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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 3 avril 2025, n° 24/02261

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fimj (SARL)

Défendeur :

Pôle de recouvrement spécialisé de la Somme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Grevin

Conseiller :

Mme Mathieu

Conseiller :

Mme Dubaele

Avocats :

Me Boudoux d'Hautefeuille, Me Bejin, Me Dumoulin

T. com. Amiens, du 12 janv. 2024, n° 202…

12 janvier 2024

DECISION

La SARL FIMJ a fait l'objet d'une vérification de comptabilité par le Pôle de Recouvrement Spécialisé de la Somme (ci-après « PRS Somme »), suivant avis de vérification du 12 septembre 2014.

Elle a saisi, le 19 septembre 2014, le tribunal de commerce d'Amiens, qui par un jugement rendu le 25 septembre 2014 a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de cette dernière et a nommé Maître [F] [H] en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [G] [U] en qualité de mandataire judiciaire.

Un deuxième contrôle sur pièces a été réalisé par l'administration fiscale qui a émis une proposition de rectification, en date du 28 août 2015, emportant des impositions supplémentaires, dont les redressements notifiés ont été contestés par la SARL FIMJ.

Par ordonnance rendue le 11 décembre 2015, le juge-commissaire de la procédure collective a dit « qu'en ce qui concerne la créance fiscale maintenue à titre provisionnelle pour 309.675 euros, il sera procédé par simple voie de mention en marge sur l'état des créances, à la requête de la partie la plus diligente en fonction des recours définitifs de la décision à venir »

Le tribunal de commerce d'Amiens a arrêté un plan de sauvegarde le 22 avril 2016, conformément aux préconisations de l'administrateur judiciaire.

Ce plan prévoyait un échéancier du règlement de la créance du PRS Somme, pour un montant total de 111.592,09 euros.

La SARL FIMJ contestant les redressements issus du contrôle sur pièces, a saisi le tribunal administratif d'Amiens le 23 mars 2017, qui par un jugement rendu le 4 juillet 2019, a rejeté la requête de cette dernière en prenant en compte les dégrèvements proposés par l'administration fiscale en cours d'instance.

Statuant sur l'appel interjeté par la SARL FIMJ, par un arrêt rendu le 3 mars 2022, la cour administrative d'appel de Douai a maintenu l'essentiel des rehaussements notifiées à la société.

En l'absence de pourvoi et sur la base de cet arrêt, le PRS Somme a sollicité le mandataire judiciaire le 22 septembre 2022 afin que l'admission définitive et privilégiée complémentaire de 242.510 euros soit prise en compte par voie de mention en marge sur l'état des créances, ce qui sera fait par le greffe du tribunal de commerce d'Amiens le 19 octobre 2022.

Par acte de commissaire de justice en date du 23 mai 2023, la SARL FIMJ a fait assigner le PRS Somme devant le tribunal de commerce d'Amiens aux fins de voir prononcer la forclusion de la créance fiscale et la restitution de la somme de 111.592,09 euros correspondant au montant des acomptes acquittés par ses soins dans le cadre de l'exécution du plan de sauvegarde.

Par jugement en date du 12 janvier 2024, le tribunal de commerce d'Amiens a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, débouté la SARL FIMJ de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Par un acte en date du 27 mai 2024, la SARL FIMJ a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 6 août 2024, la SARL FIMJ conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour d'appel de :

- juger que la déclaration de créance faite par le PRS Somme le 22 septembre 2022 à titre définitif doit être déclarée inopposable à la procédure de sauvegarde de la SARL FIMJ, sur le fondement de l'article L 622-24 du code de commerce, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;

- constater que la reddition de compte établie par Maître [G] [U] porte la date du 3 juin 2019 et que, par voie de conséquence, la déclaration de créance fiscale à titre définitif ayant été faite le 22 septembre 2022, cette déclaration de créance à titre fiscal ne saurait porter aucun effet de droit, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;

- condamner le PRS Somme à lui restituer la somme de 133.910,51 euros correspondant au montant des acomptes acquittés par elle dans le cadre de l'exécution du plan de sauvegarde, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2023, date de délivrance de l'assignation ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 22 juillet 2024, le PRS Somme conclut à la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de condamner la SARL FIMJ aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le caractère de la créance fiscale et son opposabilité au passif de la procédure collective de la SARL FIMJ

La SARL FIMJ expose que la créance fiscale litigieuse n'a été déclarée définitive que le 22 septembre 2022, date de la sollicitation du PRS Somme auprès du mandataire judiciaire afin d'obtenir l'admission de créance à titre définitif.

Elle soutient qu'en application de l'article L.622-24 du code de commerce, la déclaration de créance doit être faite à titre définitif dans le délai prévu à l'article L.624-1 du code de commerce, c'est-à-dire au cas particulier dans le délai d'un an de l'ouverture de la procédure collective, ce qui n'est pas le cas en espèce. Elle affirme l'article L.622-24 du code de commerce pose en outre une exception, à savoir que si une procédure de contrôle ou de rectification de l'impôt a été engagée, l'établissement définitif des créances qui en feront l'objet doit être réalisé avant le dépôt au greffe du compte-rendu de fin de mission par le mandataire judiciaire.

