CA Basse-Terre, 1re ch., 13 mars 2025, n° 23/01074
BASSE-TERRE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
West Indies Real Estate (SARL)
Défendeur :
R
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Deltour
Conseillers :
Mme Marie-Gabrielle, Mme Le Goff
Avocats :
Me Benmebarek, Me Divialle-Gelas, Me Tixier-Vignancour
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; signé par Mme Judith DELTOUR, présidente de chambre et par Mme Yolande MODESTE, greffière.
Procédure
Se fondant sur un contrat du 3 octobre 2019 lui ayant confié une mission d'agent commercial à durée indéterminée pour la réalisation d'opérations immobilières, sur la notification par courriel du 26 juillet 2020 de sa décision de quitter la société, sur la demande par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 août 2020, distribuée le 6 août 2020, de lui notifier par écrit la rupture avec effet immédiat et un courrier recommandé avec accusé de réception daté du 6 août 2020 distribué le 19 août 2020 de la société West Indies Real Estate, par acte d'huissier de justice du 18 octobre 2020, M. [R] [W] l'a assignée devant le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre pour obtenir sa condamnation au paiement d'une indemnité de rupture, d'une indemnité de préavis, de commissions impayées, des dépens et de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 19 octobre 2023, le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a
- déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société West Indies Real Estate ;
- rejeté l'exception d'irrecevabilité tirée de la forclusion soulevée par la société West Indies Real Estate ;
- condamné la société West Indies Real Estate à payer à M. [R] [W] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement :
5 161,59 euros à titre d'indemnité de préavis non réalisé, 3 251,89 euros au titre des commissions impayées ;
- rejeté les autres et plus amples demandes ;
- condamné la société West Indies Real Estate à payer à M. [R] [W] la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société West Indies Real Estate aux dépens ;
- rappelé que le présent jugement est exécutoire de plein droit.
Par déclaration reçue le 10 novembre 2023, la société West Indies Real Estate a interjeté appel de la décision et déféré l'ensemble des chefs du jugement.
Par conclusions communiquées le 9 février 2024, la société West Indies Real Estate a sollicité au visa des articles 721-3 du code de procédure civile, 81 et 82 et suivants, L 134-1 et suivants du code de commerce, 1101 et suivants, 1302, 1219 du code civil, de
- déclarer recevable l'appel interjeté contre la décision querellée ;
- réformer la décision querellée en cause d'appel en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société WIRE, rejeté l'exception d'irrecevabilité tirée de la forclusion soulevée par la société WIRE, condamné la société WIRE à payer à M. [R] [W] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, 5 161,59 euros à titre d'indemnité de préavis non réalisé, 3 251,89 euros au titre des commissions impayées ; rejeté les demandes de la société WIRE ; condamné la société WIRE à payer à M. [R] [W] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société WIRE aux dépens ;
Et statuant de nouveau,
- rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de M. [W] ;
- condamner M. [W] à verser à la West Indies Real Estate la somme de
27 322,05 euros au titre des sommes perçues indûment par M. [W] ;
- condamner M. [W] à verser à la société West Indies Real Estate les sommes de 5 000 euros au titre du préjudice matériel du fait d'avoir été privée d'une telle somme, 5 000 euros au titre du préjudice moral ;
- condamner en tout état de cause M. [W] à verser à la société West Indies Real Estate la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant pour ce qui concerne les frais irrépétibles de première instance, que dans la présente instance ;
- réserver les dépens de l'instance.
Elle a fait valoir que le premier juge n'avait pas tiré les conséquences de ses observations, des clauses du contrat et notamment du fait que la rupture était à l'initiative de M. [W], qui avait l'obligation de respecter un délai de préavis, d'autant qu'il est agent commercial et un professionnel averti, qu'aucune indemnité de rupture n'est due plus d'un an après la notification de la rupture. Elle a ajouté que M. [W] se constituait des preuves pour lui-même, qu'elle a accepté les conditions de rupture qu'il lui a imposées, que le courriel est sans équivoque, qu'elle l'a invité à venir suivre ses dossiers à l'agence ou à le faire de chez lui, qu'elle pouvait le dispenser du formalisme d'une lettre de démission, acceptant sa proposition de modifier le contrat. Elle a soutenu l'absence d'anomalie relativement au paiement des commissions, mais l'existence d'un trop-perçu soit en raison de son absence à la signature, soit en raison de leur date à hauteur de 27 322,05 euros, que ses réclamations n'étaient pas légitimes et que son comportement fautif lui causait un préjudice matériel et moral justifiant le paiement de dommages et intérêts.
