CA Aix-en-Provence, ch. 1-7, 13 mars 2025, n° 22/00946
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 13 MARS 2025
N° 2025/ 83
Rôle N° RG 22/00946 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIXGH
[D], [X], [U] [N]
C/
S.A.S. [O] & [B]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Colette AIMINO-MORIN
Me [D] MERGER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 5] en date du 14 Décembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/12316.
APPELANT
Monsieur [D], [X], [U] [N]
né le 29 Juillet 1988 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Colette AIMINO-MORIN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S.A.S. [O] & [B] Représentée par son Président en exercice domicilié au audit siège., demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Nicolas MERGER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Janvier 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère,
Mme Florence PERRAUT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Mars 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Mars 2025,
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [N] est propriétaire des lots n° 36 et 37 situé au rez-de-chaussée d'un immeuble en copropriété situé [Adresse 4] [Localité 1].
Le 03 janvier 2019, l'immeuble a été évacué.
Un arrêté de péril grave et imminent avec évacuation des occupants a été prononcé par le maire de Marseille le 14 février 2019, après la mise en oeuvre d'une expertise ordonnée par le tribunal administratif de Marseille.
Le 29 mars 2019, le maire de [Localité 5] a pris un arrêté de mainlevée partielle et a permis la réintégration des logements de l'immeuble, à l'exception des lots n° 44 et n° 51.
Par acte d'huissier du 04 octobre 2019, M.[N] a fait assigner la SAS Cabinet J. [O] et [Y][B], syndic de copropriété, aux fins de la voir condamner à lui verser des dommages et intérêts en réparation d'un préjudice de perte locative, d'un préjudice financier et d'une résistance abusive.
Par jugement contradictoire du 14 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a statué ainsi :
- déboute M.[D] [N] et la SAS Cabinet J. [O] ET [Y] [B] de leurs demandes ;
- dit n'y avoir lieu à prononcer de condamnations au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- déboute les parties de toutes leurs autres demandes ainsi que celles plus amples et contraires;
- condamne la SAS Cabinet J. [O] ET [Y] [B] aux dépens ;
- ordonne l'exécution provisoire.
Le premier juge a estimé engagée la responsabilité du syndic de copropriété en indiquant que celui-ci avait fait preuve de négligence dans la gestion du sinistre lié à des infiltrations d'eau au niveau de la toiture.
Il a rejeté la demande de dommages et intérêts au titre d'une perte de loyer formée par M.[N] en notant que ce dernier ne démontrait pas que des baux étaient en cours sur la période concernée par l'arrêté de péril. Il a rejeté la demande de M.[N] au titre de son préjudice financier à hauteur de 6500 euros ; il a relevé que celui-ci ne détaillait pas les travaux qu'il aurait financés ni qu'il justifiait du bien fondé de sa demande. Il a enfin rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée par M.[N] en retenant que le syndic avait effectué des diligences, même si ces dernières avaient été insuffisantes.
Il a rejeté également la demande de dommages et intérêts formée par le cabinet J. [O] et [Y][B] au motif que ce dernier, qui avait commis des fautes de gestion, ne justifiait pas d'une faute commise à son encontre par M.[N].
Le 21 janvier 2022, M.[N] a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a rejeté ses demandes.
La SAS CABINET J.[O] et [Y][B] a constitué avocat.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 03 octobre 2022 auxquelles il convient de se reporter, M.[N] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre de la perte locative, de sa demande au titre de son préjudice financier, de sa demande au titre de la résistance abusive de la SAS CABINET J.[O] ET [Y][B] et de sa demande au titre d'une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
- de condamner la SAS CABINET J.[O] ET [Y][B] à lui verser :
* la somme de 5400 euros au titre de la perte locative concernant les loyers non perçus,
* la somme de 10.560 euros au titre de l'hébergement de ses deux locataires à l'hôtel pendant la période de l'arrêté de péril grave et imminent du 03 janvier 2019 au 31 mars 2019,
* la somme de 7857, 50 euros au titre de son préjudice financier, lié au financement des travaux sur les parties communes,
* la somme de 5000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,
* la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance
- de condamner la SAS CABINET J.[O] ET [Y][B] à lui verser 6000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
- de débouter la SAS CABINET J.[O] ET [Y][B] de ses demandes,
- de condamner la SAS CABINET J.[O] ET [Y][B] aux dépens d'appel.
Il estime engagée la responsabilité du syndic au visa de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965. Il soutient que la SAS CABINET J.[O] ET [Y][B] a commis une faute de gestion en n'entreprenant aucun travaux afin de traiter le problème des fuites d'eau provenant de la toiture dont elle avait été avisée dès le mois de mars 2018. Il estime que la négligence du syndic est à l'origine d'un rapport de l'APAVE du 02 janvier 2019 qui préconisait la mise en oeuvre d'un arrêté de péril avec évacuation des occupants. Il souligne que l'entreprise mandatée par le syndic pour faire des travaux est intervenue plus de 07 mois après le mail informant le syndic de l'existence des infiltrations, alors même qu'un premier sinistre était intervenu en septembre 2018 et que l'organisation d'une assemblée générale avait été prévue, plus d'un mois après sa relance, non pour effectuer des travaux mais pour faire une nouvelle étude du toit.
