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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 6, 2 avril 2025, n° 23/04057

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Eos France (SAS)

Défendeur :

Eos France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bailly

Vice-président :

M. Braud

Conseiller :

Mme Sappey-Guesdon

Avoué :

Me Pauck

Avocats :

Me Gre, SCP Malpel & Associés

TJ Créteil, 3e ch., du 15 nov. 2022, n° …

15 novembre 2022

PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 22 février 2023, M. [F] [P] et Mme [C] [U], ont ensemble interjeté appel du jugement rendu le 15 novembre 2022 en ce que le tribunal judiciaire de Créteil saisi par voie d'assignation en date du 26 novembre 2020 délivrée à leur encontre à la requête de la Société Générale, a statué ainsi :

'Déclare les exceptions de procédure et fins de non-recevoir soulevées par M. [F] [P] et Mme [C] [U] irrecevables,

Déclare en conséquence recevables les demandes en paiement de la SA Société Générale formées par assignation délivrée le 26 novembre 2020 ;

Déboute M. [F] [P] et Mme [C] [U] de leurs demandes,

Condamne solidairement M. [F] [P] et Mme [C] [U] à payer à la SA Société Générale la somme de 100 042,31 euros montant de sa créance en principal, intérêts et accessoires au titre du prêt n°0810040632019, avec les intérêts conventionnels majorés de trois points au taux de 5,73 % l'an sur la somme en principal de 90 164,97 euros à compter du 13 novembre 2020 jusqu'au parfait paiement ;

Condamne solidairement M. [F] [P] et Mme [C] [U] à payer à la SA Sociéte Générale la somme de 68 433,32 euros montant de sa créance en principal, intérêts et accessoires au titre du prêt n°0810040632001, avec les intérêts conventionnels majorés de trois points au taux de 6,50 % l'an sur la somme en principal de 59 932,83 euros à compter du 13 novembre 2020 jusqu'au parfait paiement ;

Dit qu'en application de 1343-2 du code civil les intérêts échus depuis plus d`un an seront capitalisés et produiront à leur tour des intérêts à compter de la signification de l'assignation ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SA Société Générale de ses demandes plus amples ou contraires ;

Condanme in solidum M. [F] [P] et Mme [C] [U] aux entiers dépens de l'instance ;

Rappelle que l'exécution provisoire est de droit.'

***

À l'issue de la procédure d'appel clôturée le 14 janvier 2025 les prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.

Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 15 décembre 2024, les appelants

présentent, en ces termes, ses demandes à la cour :

'Vu les articles L. 137-2, L. 313-1, L. 313-2, R. 313-1 du Code de la Consommation

Vu l'article 1907 du Code Civil ;

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats ;

À titre principal :

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle :

Déclare les exceptions de procédure et fins de non-recevoir soulevées par M. [P] et Mme [U] irrecevables ;

Déclare en conséquence recevables les demandes en paiement de la SA SOCIETE

GENERALE formées par assignation délivrée le 26 novembre 2020 ;

Déboute M. [P] et Mme [U] de leurs demandes ;

Condamne solidairement M. [P] et Mme [U] à payer à la SOCIETE GENERLAE la somme de 100 042,31 Euros au titre du prêt n° 0810040632019 avec intérêts au taux conventionnel majoré de trois points, au taux de 5,73 % l'an sur la somme en principal de 90 164,97 Euros à compter du 13 novembre 2020 jusqu'au parfait paiement ;

Condamne solidairement M. [P] et Mme [U] à payer à la SOCIETE GENERLAE la somme de 68 434,82 Euros au titre du prêt n° 0810040632001 avec intérêts au taux conventionnel majoré de trois points, au taux de 6,50 % l'an sur la somme en principal de 59 932,83 Euros à compter du 13 novembre 2020 jusqu'au parfait paiement ;

Dit que les intérêts échus depuis plus d'un an seront capitalisés et produiront à leur

tour des intérêts à compter de la signification de l'assignation ;

Condamne in solidum M. [P] et Mme [U] aux dépens ;

Rappelle que l'exécution provisoire est de droit ;

- DIRE que la société EOS FRANCE, intervenant en qualité de recouvreur du FCT FONCRED V, ne démontre pas que ce dernier se trouve aux droits de la SOCIETE GENERALE ;