Par conclusions communiquées le 18 avril 2024, M. [W] a demandé au visa des articles 1101 et suivants du Code civil et L.134-1 et suivants du code de commerce,
- confirmer la condamnation de la société West Indies Real Estate à lui payer les sommes de 3 251,89 euros au titre des commissions impayées, 5 161,59 euros à titre d'indemnité de préavis, 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société West Indies Real Estate de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande en paiement d'une indemnité de rupture ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts légaux dus sur le montant des condamnations à compter du jugement ;
Et, statuant à nouveau de :
- condamner la société West Indies Real Estate à payer à M. [W] la somme de 51 586,82 euros à titre d'indemnité de rupture ;
- fixer le point de départ des intérêts légaux au titre des condamnations prononcées au 12 juillet 2021 ;
- condamner la société West Indies Real Estate à payer à M. [W] la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
- la condamner en tous les dépens d'appel.
Il a fait valoir, rappelant les échanges entre lui et le représentant de la société West Indies Real Estate, qu'il avait manifesté sa volonté de quitter son employeur en raison des difficultés rencontrées pour exercer son mandat, que l'accès à l'agence lui avait été interdit. Il a mentionné les difficultés d'exécution de la décision critiquée signifiée le 20 novembre 2023 en dépit de l'exécution provisoire. Il a soutenu la compétence du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, la possibilité de faire valoir ses droits en la forme ordinaire, la fin du contrat devant être fixée au 6 août 2020. Il a fait valoir que la rupture était imputable à la société West Indies Real Estate, que l'envoi d'un courriel au lieu d'une lettre recommandée avec accusé de réception ne saurait valoir notification de la résiliation à son initiative, que la fin de l'été correspond au 20 septembre et non à la fin août comme retenu par le premier juge, qu'à son souhait manifesté de rompre le contrat, la société West Indies Real Estate a répondu par la cessation immédiate de ses fonctions. Il a soutenu que la clause contractuelle avait pour effet de limiter son droit à indemnité, ce que la société West Indies Real Estate ne contestait pas, qu'il n'avait jamais manifesté son intention de ne pas exécuter son préavis d'un mois jusqu'au 30 septembre 2020 en l'état d'une rupture notifiée le 6 août 2020, qu'il a adressé ses factures au titre du droit de suite, que des commissions lui ont été payées pour des ventes réalisées plus de trois mois après la cessation du contrat, que le remboursement ne peut lui être réclamé tardivement.
La clôture est intervenue le 2 septembre 2024. L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 6 janvier 2025. L'affaire a été mise en délibéré pour être rendu le 13 mars 2025.
Motifs de la décision
Pour statuer comme il l'a fait le premier juge a considéré que l'exception d'incompétence devait être écartée à défaut d'avoir été soutenue devant le juge de la mise en état, que M. [W] n'était pas forclos dans son action en réparation, qu'il avait manifesté sa volonté de mettre fin au contrat à la fin de l'été 2020, mais que l'imprécision du courriel ne permettait de mettre fin au contrat, pas plus que le courrier avec accusé de réception daté du 6 août 2023, distribué le 19 août 2023, par lequel la société West Indies Real Estate « confirme la cessation immédiate de la collaboration entre l'agence Re/Max » et M. [W] et lui notifie la rupture, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de calculer le délai de déchéance à partir de la date de distribution du courrier, qu'il y avait lieu de retenir comme date effective de cessation des relations contractuelles entre les parties, celle à laquelle M. [W], privé des moyens d'accomplir sa mission, n'avait plus pu poursuivre son mandat, soit le 28 juillet 2020, qu'en raison de la mise en demeure par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 juillet 2021, distribué le 26 juillet 2021, il n'était pas déchu de son droit à réparation. Il a estimé que l'indemnité prévue à l'article L.134-13 du code de commerce, n'était pas due, l'agent ayant pris l'initiative de la rupture, que M. [W] avait perçu, pour son mandat 48 364,03 euros, que la société West Indies Real Estate n'établissait pas l'indû et ne contestait pas les sommes réclamées, qu'il n'avait pas pu exécuter son préavis, qui était dû calculé sur un an.
