CA Aix-en-Provence, ch. 1-7, 27 mars 2025, n° 22/01821
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 27 MARS 2025
N° 2025/ 109
Rôle N° RG 22/01821 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BI2F4
S.A.R.L. REPUBLIQUE IMMOBILIERE SOCIETE NOUVELLE
C/
S.A.R.L. BOURGEOIS IMMOBILIER
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Stephen GUATTERI
Me Caroline CAUSSE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 4] en date du 06 Décembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/02564.
APPELANTE
S.A.R.L. REPUBLIQUE IMMOBILIERE SOCIETE NOUVELLE Prise en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Stephen GUATTERI de la SELARL GHM AVOCATS, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
S.A.R.L. BOURGEOIS IMMOBILIER, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Caroline CAUSSE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Février 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère
Madame Florence PERRAUT, Conseillère,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2025,
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La société immobilière à responsabilité limitée (SARL) Bourgeois Immobilier a assuré les fonctions de syndic de copropriété de l'ensemble immobilier '[Adresse 5]' sis [Adresse 2] (06), jusqu'au 31 juillet 2016.
Lors de l'assemblée générale du 30 juin 2016, celle-ci n'a pas été renouvelé dans ses fonctions et faute de quorum, l'élection d'un nouveau syndic n'a pas pu avoir lieu.
Par courrier recommandé daté du 1er juillet 2016, M. [C], copropriétaire a mis en demeure la SARL Bourgeois Immobilier de convoquer une nouvelle assemblée générale.
Celle-ci a préféré faire désigner un administrateur ad hoc, Maître [T], désigné par ordonnance sur requête du 26 septembre 2016.
Cette ordonnance a fait l'objet d'un recours en rétractation, rejeté par décision du 15 décembre 2016.
Par arrêt du 1er février 2018, la cour d'appel d'Aix-en Provence a réformé l'ordonnance.
Parallèlement, le 14 novembre 2016, l'assemblée générale des copropriétaires a désigné la société immobilière à responsabilité limitée (SARL) République Immobilière Société Nouvelle en qualité de syndic du même ensemble.
Par exploit du 26 avril 2019, la SARL République Immobilière Société Nouvelle a assigné la SARL Bourgeois Immobilier, dite 'SITA' devant le tribunal judiciaire de Grasse, en faisant état de fautes dans l'exercice de ses fonctions de syndic.
Par jugement contradictoire du 6 décembre 2021, le tribunal a :
- débouté la SARL République Immobilière Société Nouvelle de l'intégralité de ses demandes;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné la SARL République Immobilière Société Nouvelle à payer à la SARL Bourgeois Immobilier dite 'Sita' la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire.
Le tribunal a notamment considéré que :
- le contentieux élevé entre deux syndics était régi par les règles de la responsabilité pour faute;
- sur la faute :
- les éléments du dossier faisaient état que clairement avisé qu'elle ne serait plus détentrice d'un mandat de syndic à compter du 31 juillet 2016, la SARL Bourgeois dite 'Sita' n'avait pas convoqué d'assemblée générale permettant de voter la désignation d'un nouveau syndic ou le renouvellement du contrat dans des délais qui auraient permis à la copropriété de ne subir aucune interruption dans son administration ;
- à la place la société Sita avait fait le choix de recourir à la requête judiciaire de désignation d'un administrateur de la copropriété, qu'il n'avait d'ailleurs déposé au tribunal que le 19 septembre 2016, soit près de deux mois après la fin de son propre mandat ;
- s'agissant d'un syndic professionnel, le tribunal retenait que ces légèretés étaient nécessairement constitutives d'une faute ;
- sur le lien de causalité entre les manquements de l'ancien syndic et les préjudices allégués par le nouveau syndic :
- la SARL République Immobilière Société Nouvelle ne démontrait nullement la réalité d'un dommage personnel, direct, certain qu'elle aurait subi en raison du comportement de l'ancien syndic.
