CA Besançon, 1re ch., 1 avril 2025, n° 23/01150
BESANÇON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Cabot Securitisation Europe Limited (Sté)
Défendeur :
Cabot Securitisation Europe Limited (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Wachter
Conseillers :
M. Maurel, Mme Willm
Avocats :
Me Thomas, Me Giacomoni, Me Hascoet, Me Gonin, Me Lussiana
EXPOSE DU LITIGE
Suivant bon de commande en date du 14 février 2020, la SAS Isowatt a conclu avec M. [P] [T] un contrat de fourniture et de prestation de services portant sur des travaux d'isolation des combles perdues par soufflage de ouate de cellulose ou laine de roche, sur une surface de 90 m², avec épaisseur de 350 mm et mise en place d'un coffrage par trappe, gainage pour cheminée, surélévateur de VMC, coffrage des câbles électriques, dans sa maison située sur le territoire de la commune de [Localité 5] (25), moyennant un prix de 17 900,00 euros TTC. Le contrat était soumis au régime consumériste des conventions souscrites hors établissement.
Par acte sous seing privé daté du même jour, M. [P] [T] a accepté l'offre de crédit affecté au financement des travaux d'amélioration de l'habitat, proposée par la SA 'BNP Paribas Personal Finance' (ci-après la BNP) pour un montant en capital de 17 900,00 euros, remboursable en 164 mensualités sur la base d'un TAEG de 3, 23 %.
Après achèvement des travaux, une attestation de bonne fin, en date du 16 avril 2020, a été signée par le maître de l'ouvrage, ne mentionnant aucune réserve, et une facture a été émise par la société prestataire pour un montant de 15 404,00 euros, correspondant au montant du prix déduction faite des aides dispensées par l'Etat et dont l'entreprise avait fait l'avance.
Estimant que les avantages obtenus, soit au moyen de crédits d'impôts ou de subventions, étaient insuffisants puisque la société Isowatt s'était engagée, selon ses dires, à ce qu'ils atteignent la moitié du coût de l'investissement, de sorte que seul un solde de de 8950,00 euros serait finalement dû, l'emprunteur s'abstint de pourvoir au paiement des échéances de remboursement du prêt accessoire à la vente et la convention de prestation de services. Une mise en demeure d'avoir à régulariser l'impayé fut adressée au débiteur avant notification de la déchéance du terme.
Suivant acte de cession en date du 9 juin 2021, la BNP a cédé ses créances à la SARL 'Cabot Sécuritisation Europe Ltd' (ci-après dénommée société Cabot), laquelle saisit alors le juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montbéliard qui, par jugement réputé contradictoire, en l'absence de M. [T] régulièrement assigné, en date du 5 mai 2023, a statué comme suit :
- déclaré recevable les demandes de la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited venant aux droits de la BNP Paribas Personal Finance suite à une cession de créances intervenue le 9 juin 2021
- constaté la résolution de plein droit du prêt consenti par la BNP Paribas Personal Finance à M. [P] [T] selon offre préalable acceptée le 14 février 2020 ;
- prononcé la déchéance de la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited de son droit aux intérêts conventionnels afférents au contrat de prêt affecté conclu entre la BNP Paribas Personal Finance et M. [P] [T] selon contrat de prêt accepté le 14 février 2020 ;
- condamné M. [P] [T] à payer à la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited la somme de 17 698,26 euros au titre du contrat de prêt accepté le 14 février 2020 ;
- dit que cette condamnation sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement ;
- dit n'y avoir lieu à aucune majoration du taux de l'intérêt légal en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ;
- débouté la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited de sa demande de capitalisation des intérêts ;
- condamné M. [P] [T] à payer à la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited, la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [P] [T] aux entiers dépens.
Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a essentiellement retenu que :
- La défaillance de l'emprunteur, dans ses obligations de remboursement objectivées par les pièces produites par l'organisme subrogé dans les droits du prêteur initial, et en l'absence de contestation de la validité du contrat principal justifiait la résiliation du contrat de crédit et la condamnation de l'emprunteur à payer le solde débiteur du prêt.