Il expose que la faute du syndic lui a créé des préjudices liés :
- à la perte de 5 mois de loyers alors qu'il louait deux appartements,
- au coût du relogement de ses locataires dans un hôtel (demande qu'il n'estime pas nouvelle en cause d'appel),
- à sa participation aux travaux effectués sur les parties communes et aux conséquences de l'arrêté de péril (demande qu'il n'estime pas nouvelle en cause d'appel, même si celle-ci est portée à une somme supérieure) ; S'agissant des travaux sur les parties communes, il intègre le coût des travaux effectués en 2013 et 2014 portant sur le renforcement de la structure porteuse de l'immeuble, qu'il estime avoir été réduits à néant par l'inertie et la carence du syndic.
- à la résistance abusive du syndic qui n'a donné aucune suite à ses alertes ou celles de son conseil ni à son courrier de tentative de résolution amiable.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 05 juillet 2022 auxquelles il convient de se reporter, la la SAS Cabinet J. [O] ET [Y] [B] demande à la cour :
- de confirmer le jugement du 14 décembre 2021 en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [D] [N],
Statuant à nouveau,
- de rejeter la pièce n°21 de M. [D] [N] en ce qu'elle ne répond pas aux exigences légales; - de déclarer nouvelles les demandes chiffrées à 10.560,00 euros pour le coût de relogement et à 7.857,70 euros pour le préjudice financier,
en conséquence,
- de les rejeter pour être irrecevables,
- de dire et juger que l'évacuation de l'immeuble ordonnée par la Ville de [Localité 5] du 3 janvier 2019 au 29 mars 2019 n'est pas imputable à de prétendues négligences du Syndic
et, d'autre part, que les travaux réalisés en toiture au mois de janvier 2019 relevaient de la conservation de l'immeuble dont le Syndicat des copropriétaires a seul la charge,
- de rejeter toutes les demandes de M.[D] [N],
- de condamner M.[D] [N] à lui payer à la concluante la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- de condamner M. [D] [N] à lui payer la somme de 6.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner M.[D] [N] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Nicolas MERGER, avocat, qui affirme y avoir pourvu.
Elle estime irrecevables les demandes de M.[N] au titre du coût du relogement de ses locataires et au titre de son préjudice financier pour être nouvelles en cause d'appel.
Elle demande que la cour écarte l'attestation de Mme [G] qui ne répond pas aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile.
Elle conteste avoir commis une faute de gestion en lien avec l'arrêté de péril.
Elle souligne avoir mandaté une entreprise dès qu'elle a été informée, en mars 2018, de l'apparition d'infiltrations provenant de la toiture. Elle soutient que les copropriétaires, dont M.[N], ont systématiquement refusé toute intervention, si bien qu'elle avait dû leur rappeler les pouvoirs qu'elle détenait. Elle relève avoir décidé de convoquer en urgence une assemblée générale, afin de confier une mission de diagnostic à la société Qualiconsult et note que M.[N] était d'avis d'annuler cette assemblée. Elle relève qu'un seul copropriétaire s'y est présenté.
Elle précise que l'APAVE a effectué un diagnostic le 18 décembre 2018 qui relevait qu'il n'y avait pas lieu 'à un constat d'ouvrage menaçant'. Elle note que ce n'est que le 02 janvier 2019 que cet organisme, après une visite de la plupart des logements, a rendu un second diagnostic qui préconisait un arrêté de péril avec évacuation des occupants, sans que cet organisme, sur le fondement de constatations visuelles, ne soit informé des travaux importants sur la structure de l'immeuble effectués en 2014. Elle soutient avoir fait procéder à des réparations en toiture le 14 janvier 2019. Elle relève qu'un diagnostic complet du 15 février 2019 a établi que la structure de l'immeuble était stable et qu'il n'existait pas de risque structurel ou péril imminent. Elle expose que c'est à la suite de ce diagnostic qu'a été pris un arrêté de mainlevée partielle de péril permettant la réintégration de l'immeuble, à l'exception de deux logements, sans que les réparations en toiture de janvier 2019 ne soient prises en compte. Elle conteste ainsi toute négligence qui aurait provoqué la décision administrative d'évacuer l'immeuble.
Elle ajoute que les lots acquis par M.[N] formaient un seul et même logement et constate que ce dernier a donc, sans autorisation, procédé à la création de deux logements.
Elle indique que M.[N] ne démontre pas les préjudices qu'il allègue. Elle souligne qu'il ne peut solliciter le remboursement de sa quote-part de travaux pour ceux réalisés en 2014.
Elle conteste toute résistance abusive.
Elle estime que M.[N] a adopté un comportement fautif à son encontre (mauvaise foi; demandes fantaisistes; division illégale de son lot) qui lui a causé un préjudice moral dont elle demande réparation.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 08 janvier 2025.
MOTIVATION
Sur la recevabilité des demandes de M.[N] concernant le coût du relogement de ses locataires et son préjudice financier
L'article 565 du code de procédure civile dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Selon l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
M.[N] avait sollicité du premier juge une indemnisation liée au départ de ses locataires dans le cadre de l'évacuation de l'immeuble. Il faisait état d'une perte locative. Sa demande, liée au relogement de ses locataires à la suite de l'arrêté de péril, est le complément nécessaire de sa demande d'indemnisation liée à l'évacuation de ceux-ci. En conséquence, cette demande n'est pas irrecevable pour être nouvelle en cause d'appel.