- DIRE que cette société ne justifie pas avoir qualité et intérêt à agir ;

- DEBOUTER en conséquence la société EOS FRANCE, intervenant en qualité de recouvreur du FCT FONCRED V, de l'ensemble de ses prétentions ;

- DECLARER prescrites les demandes de la société EOS FRANCE, intervenant en qualité de recouvreur du FCT FONCRED V, à l'encontre de Mademoiselle [U] et Monsieur [P] concernant les deux contrats immobiliers ;

- DEBOUTER en conséquence la société EOS FRANCE, intervenant en qualité de recouvreur du FCT FONCRED V, de toutes ses demandes, fins et conclusions concernant les deux contrats immobiliers ;

- DEBOUTER la société EOS FRANCE, intervenant en qualité de recouvreur du FCT FONCRED V, de son appel incident ;

Subsidiairement,

- DIRE que le 17 décembre 2012, Monsieur [P] a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire (RCS 489 680 355 RCS Melun et que la société GENERALE ne justifie pas avoir produit sa créance et en conséquence DIRE qu'elle est forclose à agir et réclamer la condamnation in solidum de Mademoiselle [U] et Monsieur [P] ;

- DIRE que les lettres de notification produites datées du 27 novembre 2018 (pièce adverses de première instance 3 à 7 + 15 et 16) ne sont conformes ni aux contrats, ni à la loi et la jurisprudence et qu'elles ne peuvent être considérées comme valant 'déchéance du terme' ;

- DIRE que la déchéance du terme 'prononcée' par la SOCIETE GENERALE par lettres datées du 27 novembre 2018 concernant les deux contrats immobiliers, l'a été de manière irrégulière pour ces deux contrats de prêts immobiliers signés ;

- DIRE que les lettres datées du 27 novembre 2017 concernant les deux contrats immobiliers, adressées par l'établissement prêteur, la Société Générale, ne valent pas 'déchéance du terme' et qu'à défaut de déchéance du terme, aucun décompte à jour ne permet de déterminer le montant de la dette réclamée à Mademoiselle [U] et Monsieur [P] ;

- DIRE que la personne ayant signé les actes de prêt immobiliers pour le compte de la Banque ne disposait pas d'une procuration valable ;

- DIRE qu'il s'agit d'une nullité de fond, insusceptible de régularisation et non d'un simple vice de forme, faute, pour la personne concernée, de pouvoir d'agir ;

- PRONONCER en conséquence, la nullité de l'assignation et de la procédure subséquente ;

- DEBOUTER la société EOS FRANCE, intervenant en qualité de recouvreur du FCT FONCRED V, de ses demandes, fins et conclusions ;

Plus subsidiairement,

- DIRE que le taux de période mentionné sur les contrats de prêt immobiliers est erroné et inférieur au taux réel ayant une incidence de plus d'une décimale ;

- DIRE en conséquence la clause d'intérêt desdits contrats de prêt immobiliers est nulle et de nul effet et à défaut, DIRE que la société EOS FRANCE, intervenant en qualité de recouvreur du FCT FONCRED V, est déchue du droit aux intérêts ;

- Plus subsidiairement, JUGER que la société EOS FRANCE, intervenant en qualité de recouvreur du FCT FONCRED V, sera déchue du droit aux intérêts concernant les deux contrats immobiliers ;

- DEBOUTER la société EOS FRANCE, intervenant en qualité de recouvreur du FCT FONCRED V, de ses demandes concernant les deux contrats immobiliers, sa créance n'étant ni certaine, ni liquide, ni exigible ;

Dans tous les cas et reconventionnellement

- CONDAMNER la société EOS FRANCE, intervenant en qualité de recouvreur du FCT FONCRED V, au paiement de la somme de 3.000 ' en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- La condamner aux entiers dépens, dont attribution à Me GRE, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.'

Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 10 janvier 2025, l'intimé

présente, en ces termes, ses demandes à la cour :

'Vu les articles 1103 et suivants, 1185, 1984 et suivants, 2224 du Code civil,

Vu l'ancien article 1134 du Code civil,

Vu l'article L. 622-26 du Code de commerce,

Vu les articles L. 218-2 nouveau, L. 311-52 nouveau et R. 313-1 ancien du Code de

la consommation,

Vu les articles 699 et 700 du Code de procédure civile,

INFIRMER le jugement rendu le 15 novembre 2022 par la 3e Chambre du Tribunal judiciaire de CRETEIL en ce qu'il a :

'Condamne solidairement M. [F] [P] et Mme [C] [U] à payer à la SA Société Générale la somme de 100.042,31 euros montant de sa créance en principal, intérêts et accessoires au titre du prêt n° 0810040632019, avec les intérêts conventionnels majorés de trois points au taux de 5,73 % l'an sur la somme en principal de 90.164,97 euros à compter du 13 novembre 2020 jusqu'au parfait paiement ;'

'Condamne solidairement M. [F] [P] et Mme [C] [U] à payer à la SA Société Générale la somme de 68.434,82 euros montant de sa créance en principal, intérêts et accessoires au titre du prêt n° 0810040632001, avec les intérêts conventionnels majorés de trois points au taux de 6,50 % l'an sur la somme en principal de 59.932,83 euros à compter du 13 novembre 2020 jusqu'au parfait paiement ;'

'Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;'

'Déboute la SA Société Générale de ses demandes plus amples ou contraires'

Statuant de nouveau,

A titre principal,

DEBOUTER Monsieur [F] [P] et Madame [C] [U] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER solidairement Monsieur [F] [P] et Madame [C] [U] à payer à la société EOS FRANCE agissant en vertu d'une lettre de désignation en date du 17 janvier 2022 en qualité de représentant-recouvreur du Fonds Commun de Titrisation FONCRED V, représenté par la société FRANCE TITRISATION, et venant aux droits de la SOCIETE GENERALE la somme de 100.042,31 euros montant de sa créance en principal, intérêts et accessoires au titre du prêt n° 0810040632019, avec les intérêts conventionnels majorés de trois points au taux de 5,73 % l'an sur la somme en principal de 90.164,97 euros à compter du 13 novembre 2020 jusqu'au parfait paiement ;

CONDAMNER solidairement Monsieur [F] [P] et Madame [C] [U] à payer à la société EOS FRANCE agissant en vertu d'une lettre de désignation en date du 17 janvier 2022 en qualité de représentant-recouvreur du Fonds Commun de Titrisation FONCRED V, représenté par la société FRANCE TITRISATION, et venant aux droits de la SOCIETE GENERALE la somme de 68.434,82 euros montant de sa créance en principal, intérêts et accessoires au titre du prêt n° 0810040632001, avec les intérêts conventionnels majorés de trois points au taux de 6,50 % l'an sur la somme en principal de 59.932,83 euros à compter du 13 novembre 2020 jusqu'au parfait paiement ;

A titre subsidiaire,

Vu les articles 1134 et 1184 ancien du Code civil,

Vu l'article L. 311-24 ancien du Code de la consommation devenu article L. 312-39 du Code de consommation,

PRONONCER la résiliation judiciaire des contrats de prêt immobiliers n° 810040632019 et n° 810040632001 conclus le 24 août 2010 à effet au jour de l'assignation du 26 novembre 2020,

CONDAMNER solidairement Monsieur [F] [P] et Madame [C] [U] à payer à la société EOS FRANCE agissant en vertu d'une lettre de désignation en date du 17 janvier 2022 en qualité de représentant-recouvreur du Fonds Commun de Titrisation FONCRED V, représenté par la société FRANCE TITRISATION, et venant aux droits de la SOCIETE GENERALE la somme de 100.042,31 ', au titre du prêt n° 0810040632019 outre les intérêts au taux contractuel de 2,73 % l'an à compter du 13 novembre 2020 jusqu'à complet paiement ;

CONDAMNER solidairement Monsieur [F] [P] et Madame [C] [U] à payer à la société EOS FRANCE agissant en vertu d'une lettre de désignation en date du 17 janvier 2022 en qualité de représentant-recouvreur du Fonds Commun de Titrisation FONCRED V, représenté par la société FRANCE TITRISATION, et venant aux droits de la SOCIETE GENERALE la somme de 68.434,82 ', au titre du prêt n° 0810040632001, outre les intérêts au taux contractuel de 3,50 % l'an à compter du 13 novembre 2020 jusqu'à complet paiement,