- En l'absence de production par le créancier d'une attestation de formation des agents délégué à la souscription du prêt hors établissement, la déchéance du droit aux intérêts était encourue.
* * *
A la suite d'une saisie-attribution diligentée par l'organisme cessionnaire, l'emprunteur s'est acquitté du paiement de la créance de l'organisme subrogé dans les droits du prêteur, au titre du solde impayé du prêt, en date du 17 août 2023.
Suivant déclaration en date du 27 juillet 2023 , M. [P] [T] a interjeté appel du jugement rendu en toutes ses dispositions.
Par acte de commissaire de justice en date du 15 avril 2024, M. [T] a fait assigner en intervention forcée la SAS Isowatt, non attraite à l'instance engagée devant le premier juge.
Dans le dernier état de ses écritures, en date du 4 octobre 2024, l'appelant demande à la cour de statuer dans le sens suivant :
- constater que M. [P] [T] a procédé au règlement des sommes visées par le jugement entrepris en date du 17 août 2023 ;
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* condamné M. [P] [T] à payer à la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited la somme de 17 698,28 euros au titre du contrat de prêt accepté le 14 février 2020 ;
* dit que cette condamnation sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement ;
* condamné M. [P] [T] à payer à la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens ;
Ce faisant,
- juger que la BNP Paribas Personal Finance, aux droits de laquelle vient la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited n'a pas procédé aux vérifications préalables nécessaires du respect des dispositions du code de la consommation relatives à l'information du consommateur et au démarchage à domicile avant de verser les fonds à la société Isowatt, et qu'elle a ainsi commis une faute de nature à la priver de sa créance de restitution ;
- débouter la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited et la SAS Isowatt de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
- juger nul le contrat de fourniture de service du 14 février 2020 entre M. [T] et la société Isowatt ;
- juger nul le contrat de prêt signé à la même date entre M. [Y] et la société BNP Paribas Personal Finance ;
- condamner solidairement la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited et la société Isowatt à payer à M. [T] la somme de 1 707,97 euros au titre des frais par lui exposés à l'occasion de l'exécution forcée du jugement de première instance ;
- condamner in solidum la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited et la société Isowatt à payer à M. [T] la somme de 17 900 euros versée en principal ;
- dire et juger que ces sommes seront productives d'intérêts légaux à compter du 17 août 2023 ;
Très subsidiairement,
- juger que la dette de M. [P] [T] s'établit à la somme de 8 748,26 euros, et condamner solidairement la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited et la société Isowatt à rembourser la somme de 8 950 euros à titre de trop perçu avec intérêts au taux légaux à compter du 17 août 2023 ;
- les condamner solidairement à payer à M. [T] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens de l'instance.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir les moyens et arguments suivants :
- Ni le prestataire ni l'organisme de crédit n'ont tenu compte de la rétractation du concluant régularisée dans les termes prévus au contrat principal ;
- Le bon de commande ne précise pas suffisamment les conditions et les caractéristiques de la prestation à laquelle s'oblige le prestataire, et ce en méconnaissance des prescriptions de l'article L. 111-1 du code de la consommation. Le devis qui devait accompagner le document n'a été transmis au concluant qu'un an après la fin des travaux ;
- Le prestataire a commis un dol puisqu'il avait indiqué au concluant que l'investissement ne lui coûterait que la moitié de la créance nominale de prix par le jeu de compensation avec les aides d'Etat, ce qui s'est avéré fallacieux, seul un abattement de 2496,00 euros lui ayant été consenti ;
- Le document attestant la fin des travaux ne comporte pas le nom du bénéficiaire de la prestation. Cependant, la banque dispensatrice de crédit s'est libérée des fonds prêtés sans vérifier la régularité de cette attestation ;
- Enfin, la société Isowatt conteste la recevabilité de sa mise en cause mais celle-ci est indispensable à l'issue du présent litige tendant à obtenir la nullité ou la résolution du contrat principal.
