cas de licenciement de l'associé salarié :

« M. [H] est employé par CDI au sein de la SARL [8].

Dans l'hypothèse où M. [H] viendrait à quitter ses fonctions au sein de la société, dans les cas notamment d'un licenciement, [Y] [J] s'engage à racheter les parts détenues par M. [H], à la date effective du départ, à la valorisation du cabinet correspondant à 200 % du chiffre d'affaires moyen sur les 3 dernières années ».

Il résulte de l'équilibre général du pacte que cette stipulation prévoyant les règles de fixation du prix des titres de M. [H] a été édictée spécifiquement en cas de licenciement de ce dernier et donc dans l'hypothèse d'une cessation de son emploi à l'initiative de M. [J] afin d'empêcher ce dernier de léser son associé salarié, et nécessairement dans le cas d'une continuité de l'activité de la société, au vu du montant de la valorisation retenue pour la fixation du prix des parts.

L'article 11-Entrée en vigueur-durée-résiliation et exécution du pacte énonce que :

« Le pacte entre en vigueur à compter de sa signature, il est conclu pour une période de 10 années à compter de la date de signature (').

Dans l'hypothèse où M. [J] ou un ayant droit ne renouvellerait pas le pacte, les parties conviennent qu'il devra verser à M. [H] la somme de 50.000 euros en indemnisation du préjudice subi du fait du prix dérisoire de vente des actions [13] qui l'ont gravement lésé.

(') Les parties signataires du présent pacte s'engagent à toujours se comporter l'une envers l'autre comme des partenaires loyaux et de bonne foi et à exécuter toutes les conventions en découlant dans cet esprit.

Toutes les stipulations du présent pacte sont de rigueur et s'imposent aux parties.

En cas de non-respect de l'un quelconque de ses engagements par l'une ou l'autre des parties au présent pacte, et sous réserve de l'application éventuelle des sanctions spécifiques liées à la violation des stipulations particulières, la partie fautive versera à la partie victime de la défaillance, à titre de clause pénale, une indemnité forfaitaire et définitive de 50.000 euros ».

La cour constate que cette stipulation s'analyse en une clause pénale, qualification que lui reconnaissent les parties, qui par nature est valable et repose sur l'exécution de bonne foi du contrat. Cette clause étant applicable aux deux parties au contrat, M. [J] ne peut invoquer un quelconque déséquilibre à son détriment pour en obtenir la nullité.

Dans ces conditions, il convient de débouter M. [J] de ses demandes aux fins de nullité du pacte et d'annulation des articles 6, 7, 9, 10 et 11 dudit pacte.

Sur la demande en paiement par M. [H] d'une indemnité au titre du pacte d'associés

En vertu des engagements des parties au pacte d'associé, il est établi que M. [J] est tenu de payer à M. [H] une indemnité de « 25 % net d'impôt et de cotisation sur la plus-value réalisée sur la vente des actions [13] qu'il avait acheté d'un montant de 15.000 euros » dans la mesure où il a signé un protocole de cession desdites actions avec la SAS [10] le 10 octobre 2018 (soit plus de 8 mois après la signature du pacte). Dans ce protocole le prix de cession a été fixé provisoirement à la somme de 127.400 euros avec un paiement de 75 % au 4ème trimestre 2018 et 25 % en complément au plus tard le 31 octobre 2019 suivant ajustement.

M. [J] communique un courrier du 30 septembre 2019 de la SAS [10], aux termes duquel celle-ci explique qu'elle s'est acquittée de la somme de 95.500 euros (soit 75 % du prix provisoire) mais que cependant elle réclame une révision du prix de cession et estime que M. [J] doit lui restituer la somme de 54.383 euros. Au vu de ce document et en l'absence de pièce complémentaire, la cour estime que l'indemnité due par M. [J] s'établit comme suit :

95.500-15.000= 80.500 ' prélèvement unique forfaitaire de 30% (24.150) = 56.350 euros de plus-value nette,

soit 25 % de 56.350= 14.087,50 euros.