En tout état de cause,

CONDAMNER in solidum Monsieur [F] [P] et Madame [C] [U] à payer à la société EOS FRANCE agissant en vertu d'une lettre de désignation en date du 17 janvier 2022 en qualité de représentant-recouvreur du Fonds Commun de Titrisation FONCRED V, représenté par la société FRANCE TITRISATION, et venant aux droits de la SOCIETE GENERALE, la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, au visa de l'article 700 du Code de procédure civile, y ajoutant une somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel au visa de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONFIRMER le jugement rendu le 15 novembre 2022 pour le surplus ;

CONDAMNER in solidum Monsieur [F] [P] et Madame [C] [U] aux entiers dépens exposés en cause d'appel lesquels seront recouvrés par Maître Aurélie PAUCK, associée de la SCP MALPEL & ASSOCIES, avocat au Barreau de Fontainebleau conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.'

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon acte sous seing privé en date du 24 août 2010, la Société Générale a consenti à M. [F] [P] et à Mme [C] [U], co-emprunteurs solidaires, deux prêts immobiliers destinés à financer l'acquisition d'une maison d'habitation à usage de résidence principale située au [Adresse 5] à [Localité 11] (Seine et Marne)

- un prêt n° 0810040632019 d'un montant de 140 000 euros remboursable en 287 mensualités au taux conventionnel fixe de 2,73 % l'an hors assurance,

- un prêt n° 0810040632001 d'un montant de 140 000 euros remboursable en 180 mensualités au taux conventionnel fixe de 3,50 % l'an hors assurance.

Par jugement du 19 décembre 2011, le tribunal de commerce de Melun a ouvert une procédure de redressement judiciaire en faveur de l'entreprise de M. [P], convertie en liquidation judiciaire par jugement du 17 décembre 2012.

Suite à la survenance de plusieurs incidents de paiements à compter du mois de décembre 2015, la Société Générale s'est prévalue de la déchéance du terme des deux prêts et a exigé le remboursement de l'intégralité du capital restant dû au titre de chacun de ces prêts, par lettres recommandées avec demande d'avis de réception datées du 27 novembre 2018, après mises en demeure de payer les échéances échues impayées par lettres recommandées avec demande d'avis de réception datées du 12 octobre 2017 puis du 24 septembre 2018, restées vaines.

Suite à la vente du bien immobilier objet des prêts, la Société Générale, les 8 mars et 5 avril 2019, a été partiellement désintéressée par les co-emprunteurs défaillants restant alors redevables de la somme de 100 042,31 euros au titre du prêt n° 0810040632019 et de la somme de 68 434.82 euros au titre du prêt n°0810040632001.

La procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de M. [P] a été clôturée par extinction du passif le 23 septembre 2019.

Par actes d'huissier de justice en date du 26 novembre 2020, la Société Générale a fait assigner M. [P] et Mme [U] devant le tribunal judiciaire de Créteil aux fins de paiement du solde des prêts.

I - Sur la contestation de la cession de créance

À titre principal, les appelants exposent qu'en cause d'appel la société EOS France, en qualité de recouvreur du Fonds commun de titrisation Foncred V, prétend se trouver aux droits de la Société Générale et verse aux débats deux pièces 27 et 28 pour justifier de sa qualité supposée de créancier, soit : un extrait d'acte portant sur une cession globale de créances multiples et une lettre du Fonds commun de titrisation Foncred V représenté par la société France Titrisation, à la société EOS. Aucune des pièces produites ne démontre la réalité de la cession de la créance de la Société Générale sur les concluants, au Fonds commun de titrisation Foncred V. Aucune pièce ne démontre par ailleurs que la société EOS France a qualité pour agir pour le compte de ce Fonds commun de titrisation Foncred. La société EOS France ne démontre donc pas avoir qualité pour agir. Il conviendra en conséquence de dire ses demandes irrecevables et de la débouter de l'ensemble de ses prétentions.

L'intimé en réponse explicite que par acte de cession de créances en date du 3 août 2022, la Société Générale a cédé plusieurs créances, dont celles intéressant la présente procédure, au Fonds commun de titrisation Foncred V, représenté par la société France Titrisation (pièce n° 27). La société EOS France a été désignée par lettre de désignation en date du 17 janvier 2022 en qualité de représentant-recouvreur du Fonds commun de titrisation Foncred V représenté par la société France Titrisation (pièce n°28). Puis par lettres du 20 février 2023 Mme [U] a été avisée par la société EOS France de la cession de créance intervenue, et des soldes dus pour chacun des deux prêts souscrits (pièces n°22 et 23), et, identiquement, par lettres du 22 mars 2023 M. [P] a été avisé par la société EOS France de la cession de créance intervenue, et des soldes dus pour chacun des deux prêts souscrits (pièces n°24 et 25).