Sa demande plus importante qu'en première instance de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier n'est pas non plus irrecevable pour être nouvelle en cause d'appel puisqu'elle tend aux mêmes fins (réparer son préjudice financier lié au financement des travaux sur les parties communes).
Sur la demande tendant à écarter la pièce n° 21 produite au débat par M.[N]
Les mentions prescrites par l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité. Il appartient au juge du fond d'apprécier souverainement si les attestations non conformes présentent des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.
Il n'y a pas lieu de rejeter la pièce n°21 produite au débat par M. [N] et il appartiendra à la cour, le cas échéant, de se prononcer sur son caractère probant.
Sur la responsabilité de la SAS Cabinet J.[O] ET C.[B]
N'étant lié par aucun contrat à l'égard des copropriétaires, le syndic répond à leur égard de ses fautes quasi-délictuelles.
Toutefois, une faute contractuelle du syndic envers son mandant le syndicat peut constituer une faute quasi-délictuelle envers les tiers, tels les copropriétaires.
Selon l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Aux termes de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa version applicable, indépendamment des pouvoirs qui lui sont conférés par d'autres dispositions de la présente loi ou par une délibération spéciale de l'assemblée générale, le syndic est chargé, dans les conditions qui seront éventuellement définies par le décret prévu à l'article 47 ci-dessous :(...)
- d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci (...).
Le syndic doit ainsi surveiller le bon état d'entretien des parties communes de l'immeuble, de telle sorte qu'il peut faire procéder aux travaux nécessaires soit de son propre chef s'ils relèvent de sa compétence, soit après autorisation de l'assemblée générale.
Des travaux de renforcement de la structure porteuse de l'immeuble ont été effectués par la société MRS en 2014, pour un montant total de 48.202, 52 euros. Ceux-ci faisaient suite à un diagnostic établi en septembre 2009 par la société NSL Architecte, qui indiquait que la structure porteuse de l'édifice nécessitait impérativement des travaux de renforcement à très court terme. Il était indiqué que les travaux à effectuer étaient localisés uniquement au droit des bases des poteaux de bois qui devaient recevoir des renforts métalliques.
Le syndic de copropriété a reçu, dès le 19 mars 2018, un courriel l'informant qu'à la suite de fortes pluies, un cheneau avait débordé et inondé les parties communes du premier étage.
En octobre 2018, la société SMTA, mandatée par le syndic, envoyait des photographies de la toiture, indiquait connaître la copropriété pour avoir présenté (sous l'ancien syndic) plusieurs devis qui n'avaient jamais été acceptés, relevait ne pas souhaiter intervenir en raison de la vétusté de la toiture et de ses nombreuses réparations et précisait qu'il fallait envisager 'sérieusement' un remplacement complet [de la toiture].
Le 10 décembre 2018, le syndic de copropriété indiquait à l'un des membres du conseil syndical mandater 'une pré-étude sur l'état de la toiture et de la charpente' en raison de l'effondrement d'un plafond dans le lot d'un copropriétaire. Il relevait qu'il était de sa responsabilité de prendre toute les mesures nécessaires pour évaluer le risque, 'y compris s'il y a des travaux de confortement à faire'.
Dès le 16 décembre 2018, le syndic convoquait en urgence pour le 27 décembre une assemblée générale aux fins de voter sur la désignation de la société Qualiconsult pour établir un diagnostic de solidité de la toiture, selon un devis de 1200 euros TTC, à la suite des infiltrations par la toiture et des chutes de faux plafond.
Par un rapport du 18 décembre 2018, l'APAVE, intervenue en assistance aux ingénieurs et techniciens de la ville de [Localité 5] rendait un avis sur le risque de ruine du bâtiment après un examen des parties visibles sans démontage du 12 décembre 2018 ; cet organisme notait que sa visite 'ne donnait pas lieu à un constat d'ouvrage menaçant ruine'. Rien n'était mentionné pour la toiture.
Seul un copropriétaire, M.[Z], était présent à l'assemblée générale du 27 décembre 2018. Etait adoptée à cette occasion la résolution pour faire appel à la société Qualiconsult.
Selon un rapport du 02 janvier 2019, l'APAVE, à la suite d'une visite du 21 décembre 2018, et après avoir pu accéder à deux logements supplémentaires, préconisait un arrêté de péril imminent avec évacuation des occupants. Cet organisme faisait notamment état, au R+1, de traces d'infiltrations dans les parties communes, et au rez-de-chaussés, dans un appartement, un affaissement au niveau du sol ainsi que des fissures éparses millimétriques au niveau des cloisons. Dans le tableau relatif aux constatations (sans démontage et limitées aux parties visibles), l'état général des façades, des murs de refend et des planchers, noté '2" le 18 décembre 2018 (correspondant à un défaut mineur de la structure), était noté '3" (correspondant à une structure altérée). Le niveau d'humidité était également mentionné comme plus important que dans le rapport du 18 décembre 2018.
Parallèlement, un expert désigné par le président du tribunal administratif de Marseille, déposait un rapport de visite le 26 janvier 2019, avec son additif le 06 février 2019.