Sur la chronologie
M. [R] a adressé un courriel [sauf quelques rectifications] le 26 juillet 2020 intitulé « départ de l'agence » adressé à [N] et [S] ainsi formulé :
« Veuillez trouver ci-dessous un long courrier vous expliquant ma déception et mon désarroi devant la récente situation de jeudi dernier et la décision qui en a suivi, prise après mûre réflexion.
Petit rappel du déroulé de cette journée, sachant qu'il avait été convenu la veille que je fasse visiter en priorité mes clients en comptant et ceux partant en métropole.
1. Contre visite et vente d'un [Y] le matin, coiffant au poteau les 4 visites de la veille par Home Folies et KP Finances,
2.Bref passage chez moi afin de me changer, mais en oubliant mes offres d'achat que j'avais dû imprimer à l'agence tôt le matin - car privé à domicile d'internet et d'imprimante depuis plusieurs jours suite au passage de la foudre,
3.13h40 > arrivé plus tôt à Village Soleil car la 1ère cliente (Comperator - achat comptant) déjà sur place (avant 14h),
4.14h > arrivée client [Z] (partant ce dimanche), client [G] (SCI associé partant lundi) puis [U] [A] que j'avais contacté 30 mns avant pour me ramener des offres d'achat,
5.14h10 > mes 3 clients se positionnent sur 4 lots, et j'avertis immédiatement [U] [A]
6.14h30 > ton arrivée, [N] et nos échanges sur la rumeur circulant parmi les commerciaux de l'agence : je vendrais tout VS en leur absence. Tu m'informes que tu as passé une sale matinée occupé à « résoudre tous mes problèmes »
7.14h46 > offre d'achat de [U] [A] reçue et validée par toi [N], sur le lot de ma toute 1ère cliente.
'a peut certes paraître anodin, banal ou « fais pas ton [V] » comme situation, mais elle est assez révélatrice pour moi. L'échange de 33 min avec toi, [N], à la suite de cet épisode, n'aura pas réussi à me calmer et surtout pas tes injonctions du lendemain concernant une sorte "d'ultimatum fixé" sur mes réservations. D'autant plus que [U] [A] n'en est pas à sa première tentative à mon égard. Jalousie ' Hypocrisie ' Aigreur ' Je bouscule, je sais gérer des situations conflictuelles, je suis certes atypique et piquant, mais j'ai toujours eu d'excellents rapports avec tous les collaborateurs de l'agence. Je l'ai recadré à chaque fois en continuant d'avancer, mais le niveau est monté d'un cran jeudi dernier.
Voici donc mes éclairages et ressentis que je vous présente le plus objectivement possible.
J'ai rejoint REMAX depuis octobre 2019 et me suis consacré pleinement à développer les affaires de l'agence. Mon engagement et ma détermination m'ont permis de faire signer plus d'une quarantaine de compromis en 8 mois, soit 5 par mois confinement compris. Et ZERO rétractation de mon fait [...] Le projet de [Adresse 6] m'intéressait particulièrement devant le contexte de mon potentiel départ au Canada [...] Je ne peux que constater l'absence d'anticipation et de concertation préalable sur ce projet, de façon globale et spécifiquement, avec certains collaborateurs, dont moi, qui travaillons depuis longtemps dessus et que vous suivez. Pour pallier ce cafouillage de lancement qui a engendré, en plus du couac avec [U] [A] une mauvaise ambiance de travail parmi les collaborateurs, j'aurais apprécié de ne pas avoir à jouer des coudes pour placer mes clients et avoir un point en amont pour sélectionner mes dossiers.
Il aurait été juste que l'attribution des lots soient réservée prioritairement aux anciens collaborateurs, avec de bons résultats, au mérite pour les nouveaux et que les lots soient adaptés aux profils des clients. Un client comme [X] [Z] ça se soigne, et ça se prépare ! Et non, [N], pour lui, malgré la consigne, je ne lui demanderai pas une simulation bancaire.
Je constate tout simplement que je suis lésé, face à une décision injuste qui privilégie un commercial n'affichant pas les mêmes résultats que moi, ayant profité d'un timing très serré et de circonstances exceptionnelles pour prendre un avantage, très illusoire mais, finalement validé par toi, [N]. Et la banalisation qui en a suivi n'a fait qu'accroîtra mon ressentiment et révéler mon inconfort avec cette organisation qui me semble-t-il consiste à me tendre carotte d'un côté et bâton de l'autre. Pourquoi continuer à me démener si mes résultats ne sont pas reconnus et si devant la moindre petite baisse de vigilance, je ne suis pas soutenu ' Pour moi, la confiance est tout simplement rompue.
