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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 4 avril 2025, n° 24/02984

NÎMES

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

Mme Vareilles, M. Maitral

Avocats :

Me Harnist, Me Vajou, Me Roussel, Me Podeur

T. com. Avignon, du 13 mars 2024

13 mars 2024

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l'appel interjeté le 12 septembre 2024 par la SCI [12] à l'encontre du jugement rendu le 4 septembre 2024 par le tribunal de commerce d'Avignon dans l'instance n° RG 2024 00838 ;

Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai du 30 septembre 2024 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 28 janvier 2025 par la SCI [12], appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 11 mars 2025 par la SAS [20], la SCP [11]-[H]-[14], en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS [20], la SELARL [16], en qualité de mandataire judiciaire puis de liquidateur judiciaire de la SAS [20], intimées, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les conclusions du ministère public transmises par la voie électronique le 20 février 2025 ;

Vu l'ordonnance du 30 septembre 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 13 mars 2025.

Sur les faits

La SCI [12] a acquis le 7 février 2002 les murs de l'établissement hôtelier « [13] » situé à [Localité 17] (84). Les chambres ont été cédées à soixante treize investisseurs privés, la SCI [12] conservant la propriété des parties communes.

L'établissement hôtelier a été exploité de 2002 à 2018 par la société [15], sans payer de loyer. Cette société a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, laquelle a conduit à un changement d'actionnaire et à l'adoption d'un plan de continuation par jugement du tribunal de commerce de Marseille du 26 juin 2019, dans le cadre des procédures collectives des sociétés du groupe [19].

Dans le cadre d'opérations de restructuration juridique prévue par ce plan, l'activité de la société en commandite par actions [15] a été transférée à la suite d'un traité d'apport partiel d'actif à la société [20] du 25 mai 2020.

Par courrier du 15 mars 2022, la SCI [12] a mis en demeure la SAS [20] de cesser d'utiliser et d'occuper les parties communes dont elle est propriétaire et de l'indemniser de son préjudice résultant de l'atteinte à son droit de propriété.

Par exploit du 13 mai 2022, la SCI [12] a assigné la SAS [20] devant le tribunal de commerce d'Avignon aux fins de voir ordonner son expulsion des parties communes de l'hôtel et de la voir condamner au paiement de la somme de 337 320 euros à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 13 mars 2024, le tribunal de commerce d'Avignon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société [20] et a désigné Maître [U] [H], associé de la société [11]-[H]-[14], es qualités d'administrateur judiciaire, la société [16], prise en la personne de Maître [U] [W] ou de Maître [P] [R] ès qualités de mandataire judiciaire.

Sur la procédure

Par exploit du 26 avril 2024, la société [11]-[H]-[14], en qualité d'administrateur judiciaire, la société [16], en qualité de mandataire judiciaire, et la société [20] ont assigné la société [12] aux fins de lui voir étendre la procédure de redressement judiciaire de la société [20].

Par jugement du 4 septembre 2024, le tribunal de commerce d'Avignon, au visa des articles L. 621-2, L. 631-7, L. 641-1 du code de commerce :

« Déboute la SCI [12] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Constate la confusion de patrimoine entre la SCI [12] et la SAS [20].

Etend la procédure de redressement judiciaire de Ia SAS [20] à la SCI [12].

Dit que les opérations se poursuivront sous patrimoine commun.

Maintient les organes de la procédure à savoir, Maître [U] [H], associé de la SCP [11]-[H]-[14], administrateur judiciaire, prise en la personne de Maître [U] [H] et la SELARL [16], prise en la personne de Maître [U] [W] et Maître [P] [R], en qualité de mandataire judiciaire, Monsieur Denis Borel en qualité de juge commissaire et Madame Andrée Canovas en qualité de juge-commissaire suppléant.

Fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 27 février 2024, conformément à celle initialement fixée dans la procédure de la SAS [20].

Désigne la SELARL [21] prise en la personne de Maitre [I] [Z], sis [Adresse 3] aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée prévus par les articles L. 641-1 II et L. 622-6 du code de commerce.

Dit que l'inventaire devra être déposé au greffe dans le délai de 30 jours à compter de la présente décision et qu'il devra en être référé au juge-commissaire en cas de difficulté.

Dit que le débiteur devra remettre au mandataire, dans les huit jours suivant le prononcé du présent jugement, la liste de ses créanciers comportant le nom ou dénomination, siège social ou domicile avec l'indication du montant des sommes dues, des sommes à échoir et de leur date d'échéance, de la nature de la créance et des sûretés et privilèges dont chaque créance est assortie.