C'est dans ce cadre que le bâtiment a été évacué et qu'a été pris un arrêté de péril grave et imminent le 14 février 2019. Cet arrêté évoquait notamment des fissures sur les poutres et montants de l'immeuble et en pied de façades, des fissures horizontales sur les murs de la cour intérieure, sur le plafond et les parois des parties communes ainsi qu'une très importante humidité de l'ensemble 'des communs ' de l'immeuble. Il était fait obligation aux copropriétaires d'étayer et de conforter les parois de la cour intérieure et de missionner un homme de l'art chargé de faire un diagnostic de la structure porteuse de l'immeuble, planchers compris.
La société l'atelier du Chateau, spécialisée en architecture et urbanisme, mandatée par le syndic, déposait un rapport le 15 février 2019, à la suite de visites des 22 janvier 2019 et 04 février 2019 durant lesquelles étaient présents l'expert mandaté par la ville de [Localité 5], des responsables de la Ville de [Localité 5], le représentant du syndic et divers copropriétaires. La conclusion de cette société était la suivante : 'un diagnostic complet avec visite de tous les appartements et sondages destructifs a été réalisé sur les murs et planchers par l'équipe Architecte/BET structure (...). La conclusion (...) confirme la stabilité structurelle de l'immeuble et l'absence de péril grave et imminent. Les occupants peuvent réintégrer les lieux sans problème de sécurité'. Ce rapport mentionnait que l'étaiement sollicité dans l'arrêté de péril n'était pas nécessaire. Il précisait :
- que les fissures qui avaient été constatées sur la façade arrière de l'immeuble n'étaient pas structurelles,
- que les dégradations au plafond des parties communes du R+1 avaient été provoquées par une fuite en toiture, fuite réparée avant même la visite de la société l'atelier du chateau avec une révision complète de la couverture
- que la charpente était en bon état et ne présentait pas de défaillance structurelle,
- qu'aucun effondrement des plafonds du rez de chaussée n'avait été constaté.
Le 29 mars 2019, était rendu un arrêté de mainlevée partielle de péril grave et imminent avec la possibilité de réintégration de l'immeuble, à l'exception de deux appartements, qui ne sont pas les lots appartenant à M.[N].
S'il est exact que le syndic, après avoir été avisé d'infiltrations provenant de la toiture en mars 2018, n'a mandaté une entreprise qu'en octobre 2018 pour constater l'état de celle-ci, il n'en demeure pas moins qu'aucune faute du syndic n'est à l'origine de l'arrêté de péril et donc de l'évacuation de l'immeuble.
Ainsi, alors qu'il existait un risque de dégradation de la structure liée au caractère vétuste de la toiture, le syndic a proposé que soit mandatée, non un nouvel artisan, mais une société spécialiste du diagnostic immobilier, permettant d'avoir une idée plus précise des désordres existants. Il est établi par le diagnostic rendu le 15 février 2019, par une société mandatée par le syndic, après des visites qui se sont déroulées avant même l'arrêté de péril du 14 février 2019, que la structure de l'immeuble n'était pas en cause. Ce diagnostic complet a permis d'établir que les nombreuses fissures n'étaient pas structurelles et que l'étaiement n'était pas nécessaire. Il a ainsi écarté les principaux motifs pour lesquels l'arrêté de péril avait été rendu. Il est donc démontré que l'arrêté de péril avec évacuation de l'immeuble n'est pas causé par une faute de gestion du syndic.
Il est également démontré par les pièces du dossier que les travaux sur la structure en 2013/2014 n'avaient pas été réalisés en vain.
M.[N] est défaillant dans la démonstration d'une faute commise par le syndic qui lui aurait causé un préjudice. Il sera débouté de l'intégralité de ses demandes. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par la SAS Cabinet J.[O] ET C.[B]
Selon l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
La SAS Cabinet J.[O] ET C.[B] ne justifie pas d'un comportement fautif de M.[N] ayant entraîné un préjudice moral à son détriment. Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les dépens et sur les frais irrépétibles
M.[N] est essentiellement succombant. Il sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et sera débouté de ses demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Il n'est pas équitable de laisser à la charge de la SAS Cabinet J.[O] ET C.[B] les frais irrépétiblesd'appel, étant précisé qu'elle ne relève pas appel du rejet de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance. M.[N] sera condamné à lui verser la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
Le jugement déféré qui a condamné la SAS Cabinet J.[O] ET C.[B] aux dépens sera infirmé ; il sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M.[N] au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
REJETTE la demande de la SAS Cabinet J.[O] ET C.[B] tendant à voir écarter des débats la pièce n° 21 produite par M.[D] [N] ;
REJETTE les demandes de la SAS Cabinet J.[O] ET C.[B] tendant à voir déclarer nouvelles en cause d'appel les demandes de M.[D] [N] au titre du coût de relogement de ses locataires et au titre de la demande en réparation de son préjudice financier ;
CONFIRME le jugement déféré, sauf à préciser que la responsabilité de la SAS Cabinet J.[O] ET C.[B] ne peut être engagée à l'égard de M.[D] [N] ;
Y AJOUTANT ;
REJETTE les demandes de M.[D] [N] au titre des frais irrépétibles d'appel ;
CONDAMNE M.[D] [N] à verser à la SAS Cabinet J.[O] ET C.[B] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M.[D] [N] aux dépens de première instance et aux dépens de la présente procédure qui pourront être recouvrés par Maître Nicolas MERGER, avocat.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 13 MARS 2025
N° 2025/ 83
Rôle N° RG 22/00946 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIXGH
[D], [X], [U] [N]
C/
S.A.S. [O] & [B]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Colette AIMINO-MORIN
Me [D] MERGER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 5] en date du 14 Décembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/12316.