Elle fait valoir que s'il y a bien eu la mise en 'uvre d'une procédure de contrôle ou de rectification d'impôt par le biais de la vérification de comptabilité et d'un contrôle sur pièces à son encontre, la créance déclarée à titre définitif ne peut lui être opposable sans que ladite créance ne soit formalisée avant le dépôt au greffe du compte-rendu de fin de mission par le mandataire judiciaire.

Elle précise que le compte-rendu a été établi le 3 juin 2019, soit le point de départ du délai de forclusion, tandis que la déclaration de créance à titre définitif a été effectuée le 22 septembre 2022, soit plus de trois ans plus tard, de sorte que la créance fiscale est forclose.

Elle estime que contrairement à l'analyse retenue par le tribunal de commerce, l'article L.622-24 alinéa 4 du code de commerce ne procède à aucune distinction entre les procédures judiciaires et les procédures administratives en cours. Elle indique que ce texte ne prévoit qu'une suspension du délai d'un an susmentionné à l'article L.624-1 du code de commerce en cas de saisine des Commissions Départementales, ce qui n'est pas le cas en espèce puisque seule une contestation d'assiette en matière fiscale a été réalisée.

Selon elle, aucune suspension dudit délai n'étant possible, en l'absence de déclaration régulière de la créance fiscale au passif de la procédure collective, elle soutient que l'administration fiscale est dans l'obligation de lui restituer les sommes dont elle s'est acquittée au titre de l'exécution du plan de sauvegarde.

Le PRS Somme expose que conformément à l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 11 décembre 2015 et au caractère définitif de l'arrêt de la cour administrative d'Appel de Douai, il a sollicité, le 22 septembre 2022 l'accord de Me [U], mandataire judiciaire, afin que l'admission définitive et privilégiée complémentaire de 242.510 euros soit prise en compte par voie de mention en marge sur l'état des créances comme expressément prévu. C'est ainsi que le 17 octobre 2022, Me [U] a écrit au greffe du tribunal de commerce :

« Je vous remercie de bien vouloir porter en marge de l'état des créances de la SARL FIMJ la créance de la DGFP AMIENS s'élevant à la somme totale de 242.510 euros, au lieu et place de la créance provisionnelle, suite à l'arrêt rendu le 03/03/2022 par la cour d'appel de Douai, dont copie jointe ».

Il soutient que la SARL FIMJ opère une analyse tronquée de l'article L 622-24 du code de commerce qui prévoit deux délais différents : un délai de déclaration de créance impacté par les procédures judiciaires et administratives en cours et un délai de déclaration de créance impacté par la procédure de contrôle et de rectification de l'impôt.

Il fait valoir que le point de départ du délai de forclusion est la date de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai, soit le 3 mars 2022, dès lors que l'article L.622-24 du code de commerce dispose « sous réserve de procédures judiciaires ou administratives en cours », ce qui coïncide avec le premier délai évoqué.

Il ajoute qu'il n'a jamais été destinataire du compte-rendu du mandataire judiciaire, qui ne pourrait de ce fait lui être opposable et ajoute que toutes les déclarations de créances ont été réalisées dans le respect de la procédure collective, y compris les déclarations du 10 juillet 2015 et du 7 juin 2016, ce dont il résulte qu'aucune restitution n'est due.

L'article L 622-24 alinéa 4 du code de commerce énonce que :

« La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité visés à l'article L 351-21 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de leur déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif, doit à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L 624-1. Si la détermination de l'assiette et du calcul de l'impôt est en cours, l'établissement définitif des créances admises à titre provisionnel doit être effectué par l'émission du titre exécutoire dans un délai de douze mois à compter de la publication du jugement d'ouverture.

Toutefois, si une procédure de contrôle ou de rectification de l'impôt a été engagée, l'établissement définitif des créances qui en font l'objet doit être réalisé avant le dépôt au greffe du compte-rendu de fin de mission par le mandataire judiciaire. Le délai de cet établissement définitif est suspendu par la saisine de l'une des commissions mentionnées à l'article L 59 du livre des procédures fiscales jusqu'à la date de réception par le contribuable ou son représentant de l'avis de cette commission ou celle d'un désistement ».

L'article R 624-6 du même code énonce que :

« A la requête du Trésor public, le juge-commissaire, après avoir recueilli l'avis du mandataire judiciaire, prononce l'admission définitive des créances admises à titre provisionnel en application du quatrième alinéa de l'article L 622-24 et qui ont fait l'objet d'un titre exécutoire ou qui ne sont plus contestées. Lorsque le juge-commissaire n'est plus en fonction, le président du tribunal saisi par requête du représentant du Trésor public, prononce l'admission définitive. Les décisions sont portées sur l'état des créances.