L'intimé rappelle ensuite que dans leurs dernières conclusions, Mme [U] et M. [P] arguent de l'absence de justification de la cession de créance intervenue entre la Société Générale et le Fonds commun de titrisation FoncredV, ainsi que du mandat conféré à EOS France pour recouvrer ladite créance.

Or, en vertu des dispositions de l'article L. 313-23 du Code monétaire et financier :

'Tout crédit qu'un établissement de crédit, qu'un FIA relevant du paragraphe 2 de la sous-section 3 ou de la sous-section 5 de la section II du chapitre IV du titre Ier du livre II, ou qu'une société de financement consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement, de ce FIA, ou de cette société, par la seule remise d'un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ou personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle. Peuvent être cédées ou données en nantissement les créances liquides et exigibles, même à terme. Peuvent également être cédées ou données en nantissement les créances résultant d'un acte déjà intervenu ou à intervenir mais dont le montant et l'exigibilité ne sont pas encore déterminés.

Le bordereau doit comporter les énonciations suivantes :

1. La dénomination, selon le cas, 'acte de cession de créances professionnelles' ou 'acte de nantissement de créances professionnelles' ;

2. La mention que l'acte est soumis aux dispositions des articles L. 313-23 à L. 313-34 ;

3. Le nom ou la dénomination sociale de l'établissement de crédit, du FIA mentionné au premier alinéa, ou de la société de financement bénéficiaire ;

4. La désignation ou l'individualisation des créances cédées ou données en nantissement ou des éléments susceptibles d'effectuer cette désignation ou cette individualisation, notamment par l'indication du débiteur, du lieu de paiement, du montant des créances ou de leur évaluation et, s'il y a lieu, de leur échéance.

Toutefois, lorsque la transmission des créances cédées ou données en nantissement est effectuée par un procédé informatique permettant de les identifier, le bordereau peut se borner à indiquer, outre les mentions indiquées aux 1, 2 et 3 ci-dessus, le moyen par lequel elles sont transmises, leur nombre et leur montant global.

En cas de contestation portant sur l'existence ou sur la transmission d'une de ces créances, le cessionnaire pourra prouver, par tous moyens, que la créance objet de la contestation est comprise dans le montant global porté sur le bordereau.

Le titre dans lequel une des mentions indiquées ci-dessus fait défaut ne vaut pas comme acte de cession ou de nantissement de créances professionnelles au sens des articles L. 313-23 à L. 313-34'.

Ainsi, les cessions de créances réalisées dans le cadre d'opérations de titrisation peuvent être effectuées sous forme globale, sans nécessité d'une individualisation préalable de chaque créance. En l'espèce, la cession globale au profit du Fonds commun de titrisation Foncred V est démontrée par la production d'un extrait de l'acte de cession de créances multiples, régulièrement versé aux débats. La validité et l'opposabilité de cet acte ne peuvent être remises en cause par Mme [U] et M. [P] au motif qu'ils n'identifieraient pas spécifiquement leur créance, cette exigence n'étant pas prévue par les textes applicables.

En vertu des dispositions de l'article 1690 du code civil : 'Le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur. Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique'. La cession de créance devient donc opposable au débiteur dès sa notification ou la prise d'acte de cette cession. En l'espèce il est constant qu'une lettre de notification a été adressée à Mme [U] et M. [P] par EOS France respectivement les 20 février 2023 et 22 mars 2023 précisant l'origine de la créance (Société Générale), le cessionnaire (Fonds commun de titrisation Foncred V), le gestionnaire mandaté pour recouvrer ladite créance (EOS France), les références spécifiques du dossier. Ces notifications satisfont aux exigences légales. Il convient dès lors de considérer la cession comme valablement opposable à Mme [U] et M. [P].