APPELANT
Monsieur [D], [X], [U] [N]
né le 29 Juillet 1988 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Colette AIMINO-MORIN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S.A.S. [O] & [B] Représentée par son Président en exercice domicilié au audit siège., demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Nicolas MERGER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Janvier 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère,
Mme Florence PERRAUT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Mars 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Mars 2025,
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [N] est propriétaire des lots n° 36 et 37 situé au rez-de-chaussée d'un immeuble en copropriété situé [Adresse 4] [Localité 1].
Le 03 janvier 2019, l'immeuble a été évacué.
Un arrêté de péril grave et imminent avec évacuation des occupants a été prononcé par le maire de Marseille le 14 février 2019, après la mise en oeuvre d'une expertise ordonnée par le tribunal administratif de Marseille.
Le 29 mars 2019, le maire de [Localité 5] a pris un arrêté de mainlevée partielle et a permis la réintégration des logements de l'immeuble, à l'exception des lots n° 44 et n° 51.
Par acte d'huissier du 04 octobre 2019, M.[N] a fait assigner la SAS Cabinet J. [O] et [Y][B], syndic de copropriété, aux fins de la voir condamner à lui verser des dommages et intérêts en réparation d'un préjudice de perte locative, d'un préjudice financier et d'une résistance abusive.
Par jugement contradictoire du 14 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a statué ainsi :
- déboute M.[D] [N] et la SAS Cabinet J. [O] ET [Y] [B] de leurs demandes ;
- dit n'y avoir lieu à prononcer de condamnations au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- déboute les parties de toutes leurs autres demandes ainsi que celles plus amples et contraires;
- condamne la SAS Cabinet J. [O] ET [Y] [B] aux dépens ;
- ordonne l'exécution provisoire.
Le premier juge a estimé engagée la responsabilité du syndic de copropriété en indiquant que celui-ci avait fait preuve de négligence dans la gestion du sinistre lié à des infiltrations d'eau au niveau de la toiture.
Il a rejeté la demande de dommages et intérêts au titre d'une perte de loyer formée par M.[N] en notant que ce dernier ne démontrait pas que des baux étaient en cours sur la période concernée par l'arrêté de péril. Il a rejeté la demande de M.[N] au titre de son préjudice financier à hauteur de 6500 euros ; il a relevé que celui-ci ne détaillait pas les travaux qu'il aurait financés ni qu'il justifiait du bien fondé de sa demande. Il a enfin rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée par M.[N] en retenant que le syndic avait effectué des diligences, même si ces dernières avaient été insuffisantes.
Il a rejeté également la demande de dommages et intérêts formée par le cabinet J. [O] et [Y][B] au motif que ce dernier, qui avait commis des fautes de gestion, ne justifiait pas d'une faute commise à son encontre par M.[N].
Le 21 janvier 2022, M.[N] a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a rejeté ses demandes.
La SAS CABINET J.[O] et [Y][B] a constitué avocat.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 03 octobre 2022 auxquelles il convient de se reporter, M.[N] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre de la perte locative, de sa demande au titre de son préjudice financier, de sa demande au titre de la résistance abusive de la SAS CABINET J.[O] ET [Y][B] et de sa demande au titre d'une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
- de condamner la SAS CABINET J.[O] ET [Y][B] à lui verser :
* la somme de 5400 euros au titre de la perte locative concernant les loyers non perçus,
* la somme de 10.560 euros au titre de l'hébergement de ses deux locataires à l'hôtel pendant la période de l'arrêté de péril grave et imminent du 03 janvier 2019 au 31 mars 2019,
* la somme de 7857, 50 euros au titre de son préjudice financier, lié au financement des travaux sur les parties communes,
* la somme de 5000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,
* la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance
- de condamner la SAS CABINET J.[O] ET [Y][B] à lui verser 6000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
- de débouter la SAS CABINET J.[O] ET [Y][B] de ses demandes,
- de condamner la SAS CABINET J.[O] ET [Y][B] aux dépens d'appel.
Il estime engagée la responsabilité du syndic au visa de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965. Il soutient que la SAS CABINET J.[O] ET [Y][B] a commis une faute de gestion en n'entreprenant aucun travaux afin de traiter le problème des fuites d'eau provenant de la toiture dont elle avait été avisée dès le mois de mars 2018. Il estime que la négligence du syndic est à l'origine d'un rapport de l'APAVE du 02 janvier 2019 qui préconisait la mise en oeuvre d'un arrêté de péril avec évacuation des occupants. Il souligne que l'entreprise mandatée par le syndic pour faire des travaux est intervenue plus de 07 mois après le mail informant le syndic de l'existence des infiltrations, alors même qu'un premier sinistre était intervenu en septembre 2018 et que l'organisation d'une assemblée générale avait été prévue, plus d'un mois après sa relance, non pour effectuer des travaux mais pour faire une nouvelle étude du toit.