Les décisions rendues ne méconnaissance des dispositions du quatrième alinéa de l'article L 622-24 sont susceptibles d'appel ».

L'article R 626-39 du même code dispose que :

« Lorsque l'administrateur ou le mandataire judiciaire a été informé de la mise en 'uvre d'une procédure administrative d'établissement de l'impôt, il en informe les comptables publics compétents par lettre recommandée avec demande d'avis de réception quinze jours au moins avant la date de ce dépôt.

Ce compte-rendu est communiqué par le greffier au ministère public et notifié par le mandataire de justice aux débiteurs et aux contrôleurs par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette notification précise qu'ils peuvent former des observations devant le juge-commissaire avant un délai de quinze jours.

Le juge-commissaire approuve le compte rendu de fin de mission, le cas échéant au vu des observations présentées. Il peut demander au mandataire de justice de lui produire tout justificatif. Sa décision est déposée au greffe. Elle n'est pas susceptible de recours ».

En l'espèce, il est constant que :

- d'une part, lorsque la créance est née avant le jugement d'ouverture et en l'absence de titre établi au moment de la déclaration, la créance fiscale est admise à titre provisionnel pour son montant déclaré. C'est dans ce contexte que par ordonnance rendue le 11 décembre 2015, le juge-commissaire de la procédure collective a dit « qu'en ce qui concerne la créance fiscale maintenue à titre provisionnel pour 309.675 euros, il sera procédé par simple voie de mention en marge sur l'état des créances, à la requête de la partie la plus diligente en fonction des recours définitifs de la décision à venir »,

- et d'autre part, le plan de sauvegarde de la SARL FIMJ, adopté par jugement du 22 avril 2016, n'a fait l'objet d'aucun recours et a notamment prévu un plan de règlement de la créance du PRS pour un montant de 111.592,09 euros entre avril 2017 avril 2023.

Il y a lieu de rappeler que c'est la SARL FIMJ qui a parallèlement à la procédure collective engagé un recours devant les juridictions administratives aux fins de contester les redressements notifiés, étant précisé que les créances fiscales ne peuvent être contestées que dans les conditions prévues aux livres des procédures fiscales.

La cour estime comme le jugement critiqué que la SARL FIMJ fait une interprétation erronée de l'article L 622-24 alinéa 4 du code de commerce dans la mesure où le délai visé à l'article L 624-1 s'agissant de l'établissement de la déclaration de créance est prévu « sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours ». Ainsi, le principe de la déclaration de créance à titre provisionnel n'ayant pas été contesté dans le cadre du plan de sauvegarde définitivement adopté, le délai prévu pour la fixation du montant définitif de la créance a été suspendue par la procédure contentieuse introduite par la SARL FIMJ qui a trouvé son issue avec la décision rendue le 3 mars 2022 par la cour administrative d'appel de Douai, contre laquelle il n'est pas justifié de l'exercice d'un pourvoi.

Par ailleurs, il est justifié de ce que le PRS a adressé au conseil de la SARL FIMJ et à Me [U], ès-qualités tous les titres exécutoires authentifiant les créances fiscales pour un montant total de 242.510 euros.

Dès lors, la demande d'admission définitive et complémentaire de la créance fiscale sollicitée par le PRS auprès de Me [U], suivant courrier du 22 septembre 2022 et accueillie par celle-ci, en exécution de l'ordonnance du juge-commissaire du 11 décembre 2015 est valable et opposable à la procédure collective de la SARL FIMJ. L'inscription complémentaire en marge de l'état des créances réalisée par le greffe du tribunal de commerce le 19 octobre s'inscrit dans le processus normal de la procédure collective et de l'aboutissement final du recours contentieux fiscal engagé par la SARL FIMJ.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a admis la créance fiscale définitive complémentaire de 242.510 euros au passif de la procédure collective de la SARL FIMJ par voie de mention en marge sur l'état des créances.

Sur la demande de restitution de la SARL FIMJ

La SARL FIMJ sollicite le remboursement de la somme de 133.910,51 euros correspondant au montant des sommes acquittées dans le cadre du plan de sauvegarde, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2023.

Le PRS réplique qu'aucune forclusion n'étant encourue, cette demande doit être rejetée.

Il y a lieu de rappeler que le plan de sauvegarde de la SARL FIMJ n'a fait l'objet d'aucun recours et qu'au surplus la créance fiscale avait déjà été définitivement admise en son principe, étant précisé que la base de calcul des dividendes dans le plan était de 223.184,15 euros, soit un montant inférieur à la somme de 242.510 euros.

Dans ces conditions, il convient de débouter la SARL FIMJ de sa demande de restitution des sommes acquittées dans le cadre de l'exécution du plan de sauvegarde.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré de ce chef.

Sur les autres demandes

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la SARL FIMJ succombant, elle sera tenue aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et par arrêt rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu le 12 janvier 2024 par le tribunal de commerce d'Amiens, en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne la SARL FIMJ aux dépens d'appel.

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