Dit que le mandataire judiciaire devra déposer au greffe la liste des créances avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi dans le délai de dix-huit mois à compter du terme du délai imparti aux créanciers pour déclarer leurs créances.

Constate que le présent jugement est exécutoire de plein droit.

Ordonne les mesures de publicités conforment au livre VI du code de commerce.»

La société [12] a relevé appel de ce jugement pour le voir infirmer en toutes ses dispositions.

Par jugement du 5 mars 2025, le tribunal de commerce d'Avignon a converti la procédure de redressement judiciaire de la société [20] en liquidation judiciaire et désigné la SELARL [16], prise en la personne de Maître [U] [W], en qualité de liquidateur judiciaire.

La SELARL [16], prise en la personne de Maître [U] [W], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [20], est intervenue volontairement à l'instance d'appel.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, la société [12], appelante, demande à la cour, au visa de l'article 621-2 du code de commerce, de :

- Infirmer le jugement rendu le 4 septembre 2024 par le tribunal de commerce d'Avignon sous le numéro RG 2024 008384 sur les chefs suivants :

- « Déboute la SCI [12] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- Constate la confusion de patrimoine entre la SCI [12] et la SAS [20].

- Etend la procédure de redressement judiciaire de la SAS [20] à la SCI [12].

- Dit que les opérations se poursuivront sous patrimoine commun.

- Maintient les organes de la procédure à savoir, Maître [U] [H], associé de la SCP [11]-[H]-[14], administrateur judiciaire, la SELARL [16], prise en la personne de Maître [U] [W] et Maître [P] [R], en qualité de mandataire judiciaire, Monsieur Denis Borel, juge commissaire, et Madame Andrée Canovas, juge commissaire suppléant.

- Fixe provisoirement la date de la cessation des paiements au 27 février 2024 conformément à celle initialement fixée dans la procédure de la SAS [20].

- Désigne la SELARL [21] prise en la personne de Maître [I] [Z], sis [Adresse 3] aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée prévus par les articles L641-1 II et l'article 622-6 du code de commerce.

- Dit que l'inventaire devra être posé au greffe dans le délai de 30 jours à compter de la présente décision et qu'il devra en référer au juge-commissaire en cas de difficulté.

- Dit que le débiteur devra remettre au mandataire dans les huit jours suivant le prononcé du présent jugement la liste de ses créanciers, comportant le nom ou dénomination, siège social ou domicile avec l'indication du montant des sommes dues, des sommes à échoir et de leur date d'échéance, de la nature de la créance et des sûretés et privilèges dont chaque créance est assortie.

- Dit que le mandataire judiciaire devra déposer au greffe la liste des créances avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi dans le délai de dix-huit mois à compter du terme du délai imparti aux créanciers pour déclarer leurs créances.

- Constate que le jugement est exécutoire de plein droit.

- Ordonne les mesures de publicités conformément au livre VI du code de commerce. »

En conséquence, statuer à nouveau et :

' Rejeter les demandes d'extension de la procédure collective de la SAS [20] à la SCI [12], les conditions n'étant pas réunies, faute de confusion de patrimoine entre les sociétés ;

' Rappeler que l'infirmation du jugement implique la remise des parties en leur état antérieur en sorte que la SAS [20] n'a jamais été placée sous redressement judiciaire ;

' Débouter la SAS [20], la SCP [11]-[H]-[14], prise en la personne de Maître [U] [H], agissant ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [20] et la SELARL [16], prise en les personnes de Maître [U] [W] et de Maître [P] [R], agissant ès-qualité de mandataires judiciaires de la société [20] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

' Condamner solidairement la SAS [20], la SCP[11]-[H]-[14], prise en la personne de Maître [U] [H], agissant ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [20] et la SELARL [16], prise en les personnes de Maître [U] [W] et de Maître [P] [R], agissant ès-qualité de mandataires judiciaires de la société [20] à payer à la SCI [12] la somme de 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamner solidairement la SAS [20], la SCP [11]-[H]-[14], prise en la personne de Maître [U] [H], agissant ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société [20] et la SELARL [16], prise en les personnes de Maître [U] [W] et de Maître [P] [R], agissant ès-qualité de mandataires judiciaires de la société [20] aux entiers dépens. ».