Il expose que la faute du syndic lui a créé des préjudices liés :
- à la perte de 5 mois de loyers alors qu'il louait deux appartements,
- au coût du relogement de ses locataires dans un hôtel (demande qu'il n'estime pas nouvelle en cause d'appel),
- à sa participation aux travaux effectués sur les parties communes et aux conséquences de l'arrêté de péril (demande qu'il n'estime pas nouvelle en cause d'appel, même si celle-ci est portée à une somme supérieure) ; S'agissant des travaux sur les parties communes, il intègre le coût des travaux effectués en 2013 et 2014 portant sur le renforcement de la structure porteuse de l'immeuble, qu'il estime avoir été réduits à néant par l'inertie et la carence du syndic.
- à la résistance abusive du syndic qui n'a donné aucune suite à ses alertes ou celles de son conseil ni à son courrier de tentative de résolution amiable.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 05 juillet 2022 auxquelles il convient de se reporter, la la SAS Cabinet J. [O] ET [Y] [B] demande à la cour :
- de confirmer le jugement du 14 décembre 2021 en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [D] [N],
Statuant à nouveau,
- de rejeter la pièce n°21 de M. [D] [N] en ce qu'elle ne répond pas aux exigences légales; - de déclarer nouvelles les demandes chiffrées à 10.560,00 euros pour le coût de relogement et à 7.857,70 euros pour le préjudice financier,
en conséquence,
- de les rejeter pour être irrecevables,
- de dire et juger que l'évacuation de l'immeuble ordonnée par la Ville de [Localité 5] du 3 janvier 2019 au 29 mars 2019 n'est pas imputable à de prétendues négligences du Syndic
et, d'autre part, que les travaux réalisés en toiture au mois de janvier 2019 relevaient de la conservation de l'immeuble dont le Syndicat des copropriétaires a seul la charge,
- de rejeter toutes les demandes de M.[D] [N],
- de condamner M.[D] [N] à lui payer à la concluante la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- de condamner M. [D] [N] à lui payer la somme de 6.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner M.[D] [N] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Nicolas MERGER, avocat, qui affirme y avoir pourvu.
Elle estime irrecevables les demandes de M.[N] au titre du coût du relogement de ses locataires et au titre de son préjudice financier pour être nouvelles en cause d'appel.
Elle demande que la cour écarte l'attestation de Mme [G] qui ne répond pas aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile.
Elle conteste avoir commis une faute de gestion en lien avec l'arrêté de péril.
Elle souligne avoir mandaté une entreprise dès qu'elle a été informée, en mars 2018, de l'apparition d'infiltrations provenant de la toiture. Elle soutient que les copropriétaires, dont M.[N], ont systématiquement refusé toute intervention, si bien qu'elle avait dû leur rappeler les pouvoirs qu'elle détenait. Elle relève avoir décidé de convoquer en urgence une assemblée générale, afin de confier une mission de diagnostic à la société Qualiconsult et note que M.[N] était d'avis d'annuler cette assemblée. Elle relève qu'un seul copropriétaire s'y est présenté.
Elle précise que l'APAVE a effectué un diagnostic le 18 décembre 2018 qui relevait qu'il n'y avait pas lieu 'à un constat d'ouvrage menaçant'. Elle note que ce n'est que le 02 janvier 2019 que cet organisme, après une visite de la plupart des logements, a rendu un second diagnostic qui préconisait un arrêté de péril avec évacuation des occupants, sans que cet organisme, sur le fondement de constatations visuelles, ne soit informé des travaux importants sur la structure de l'immeuble effectués en 2014. Elle soutient avoir fait procéder à des réparations en toiture le 14 janvier 2019. Elle relève qu'un diagnostic complet du 15 février 2019 a établi que la structure de l'immeuble était stable et qu'il n'existait pas de risque structurel ou péril imminent. Elle expose que c'est à la suite de ce diagnostic qu'a été pris un arrêté de mainlevée partielle de péril permettant la réintégration de l'immeuble, à l'exception de deux logements, sans que les réparations en toiture de janvier 2019 ne soient prises en compte. Elle conteste ainsi toute négligence qui aurait provoqué la décision administrative d'évacuer l'immeuble.
Elle ajoute que les lots acquis par M.[N] formaient un seul et même logement et constate que ce dernier a donc, sans autorisation, procédé à la création de deux logements.
Elle indique que M.[N] ne démontre pas les préjudices qu'il allègue. Elle souligne qu'il ne peut solliciter le remboursement de sa quote-part de travaux pour ceux réalisés en 2014.
Elle conteste toute résistance abusive.
Elle estime que M.[N] a adopté un comportement fautif à son encontre (mauvaise foi; demandes fantaisistes; division illégale de son lot) qui lui a causé un préjudice moral dont elle demande réparation.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 08 janvier 2025.
MOTIVATION
Sur la recevabilité des demandes de M.[N] concernant le coût du relogement de ses locataires et son préjudice financier
L'article 565 du code de procédure civile dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Selon l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
M.[N] avait sollicité du premier juge une indemnisation liée au départ de ses locataires dans le cadre de l'évacuation de l'immeuble. Il faisait état d'une perte locative. Sa demande, liée au relogement de ses locataires à la suite de l'arrêté de péril, est le complément nécessaire de sa demande d'indemnisation liée à l'évacuation de ceux-ci. En conséquence, cette demande n'est pas irrecevable pour être nouvelle en cause d'appel.