Suivant déclaration au greffe en date du 7 février 2022, la SARL République Immobilière Société Nouvelle a relevé appel du jugement, en toutes ses dispositions dûment reprises.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, elle demande à la cour qu'elle confirme le jugement en ce qu'il a retenu la faute de la société intimée et infirme le jugement entrepris, en ce qu'il a considéré que le préjudice n'était pas caractérisé et statuant à nouveau qu'elle :
- condamne la SARL Bourgeois Immobilier à lui payer la somme de 19 608,98 euros en réparation des préjudices subis ;
- déboute la SARL Bourgeois Immobilier de l'ensemble de ses demandes ;
- condamne la SARL Bourgeois Immobilier à lui payer la somme de 3 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
- sur la faute :
- l'ancien syndic a commis une faute ;
- il ne pouvait pas représenter le syndicat des copropriétaires alors que son mandat était venu à expiration et sa requête déposée le 19 septembre 2016, soit deux mois après son mandat, était nulle et de nul effet ;
- sur le préjudice subi :
* sur le manque à gagner concernant les honoraires de gestion contractuellement fixés:
- elle a été privée de pouvoir accomplir les missions et prestations comprises dans le contrat de syndic validé par l'assemblée générale des copropriétaires le 14 novembre 2016 ;
- l'administrateur judiciaire a conservé la gestion de la copropriété pendant toute la procédure en nullité de sa désignation ;
- elle a été dans l'impossibilité d'exercer ce contrat signé pour un montant de 12 000 euros HT soit 14 000 euros TTC ;
* sur les frais déboursés :
- divers frais et notamment les frais postaux ont dû être déboursés soit 808,98 euros ;
* sur la perte de chance de facturer des honoraires complémentaires :
- en sus du contrat, il convient de prendre en compte toutes les prestations (vacations, urgence, relance impayés...) qui auraient dû être facturés, soit en moyenne 20 % des honoraires classiques, soit un manque à gagner de 2 400 euros ;
* sur la résistance abusive :
- elle la chiffre à 2 000 euros.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il demande à la cour qu'elle infirme le jugement en ce qu'il a retenu qu'elle avait commis une faute en ayant eu recours à la requête judiciaire de désignation d'un administrateur de copropriété et statuant à nouveau qu'elle :
- constate qu'elle n'a commis aucune offre de nature à engager sa responsabilité civile et professionnelle de syndic ;
- en tout état de cause confirme le jugement en ce que la SARL République Immobilière Société Nouvelle a été déboutée de toutes ses demandes et condamné à payer lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- y ajoutant :
* déboute la SARL République Immobilière Société Nouvelle de ses demandes;
* condamne la SARL République Immobilière Société Nouvelle à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses prétentions elle fait valoir que :
- sur l'absence de faute :
- elle n'a commis aucune faute et a estimé ne pas devoir prendre le risque de convoquer une nouvelle assemblée générale et a préféré voir désigner un administrateur ad hoc ;
- lors de l'assemblée générale du 30 juin, seuls 9 copropriétaires sur 94 étaient présents, le quorum de l'article 25 risquait à nouveau de ne pas être atteint et la disposition de l'article 25-1 n'aurait pas pu être appliquée ;
- la requête en vue de la désignation d'un administrateur provisoire datait du 25 juillet 2016 et a été déposée à la demande du syndicat des copropriétaires ;
- sur l'absence de préjudices :
- l'appelante ne s'explique pas sur les raisons à l'origine de la perte de son mandat ;
- du fait de la désignation de l'administrateur judiciaire par ordonnance rendue le 26 septembre 2016, confirmée le 15 décembre 2016, la SARL République Immobilière Société Nouvelle n'aurait jamais dû accepter le mandat confié lors de l'assemblée générale du 14 novembre 2016;
- elle a cru percevoir des honoraires fixés, nonobstant la présence d'un administrateur;
- aucune pièce ne justifie la perte des honoraires surtout ceux correspondant à son mandat ;
- aucune pièce ne démontre les prestations qui auraient dû être facturées en sus ;
- la facture des frais postaux est au nom du syndicat des copropriétaires et non du syndic ;
- la procédure n'est nullement justifiée.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close par ordonnance du 22 janvier 2025.