Dans ces conditions, il convient de condamner M. [J] à payer à M. [H] la somme de 14.087,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2019, date de la mise en demeure, au titre de l'indemnité et d'infirmer de ce chef le jugement entrepris.

Sur la demande en paiement de M. [H] au titre du rachat de ses parts

M. [H] expose qu'il a été contraint de quitter ses fonctions de la société [8] en raison du comportement de M. [J] qui a précipité la liquidation de la société pour échapper à ses obligations. Il fait valoir que la société existe toujours pour les besoins de la liquidation et que sur la base des exercices clos au 30 juin 2015, 30 juin 2016 et 30 juin 2017, le montant du rachat de ses parts par M. [J] était de 129.235,25 euros. Il précise que ce dernier s'est affranchi de présenter les comptes du dernier exercice clos au 30 juin 2018.

M. [J] soutient que M. [H] a 'uvré à la déconfiture de la société en permettant le détournement de la clientèle au profit de la société [10]. Il insiste sur le fait que M. [H] est taisant sur la date effective de son départ de la société et l'issue du litige engagé devant le conseil de prud'hommes d'Amiens.

Il estime que la liquidation judiciaire de la société rend caduc l'article 10 du pacte en application de l'article 1186 du code civil et fait valoir que seul le liquidateur peut disposer des biens de la société.

En l'espèce, l'article 10 précité qui prévoit le rachat des parts par M. [J], à la date effective du départ, réglemente l'hypothèse d'une cessation « subie » par M. [H] de ses fonctions puisque le licenciement est spécifiquement visé et la rupture conventionnelle exclue (cette mention de rupture conventionnelle étant biffée de façon manuscrite par les deux parties).

Si M. [H] produit aux débats un jeu de conclusions rédigé pour l'audience du 2 avril 2019 du conseil de prud'hommes d'Amiens dans l'instance l'opposant au liquidateur de la société [8], il convient de souligner qu'il ne fournit aucun élément sur l'issue de cette procédure. Dans le dispositif de ses écritures, il demande à la juridiction de « juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts et griefs de la Sarl [8] en date du 15 octobre 2018 doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toute conséquences indemnitaires de droit ». Il ressort de cette pièce que son départ de la société serait antérieur à l'ouverture de la procédure collective, raison pour laquelle il sollicitait la requalification en licenciement.

Force est de constater que M. [H] n'établit pas la date effective de son départ de la société et ne justifie pas de la réalité du licenciement invoqué. Dès lors, défaillant dans l'administration de la preuve qui lui incombe pour obtenir le bénéfice de la clause de rachat des parts par M. [J], il convient de débouter M. [H] de sa demande en paiement.

Par conséquent, il convient d'infirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande en paiement de M. [H] au titre de l'indemnité de résiliation

M. [H] réclame l'application de l'article 11 du pacte consistant en une clause pénale compte tenu de la violation par M. [J] de ses engagements.

M. [J] conteste l'application de cette clause pénale, estimant qu'aucun des griefs invoqués ne sont des engagements au titre du pacte litigieux.

Il ressort des débats que M. [J] a démissionné de sa fonction de gérant dès le 1er février 2018, soit très peu de temps après la signature du présent pacte, rendant dès lors illusoire son effectivité et son bien fondé, étant rappelé que ce pacte a été conclu suite à la vente des actions [13] au préjudice de M. [H].

La cour souligne que cette clause dont la mise en 'uvre est sollicitée érige en obligation le comportement loyal et de bonne foi de chaque partenaire dans l'exécution du pacte et des conventions en découlant. Dès lors, au vu des éléments ci-dessus développés la cour constate que M. [J] n'a pas exécuté le pacte de manière loyale et de bonne foi, ce qui caractérise un manquement fautif dans l'exécution de ses engagements ouvrant le droit à M. [H] d'obtenir l'application de la clause pénale. S'agissant d'une indemnité forfaitaire sanctionnant un comportement fautif individuel et non pas celui de la société [8], la cour estime que cette clause pénale n'est pas manifestement excessive.