Sa demande plus importante qu'en première instance de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier n'est pas non plus irrecevable pour être nouvelle en cause d'appel puisqu'elle tend aux mêmes fins (réparer son préjudice financier lié au financement des travaux sur les parties communes).
Sur la demande tendant à écarter la pièce n° 21 produite au débat par M.[N]
Les mentions prescrites par l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité. Il appartient au juge du fond d'apprécier souverainement si les attestations non conformes présentent des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.
Il n'y a pas lieu de rejeter la pièce n°21 produite au débat par M. [N] et il appartiendra à la cour, le cas échéant, de se prononcer sur son caractère probant.
Sur la responsabilité de la SAS Cabinet J.[O] ET C.[B]
N'étant lié par aucun contrat à l'égard des copropriétaires, le syndic répond à leur égard de ses fautes quasi-délictuelles.
Toutefois, une faute contractuelle du syndic envers son mandant le syndicat peut constituer une faute quasi-délictuelle envers les tiers, tels les copropriétaires.
Selon l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Aux termes de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa version applicable, indépendamment des pouvoirs qui lui sont conférés par d'autres dispositions de la présente loi ou par une délibération spéciale de l'assemblée générale, le syndic est chargé, dans les conditions qui seront éventuellement définies par le décret prévu à l'article 47 ci-dessous :(...)
- d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci (...).
Le syndic doit ainsi surveiller le bon état d'entretien des parties communes de l'immeuble, de telle sorte qu'il peut faire procéder aux travaux nécessaires soit de son propre chef s'ils relèvent de sa compétence, soit après autorisation de l'assemblée générale.
Des travaux de renforcement de la structure porteuse de l'immeuble ont été effectués par la société MRS en 2014, pour un montant total de 48.202, 52 euros. Ceux-ci faisaient suite à un diagnostic établi en septembre 2009 par la société NSL Architecte, qui indiquait que la structure porteuse de l'édifice nécessitait impérativement des travaux de renforcement à très court terme. Il était indiqué que les travaux à effectuer étaient localisés uniquement au droit des bases des poteaux de bois qui devaient recevoir des renforts métalliques.
Le syndic de copropriété a reçu, dès le 19 mars 2018, un courriel l'informant qu'à la suite de fortes pluies, un cheneau avait débordé et inondé les parties communes du premier étage.
En octobre 2018, la société SMTA, mandatée par le syndic, envoyait des photographies de la toiture, indiquait connaître la copropriété pour avoir présenté (sous l'ancien syndic) plusieurs devis qui n'avaient jamais été acceptés, relevait ne pas souhaiter intervenir en raison de la vétusté de la toiture et de ses nombreuses réparations et précisait qu'il fallait envisager 'sérieusement' un remplacement complet [de la toiture].
Le 10 décembre 2018, le syndic de copropriété indiquait à l'un des membres du conseil syndical mandater 'une pré-étude sur l'état de la toiture et de la charpente' en raison de l'effondrement d'un plafond dans le lot d'un copropriétaire. Il relevait qu'il était de sa responsabilité de prendre toute les mesures nécessaires pour évaluer le risque, 'y compris s'il y a des travaux de confortement à faire'.
Dès le 16 décembre 2018, le syndic convoquait en urgence pour le 27 décembre une assemblée générale aux fins de voter sur la désignation de la société Qualiconsult pour établir un diagnostic de solidité de la toiture, selon un devis de 1200 euros TTC, à la suite des infiltrations par la toiture et des chutes de faux plafond.
Par un rapport du 18 décembre 2018, l'APAVE, intervenue en assistance aux ingénieurs et techniciens de la ville de [Localité 5] rendait un avis sur le risque de ruine du bâtiment après un examen des parties visibles sans démontage du 12 décembre 2018 ; cet organisme notait que sa visite 'ne donnait pas lieu à un constat d'ouvrage menaçant ruine'. Rien n'était mentionné pour la toiture.
Seul un copropriétaire, M.[Z], était présent à l'assemblée générale du 27 décembre 2018. Etait adoptée à cette occasion la résolution pour faire appel à la société Qualiconsult.
Selon un rapport du 02 janvier 2019, l'APAVE, à la suite d'une visite du 21 décembre 2018, et après avoir pu accéder à deux logements supplémentaires, préconisait un arrêté de péril imminent avec évacuation des occupants. Cet organisme faisait notamment état, au R+1, de traces d'infiltrations dans les parties communes, et au rez-de-chaussés, dans un appartement, un affaissement au niveau du sol ainsi que des fissures éparses millimétriques au niveau des cloisons. Dans le tableau relatif aux constatations (sans démontage et limitées aux parties visibles), l'état général des façades, des murs de refend et des planchers, noté '2" le 18 décembre 2018 (correspondant à un défaut mineur de la structure), était noté '3" (correspondant à une structure altérée). Le niveau d'humidité était également mentionné comme plus important que dans le rapport du 18 décembre 2018.
Parallèlement, un expert désigné par le président du tribunal administratif de Marseille, déposait un rapport de visite le 26 janvier 2019, avec son additif le 06 février 2019.