La société EOS France agit en qualité de gestionnaire de la créance pour le compte du Fonds commun de titrisation Foncred V, ainsi que cela ressort explicitement de la lettre susmentionnée (pièce n° 28). En tant que mandataire dûment habilité, EOS France dispose de la qualité nécessaire pour engager une procédure de recouvrement.

Mme [U] et M. [P] pour leur part, n'apportent aucun élément de preuve de nature à remettre en cause la validité de la cession ou le mandat conféré à EOS France. Dès lors, l'argumentation de Mme [U] et M. [P], purement spéculative, ne saurait prospérer.

Sur ce

La société EOS France agissant ès qualités de gestionnaire de la créance du Fonds commun de titrisation Foncred V, verse aux débats les pièces nécessaires et suffisantes pour établir la régularité de la cession de créance, et partant, sa qualité à agir en recouvrement à l'encontre de Mme [U] et M. [P].

La fin de non recevoir opposée par Mme [U] et M. [P] est par conséquent rejetée.

II - Sur les exceptions de procédure et fins de non recevoir soulevées par M. [P] et Mme [U]

Le tribunal les a toutes dites irrecevables, pour en conséquence déclarer recevables les demandes en paiement de la Société Générale formées par assignation délivrée le 26 novembre 2020.

A) Sur l'irrecevabilité de la demande de la banque à raison du défaut de déclaration de créance à la procédure collective de M. [P]

M. [P] et Mme [U] prétendent que la Société Générale ne serait pas recevable à agir pour défaut de déclaration de créances auprès du mandataire judiciaire désigné à la procédure collective ouverte à l'encontre de l'entreprise de M. [P].

L'article L. 622-26 du code de commerce dont les dispositions sont applicables à la procédure de redressement judiciaire en vertu de l'article L. 631-14 du même code, énonce que les créances non déclarées régulièrement dans les délais prévus à l'article L. 622-24 sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution, lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus.

M. [P] et Mme [U] en tirent la conclusion qu'à défaut de justifier de la déclaration de créance la Société Générale, et par suite le cessionnaire de la créance qui ne peut avoir plus de droit qu'elle, ne peut plus poursuivre en paiement M. [P].

La situation pose donc la question de la reprise du droit de poursuite des créanciers après liquidation judiciaire du débiteur, régie à l'article L. 641-11 du code de commerce, le principe de droit étant qu'à l'issue d'une procédure de liquidation judiciaire après clôture pour insuffisance d'actif les créanciers ne recouvrent pas leurs droits de poursuites à l'encontre du débiteur sauf exception.

En effet l'article L. 643-11 du code de commerce permet aux créanciers de reprendre leurs droits de poursuite à l'égard du débiteur ou de la personne morale qui a déjà fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif dans les cinq années précédant l'ouverture de la nouvelle liquidation.

Le tribunal a pourtant relevé que l'article L. 643-11 du même code n'est applicable qu'aux clôture pour insuffisance d'actif.

Or en l'espêce la procédure de liquidation judiciaire s'est clôturée par une extinction du passif comme il ressort du dispositif du jugement du tribunal de commerce de Melun en date du 23 septembre 2019, ce qui a permis à la Société Générale de recouvrer l'exercice individuel de son action dans les conditions de droit commun.

Le premier juge a en outre relevé que la procédure collective n'a été diligentée qu'à l'égard de M. [P] et nullement à l'égard de Mme[U] dont le patrimoine n'a cessé de constituer le droit de gage général des créanciers depuis l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire prononcée à l'encontre de son coobligé mais dont la conversion en liquidation judiciaire s'est terminée par un apurement des créances produites, sans que 1'absence de déclaration de créance par la Société Générale ne lui cause un quelconque préjudice.

Dés lors M. [P] et Mme [U] ne peuvent se prévaloir des dispositions légales précitées pour s'opposer au paiement de la créance de la Société Générale. D'où il suit que la Société Générale sera jugée recevable en sa demande de condamnation au paiement de la créance en application des anciens articles 1134 et suivant du code civil.