Au soutien de ses prétentions, la société [12], appelante, expose que la SAS [20] occupe sans aucune autorisation et sans aucune contrepartie les parties communes de l'immeuble lui appartenant. L'absence de loyer payé par la SAS [20] s'explique uniquement par son refus de s'acquitter d'une contrepartie à son occupation. L'apport partiel d'actifs a été imposé à la SCA [15] contre sa volonté et par décision impérative. L'occupation des locaux a été également imposée à la SCI [12] qui a introduit une procédure devant le tribunal de commerce d'Avignon en vue d'en obtenir la cessation et de voir condamner la SAS [20] au paiement d'une indemnité en réparation du préjudice subi. Le litige est bien antérieur à la mise en demeure de mars 2022 et à l'assignation d'avril 2022. La SCI [12] a tenté de résoudre le litige amiablement, dans un premier temps et, par ailleurs, l'ensemble du monde hôtelier a connu une crise de grande envergure du fait du Covid 19 en 2020 et 2021. La SAS [20] est totalement étrangère à la SCI [12] et n'entretient aucun lien avec elle. Il n'y a pas de rapport capitalistique entre les deux sociétés qui n'ont pas de direction commune. La confusion des patrimoines n'est pas caractérisée.

La société [12] réfute également toute fictivité de sa personne morale. Elle a été régulièrement constituée et immatriculée pour acquérir un ensemble immobilier en vue de sa mise à disposition de l'établissement hôtelier. Elle a une vie sociale malgré l'absence d'activité importante du fait même de son objet et de sa nature.

Dans leurs dernières conclusions, les sociétés [11]-[H]-[14] ès qualités, [16] ès qualités et [20], intimées, demandent à la cour, au visa des articles L.621-2 et L 631-7 du code de commerce, de :

« Confirmer le jugement dans son intégralité, en ce qu'il a :

- Débouté la SCI [12] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- Constaté la confusion de patrimoine entre la SCI [12] et la SAS [20].

- Étendu la procédure de redressement judiciaire de la SAS [20] à la SCI [12].

- Dit que les opérations se poursuivront sous patrimoine commun.

- Maintenu les organes de la procédure à savoir, Me [U] [H], associé de la SCP [11]-[H]-[14], administrateur judiciaire, et la SELAR [16], prise en la personne de Maître [U] [W] et Maître [P] [R], en qualité de mandataire judiciaire, Monsieur Denis Borel en qualité de juge commissaire et Madame Andrée Canovas en qualité de juge-commissaire suppléant.

- Fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 27 février 2024, conformément à celle initialement fixée dans la procédure de la SAS [20].

- Désigné la SELARL [21] prise en la personne de Maître [I] [Z], sis [Adresse 3] aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée prévus par les articles L. 641-111 et L. 622-6 du code de commerce.

- Dit que l'inventaire devra être déposé au greffe dans le délai de 30 jours à compter de la présente décision et qu'il devra en être référé au juge-commissaire en cas de difficulté.

- Dit que le débiteur devra remettre au mandataire, dans les huit jours suivant le prononcé du présent jugement, la liste de ses créanciers comportant le nom ou dénomination, siège social ou domicile avec l'indication du montant des sommes dues, des sommes à échoir et de leur date d'échéance, de la nature de la créance et des sûretés et privilèges dont chaque créance est assortie.

- Dit que le mandataire judiciaire devra déposer au greffe la liste des créances avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi dans le délai de dix-huit mois à compter du terme du délai imparti aux créanciers pour déclarer leurs créances.

- Constaté que le jugement est exécutoire de plein droit.

- Ordonné les mesures de publicités conformément au livre VI du code de commerce.

En conséquence,

- Débouter la SCI [12] de l'intégralité de ses demandes ; fins et conclusions plus amples ou contraires.

En tout état de cause,

- Condamner la SCI [12] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; et

- Condamner la SCI [12] aux entiers dépens de première instance et d'appel. ».