Comme annoncé juste après l'accrochage, je confirme ma volonté de me retirer de la vente de Village Soleil et j'ai pris la décision de quitter l'agence à la fin de l'été. Après 7 mois de labeur et d'acharnement sur ce projet, je préfère m'asseoir sur un beau ticket plutôt que de passer pour un profiteur se «gavant» une dernière fois sur le dos de l'agence. J'ai donc redistribué durant le week-end à certains collaborateurs tous mes contacts (la plupart verrouillés). Je suis à ta disposition pour en parler [N] [...]je ne participerai plus aux réunions du lundi et ce jusqu'à mon départ, dont la date reste à déterminer avec vous, en accord avec mon contrat. Cependant, et durant le temps qu'il faudra, sachez que je me montrerai toujours disponible pour le SAV St Rose, [Y] et VS, car connaissant par coeur mes clients et mes dossiers [...] Je vous remercie pour votre compréhension, espère que les 3 dernières visites/ventes de lundi seront validées et reste à votre disposition pour discuter des modalités les plus adaptées à ma décision.»
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 août 2020, distribuée le 6 août 2020, M. [W] a rappelé l'arbitrage en sa défaveur, suivant son courrier du 26 juillet 2020, indiqué que son départ avait été annoncé le 27 juillet 2020, qu'un rendez-vous lui avait été fixé et qu'il avait dû remettre son badge et ses clefs, qu'il avait été retiré des groupes WhatsApp, de l'accès à l'intranet et des accès aux fichiers, qu'il en avait déduit que son contrat avait été rompu avec effet immédiat, qu'il avait été privé de ses outils de travail. Par ce courrier recommandé tel que prévu par le contrat, M. [W] a notifié son départ de l'agence.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 août 2020 distribuée le 10 août 2020, il a été répondu à M. [W], par l'agence Re/max immobilier « suite à une divergence d'opinion sur divers sujets et au non-respect des règles établies en amont, je vous confirme la cessation immédiate de la collaboration entre l'agence Re/max immobilier et vous-même [...]l'accès à l'ensemble des outils Re/Max est clos concernant votre profil [...] vous pouvez vous rendre dans l'agence Re/max immobilier quand vous le souhaitez afin d'effectuer un suivi de vos dossiers -action réalisable depuis votre résidence. Pour rappel le souhait de rompre notre collaboration émane de vous [R] sans aucune discussion préalable ».
Sur l'appel principal
Si la société West Indies Real Estate a sollicité l'infirmation de la décision en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée, elle n'a pas développé dans ses écritures cette demande et n'a pas contesté la compétence de la cour qu'elle a saisie pour statuer.
Aux termes de l'article L. 134-12 du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.
Le délai de déchéance court à compter de la cessation effective des relations contractuelles et non de la date de la notification de la rupture. En l'espèce, M. [R] a notifié la rupture des relations contractuelles par courriel du 26 juillet 2020, confirmée par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 août 2020, dont le mandant a pris acte le 6 août 2020 par lettre recommandée avec accusé de réception distribuée le 10 août 2020 et il a adressé sa demande de réparation par lettre recommandée avec accusé de réception de son avocat distribuée le 26 juillet 2021, de sorte qu'aucune déchéance ne peut lui être opposée.
Selon les dispositions de l'article L.134-11deuxième à cinquième alinéa du code de commerce, lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. Les dispositions du présent article sont applicables au contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée. Dans ce cas, le calcul de la durée du préavis tient compte de la période à durée déterminée qui précède.
La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil.
Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu pour le mandant ne doit pas être plus court que celui qui est prévu pour l'agent.
Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure.
En l'espèce, M. [R] a pris l'initiative de la rupture, par le courriel adressé le 26 juillet 2020 intitulé « départ de l'agence » et il l'a notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 août 2020. Le courriel fait part de sa désapprobation relativement à l'attribution des lots, d'un incident avec un collaborateur, d'une mauvaise ambiance de travail, d'une rupture de la confiance « confirme [sa] volonté de [se] retirer de la vente [Adresse 6] et [...] de quitter l'agence à la fin de l'été [...]».