MOTIFS :
Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constater', 'dire et juger' ou 'déclarer' qui, sauf dispositions légales spécifiques, ne sont pas des prétentions, en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui ne figurent que par erreur dans le dispositif, plutôt que dans la partie discussion des conclusions d'appel.
Sur la responsabilité de l'ancien syndic à l'égard du nouveau syndic :
Aux termes de l'article 1240 du code civil tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à réparer.
L'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Sur la faute de l'ancien syndic :
Il est acquis aux débats que le mandat de la SARL Bourgeois Immobilier avait un mandat afin d'assurer les fonctions de syndic de copropriété de l'ensemble immobilier '[Adresse 5]' jusqu'au 31 juillet 2016 et que lors de l'assemblée générale du 30 juin 2016, faute de quorum, l'élection d'un nouveau syndic n'a pas pu avoir lieu.
Ainsi, plutôt que convoquer une assemblée générale, elle a préféré recourir à la désignation d'un administrateur ad hoc, Maître [T].
A l'examen de la chronologie des faits et des décisions judiciaires, il est établi que la requête en désignation d'un administrateur, présentée par la SARL Bourgeois Immobilier, exerçant sous le nom commercial de SITA, au nom du syndicat des copropriétaires, était datée du 25 juillet 2016.
Cependant, cette requête a été enrôlée le 19 septembre 2016, date en principe du tampon d'arrivée et d'enregistrement par le greffe du tribunal judiciaire de Grasse, l'ordonnance ayant été rendue le 26 septembre 2016.
Or le contrat de syndic prenait fin le 31 juillet 2016.
Par conséquent, à la date de l'enrôlement de la requête, la SARL Bourgeois Immobilier n'avait plus qualité pour représenter le syndicat des copropriétaires et former une demande d'administrateur provisoire en son nom, son mandat étant venu à expiration. Cette irrégularité de fond affectant la validité de la requête a entraîné la rétractation de l'ordonnance sur requête par arrêt de la cour d'appel du 1er février 2018.
C'est donc par des motifs pertinents que le premier juge a relevé que pour un syndic professionnel, ces manquements étaient constitutifs d'une faute.
Sur le lien de causalité entre les préjudices subis par le nouveau syndic et les manquements de l'ancien syndic :
Le nouveau syndic estime subir des préjudices consistant en un manque à gagner concernant ses honoraires de gestion contractuellement fixés, une perte de chance de facturer des honoraires complémentaires, outre des frais déboursés.
En l'espèce, lors de l'assemblée générale du 14 novembre 2016, l'assemblée générale des copropriétaires a désigné la société immobilière à responsabilité limitée (SARL) République Immobilière Société Nouvelle en qualité de syndic du même ensemble. Cette désignation était à effet au 14 novembre 2016 jusqu'au 13 novembre 2017 (résolutions n°4 et 5).
Le même jour, l'assemblée générale se prononçait sur un mandat d'ester en justice confié au nouveau syndic à l'encontre de la société SITA, en cas de difficulté dans la récupération des dossiers, et en tant que de besoin à Maître [W] [T] (résolution n°6).
Ainsi lors de sa prise de fonctions, le 14 novembre 2016, le nouveau syndic a eu connaissance de la situation et notamment de la désignation d'un administrateur provisoire par ordonnance sur requête rendue le 26 septembre 2016, aux fins de gestion de la copropriété.
Au surplus, par ordonnance de référé du 15 décembre 2016, le juge a rejeté la requête d'une partie des copropriétaires en rétractation de l'ordonnance sur requête du 26 septembre 2016, maintenant ainsi la désignation de l'administrateur ad hoc es qualité de gestionnaire de la copropriété.