Dans des écritures en réplique, en date du 10 juillet 2024, la société Cabot sollicite, au premier chef, la confirmation du jugement entrepris mais se porte demanderesse incidente à l'instance d'appel sur le seul point relatif à la déchéance du droit aux intérêts prononcée par le tribunal. Elle sollicite que la cour se prononce dans les termes suivants :
- déclarer M. [P] [T] irrecevable et subsidiairement mal fondé en ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter,
- déclarer la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
Y faisant droit,
- confirmer le jugement sur le principe d'une condamnation de M. [P] [T],
- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts,
Statuant à nouveau :
- condamner M. [P] [T] à payer à la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited la somme de 19 580,89 euros, au taux contractuel de 3,23% l'an à compter du 6 mai 2021,
A titre subsidiaire, si la cour venait à prononcer la nullité des conventions :
- condamner M. [P] [T] à rembourser à la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited le capital d'un montant de 17 900 euros, au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, en l'absence de préjudice et de lien de causalité,
A titre plus subsidiaire, si la cour venait à dispenser M. [P] [T] du remboursement de la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited, condamner la société Isowatt à rembourser à la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited la somme de 17 900 euros, au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
En tout état de cause :
- condamner la société Isowatt à relever et garantir la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit de M. [P] [T],
- condamner tout succombant à payer à la SARL Cabot Sécuritisation Europe Limited la somme de 3 000 (sic) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner tout succombant aux entiers dépens.
Elle soutient, à cet égard, que :
- La cour n'est saisie d'aucune demande de résolution, de nullité ou de caducité de l'acte de prêt ;
- Aucune preuve n'est rapportée de la rétractation prétendument régularisée par le donneur d'ordre, d'autant que les travaux ont été réalisés en sa présence constante et avec son aval ;
- L'irrégularité du bon de commande est alléguée sans être démontré ;
- En toute hypothèse, les anomalies pouvant affecter les actes contractuels ont fait l'objet d'une confirmation sans équivoque de l'appelant qui ne peut donc plus s'en prévaloir ;
- Si le bénéficiaire avait subordonné son consentement au contrat principal à l'octroi d'avantages financiers dont il allègue avoir été privé, il lui appartenait de stipuler expressément cette condition au contrat.
* * *
Dans ses dernières écritures, en date du 13 janvier 2025, la SAS Isowatt s'est prononcée de la manière suivante :
Au principal
- donner acte de l'absence de révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci modifiant les données juridique du litige ;
Par conséquent,
- frapper d'irrecevabilité M. [T] dans son appel en cause de la société Isowatt à la présente instance ;
- frapper d'irrecevabilité toutes les demandes, fins et prétentions de M. [T] dirigées contre la société Isowatt ;
Subsidiairement
Si par impossible la cour de céans devait déclarer recevable M. [T] dans son assignation en intervention forcée de la société Isowatt à la présente instance,
- dire et juger que le contrat en date du 14 février 2020 contient toutes les mentions légales d'ordre public ;
- dire et juger que M. [T] ne rapporte aucune preuve d'un élément matériel ni d'un élément intentionnel démontrant qu'un dol aurait vicié son consentement ;
- dire et juger que M. [T] ne rapporte aucune preuve, laquelle lui incombe, d'avoir fait usage de son droit de rétractation ;
- dire et juger qu'aucune man'uvre dolosive ne saurait être imputée à la société Isowatt ;
- donner acte de la carence probatoire de M. [T] ;
Par conséquent,
- donner acte de l'absence de nullité afférente à la conclusion du contrat de vente en date du 14 février 2020 ;
- dire et juger le contrat conclu en date du 14 février 2020 valide, régulier, conforme aux dispositions légales, et exempt de vices afférents à sa formation de telle sorte qu'il doit produire ses effets ;