Au soutien de leurs prétentions, les sociétés [11]-[H]-[14], [16] et [20], intimées, exposent que depuis plus de dix années, les parties communes dont la SCI [12] est propriétaire ont été exploitées par la société propriétaire du fonds de commerce sans que cette mise à disposition ne soit inscrite dans le cadre d'un contrat écrit. L'absence systématique de paiement de loyer s'est poursuivie après l'adoption du plan de continuation de la SCA [15]. Ce n'est que tardivement que la SCI [12] a envoyé la mise en demeure du 13 mai 2022. La période de 22 mois pendant laquelle aucun loyer n'a été payé ni demandé à la SAS [20] est suffisante en elle-même pour caractériser l'anormalité des relations financières.Or, la SCI [12] qui n'a perçu aucun revenu est redevable de la taxe foncière relative aux locaux. La mise à disposition gratuite de l'unique actif de la SCI [12] a été délibérée, ce schéma a été reproduit pour de nombreux hôtels du groupe [19]. Le rapport d'expertise a été établi par Monsieur [L] au mois de décembre 2019 dans le cadre d'une revalorisation des actifs du groupe et non d'un précontentieux. Les liens entre la SCA [15] et le groupe [19] ont été rompus dès l'adoption du plan de cession de la société de tête de groupe du 17 octobre 2018. L'envoi de la mise en demeure du 13 mai 2022 a pour seule et unique raison la condamnation à titre personnel de Monsieur [L] à payer la somme de 4 millions d'euros, prononcée par le tribunal de commerce de Marseille le 8 septembre 2021 dans le cadre d'une responsabilité pour insuffisance d'actif. L'apport partiel d'actif intervenu en mai 2020 emporte transmission universelle du patrimoine s'agissant de la branche d'activité apportée. La confusion des patrimoines qui préexistait entre la SCA [15] et la SCI [12] s'est donc poursuivie entre la SAS [20] et la SCI [12].

Les intimées soutiennent que la SCI [12] n'a été considérée que comme une simple fiction juridique ayant pour objet de conserver à Monsieur [L] sa mainmise sur l'hôtel [13]. La SCI [12] n'a pas d'intérêt social qui lui soit propre. N'ayant pas d'activité, la SCI [12] n'a pas non plus de vie sociale comme en atteste l'absence de comptabilité. Sa gérante officielle n'a qu'une fonction fictive.La détention des parts sociales de la SCI [12] par Monsieur [L] est illicite du fait de la mesure de faillite personnelle prononcée à son encontre.

Dans ses dernières conclusions, le ministère public « conclut à la confirmation du jugement attaqué : considérant les motifs pertinents adoptés».

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

MOTIFS

1) Sur l'extension de la procédure collective

Aux termes de l'article L. 621-2, alinéa 2 du code de commerce, à la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure de sauvegarde ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes, en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.

L'article L.631-7 du code de commerce prévoit que ces dispositions sont applicables à la procédure de redressement judiciaire.

Pour étendre la procédure de redressement judiciaire de la SAS [20] à la SCI [12], le tribunal de commerce s'est à la fois fondé sur la confusion de leurs patrimoines et sur la fictivité de la personne morale de la SCI [12].

La fictivité de la SCI [12]

La SCI [12] a été régulièrement constituée le 6 février 2002 et immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris. Ses deux associés ont fait des apports en numéraire d'un montant non négligeable de 200 000 euros. Son objet statutaire a été réalisé par l'achat le 7 février 2002 de l'ensemble immobilier dans lequel est exploité l'hôtel « [13] » puis, par la revente des chambres de l'hôtel à divers propriétaires bailleurs et la mise à disposition de la société d'exploitation, [15], des parties communes. Il s'en suit que les associés ont bien eu la volonté de donner une existence véritable à la société, lors de sa constitution.

Si la SCI [12] n'a pas eu ensuite de réelle activité, en raison de la nature même de son objet social, sa vie sociale a été ponctuée par les cessions de parts intervenues le 5 juillet 2004 au profit de Monsieur [M] [L] et de la SCI [18] moyennant le prix de 300 000 euros, puis le 1er avril 2008 au profit de Monsieur [M] [L], qui ont donné lieu à des délibérations d'assemblées générales extraordinaires et à des modifications de statuts consécutives.

Des procès-verbaux d'assemblée générale ont été également dressés le 1er janvier 2011 à l'occasion du transfert du siège social de la société et le 17 septembre 2021 à l'occasion du changement de gérance. Les statuts ont été mis à jour au 1er février 2024 à l'occasion du nouveau transfert du siège social de la société.

Le fonctionnement de la SCI [12], sous l'autorité de Monsieur [M] [L], gérant de fait frappé d'une mesure de faillite personnelle lui interdisant d'apparaître comme le dirigeant de droit et de détenir des parts sociales, ne caractérise pas la fictivité de la personne morale ; de même, le fait que Monsieur [M] [L] ait pu chercher, à des fins personnelles, à tirer des ressources de la SCI [12] en réclamant une indemnisation à la SAS [20], ne démontre pas le caractère fictif de la SCI [12] dont les associés initiaux étaient animés d'un affectio societatis, qui a rempli son objet social et qui n'est pas dénuée de vie sociale.