La SARL République Immobilière Société Nouvelle a donc accepté son mandat et la gestion de la copropriété en toute connaissance de cause et notamment pendant la durée de la procédure en nullité de désignation de l'administrateur provisoire.
En sa qualité de professionnel, et tant que l'administrateur restait désigné, elle savait qu'elle ne pourrait pas administrer l'immeuble et percevoir les honoraires, sauf à demander à l'administrateur de mettre un terme à sa mission ce qu'elle n'a pas fait.
Elle ne saurait se prévaloir d'une faute de la SARL Bourgeois Immobilier en lien de causalité avec ses préjudices subis, ayant été parfaitement informée de la situation.
Elle ne peut pas reprocher un lien de cause à effet entre ses préjudices subis, notamment le manque à gagner de ses honoraires de gestion, alors que lors de l'acceptation de son mandat, elle savait qu'un administrateur provisoire, avait été désigné et qu'elle ne pourrait pas les percevoir.
Par conséquent, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce que la SARL République Immobilière Société Nouvelle ne démontre pas que les préjudices subis soient en lien direct avec le comportement de l'ancien syndic et a été débouté de sa demande.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
L'article 696 dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En vertu de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Il convient de confirmer la décision du premier juge en ce qu'il a condamné la SARL République Immobilière Société Nouvelle aux dépens, et à payer à la SARL Bourgeois Immobilier la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Succombant, la SARL République Immobilière Société Nouvelle sera condamnée à supporter les dépens d'appel. Elle sera déboutée de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à la SARL Bourgeois Immobilier la charge de ses frais irrépétibles.La SARL République Immobilière Société Nouvelle sera condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la SARL République Immobilière Société Nouvelle à payer à la SARL Bourgeois Immobilier la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
DÉBOUTE la SARL République Immobilière Société Nouvelle de sa demande formulée sur le même fondement ;
CONDAMNE la SARL République Immobilière Société Nouvelle à supporter les dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 27 MARS 2025
N° 2025/ 109
Rôle N° RG 22/01821 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BI2F4
S.A.R.L. REPUBLIQUE IMMOBILIERE SOCIETE NOUVELLE
C/
S.A.R.L. BOURGEOIS IMMOBILIER
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Stephen GUATTERI
Me Caroline CAUSSE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 4] en date du 06 Décembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/02564.
APPELANTE
S.A.R.L. REPUBLIQUE IMMOBILIERE SOCIETE NOUVELLE Prise en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Stephen GUATTERI de la SELARL GHM AVOCATS, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
S.A.R.L. BOURGEOIS IMMOBILIER, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Caroline CAUSSE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Février 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère
Madame Florence PERRAUT, Conseillère,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2025,
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La société immobilière à responsabilité limitée (SARL) Bourgeois Immobilier a assuré les fonctions de syndic de copropriété de l'ensemble immobilier '[Adresse 5]' sis [Adresse 2] (06), jusqu'au 31 juillet 2016.
Lors de l'assemblée générale du 30 juin 2016, celle-ci n'a pas été renouvelé dans ses fonctions et faute de quorum, l'élection d'un nouveau syndic n'a pas pu avoir lieu.
Par courrier recommandé daté du 1er juillet 2016, M. [C], copropriétaire a mis en demeure la SARL Bourgeois Immobilier de convoquer une nouvelle assemblée générale.
Celle-ci a préféré faire désigner un administrateur ad hoc, Maître [T], désigné par ordonnance sur requête du 26 septembre 2016.
Cette ordonnance a fait l'objet d'un recours en rétractation, rejeté par décision du 15 décembre 2016.
Par arrêt du 1er février 2018, la cour d'appel d'Aix-en Provence a réformé l'ordonnance.
Parallèlement, le 14 novembre 2016, l'assemblée générale des copropriétaires a désigné la société immobilière à responsabilité limitée (SARL) République Immobilière Société Nouvelle en qualité de syndic du même ensemble.