- débouter M. [T] de ses demandes, fins et prétentions ;
A titre très subsidiaire
Si par impossible la cour de céans disait et jugeait nul le contrat en litige,
- dire et juger que M. [T] avait connaissance des omissions des mentions légales d'ordre public dès le 14 février 2020 ;
- dire et juger que M. [T], nonobstant sa connaissance des omissions des mentions légales d'ordre public dès le 14 février 2020, a ratifié l'acte nul de par son comportement contractuel ;
Par conséquent,
- donner acte de ce que M. [T] a confirmé le contrat en date du 14 février 2020 dans toutes ses dispositions ;
- débouter M. [T] de ses demandes, fins et prétentions ;
- dire et juger le contrat en date du 14 février 2020 pleinement valide et effectif ;
Extrêmement subsidiairement
Si par extraordinaire la cour de céans faisait droit aux demandes de M. [T] et entrait en voie de condamnation,
- dire et juger que la société Isowatt n'a commis aucune faute ;
- dire et juger que la société Isowatt a parfaitement honoré les obligations qui lui incombent et qu'aucune preuve contraire n'est rapportée ;
- dire et juger la société Isowatt n'est débitrice d'aucune à restitution du prix à l'endroit de M. [T] ;
- donner acte de la faute commise par la société BNP PPF dans la délivrance des fonds ;
- priver la société Cabot Securisation Europe Limited de son droit à restitution à l'endroit de la société Isowatt ;
- priver la société Cabot Securisation Europe Limited de toute relève et garantie de la société Isowatt ; - débouter la société Cabot Securitisation Europe Limited de toutes demandes, fins et prétentions contraires ;
- exéonérer la société Isowatt de toute restitution du prix ;
- appliquer une décote sur le prix à restituer compte tenu de l'usage et de l'usure des matériaux isolants 4 années durant par M. [T] ;
- condamner M. [T] à restituer la prestation d'isolation ;
En toute hypothèse
- condamner M. [T], ou qui mieux le devra, au paiement de la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le même aux entiers dépens.
Elle fait, à cet égard, valoir que :
- L'action en intervention forcée pour la première fois en appel encourt l'irrecevabilité dans la mesure où aucune circonstance nouvelle determinant une évolution du litige n'est survenue depuis le jugement de première instance.
Subsidiairement :
- Le bon de commande, contrairement aux allégations de l'appelant, contient une description précise de l'ouvrage objet de la prestation ;
- Le prix payé correspond à celui stipulé à l'acte ;
- Il n'est aucunement administré la preuve de ce que l'enveloppe adressée à la concluante contenait bien un formulaire de rétractation ;
- Les aides auxquelles le client était éligible ont été déduites du prix de vente ;
- Les irrégularités dénoncées ont, en toute hypothèse, été neutralisées par l'effet de la confirmation ayant consisté pour le donneur d'ordre à signer le bon de commande sur lequels figurait la reproduction d'articles du code de la consommation et par l'acceptation pure et simple de l'ouvrage réalisé.
* * *
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 14 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
L'appelant était défaillant en première instance et aucune demande de prononcé de la nullité du contrat de vente et d'entreprise n'a donc été exposée devant le premier juge. Ce n'est donc qu'à hauteur d'appel que la société cumulant les qualités de venderesse et de locatrice d'ouvrage a été attraite en intervention forcée. La société Isowatt, concernée par l'instance incidente, excipe de l'irrecevabilité de l'action dirigée contre elle, motifs pris de ce qu'aucune évolution du litige ne justifie sa mise en cause devant la juridiction du second degré.
En vertu de l'article 555 du code de procédure civile, la mise en cause devant la cour d'appel d'une personne qui n'était pas partie en première instance est subordonnée à la preuve d'un élément nouveau révélé par le jugement ou survenu postérieurement à celui-ci. L'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers dans le cadre de l'instance d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit par le jugement ou postérieurement à celui-ci modifiant les données factuelles ou juridiques du litige.