La société EOS France approuvant la décision du premier juge écrit que la doctrine majoritaire considère en effet qu' 'En cas de clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour extinction du passif, il y a tout lieu de considérer que les poursuites peuvent être reprises, là encore sous réserve que le créancier ne puisse se voir opposer la prescription (v. Pérochon F., Entreprises en difficulté, LGDJ, 10e éd., 2014, no 1569 ; Le Corre P.-M., Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 2017/2018, no 665.76)'. (Lamyline, Partie 2 Sûretés réelles - Sûretés réelles et procédures d'insolvabilité - Étude 284 Sûretés réelles et droit des entreprises en difficulté - Section I L'existence de la sûreté réelle §2 Les sûretés réelles menacées par la procédure collective B ' La menace d'inopposabilité). En ce sens, la Cour de cassation a décidé qu'en cas de clôture pour extinction du passif, le créancier dont la créance était inopposable à la procédure collective, recouvre son droit de poursuites individuelles contre le débiteur (Com., 17 mai 2017, n°15-27.333 & N°15-27.139). Le premier juge a fort justement rappelé dans son jugement rendu le 15 novembre 2022 que les dispositions de l'article L. 622-26 du code commerce 'applicables à la procédure de redressement judiciaire en vertu de l'article L. 631-14 du même code, la créance n'étant pas éteinte, la Société Générale avait donc, par conséquent, retrouvé son droit de poursuite à l'encontre de M. [P].'

Le jugement est donc confirmé en ce que M. [P] et Mme [U] ne peuvent se prévaloir des dispositions légales précitées pour s'opposer au paiement de la créance de la Société Générale.

B) Sur la demande de forclusion ou prescription de l'action en paiement de la banque

Le tribunal a dit cette demande irrecevable pour ne pas avoir été soumises au juge de la mise en état seul compétent par application des dispositions de l'article 789 du code

de procédure civile.

L'article 789 in fine du code de procédure civile dans sa rédaction applicable dispose que 'les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état', de sorte que le jugement doit être confirmé.

III - Sur le mérite des demandes

Le tribunal a débouté M. [F] [P] et Mme [C] [U] de toutes leurs demandes.

A) Sur le défaut de pouvoir de la personne ayant signé les actes de prêt pour la banque

En première instance Mme [U] et M. [P] opposaient à l'action de la banque une demande de nullité de l'assignation pour vice de fond tirée du défaut de pouvoir de la personne ayant signé les actes de prêts immobiliers pour le compte du prêteur des fonds, la banque Société Générale.

Pour la rejeter, le tribunal a répondu, à bon droit, que la demande n'était pas reprise au dispositif des dernières conclusions de Mme [U] et M. [P], qu'elle n'a pas été soumise au juge de la mise en état seul compétent par application des dispositions de l'article 789 du code de procédure civile, et en tout état de cause le grief invoqué ne constitue pas une cause de nullité de l'assignation mais une défense au fond tendant à voir remettre en cause la créance de la Société Générale.

Pour réplique aux appelants reprenant ce grief à hauteur d'appel la société EOS France rappelle qu'elle produit le pouvoir par la Société Générale à monsieur [G], dont l'examen permet de se convaincre de ce que l'interessé était habilité à signer au nom de la banque les prêts consentis à M. [P] et Mme [U].

Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il en a fait le constat et dit le grief infondé, la Cour en adoptant les entiers motifs.

B) Sur la déchéance du terme

La discussion sur la régularité de la déchéance du terme constitue l'essentiel des écritures des appelants. Ils prétendent que la déchéance du terme n'a pas été prononcée dans le respect des conditions contractuelles, du droit et de la jurisprudence.

Pour autant, leurs écritures ne contiennent aucune critique sérieuse des motifs du premier juge, lequel a réalisé un examen attentif des pièces produites, en a effectué une analyse exacte et pertinente, pour conclure, à bon droit, que doivent être rejetés l'ensemble des griefs invoqués par M. [P] et Mme [U] tendant à faire échec à la déchéance du terme prononcée par la Société Générale et partant à la demande en paiement formée par cette dernière.

Le jugement déféré est par conséquent confirmé en ce qu'il a retenu que la déchéance du terme des deux contrats de prêt a été régulièrement prononcée.

C) Sur la contestation de l'exactitude du TEG

M. [P] et Mme [U] invoquent la déchéance et/ou la nullité de la stipulation d'intérêt des contrats de prêt au motif du caractère prétendument erroné du taux de période mentionné aux contrats. Ils se prévalent de l'inexactitude du taux de période de 0,2499 % dans la première offre lequel, multiplié par 12 mois, n'aboutirait pas au taux effectif global de 2,73 % l'an et de l'inexactitude du taux de période de 0,3293 % dans la seconde offre, lequel multiplié par 12 mois, n'aboutirait pas au taux effectif global de 3,50 % l'an.