Par exploit du 26 avril 2019, la SARL République Immobilière Société Nouvelle a assigné la SARL Bourgeois Immobilier, dite 'SITA' devant le tribunal judiciaire de Grasse, en faisant état de fautes dans l'exercice de ses fonctions de syndic.
Par jugement contradictoire du 6 décembre 2021, le tribunal a :
- débouté la SARL République Immobilière Société Nouvelle de l'intégralité de ses demandes;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné la SARL République Immobilière Société Nouvelle à payer à la SARL Bourgeois Immobilier dite 'Sita' la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire.
Le tribunal a notamment considéré que :
- le contentieux élevé entre deux syndics était régi par les règles de la responsabilité pour faute;
- sur la faute :
- les éléments du dossier faisaient état que clairement avisé qu'elle ne serait plus détentrice d'un mandat de syndic à compter du 31 juillet 2016, la SARL Bourgeois dite 'Sita' n'avait pas convoqué d'assemblée générale permettant de voter la désignation d'un nouveau syndic ou le renouvellement du contrat dans des délais qui auraient permis à la copropriété de ne subir aucune interruption dans son administration ;
- à la place la société Sita avait fait le choix de recourir à la requête judiciaire de désignation d'un administrateur de la copropriété, qu'il n'avait d'ailleurs déposé au tribunal que le 19 septembre 2016, soit près de deux mois après la fin de son propre mandat ;
- s'agissant d'un syndic professionnel, le tribunal retenait que ces légèretés étaient nécessairement constitutives d'une faute ;
- sur le lien de causalité entre les manquements de l'ancien syndic et les préjudices allégués par le nouveau syndic :
- la SARL République Immobilière Société Nouvelle ne démontrait nullement la réalité d'un dommage personnel, direct, certain qu'elle aurait subi en raison du comportement de l'ancien syndic.
Suivant déclaration au greffe en date du 7 février 2022, la SARL République Immobilière Société Nouvelle a relevé appel du jugement, en toutes ses dispositions dûment reprises.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, elle demande à la cour qu'elle confirme le jugement en ce qu'il a retenu la faute de la société intimée et infirme le jugement entrepris, en ce qu'il a considéré que le préjudice n'était pas caractérisé et statuant à nouveau qu'elle :
- condamne la SARL Bourgeois Immobilier à lui payer la somme de 19 608,98 euros en réparation des préjudices subis ;
- déboute la SARL Bourgeois Immobilier de l'ensemble de ses demandes ;
- condamne la SARL Bourgeois Immobilier à lui payer la somme de 3 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
- sur la faute :
- l'ancien syndic a commis une faute ;
- il ne pouvait pas représenter le syndicat des copropriétaires alors que son mandat était venu à expiration et sa requête déposée le 19 septembre 2016, soit deux mois après son mandat, était nulle et de nul effet ;
- sur le préjudice subi :
* sur le manque à gagner concernant les honoraires de gestion contractuellement fixés:
- elle a été privée de pouvoir accomplir les missions et prestations comprises dans le contrat de syndic validé par l'assemblée générale des copropriétaires le 14 novembre 2016 ;
- l'administrateur judiciaire a conservé la gestion de la copropriété pendant toute la procédure en nullité de sa désignation ;
- elle a été dans l'impossibilité d'exercer ce contrat signé pour un montant de 12 000 euros HT soit 14 000 euros TTC ;
* sur les frais déboursés :
- divers frais et notamment les frais postaux ont dû être déboursés soit 808,98 euros ;
* sur la perte de chance de facturer des honoraires complémentaires :
- en sus du contrat, il convient de prendre en compte toutes les prestations (vacations, urgence, relance impayés...) qui auraient dû être facturés, soit en moyenne 20 % des honoraires classiques, soit un manque à gagner de 2 400 euros ;
* sur la résistance abusive :