La confusion des patrimoines

Les juges du fond, pour caractériser des relations anormales constitutives d'une confusion des patrimoines, n'ont pas à rechercher si ces relations anormales ont augmenté le passif à la procédure collective dont l'extension est demandée (Com. 16 juin 2015 n°14-10.187). Il n'est pas non plus nécessaire de démontrer que les relations financières anormales aient appauvri la société débitrice soumise à la procédure collective dont l'extension est demandée (Com. 2 décembre 2016 n°15-13.006).

La confusion des patrimoines de plusieurs sociétés peut se caractériser par la seule existence de relations financières anormales entre elles, sans qu'il soit nécessaire de constater que les actifs et passifs des différentes sociétés en cause sont imbriqués de manière inextricable et permanente (Com. 28/02/2018 n°1624507).

En l'espèce, seules les relations financières anormales sont invoquées à l'exclusion de la confusion des comptes.

Le demandeur à l'action en extension doit rapporter la preuve de l'existence de relations financières anormales entre les deux sociétés, à savoir, des relations financières incompatibles avec des obligations contractuelles réciproques normales. Il est également nécessaire de caractériser une volonté systématique et réitérée portant sur des relations financières anormales.

L'anormalité existe lorsque les intérêts des deux sociétés sont imbriqués de telle manière que des avantages ont été consentis à l'une sans contrepartie pour l'autre et ce, de manière systématique. Si le défaut de paiement des loyers peut entrer en ligne de compte pour caractériser des relations financières anormales constitutives d'une confusion des patrimoines, il est nécessaire de caractériser la volonté de créer cette confusion.

Cet élément intentionnel n'est pas établi par la seule abstention de la SCI de poursuivre le recouvrement des loyers auprès du locataire. (Com. 12 mai 2012 n° 11-17.413)

En l'occurrence, la société civile immobilière [12] n'a pas d'autres revenus que ceux qu'elle est susceptible de retirer des locaux occupés par la SCA [15] puis par la SAS [20], de sorte qu'elle ne parvient pas à faire face au paiement des taxes foncières d'un montant de 55 320 euros dont elle est redevable depuis 2017.

La SCA [15] a bénéficié pendant dix ans, de manière continue, à titre gratuit, des parties communes de l'hôtel, sans qu'aucun loyer ou indemnité d'occupation ne lui soit réclamée et qu'aucun cadre contractuel ne définisse ses relations avec la SCI [12]. La SAS [20] a été ensuite imposée à la SCI [12] comme société d'exploitation de l'hôtel dans le cadre de la restructuration juridique prévue par le plan de redressement par continuation de la société [15].

Si le traité d'apport partiel d'actif prévoit que la société bénéficiaire aura la propriété des biens et droits apportés par la société apporteuse à la date de réalisation, la SAS [20] constitue une personne morale distincte de la SCA [15] et ses dirigeants n'ont pas d'intérêts communs avec les siens ou avec ceux de la SCI [12].

Il s'en suit que l'existence des relations financières anormales antérieures entre la SCA [15] et la SCI [12] qui avaient les mêmes dirigeants et associés ne suffit pas à caractériser l'intention des dirigeants de la SCI [12] d'accorder à la nouvelle société d'exploitation les mêmes avantages que ceux dont bénéficiait la précédente.

La SAS [20] a occupé, à partir de mai 2020, sans contrat de bail ni paiement d'indemnité, les locaux de la société civile immobilière qui n'a réagi que le 15 mars 2022 en lui adressant une mise en demeure suivie d'une assignation en justice le 13 mai 2022.

L'abstention pendant vingt-deux mois de la SCI [12] de réclamer le paiement d'une indemnité d'occupation ne traduit pas pour autant une volonté de sa part de créer une confusion avec la SAS [20].

L'existence de relations financières incompatibles avec des obligations contractuelles réciproques n'est pas avérée et le jugement attaqué doit, par conséquent, être infirmé en toutes ses dispositions.

2) Sur les frais du procès

Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'intimée.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Reçoit la SELARL [16], prise en la personne de Maître [U] [W] et de Maître [P] [R], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [20], en son intervention volontaire,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute la société [20], la société [11]-[H]-[14] prise en la personne de Me [U] [H], en qualité d'administrateur judiciaire, la SELARL [16], prise en la personne de Maître [U] [W] et de Maître [P] [R], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [20], de leur demande d'extension de la procédure collective de la société [20] à la SCI [12],

Rappelle que l'infirmation du jugement implique la remise des parties en leur état antérieur en sorte que la SCI [12] n'a jamais été placée sous redressement puis sous liquidation judiciaire;

Y ajoutant,

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective,

Déboute la société [20] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

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