En l'espèce, les critiques que le donneur d'ordre adresse à la société Isowatt ne sont ni contemporaines ni postérieures au jugement entrepris et n'ont donc suscité aucune évolution des termes de la problématique du litige soumis à l'examen du premier juge. L'action en nullité du contrat principal pouvait donc être diligentée concomitamment à celle relative au paiement du solde impayé du prêt, les deux actes formant une opération d'investissement unique dont les composantes sont indivisibles. Elle ne pouvait donc être dirigée contre le prestataire pour la première fois en appel, sauf à méconnaître le principe du double degré de juridiction. Dès lors, les demandes formulées par M. [T] à l'encontre de la société Isowatt encourent l'irrecevabilité, de même que l'action récursoire de la société Cabot dirigée contre elle.
* * *
Il n'est pas contesté que l'opération d'achat et de prestation de service associant un professionnel à un consommateur, s'analyse en un contrat conclu hors établissement soumis aux dispositions des articles L. 221-5 et suivants du code de la consommation.
En vertu des dispositions rapprochées des articles L. 221-9 et L. 242-1 du code précité, dans leur rédaction applicable au litige c'est à dire antérieure à l'ordonnance 2021-1734 du 22 décembre 2021, le non-respect des prescriptions formalistes du contrat conclu hors établissement entache celui-ci de nullité.
En vertu des dispositions de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de prêt est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. Par le simple effet de la restitution, l'emprunteur est, dans ce cas de figure, débiteur des fonds qui lui ont été remis, ou directement remis au créancier du prix, sauf si le déblocage de ces mêmes fonds a eu lieu à la suite d'un manquement fautif de l'organisme de crédit lorsqu'il s'est abstenu de rechercher si le contrat principal n'était pas affecté d'une irrégularité au regard de la législation ou la règlementation consummériste. Or une telle sanction n'est plus automatiquement de mise lorsque le contrat principal reste valide du fait de l'irrecevabilité de l'action en nullité dirigée contre le professionnel contractant.
Toutefois, les manquements imputables au prêteur, et résidant dans les négligences dans la vérification de la régularité formelle du bon de commande, peuvent engager sa responsabilité contractuelle de droit commun.
Il convient, à cet égard, de rappeler qu'en application de l'article L. 312-48 du code précité les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de l'exécution de la prestation de service qui doit être complète. L'absence de contrôle portant sur le résultat du service rendu, financé au moyen du prêt, constitue une faute privative, partiellement ou totalement, du droit à restitution mais la délivrance du bien vendu ou de l'ouvrage commandé fait normalement obstacle à la mise en jeu de la responsabilité du fournisseur de crédit. Ainsi, aucune faute ne peut être reprochée au prêteur qui délivre les fonds au vu d'une attestation signée par l'emprunteur ou un certificat de livraison démontrant l'entière exécution de la vente ou de la prestation de service dès lors qu'une telle attestation comporte toutes les informations nécessaires à l'identification de l'opération financée (Cass. Com 8 septembre 2021 n° 19-22.318).
En l'occurrence, l'attestation de fin des travaux objective l'achèvement de l'ouvrage sans réserve, ce qui induit un effet de purge des irrégularités constatées en amont de l'opération d'investissement. En l'espèce, pour voir disqualifier le certificat d'achèvement, et le priver ainsi de toute portée, l'appelant fait observer que le document en question est signé mais son nom n'y figure pas. Cependant, l'authentification de l'identité d'un co-contractant ne résulte que de sa signature en vertu de l'article 1367 alinéa 1er du code civil. Dès lors, son apposition sur l'acte avalise le consentement de son auteur quant à sa portée libératoire des obligations antérieurement souscrites. Ainsi, la réception sans réserve de l'ouvrage fait obstacle à l'engagement subséquent de toute instance contentieuse pour des causes antérieures à sa formalisation.