Il résulte de ce courrier, qui ne constitue nullement une modification ou une novation du contrat, nonobstant les conclusions contraires de l'appelante, que l'intéressé n'a pas renoncé au préavis, puisqu'il indique expressément qu'il quittera à la fin de l'été, à une date restant à déterminer en fonction de son contrat. En outre, il résulte également de ce courrier que M. [W] avait pris sa décision de quitter l'agence, qu'à l'inverse de ses écrits, il n'y a pas fait « part de son intention de rompre le contrat si la situation n'était pas rétablie ». Il est démontré que sa décision fait suite à un différend avec un autre agent commercial dont l'arbitrage ne lui a pas été favorable. En effet, en dépit des prétentions contraires de M. [W], la description qu'il y fait des événements décrit un « accrochage » avec un autre agent commercial, l'arrivée de M. [N] [L] à 14h30 « ton arrivée, [N] et nos échanges sur la rumeur circulant parmi les commerciaux de l'agence : je vendrais tout VS en leur absence. Tu m'informes que tu as passé une sale matinée occupé à « résoudre tous mes problèmes » et à « 14h46 > offre d'achat de [U] [A] reçue et validée par toi [N], sur le lot de ma toute 1ère cliente ».
Quoiqu'il en soit ce courriel a été confirmé par une lettre recommandée avec accusé de réception du 5 août 2020, de sorte que M. [W] a notifié son préavis dans les formes prévues par le contrat.
La société West Indies Real Estate, agence Re/max n'allègue ni ne prouve une quelconque faute grave de l'agent commercial ou un cas de force majeure qui auraient pu justifier la dispense d'exécution du préavis, qui se définit comme la durée qui s'écoule entre la notification de la rupture et la date de fin du contrat de travail, ce alors même que l'agent commercial indiquait qu'il ne respectait pas les procédures en fonction des clients. M. [W] quant à lui a explicitement indiqué qu'il ne participerait plus aux réunions, qu'il avait redistribué ses contacts, démontrant qu'il se retirait de l'activité de la société.
Si dans sa lettre recommandée avec accusé de réception du 5 août 2020, distribuée le 6 août 2020, M. [W] relate les faits différemment, faisant valoir que suite à l'arbitrage en sa défaveur, et suite à son courrier du 26 juillet 2020, son départ avait été annoncé le 27 juillet 2020, qu'il avait dû remettre son badge et ses clefs et qu'il avait été retiré des groupes WhatsApp, de l'accès à l'intranet et des accès aux fichiers, qu'il en avait déduit que son contrat avait été rompu avec effet immédiat, il n'en reste pas moins que c'est lui qui a notifié son départ par cette lettre recommandée avec accusé de réception marquant son refus de continuer son activité et notifiant son préavis. En effet c'est postérieurement à cette lettre recommandée avec accusé de réception que par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 août 2020 distribuée le 10 août 2020, il lui a été répondu, par l'agence Re/max immobilier « suite à une divergence d'opinion sur divers sujets et au non-respect des règles établies en amont, je vous confirme la cessation immédiate de la collaboration entre l'agence Re/max immobilier et vous-même [...]l'accès à l'ensemble des outils Re/Max est clos concernant votre profil [...] vous pouvez vous rendre dans l'agence Re/max immobilier quand vous le souhaitez afin d'effectuer un suivi de vos dossiers -action réalisable depuis votre résidence. Pour rappel le souhait de rompre notre collaboration émane de vous [R] sans aucune discussion préalable ».
Ce courrier adressé par lettre recommandée avec accusé de réception par lequel la société mandante a pris acte le 6 août 2020 de la volonté de M. [W] de quitter l'agence suite à sa notification par lettre recommandée avec accusé de réception, a emporté dispense d'exécution du préavis, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société West Indies Real Estate au paiement du préavis dont le montant n'est pas critiqué compte tenu de la date du contrat d'agent commercial et de la date de la rupture. Les intérêts au taux légal sont dus à compter de la mise en demeure du 12 juillet 2021 s'agissant du préavis. Le jugement est réformé à ce titre.
Aux termes de l'article L. 134-7 du code de commerce, pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.
L'article11 du contrat dispose qu'à la date de cessation du contrat l'agent remet au mandant un état donnant la liste des affaires en cours pour lesquelles l'agent pourra prétendre à commission en cas de réalisation. Il précise que le droit à règlement n'interviendra qu'à la conclusion effective de l'opération, dès encaissement par le mandant de l'honoraire définitivement acquis.