C'est dans ce cadre que le bâtiment a été évacué et qu'a été pris un arrêté de péril grave et imminent le 14 février 2019. Cet arrêté évoquait notamment des fissures sur les poutres et montants de l'immeuble et en pied de façades, des fissures horizontales sur les murs de la cour intérieure, sur le plafond et les parois des parties communes ainsi qu'une très importante humidité de l'ensemble 'des communs ' de l'immeuble. Il était fait obligation aux copropriétaires d'étayer et de conforter les parois de la cour intérieure et de missionner un homme de l'art chargé de faire un diagnostic de la structure porteuse de l'immeuble, planchers compris.
La société l'atelier du Chateau, spécialisée en architecture et urbanisme, mandatée par le syndic, déposait un rapport le 15 février 2019, à la suite de visites des 22 janvier 2019 et 04 février 2019 durant lesquelles étaient présents l'expert mandaté par la ville de [Localité 5], des responsables de la Ville de [Localité 5], le représentant du syndic et divers copropriétaires. La conclusion de cette société était la suivante : 'un diagnostic complet avec visite de tous les appartements et sondages destructifs a été réalisé sur les murs et planchers par l'équipe Architecte/BET structure (...). La conclusion (...) confirme la stabilité structurelle de l'immeuble et l'absence de péril grave et imminent. Les occupants peuvent réintégrer les lieux sans problème de sécurité'. Ce rapport mentionnait que l'étaiement sollicité dans l'arrêté de péril n'était pas nécessaire. Il précisait :
- que les fissures qui avaient été constatées sur la façade arrière de l'immeuble n'étaient pas structurelles,
- que les dégradations au plafond des parties communes du R+1 avaient été provoquées par une fuite en toiture, fuite réparée avant même la visite de la société l'atelier du chateau avec une révision complète de la couverture
- que la charpente était en bon état et ne présentait pas de défaillance structurelle,
- qu'aucun effondrement des plafonds du rez de chaussée n'avait été constaté.
Le 29 mars 2019, était rendu un arrêté de mainlevée partielle de péril grave et imminent avec la possibilité de réintégration de l'immeuble, à l'exception de deux appartements, qui ne sont pas les lots appartenant à M.[N].
S'il est exact que le syndic, après avoir été avisé d'infiltrations provenant de la toiture en mars 2018, n'a mandaté une entreprise qu'en octobre 2018 pour constater l'état de celle-ci, il n'en demeure pas moins qu'aucune faute du syndic n'est à l'origine de l'arrêté de péril et donc de l'évacuation de l'immeuble.
Ainsi, alors qu'il existait un risque de dégradation de la structure liée au caractère vétuste de la toiture, le syndic a proposé que soit mandatée, non un nouvel artisan, mais une société spécialiste du diagnostic immobilier, permettant d'avoir une idée plus précise des désordres existants. Il est établi par le diagnostic rendu le 15 février 2019, par une société mandatée par le syndic, après des visites qui se sont déroulées avant même l'arrêté de péril du 14 février 2019, que la structure de l'immeuble n'était pas en cause. Ce diagnostic complet a permis d'établir que les nombreuses fissures n'étaient pas structurelles et que l'étaiement n'était pas nécessaire. Il a ainsi écarté les principaux motifs pour lesquels l'arrêté de péril avait été rendu. Il est donc démontré que l'arrêté de péril avec évacuation de l'immeuble n'est pas causé par une faute de gestion du syndic.
Il est également démontré par les pièces du dossier que les travaux sur la structure en 2013/2014 n'avaient pas été réalisés en vain.
M.[N] est défaillant dans la démonstration d'une faute commise par le syndic qui lui aurait causé un préjudice. Il sera débouté de l'intégralité de ses demandes. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par la SAS Cabinet J.[O] ET C.[B]
Selon l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
La SAS Cabinet J.[O] ET C.[B] ne justifie pas d'un comportement fautif de M.[N] ayant entraîné un préjudice moral à son détriment. Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les dépens et sur les frais irrépétibles
M.[N] est essentiellement succombant. Il sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et sera débouté de ses demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Il n'est pas équitable de laisser à la charge de la SAS Cabinet J.[O] ET C.[B] les frais irrépétiblesd'appel, étant précisé qu'elle ne relève pas appel du rejet de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance. M.[N] sera condamné à lui verser la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
Le jugement déféré qui a condamné la SAS Cabinet J.[O] ET C.[B] aux dépens sera infirmé ; il sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M.[N] au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
REJETTE la demande de la SAS Cabinet J.[O] ET C.[B] tendant à voir écarter des débats la pièce n° 21 produite par M.[D] [N] ;
REJETTE les demandes de la SAS Cabinet J.[O] ET C.[B] tendant à voir déclarer nouvelles en cause d'appel les demandes de M.[D] [N] au titre du coût de relogement de ses locataires et au titre de la demande en réparation de son préjudice financier ;
CONFIRME le jugement déféré, sauf à préciser que la responsabilité de la SAS Cabinet J.[O] ET C.[B] ne peut être engagée à l'égard de M.[D] [N] ;
Y AJOUTANT ;
REJETTE les demandes de M.[D] [N] au titre des frais irrépétibles d'appel ;
CONDAMNE M.[D] [N] à verser à la SAS Cabinet J.[O] ET C.[B] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M.[D] [N] aux dépens de première instance et aux dépens de la présente procédure qui pourront être recouvrés par Maître Nicolas MERGER, avocat.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,