Ensuite, l'absence de contestation du contrat principal rend superfétatoire la caractérisation d'une faute du banquier dispensateur de crédit, abstraction faite des causes inhérentes au contrat de prêt lui-même ( Cass.1° Civ. 9 décembre 2020 n° 19-19.420). Une telle solution a, tout d'abord, partie liée avec la notion de confirmation telle qu'explicitée à l'alinéa 2 et 3 de l'article 1182 du code civil en vertu duquel l'exécution sans restriction d'une obligation produit un effet de purge des irrégularités entachant les documents contractuels. L'acceptation sans équivoque de la chose vendue ou de l'ouvrage livré fait ainsi présumer la connaissance des vices et la volonté d'y mettre un terme (Cass. 1° Civ 26 février 2020 n° 18-19.316).
L'autonomie de la responsabilité du banquier par rapport au vendeur ou au locateur d'ouvrage est renforcée à la lumière de la jurisprudence récente qui a tendu à découpler le sort du contrat principal de la convention accessoire de prêt. Ainsi, par 9 arrêts rendus le même jour, soit le 9 juillet 2024, et pour des opérations de crédit dont le sort était tributaire de la nullité du contrat principal, la Haute Juridiction a mis un point d'orgue au processus de remise en axe des obligations du fournisseur de crédit par rapport aux principes généraux de la responsabilité civile, et ce en mettant l'accent sur l'étendue du préjudice subi par l'emprunteur et sur le rapport de causalité existant entre le fait générateur allégué et le dommage invoqué.
En l'occurrence, il est fait grief à la société Cabot, venant aux droits de la BNP, de n'avoir pas tenu compte de l'exercice du droit de rétractation intervenu après la souscription du contrat principal, d'une part, et de l'irrégularité du bon de commande qui ne détaillerait pas suffisamment les caractéristiques de l'ouvrage livré, d'autre part.
Contrairement aux allégations de l'intimée et de la société Isowatt la preuve est bien rapportée de la diligence effectuée par le donneur d'ordre. En effet, la société prestataire reconnait avoir reçu un courrier émanant de M. [T] mais sans toutefois qu'il soit établi qu'il concernait bien le formulaire de rétractation. Or, il appartient au destinataire d'une lettre recommandée avec accusé de réception qui en conteste le contenu d'établir son caractère incomplet (Cass. 2° Civ 7 septembre 2023 n° 22-11.352). Il n'est, par ailleurs, nullement allégué que le prestataire se soit abstenu de toute ampliation du formulaire de rétractation en direction du prêteur (Cass. 1° Civ. 25 novembre 2020 n° 19-14.908).
L'établissement créancier prêteur est tenu de vérifier la régularité du bon de commande en référence aux dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation (version applicable à la cause). En l'espèce, il ne résulte pas de l'examen du document en question que toutes les mentions utiles à une connaissance exhaustive de la part du bénéficiaire de la portée de son engagement, y figurent. Ainsi, la marque des équipements installés n'est pas indiquée alors qu'il s'agit d'un élément déterminant du consentement du consommateur (Cass. 1° Civ 24 janvier 2024 n°21-20.691).
Ces anomalies que le prêteur était tenu de vérifier, ne peuvent, au cas présent, être la source d'un quelconque préjudice pour l'appelant en raison du fait que l'acceptation de l'ouvrage vaut confirmation des vices pouvant affecter l'ouverture de crédit. Autrement dit, l'exécution complète de la prestation, et son acceptation par le maître de l'ouvrage, met nécessairement à distance le lien de causalité entre le dommage et la faute du professionnel. Celle-ci est d'autant moins caractérisée que les doléances du client ne concernaient pas le bon état de fonctionnement du dispositif d'isolation du local d'habitation mais l'octroi d'aides de l'Etat dont celui-ci prétend avoir été privé. C'est donc en concordance avec ces règles que la société cessionnaire excipe de l'absence d'incidence sur le consentement du client prétendument lésé d'une rétractation de sa part ou d'une insuffisance des mentions figurant sur le bon de commande alors que l'acceptation des travaux ne pouvait manifester, de sa part, qu'une volonté non-équivoque de renoncer à se prévaloir des vices dont il ne pouvait ignorer l'existence.
Il résulte des motifs qui précèdent que le prêteur dont la créance de remboursement n'a pas été honorée par l'emprunteur est fondé à requérir le paiement intégral du solde impayé du prêt.