En l'espèce, M. [W] réclamait le paiement de 3251,89 euros de commissionne-ments au titre de deux affaires pour lesquelles il a établi des factures les 3 décembre 2021 et 7 mars 2022 pour 1 397,05 euros et 1 854,84 euros. Si l'appelante conteste la dette au motif que M. [W] n'était pas présent lors des signatures, force est de relever que cette présence à la signature n'est pas exigée par l'article rappelé et qu'il n'avait plus qualité pour représenter en décembre 2021 et mars 2022. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a statué sur le paiement des commissions pour 3 251,89 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, en application des dispositions de l'article 1231-7 du Code civil
En outre, il est démontré par les pièces que M. [W] a continué à suivre certains de ses dossiers, évoquant ses clients, leurs exigences (travaux, conditions suspensives) et leurs problèmes (prêt, maladies, retards) qu'il a transmis des documents, qui démontrent à l'inverse de ce qui est soutenu que M. [W] disposait encore d'accès informatique avec l'agence et qu'il a fait le choix de ne plus s'y rendre alors qu'il pouvait le faire. Il résulte également des échanges entre les parties que la société West Indies Real Estate s'était engagée à payer les commissions restant dues à M. [W].
La demande de paiement de 27 322,05 euros se fonde sur un tableau d'une lecture difficile et les dispositions contractuelles selon lesquelles, en cas de transaction partiellement réalisée par l'agent, il ne percevra qu'une quote-part de la commission d'agence 1/10 de la rémunération pour le suivi d'un dossier acquéreur: suivi du dossier de financement, présence à l'avant-contrat et à l'acte de vente.
Or, cette disposition contractuelle n'autorise pas l'agence à poursuivre le recouvrement de parties des commissions qu'elle a déjà versées à l'agent commercial. En outre, le tableau produit mentionne explicitement que M. [W] était l'agent qui a présidé à la « sortie » du bien et donc à sa vente. Il en résulte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société West Indies Real Estate de sa demande de remboursement soutenue à hauteur de 27 322,05 euros en cause d'appel.
En conséquence, elle est également déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel consécutif lequel n'est au demeurant pas démontré. Elle doit également être déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral dont l'existence et l'imputabilité ne sont pas prouvées.
Sur l'appel incident
Sur l'indemnité de rupture
Aux termes de l'article L.134-13 du code de commerce, la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :
1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial;
2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquelles la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;
3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.
En l'espèce, M. [R] a pris l'initiative de la cessation du contrat et comme indiqué précédemment par sa lettre recommandée avec accusé de réception du 5 août 2020, dans les formes prévues par le contrat, confirmant son courriel adressé le 26 juillet 2020 intitulé « départ de l'agence » . M. [W] ne s'est plus rendu à l'agence, n'a plus participé aux réunions, revendiquant la possibilité de suivre ses dossiers de chez lui, ce qui démontre à l'inverse de ce qui a été retenu qu'il avait encore accès à certains outils métiers qui lui auraient permis d'exécuter son préavis et ce qui est confirmé par la pièce 5 de l'appelante, qui démontre que M. [W] a été sorti du réseau le 10 novembre 2020, alors que des commissions lui ont encore été payées en 2021. Quoiqu'il en soit dès lors qu'il a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception, comme exigé par le contrat, son départ de l'agence, il est à l'initiative de la cessation du contrat, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de paiement d'une indemnité de rupture.
Sur les autres demandes
Le jugement est confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les demandes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La cour vidant sa saisine, il n'y a pas lieu de réserver les dépens. Chacune des parties succombe en son appel, il convient de faire masse des dépens et de condamner chacune des parties au paiement de la moitié. La décision sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile justifient de débouter les parties de leurs demandes à ce titre.
PAR CES MOTIFS
la cour
- confirme le jugement sauf en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts au taux légal sur la somme de 5 161,59 euros à titre d'indemnité de préavis non réalisé à compter du jugement,
Statuant de nouveau de ce seul chef,
- fixe le point de départ des intérêts au taux légal sur la somme de 5 161,59 euros à titre d'indemnité de préavis non réalisé à compter de la mise en demeure du 12 juillet 2021,
Y ajoutant
- déboute la société West Indies Real Estate, agence Re/max et M. [R] [W] de leurs demandes plus contraires et supplémentaires, y compris de dommages et intérêts et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- fait masse des dépens d'appel et condamne chacune des parties, la société West Indies Real Estate, agence Re/max d'une part et M. [R] [W] d'autre part au paiement de la moitié.