- elle la chiffre à 2 000 euros.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il demande à la cour qu'elle infirme le jugement en ce qu'il a retenu qu'elle avait commis une faute en ayant eu recours à la requête judiciaire de désignation d'un administrateur de copropriété et statuant à nouveau qu'elle :
- constate qu'elle n'a commis aucune offre de nature à engager sa responsabilité civile et professionnelle de syndic ;
- en tout état de cause confirme le jugement en ce que la SARL République Immobilière Société Nouvelle a été déboutée de toutes ses demandes et condamné à payer lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- y ajoutant :
* déboute la SARL République Immobilière Société Nouvelle de ses demandes;
* condamne la SARL République Immobilière Société Nouvelle à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses prétentions elle fait valoir que :
- sur l'absence de faute :
- elle n'a commis aucune faute et a estimé ne pas devoir prendre le risque de convoquer une nouvelle assemblée générale et a préféré voir désigner un administrateur ad hoc ;
- lors de l'assemblée générale du 30 juin, seuls 9 copropriétaires sur 94 étaient présents, le quorum de l'article 25 risquait à nouveau de ne pas être atteint et la disposition de l'article 25-1 n'aurait pas pu être appliquée ;
- la requête en vue de la désignation d'un administrateur provisoire datait du 25 juillet 2016 et a été déposée à la demande du syndicat des copropriétaires ;
- sur l'absence de préjudices :
- l'appelante ne s'explique pas sur les raisons à l'origine de la perte de son mandat ;
- du fait de la désignation de l'administrateur judiciaire par ordonnance rendue le 26 septembre 2016, confirmée le 15 décembre 2016, la SARL République Immobilière Société Nouvelle n'aurait jamais dû accepter le mandat confié lors de l'assemblée générale du 14 novembre 2016;
- elle a cru percevoir des honoraires fixés, nonobstant la présence d'un administrateur;
- aucune pièce ne justifie la perte des honoraires surtout ceux correspondant à son mandat ;
- aucune pièce ne démontre les prestations qui auraient dû être facturées en sus ;
- la facture des frais postaux est au nom du syndicat des copropriétaires et non du syndic ;
- la procédure n'est nullement justifiée.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close par ordonnance du 22 janvier 2025.
MOTIFS :
Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constater', 'dire et juger' ou 'déclarer' qui, sauf dispositions légales spécifiques, ne sont pas des prétentions, en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui ne figurent que par erreur dans le dispositif, plutôt que dans la partie discussion des conclusions d'appel.
Sur la responsabilité de l'ancien syndic à l'égard du nouveau syndic :
Aux termes de l'article 1240 du code civil tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à réparer.
L'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Sur la faute de l'ancien syndic :
Il est acquis aux débats que le mandat de la SARL Bourgeois Immobilier avait un mandat afin d'assurer les fonctions de syndic de copropriété de l'ensemble immobilier '[Adresse 5]' jusqu'au 31 juillet 2016 et que lors de l'assemblée générale du 30 juin 2016, faute de quorum, l'élection d'un nouveau syndic n'a pas pu avoir lieu.
Ainsi, plutôt que convoquer une assemblée générale, elle a préféré recourir à la désignation d'un administrateur ad hoc, Maître [T].
A l'examen de la chronologie des faits et des décisions judiciaires, il est établi que la requête en désignation d'un administrateur, présentée par la SARL Bourgeois Immobilier, exerçant sous le nom commercial de SITA, au nom du syndicat des copropriétaires, était datée du 25 juillet 2016.
Cependant, cette requête a été enrôlée le 19 septembre 2016, date en principe du tampon d'arrivée et d'enregistrement par le greffe du tribunal judiciaire de Grasse, l'ordonnance ayant été rendue le 26 septembre 2016.
Or le contrat de syndic prenait fin le 31 juillet 2016.