Par conséquent, il convient de condamner M. [J] à payer à M. [H] la somme de 50.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2019, date de la mise en demeure, au titre de l'indemnité de résiliation et d'infirmer de ce chef le jugement entrepris.

Sur la demande de capitalisation des intérêts

Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts sur les sommes précitées par application de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les demandes en paiement de M.[H] de dommages et intérêts pour retard abusif et procédure abusive

La cour relève que M. [H] se contente de solliciter des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1231-6 du code civil mais que cependant il ne justifie d'aucun préjudice indépendant des intérêts moratoires.

Par ailleurs l'ancienneté de l'affaire alimentée au demeurant par le comportement procédural peu actif de M. [H] ne caractérise pas une faute de M. [J] ouvrant le droit à des dommages et intérêts, ester en justice tout comme la défense à une action, demeurant un droit.

Par conséquent, il convient de débouter M. [H] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts et de confirmer le jugement déféré de ces chefs.

Sur la demande reconventionnelle de M. [J]

M.[J] réclame le paiement de dommages et intérêts, reprochant à M. [H] d'avoir détourné de la clientèle et lui avoir fait perdre la chance de céder ses parts sociales ou de céder la clientèle et de percevoir au minimum la somme de 142.500 euros correspondant à 75 % de la valeur minimum du fond, tout en entraînant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

M.[H] soutient que M. [J] n'a pas la qualité à agir pour la défense des intérêts de la société [8], que seul le liquidateur judiciaire est compétent pour représenter les intérêts pécuniaires de cette société, et réfute les accusations portées à son encontre.

Il y a lieu de souligner que M. [J] étant le gérant associé de la société [7] avait la fonction d'animation de la société et ce d'autant plus qu'il était le seul à avoir le diplôme d'expert-comptable à la différence de M. [H], comme l'ont justement retenu les premiers juges. Il a démissionné de ses fonctions dès le 8 février 2018 soit dans un laps de temps très court après la signature du pacte d'associés rompant ainsi de manière déloyale son engagement de gestion des participations détenues au sein de la société. Il a participé lui-même à la déconfiture de la société [8] et ne peut sérieusement se retrancher derrière le comportement déloyal de son associé minoritaire pour obtenir une indemnisation.

Dès lors, relevant la carence de M. [J] dans l'administration de la preuve qui lui incombe il convient de le débouter de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de M. [H] et de confirmer le jugement déféré de ce chef.

Sur les autres demandes

La déclaration d'appel ayant été signifiée au liquidateur de la société [8], qui a par ailleurs été appelé en la cause en première instance, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a joint les deux instances, rendant ainsi opposables les dispositions prises à l'égard de la société.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, M. [J] succombant, il sera tenu aux dépens d'appel.

Les circonstances de l'espèce commandent de condamner M. [J] à payer à M. [H] la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles et de le débouter de sa demande en paiement sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par jugement par défaut, rendu par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu le 1er décembre 2020 par le tribunal de commerce d'Amiens en ce qu'il a :

- condamné M. [Y] [J] à payer à M. [L] [H] les sommes de :

- 19.670 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- 189.235,25 euros au titre de l'indemnité de rachat des parts de M. [L] [H] avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- débouté M. [L] [H] de sa demande en paiement au titre de la clause pénale,

Et statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne M. [Y] [J] à payer à M. [L] [H] les sommes de :

- 14.087,50 euros au titre de l'indemnité prévue au pacte,

- 50.000 euros au titre de l'indemnité de résiliation,

le tout, avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2019, date de la mise en demeure.

Ordonne la capitalisation des intérêts échus par application de l'article 1343-2 du code civil.

Déboute M. [L] [H] de sa demande de rachat de ses parts de la société.

Le confirme pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne M. [Y] [J] à payer à M. [L] [H] la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,

Condamne M. [Y] [J] aux dépens d'appel et autorise la Selarl Doré Tany Benitah, avocats, à les recouvrer directement dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,

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