L'intimé observe que le jugement déféré a parfaitement répondu à leur argumentation, qu'ils entendent maintenir devant la Cour d'appel. En effet, le premier juge a statué par des motifs exhaustifs et circonstanciés, exacts en droit et appropriés en fait, qu'il y a lieu d'adopter en leur entièreté sans qu'il soit nécessaire d'y ajouter.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce que M. [P] et Mme [U] ont été déboutés de leurs demandes à ce titre.

D) Sur la capitalisation des intérêts

Le tribunal a logiquement, au vu de ce qui précède :

- Condamné solidairement M. [F] [P] et Mme [C] [U] à payer à la Sociéte Générale la somme de 100 042,31 euros montant de sa créance en principal, intérêts et accessoires au titre du prêt n°0810040632019, avec les intérêts conventionnels majorés de trois points au taux de 5,73 % l'an sur la somme en principal de 90 164,97 euros à compter du 13 novembre 2020 jusqu'au parfait paiement ;

- Condamné solidairement M. [F] [P] et Mme [C] [U] à payer à la Société Générale la somme de 68 433,32 euros montant de sa créance en principal, intérêts et accessoires au titre du prêt n°0810040632001, avec les intérêts conventionnels majorés de trois points au taux de 6,50 % l`an sur la somme en principal de 59 932,83 euros à compter du 13 novembre 2020 jusqu`au parfait paiement.

Le tribunal a également dit qu'en application de l'article 1343-2 du code civil les intérêts échus depuis plus d'un an seront capitalisés et produiront à leur tour des intérêts à compter de la signification de l'assignation.

Or, il n'y a pas lieu à capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, puisque la règle selon laquelle aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du code de la consommation ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation d'un prêt immobilier ou de défaillance prévus par ces articles, fait obstacle à l'application de l'article 1343-2 du code civil.

Par conséquent le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts.

°°°°°°

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [P] et Mme [U], qui échouent pour l'essentiel de leurs demandes, supporteront la charge des dépens et ne peuvent prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche, pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de l'intimé formulée sur ce même fondement mais uniquement dans la limite de la somme globale de 3 000 euros, et le jugement déféré étant infirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à indemnité procédurale.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

REJETTE la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société EOS France ;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il :

- Déclare irrecevable la fin de non recevoir tirée de la prescription ;

- Condamne solidairement M. [F] [P] et Mme [C] [U] au paiement de la somme de 100 042,31 euros montant de sa créance en principal, intérêts et accessoires au titre du prêt n°0810040632019, avec les intérêts conventionnels majorés de trois points au taux de 5,73 % l'an sur la somme en principal de 90 164,97 euros à compter du 13 novembre 2020 jusqu'au parfait paiement ;

- Condamne solidairement M. [F] [P] et Mme [C] [U] au paiement de la somme de 68 433,32 euros montant de sa créance en principal, intérêts et accessoires au titre du prêt n°0810040632001, avec les intérêts conventionnels majorés de trois points au taux de 6,50 % l'an sur la somme en principal de 59 932,83 euros à compter du 13 novembre 2020 jusqu'au parfait paiement ;

DIT que ces condamnations sont prononcées au profit de la société EOS France agissant ès qualités de recouvreur du Fonds commun de titrisation venant aux droits de la Société Générale ;

- INFIRME le jugement déféré en ce qu'il :

* Dit qu'en application de l'article 1343-2 du code civil les intérêts échus depuis plus d`un an seront capitalisés et produiront à leur tour des intérêts à compter de la signification de l'assignation,

et statuant à nouveau de ce chef infirmé :

DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

* Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

et statuant à nouveau de ce chef infirmé :

CONDAMNE in solidum M. [F] [P] et Mme [C] [U] à payer à la société EOS France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'instance ;

DÉBOUTE M. [F] [P] et Mme [C] [U] de leur propre demande formulée sur ce même fondement ;

CONDAMNE M. [F] [P] et Mme [C] [U] aux entiers dépens d'appel et admet Maître Aurélie Pauck, associée de la SCP Malpel & Associés, avocat constitué, du Barreau de Fontainebleau, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

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