Par conséquent, à la date de l'enrôlement de la requête, la SARL Bourgeois Immobilier n'avait plus qualité pour représenter le syndicat des copropriétaires et former une demande d'administrateur provisoire en son nom, son mandat étant venu à expiration. Cette irrégularité de fond affectant la validité de la requête a entraîné la rétractation de l'ordonnance sur requête par arrêt de la cour d'appel du 1er février 2018.
C'est donc par des motifs pertinents que le premier juge a relevé que pour un syndic professionnel, ces manquements étaient constitutifs d'une faute.
Sur le lien de causalité entre les préjudices subis par le nouveau syndic et les manquements de l'ancien syndic :
Le nouveau syndic estime subir des préjudices consistant en un manque à gagner concernant ses honoraires de gestion contractuellement fixés, une perte de chance de facturer des honoraires complémentaires, outre des frais déboursés.
En l'espèce, lors de l'assemblée générale du 14 novembre 2016, l'assemblée générale des copropriétaires a désigné la société immobilière à responsabilité limitée (SARL) République Immobilière Société Nouvelle en qualité de syndic du même ensemble. Cette désignation était à effet au 14 novembre 2016 jusqu'au 13 novembre 2017 (résolutions n°4 et 5).
Le même jour, l'assemblée générale se prononçait sur un mandat d'ester en justice confié au nouveau syndic à l'encontre de la société SITA, en cas de difficulté dans la récupération des dossiers, et en tant que de besoin à Maître [W] [T] (résolution n°6).
Ainsi lors de sa prise de fonctions, le 14 novembre 2016, le nouveau syndic a eu connaissance de la situation et notamment de la désignation d'un administrateur provisoire par ordonnance sur requête rendue le 26 septembre 2016, aux fins de gestion de la copropriété.
Au surplus, par ordonnance de référé du 15 décembre 2016, le juge a rejeté la requête d'une partie des copropriétaires en rétractation de l'ordonnance sur requête du 26 septembre 2016, maintenant ainsi la désignation de l'administrateur ad hoc es qualité de gestionnaire de la copropriété.
La SARL République Immobilière Société Nouvelle a donc accepté son mandat et la gestion de la copropriété en toute connaissance de cause et notamment pendant la durée de la procédure en nullité de désignation de l'administrateur provisoire.
En sa qualité de professionnel, et tant que l'administrateur restait désigné, elle savait qu'elle ne pourrait pas administrer l'immeuble et percevoir les honoraires, sauf à demander à l'administrateur de mettre un terme à sa mission ce qu'elle n'a pas fait.
Elle ne saurait se prévaloir d'une faute de la SARL Bourgeois Immobilier en lien de causalité avec ses préjudices subis, ayant été parfaitement informée de la situation.
Elle ne peut pas reprocher un lien de cause à effet entre ses préjudices subis, notamment le manque à gagner de ses honoraires de gestion, alors que lors de l'acceptation de son mandat, elle savait qu'un administrateur provisoire, avait été désigné et qu'elle ne pourrait pas les percevoir.
Par conséquent, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce que la SARL République Immobilière Société Nouvelle ne démontre pas que les préjudices subis soient en lien direct avec le comportement de l'ancien syndic et a été débouté de sa demande.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
L'article 696 dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En vertu de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Il convient de confirmer la décision du premier juge en ce qu'il a condamné la SARL République Immobilière Société Nouvelle aux dépens, et à payer à la SARL Bourgeois Immobilier la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Succombant, la SARL République Immobilière Société Nouvelle sera condamnée à supporter les dépens d'appel. Elle sera déboutée de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à la SARL Bourgeois Immobilier la charge de ses frais irrépétibles.La SARL République Immobilière Société Nouvelle sera condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la SARL République Immobilière Société Nouvelle à payer à la SARL Bourgeois Immobilier la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
DÉBOUTE la SARL République Immobilière Société Nouvelle de sa demande formulée sur le même fondement ;
CONDAMNE la SARL République Immobilière Société Nouvelle à supporter les dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,