Il s'ensuit que le jugement attaqué sera entièrement confirmé en ce qu'il a condamné M. [T] au paiement du solde débiteur du prêt.
* * *
La société Cabot se porte demanderesse incidente à l'appel aux fins de voir infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déchu du droit aux intérêts sur le capital mis à disposition au motif que l'organisme de crédit s'était indûment abstenu de verser aux débats, ainsi qu'il en était requis, l'attestation de formation du personnel à qui la formalisation des prêts sur place a été déléguée.
Aux termes de l'article L 314-25 du code de la consommation :
' Les personnes chargées de fournir à l'emprunteur les explications sur les prêts mentionnés aux articles L 312-1 à 3 (...) sont formés à la distribution du crédit à la consommation et à la prévention du surendettement. L'employeur de ces personnes tient à disposition, à des fins de contrôle, l'attestation de formation mentionnée à l'article L 6353-1 du code du travail établie par l'un des prêteurs dont les crédits sont proposés (. . .).'
L'obligation de tenir à disposition des documents administratifs n'implique aucunement celle de les délivrer de manière automatique. Or l'appelant n'administre pas la preuve de ce qu'il ait adressé au prêteur une réclamation en ce sens. Le premier juge, relevant d'office le moyen tiré de l'absence de production aux débats de l'attestation de formation, comme l'habilite l'article R. 632-1 du code précité, a néanmoins sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts, le fait pour la société cessionnaire de créance de s'abstenir de le produire en justice. Or, à supposer même que l'établissement financier n'ait pas détenu l'attestation en question, il ne peut être fait injonction au prêteur de produire aux débats un document dont l'emprunteur n'a pas sollicité la consultation ou la communication. Le maintien à disposition de pièces et documents, induit la faculté pour le consommateur d'en prendre connaissance ce qui implique de sa part une démarche positive. Si celle-ci n'a pas été entreprise, le juge ne peut exiger du prêteur le preuve du respect de son obligation de dépositaire des documents litigieux dont l'incidence sur les droits du consommateur n'ont qu'un caractère hypothétique. Dès lors, l'absence de production aux débats, par l'employeur, de l'attestation de formation du personnel qui lui est subordonné, n'encourt pas la critique du moyen. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
En conséquence, de ce qui précède, la société Cabot a droit au paiement des mensualités échues et impayées et du capital à échoir à la date de déchéance du terme intervenue le 6 mai 2021, soit la somme de 17 698, 26 euros, le tout majoré des intérêts au taux du prêt, soit 3,23 %, à compter de la même date. Le principal de la créance ayant été payé à la suite d'une mesure d'exécution forcée, seuls sera encore due la créance d'intérêts moratoires.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Cabot et la société Isowatt les frais exposés par elles dans le cadre de la présente instance et non compris dans les dépens, à hauteur de la somme de 1500,00 euros pour chacune d'elles. M. [T] sera tenu d'en acquitter le paiement à leur profit.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi :
- Déclare irrecevable l'action en intervention forcée diligentée par M. [P] [T] et dirigée contre la SAS Isowatt ;
- Déclare, en conséquence, irrecevable l'action récursoire de la SARL 'Cabot Securitisation Europe Ltd' dirigée contre la SAS Isowatt ;
- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré la SARL 'Cabot Securitisation Europe Ltd' déchue du droit à percevoir les intérêts ;
- Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Statuant à nouveau du chef infirmé, et ajoutant :
- Condamne M. [P] [T] à payer à la SARL 'Cabot Securitisation Europe Ltd' la somme en principal de 17 698, 28 euros avec majoration d'intérêts au taux de 3, 23 % à compter du 6 mai 2021 ;
- Condamne M. [P] [T] à payer à la SAS Isowatt et à la SARL 'Cabot Securitisation Europe Ltd', et pour chacune d'elles, la somme de 1500, 00 euros en application des dispositions de l'article 700 CPC ;
- Le condamne aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.